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Full text of "Le procès de Guichard, évêque de Troyes (1308-1313)"

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LE PROCES DE GUICHARD 



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EVEQUE DE TROYES 



(1308-1313) 



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MEMOIRES ET DOCUMENTS 



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PUBLIES PAR LA SOCIETE DE L'ECOLE DES CHARTES 



I 



LE PROCÈS 



DE 



GUICHARD, ÉVÊQUE DE TROYES 



(1308—1313) 



PAR 



ABEL RIGAULT 

Archiviste-paléographe , 
Attaché au ministère des Affaires étrangères 







PARIS 

A. PICARD ET FILS, ÉDITEURS 
Libraires de la Société de l'École des Chartes et des Archives Nationales. 

82, rue Bonaparte, 82 



1896 



Alphonse Vétault. 



SEP 27 1911 



Sur la proposition de la Commission des Mémoires et docu- 
ments publiés par la Société de l'École des Chartes, le Conseil 
de la Société a décidé la publication de la thèse de M. Abel 
Rigault, Le procès de Guichard, évêquede Troycs, dans la collec- 
tion des Mémoires et documents. M. Auguste Molimer, membre 
de la Société, a été désigné pour surveiller l'impression du 
volume en qualité de commissaire responsable. 

Fait à Paris, le 14 mars 1896. 

Le président de la Société, 

Signé : A. Giky. 

Le commissaire responsable, 

Signé : A. Molimer. 



AVANT-PROPOS 



« Les premières années du xiv e siècle ne sont qu'un long 
procès. Il y eut comme une épidémie de crimes... Les 
accusations vinrent en foule, empoisonnements, adultères, 
faux, sorcellerie surtout. Cette dernière était mêlée à toutes, 
elle en faisait l'attrait et l'horreur... Le premier de ces 
vilains procès de sorcellerie est celui de Guichard, évêque 
de Troyes, accusé d'avoir par engin et maléfice procuré la 
mort de la femme de Philippe le Bel * . » 

A vrai dire, trente ans plus tôt, on avait déjà vu, sous 
Philippe III, la cour de France émue d'un scandale de ce 
genre, où Ton parlait de poison et de mauvais sorts, louche 
intrigue où s'étaient trouvés compromis, avec deux béguines 
de Flandre, l'évêque de Bayeux, Pierre de Benais, et son 
cousin, qui fut pendu pour ce fait, le conseiller et le favori 
du roi, Pierre de la Broce 2 . 

1. Michelet, Histoire de France, liv. V, ch. 5. 

2. Voy. l'enquête, publiée par J. de Gaulle, Bulletin de la Société de l'his- 
toire de France, 1844, pp. 87-100 (ri'ap. Arch. Nat., J. 429), et par Léopold 
Delisle, Carlulaire normand, n° 927. — Une information fut commencée 
contre Pierre de Benais sur les accusations qu'il avait répandues contre 
Marie de Brabant, la deuxième femme du roi. et sur ses tentatives d'embau- 
chage vis-à-vis des béguines de Flandre : mais l'évêque s'était enfui dans 
les domaines du Saint-Siège et le pape arrêta l'affaire (1278). 



AVANT-PROPOS 

e furent surtout les dernières années de Philippe IV 
me de Louis X que troublèrent ces enquêtes 
uses où l'on trouvait mêlés à des griefs plus com- 
lérésie, la magie et d'autres « crimes énormes. » 
* coup, en quinze ans, on vit, à côlé des grands 
e Saissel, de Boniface et du Temple, ceux d'Ar- 
Villeneuve ',de Guiehard de Troyes, de Margue- 
!e -, de Pierre de Latilly 3 , d'Enguerrand de Mari- 
affaire du cardinal François Caïetani, neveu 
ace VIII û , celle de Mahaut d'Artois G , d'autres 

ocèseullieu à Paris en 1299: il était accusé d'hérésie. Vov. Mit. 
XVIII, 35. 

en Grève le 31 mai 1310, comme hérétique. Son procès est 
■s nationales fJ. 428). Voy. B. Hauréau, Hùt. lill., XXVII, 70-74; 
auglois, Revue historique, 1 89+, mars-avril, pp. 293-299. 

de LAtiily, chancelier, évèque de Châlons, fut accusé eh 1315 
:uré la mort de Philippe le Bel et de Louis te Hulin : il Tut 

el un tribunal ecclésiastique fut appelé à se prononcer sur son 

de Nangis, Hûlor. de France, XX, 609-15). 
ocès eut lieu a Vincennes le 18 mars 1315 : sa condamnation fut 



par les sortilèges que sa femme et sa Ijclte-sœur pratiquaient 
;ier et une sorcière pour le débarrasser de ses ennemis, le roi et 
Elles avaient fabriqué des images de cire consacrées au démon ; 
dirent qu'elles l'avaient fait pour que le roi rendit son amitié à 
(Jean de S. Victor, Histor. île Fr., XXI, 660-01). Voy. Mil. lit- 
Tlïï, 458-00. 

y'at., Clairambaull. n° 487, p. 427 : Rapport d'Evrard de Bar- 
ir une tentative d'envoûtement par le cardinal François Caïetani 
rdinaui, le roi et le comte de Poitiers (avril 1316). Voy. Ber- 
herches historique» sur l'origine, l'élection et te couronnement du 
XII, Paria, 1834. S». 

:, comtesse d'Artois et de Bourgogne, fut accusée en 1317, par 
•■ du pays d'IIcsdin, de maléfices et de meurtre. Ses deux filles 
?ompromises dans le scandale de la Tour de Nesle : on disait 
avait composé un philtre pour amener la réconciliation de son 
lippe, comte de Poitiers, avec sa femme Jeanne, détenue à 
i avait prétendu encore qu'elle avait empoisonné le roi Louis X 
rr a ses enfants l'accès du trône de France : elle fut reconnue 
ov. l'enquête publ. par le ra'* de Godcfroy-Ménilglaîse, Mèm. de 
intiq. de France, XXVIII, 181. 



AVANT-PROPOS III 

encore. C'était, entre toutes les époques du moyen âge, un 
temps de sortilèges et de nécromancie *. 

Toutes ces enquêtes n'eurent pas un même éclat. Le 
peuple ne vit point aussi curieusement le procès de Margue- 
rite Porete, brûlée en Grève pour ses hérésies dogmatiques, 
que les procès des Templiers, de Boniface, de Guichard ou 
d'Enguerrand, accusés d'œuvres sacrilèges et diaboliques, 
de pratiques honteuses et criminelles. La situation des per- 
sonnages, leur nom fit moins encore pour l'attrait de ces 
causes que la singularité de leurs crimes, surtout du crime 
de magie, habilement insinué parmi les griefs. 

Le procès de Guichard de Troyes ne fut pas un simple pro- 
cès de sorcellerie : peut-être, à ce moment de lutte ardente 
contre le pape, couvrait-il une action politique ; il fut, au 
fond, le dénouement tragique , sous la main violente de 
Nogaret, d'une longue et sourde intrigue de cour. Mais 
pour la foule, qui vit surtout l'appareil des débats et n'en 
put entendre que le bruit, ce fut une ténébreuse affaire, 
sorcellerie, meurtres, sodomie, poison mêlés à d'autres 
crimes, et dont les imaginations restèrent longuement frap- 
pées. 

Sur lui mirent moult d'acoisons, 
Murdres, bougueries, poisons, 
Qu'il n'avoit point esté filz d'home, 
Pluseurs dolleurs que je ne nomme... 
Tous cas vilains, tous cas obscurs... 

\. Les chroniques sont pleines de récits de sortilèges; v. entre autres 
dans la Gontin. de Girard de Frachet (Histor. de F/\, XXI, 60) l'histoire du 
sorcier de Chàteau-Landon (1323) ; — Gontin. anonyme de Jean de Saint- 
Victor (ibid.y 688), l'histoire « du prieur de Morigny delès Estampes qui 
vouloit renouveler une doctrine de nigromence déjà condamnée appelée 



IV AVANT-PROPOS 

Rien n'y manqua de ce qui pouvait faire la caiise reten- 
tissante : la qualité -de l'accusé, un prélat ayant eu richesse 
et honneurs, favori de la feue reine, jadis un des principaux 
de la cour du roi ; — le nom de l'accusateur, Louis, roi de 
Navarre et comte de Champagne, fils aîné du roi de France ; 
— la nature et le nombre des crimes, entre lesquels on 
comptait l'envoûtement d'une reine de France et l'empoi- 
sonnement de la reine de Navarre. Solennelle et passion- 
nante fut l'ouverture du procès, quand, le premier dimanche 
d'octobre 1308, devant la foule du peuple et des clercs 
réunis dans le jardin de la Cité, — comme l'année précédente 
pour les Templiers, — on lut l'exposé des crimes de l'évêque. 
On était en pleine affaire du Temple ; c'était le moment 
même où les poursuites allaient être reprises contre la 
mémoire de Boniface VIII 1 : les gens du roi, gravement, 
avec une froide complaisance, et comme dans « un acre 
plaisir de vengeance », étalaient à la fois les turpitudes d'un 
ordre, d'un évêque et d'un pape, et semblaient avoir dans 
un même dessein concerté ce formidable appareil d'accu- 
sations. 

Ce furent en tout cas les mêmes hommes qui dirigèrent 
les trois procès. En même temps qu'il composait les griefs 
contre les Templiers et qu'il rédigeait ses accusations contre 
Boniface, Nogaret trempait dans le procès de Guichard, où 
il agissait de concert avec Noffo Dei, ce lombard que Vil- 
lani regarde comme le dénonciateur de l'ordre du Temple-. 

ars notoire, qui promettait à conquérir toute manière de science sans nulle 
étude et sans tout maître. » Richesse, science, amour, vengeance, on 
croyait pouvoir tout demander à l'art démoniaque de la sorcellerie. 

1. Clément V avait fixé au 2 février 1 309 l'ouverture des débats. 

2. M. C. Piton [Hevue de l Orient latin, 1N93, n° ty, mettant en compa- 



AVANT-PROPOS 



Les trois procès furent conduits ensemble : ils devaient avoir 
ensemble leur dénouement. Quand le concile de Vienne eut 
réglé l'affaire du Temple, on vit s'assoupir et se terminer 
les deux autres procès, comme s'ils n'en eussent été que les 
corollaires. 

La concurrence a fait tort au procès de Guichard : 
l'histoire de l'évêque de Troyes est restée, jusqu'à nos 
jours, presque inconnue et comme étouffée entre ces deux 
grandes causes, le procès des Templiers et celui de Boni- 
face VIII; et si quelques-uns en ont senti l'attrait, on 
ne voit pas qu'ils aient cherché à en lire jusqu'au bout ni 
dans le détail les si curieuses pièces. Fleury, dans son 
Histoire ecclésiastique* , s'en tient à ce que lui apprennent 
le continuateur de Nangis et Baluze 2 ; et les historiens 
troyens des xvn e etxvin e siècles ne sont pourvus que d'aussi 
maigres renseignements. A part un acte important relatif à 
l'église de Troyes, Nicolas Camuzat 3 n'a connu sur Guichard 
que la relation , la rumeur atfaiblie des chroniques 4 ; 



raison les versions de Villani, d'Amalric Augier et la déposition de frère 
Ponzard de Gisi, erait pouvoir conclure que Noflb Dei ne fut point le 
dénonciateur de Tordre du Temple, contre l'opinion jusqu'ici admise et 'que 
le chroniqueur florentin a fait un quiproquo : le véritable dénonciateur 
serait Esquiu de Floyrac, prieur de Montfaucon, et Noflb Dei ne serait 
intervenu que dans le procès de Guichard. 
i. XIX, 233-3'*. 

2. Vil<r paparum Avenionensium, I, 593-9 't. — Des pièces du procès, Ba- 
luze ne rapporte d'ailleurs que le mandement d'enquête. 

3. Protnptuarlum sacrarum antiquitatum Tricassirue diocesis ( Troyes 
1610, 8»), fol. 193 et sqq. 

4. Les chroniques originales qui nous rapportent, — en quelques lignes 
ou quelques vers trop brefs et trop pâles, — le bruit du procès sont : celle 
de Jean de Saint-Victor (Ilistor. de France, XXI, 6*4-652) ; — la chronique 
rimée attribuée à (ïeffroi de Paris (ibid., XXII, 117] ; — la continuât, de 
la Chronique de Guillaume de Nangis (ibid., XX, 598). — Les chroniques de 
Saint-Denis, la contin. de Girard de Frachet n'ont rien d'original. 



AVANT-PROPOS 

îuerrois ' , Grosley 2 et CourLalon 3 n'ont fait que le 
r. 

commencement du xix° siècle, le sujet attira l'allen- 
e Boissy-d'Anglas, qui en fit une élude de quelques 
1 : mais il semble qu'il n'ait connu les pièces que 
nventaire de Dupuy et qu'il ne se soit point risqué à 
pper les rouleaux d'enquête : en tout cas il n'a point 
lire 5 . Il a compris toutefois quel rapport, ou du 
, quelle ressemblance existait entre ce procès et celui 
mpliers, et l'a signalée sans l'approfondir, en émellant 
cause du procès de Guichard, avec une connaissance 
santé du sujet, une hypothèse qui ne nous semble 
ndée. Un récent historien de Troyes, M. Théophile 
>t 6 n'a fait qu'abréger le mémoire et prendre les con- 
is de Boissy-d'Anglas, en ajoutant quelques rensei- 
;nls puisés à l'Inventaire des Archives départemen- 
Je l'Aube par M. d'Arbois de Jubainville, ou tirés de 
:s qu'il n'indique pas, — sans se dispenser, non plus 
oissy-d'Anglas, d'erreurs grossières. 



îs des évoques de Troyes, dans La Sainctetè chrestienne (Troyes, 

), fol. 365-66. 

•hèmérides troyennes (1760 et 1811). 

urtalon-Dclaistre, Topographie historique rfu diocèse et de la ville 

les (1783), I, 365-67. 

■moire sur le procès de Guichard, êvêque de Troyes, en 4304 et années 

■s [Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belle* Lettres. iRlî, 

I, pp. 603-CI'J). 

■ici quelques-unes des erreurs de Boissy dWngla*; elles donnent 

e de la légèreté qu'il apportait à celte ('tinte : il lit Poulinant 

jursaud ; un incube nommé Pelant pour Nolon ; le prieur de S.iitit- 

e pour Saînl-Avoul ; Guillaume iTHanger* pour Guillaume île Ilan- 
placo enfin en 1304, sans qu'on sache pourquoi, nue enqui'-le Faite 
par NoITo Dei, brouillant ainsi les faits et la marche du prvcès. 

stoire de Troyes et de lu (iliampar/ne rtifritlmnale, 11, D-MI, 



^! ' 



AVANT-PROPOS VII 

Cependant les pièces du procès se trouvaient réunies aux 
Archives Nationales, dans un carton du Trésor des Chartes, 
(J. 438), à côté des autres grands procès de l'époque, comme 
ceux de Pierre de Benais, de Bernard Saisset, de Robert 
d'Artois, etc. Voici quelles sont ces pièces, d'ailleurs d'im- 
portance fort inégale : 

N°* 1 et 2. Lettres de Jean de Calais au roi et à la reine de 
France (en français). 

3. Pièce du « processus » qui semble inachevée. 

4. Rouleau : enquête de Noffo Deià Troyes (1 er décembre 1308) 
portant au dos : Informatio sécréta contra Guichardum episco- 
pum Trecensem (en français). 

5. Articles contre l'évêque de Troyes (en français). 

6. Rouleau : dépositions des témoins. 

7. Rouleau : Processus factus in negocio inqueste episcopi 
Trecensis, una cum pluribus aliis ad dictam inquisitionem per- 
tinentibus. 

8. Rouleau : articles du bailli de Sens contre l'évêque de Troyes. 

9. Articles contre l'évêque de Troyes, portant au dos : Les 
noviaus articles et la commission le pape contre Vevesque de 
Troies, que Von baillera monseigneur Guillaume de Nougaret. 
(double du n° 5). 

10. Lettres de procuration de l'évêque pour sa défense. 

11. Lettre de démission de l'archevêque de Sens. 

12. Lettre de Jean de Gray, greffier dans l'enquête au pape. 

En outre, dans le carton J. 206, se trouve une pièce qui 
nous a paru distraite du dossier d'un procès mené contre 
l'évêque antérieurement au grand procès de 1308 : c'est une 
lettre personnelle de Guichard à un « épicier » florentin. 

Les renseignements que nous a procurés le dépouillement 
de cette longue enquête sur la période de la vie de Guichard 



VI11 AVANT-PROPOS 

antérieure au procès sont fort nombreux et circonstanciés : 
c'est grâceà eux particulièrementque nousavonspu connaître 
cette mystérieuse affaire de Jean de Calais qui précéda le 
grand procès et qui n'en fut, selon nous, que le prélude ; 
mais ces renseignements portent aussi sur la carrière de 
l'évêque, depuis sa naissance jusqu'au jour où il fut arrêté, 
sur son élévation successive aux dignités de prieur, d'abbé, 
enfin d'évêque, sur son rôle en Champagne, surtout ce que 
l'on pourrait appeler d'un mot, ses antécédents. 

Les Archives de l'Aube nous ont fourni en quelque sorte 
la contre-preuve de ces renseignements : elle nous en ont 
permis la confirmation et le contrôle. Du fonds de l'évêché, 
du fonds du chapitre, de celui de Montier-la-Celle dont 
Guichard fut abbé, nous avons tiré un certain nombre d'actes 
qui nous ont servi à fixer des dates, à préciser des faits. 
Deux actes des plus importants relatifs à cette période 
avaient déjà été publiés : Camuzat avait édité, à peu près 
correctement, le grand règlement de 1304 entre l'évêque et 
son chapitre { ; l'abbé Lalore avait publié, avec sa fantaisie 
habituelle, l'enquête relative au palefroi de l'évêque Gui- 
chard, dans l'affaire de Notre-Dame-aux-Nonnains 2 . Nous 
avons collationné et réédité le premier de ces actes à cause 
de son importance pour l'histoire de l'évêque; nous nous 
contentons de signaler la mauvaise édition du second. 
L'abbé Lalore a encore tiré des Archives de l'Aube ou de la 
bibliothèque de la ville de Troyes quelques pièces ou men- 
tions que leur publication ne nous a pas dispensé de revoir 
et de reproduire après lui. 

1. Ouv, cit., fol. 193. 

2. Ch. Lalore, Documents relatifs à l'abbaye de Xotre-Dame-aux-Xon- 
nains de Troyes, pp. 133-37. 



AVANT-PROPOS IX 



Les Archives de Seine-et-Marne — Guichard fut prieur 
de Saint-Ayoul de Provins — ne nous offraient point de 
ressources, le fonds de Saint-Ayoul n'ayant plus d'archives 
anciennes. Nous avons utilisé à Provins le Cartulaire de la 
ville de Provins* et le manuscrit d'une Histoire ecclé- 
siastique de Provins par l'abbé Ythier, conservés à la 
bibliothèque de la ville. 

La Bibliothèque Nationale nous a d'ailleurs donné un 
complément de renseignements non moins abondant et plus 
intéressant que les fonds d'archives diverses. Sans parler 
des extraits du Journal du Trésor de Philippe le Bel 2 , de 
la Table de Robert Mignon 3 , de la collection Moreau, qui 
nous ont donné les comptes de régale de Pévêché de Troyes 
avant la nomination de Guichard, les comptes de mainmise 
pendant l'emprisonnement de l'évêque, — nous avons 
retrouvé, dans une version de Renard le Contrefait par un 
clerc de Troyes 4 , environ cent cinquante vers sur l'histoire 
de Guichard, écrits trente ans à peine après le scandale 
de son procès, et qui nous donnent, avec la chronique 
rimée attribuée à Geffroi de Paris, l'impression produite 
sur les contemporains par cet événement. 

Ainsi reconstitué, il s'en faut que le procès de Guichard 
ait encore toute sa physionomie. Avec les documents dont 
nous disposions, ceux de l'enquête surtout, dont les pièces 
intactes nous gardaient encore de cette histoire, après six 



4. M. Félix Bourquelot en a donné une analyse dans la Bibliothèque de 
V École des Chartes, 4 e série, tome II, pp. 494, 428. 

2. Bibl. Nat., ms. lat. 9783. 

3. Bibl. Nat., ms. lat. 9069. 

4. Bibl. Nat., ms. franc., 370. 



'A.\ï--i>IUJI'OS 



comme une impression fraîche el la couleur 
a choses, nous avons essayé de restituer la vie 

et cette figure personnelle de prélat grand sei- 
llure mondaine, dont la fortune fut un roman, 
êque nous apparaît avec des traits plus nets, si 

pu, mieux que nos devanciers, approfondir 
ieux procès, — nous ne craignons point de 
nigme toujours nous échappe. De ce drame his- 
t enveloppé de silence, l'intrigue nous arrive 
iloutfée, comme une rumeur trop lointaine ; sur 
é que l'on sent si agitée, si passionnée, si 
p de temps et d'oubli a passé : trop de noms 
iconnus, trop d'autres sont effacés, trop peu nous 
ligures animées; et plus d'un même, des pre- 
nnages, serait encore à connaître : Jeanne, la 
ance, sa mère, la reine Blanche de Navarre, et 
dont le rôle étrange et obscur n'a jamais été 
Fo Dei. 

n'avons pu réussir à le reproduire avec son 
ein relief, du moins avons-nous mis au jour ce 
îux qui nous fait connaître, avec la vérité de la 
a saveur de la vie intime, les personnages 1 , les 

croyances d'une société. 

pouvions, sans donner à ce travail un volume 
apporter intégralement les dépositions des 
it la masse emplit un rouleau de cinquante-trois 
longueur. D'autre part, les témoins, interrogés 
même formulaire, ne font souvent que se 
>us avons cru pouvoir, pour chaque article d'ac- 



AVANT-PROPOS XI 

cnsation, condenser et fondre les témoignages pour en faire 
une suite et un tout, en nous bornant d'ailleurs à urie tra- 
duction stricte : le récit, sans perdro de sa couleur, ne fait 
que gagner en intérêt à cette concentration, et le rapproche- 
ment facilite la comparaison et le contrôle des témoignages 
les- uns par les autres. Nous avons eu soin, par nos réfé- 
rences, de distinguer les témoignages dans le corps d'un 
article ; et quand l'expression latine nous a paru particulière- 
ment intéressante ou lorsqu'elle restait douteuse, nous 
l'avons maintenue dans le texte ou ajoutée en note. Nos 
renvois aux dépositions sont ainsi donnés : le chiffre romain 
indique trois séries de dépositions sur les trois séries d'ar- 
ticles proposés contre l'évêque ; le chiffre arabe indique le 
numéro de l'article ; suit enfin le nom du témoin. 

La graphie des noms de personnes italiens que nous ren- 
contrions en latin nous offrait une difficulté que nous n'avons 
pas résolue. Il eût été délicat d'italianiser ces noms comme 
de les traduire en français. Ces noms se trouvaient quelque- 
fois francisés dans le texte : nous avons alors gardé la forme 
française. Quand ils étaient en latin, nous avons traduit le 
prénom et laissé le second nom en italique avec sa forme 
latine (Jacobus Aringi : Giacopo Aringi). 

Ce mémoire est une thèse de l'Ecole des Chartes. C'est à 
M. Ch. -Victor Langlois que nous en devons l'idée : il fait 
partie d'un ensemble de travaux relatifs à l'époque de Phi- 
lippe le Bel dont il a conçu le plan et dont il dirige l'exécu- 
tion dans ses conférences de la Faculté des Lettres. Nous 
remercions vivement notre savant maître des conseils qu'il 
nous a donnés pour cette étude; c'est à lui qu'en revient 



AVANT-PHOPOS 

mage. Nous remercions également M. Auguste 
ier, professeur à l'École des Chartes, qui a mis tout 
in à revoir les épreuves et à qui nous devons maintes 
liions; M. Francisque André, archiviste de l'Aube; 
la Société de l'École des Chartes, qui a bien voulu 
irer avec notre travail une nouvelle série de Mémoires 
zuments. 



LE PROCES DE GUICHARD 

ÉVÊQUE DE TROYES 

(1308-1313) 



PREMIÈRE PARTIE 
LA CARRIÈRE DE GUICHARD 



CHAPITRE I" 

AVANT l'ÉPISCOPAT 

I. Origine de Guichard. 

Guichard naquit à Villemaur 1 , dans une maison sise en face du 
prieuré de Saint-Flavit 2 , vers le milieu du xin 6 siècle 3 . Son père 
s'appelait Jean Guichard, et sa mère Agnès 4 : on ignore quelle 
était leur condition 5 . Sur sa famille on ne sait rien de plus, à 
peine quelques détails qui nous montrent que, plus tard, parvenu 

1. Aube, arr. Troyes, c on Estissac. — Nous ne savons d'après quelle 
source Prosper Tarbé (Poètes de Champagne, Le roman du Renard contre- 
fait, Reims, 1851, p. 90) l'appelle : Guichard de Pontigny. 

2. Dépos., II, 1, Prieur de Nesle : « Dictus enim Guichardus natus fuit 
« apud Villam Mauri ante prioratum Sancti Flaviti, qui prioratus subest 
« dicto monasterio Celle. » 

3. Dépos., I, Perrote de Pouy : il paraissait environ 60 ans vers 1305. 
C'est le seul renseignement qu'on ait sur son âge. 

4. Dépos., II, 1, Prieur de S. Ayoul. 

5. Au cours du procès, il n'est parlé d'eux qu'une fois, à propos de la 
naissance diabolique de Guichard (Dépos., II, 1), sans qu'il soit fait mention 
de leur rang ni de leur situation : ce qui peut faire supposer qu'ils n'étaient 
point de condition très relevée. 

Mêm. et dor. de l'Et. des Chartes. 1 



AVANT L ÉPISCOPAT 

■e haute situation, Guichard s'entoura des siens. 11 avait des 
eux et des cousins dont il fit ses familiers ou <jui entrèrent 
s les ordres '. 

L la naissance de Guichard, le bruit aurait couru dans le pays 
la maison de son père était hantée du démon, et Nicolas, 
juede Troyes, serait venu à Villemaur asperger les lieux d'eau 
île et exorciser la mère - : si douteuses que soient les aflîrma- 
s de témoins suspects, produits soixante ans après les faits. 
>toire n'a rien de trop étrange, et les dires rapportés au procès 
vaient reposer sur quelque fond. 

>e l'enfance de Guichard, on ne sait rien. D'abord clerc sécu- 
3 , il fut ensuite moine de l'abbaye de Montier-la-Celle-lez- 
yes*, dont dépendait le prieuré de Saint-Flavit de Ville- 
ir°, en face duquel il avait sans doute été élevé. La réputation 
ia naissance l'y aurait suivi et l'aurait exposé aux railleries de 
camarades fi . L'abbaye de M on tier-la-Celle était une des plus 
sidérables du diocèse de Troyes, el avait été au Xli' siècle une 
ade école monastique 7 : on ignore toutefois quelle éducation 
;çut le jeune moine, 



Garnicr, Perrinet de la Planche, Becart (Dépos., II, 22, Hermand de 
.us; [I, 14, Jean des Sa in tes- Vertus). Un autre, Guichard, fut moine de 
tier-la-Celle (Dépos., H, 22, Hermand de Vertus). Un cousin germain, 
Troi, fut curé de Maisoncelles (Dépos., II, 1, Agnès la Basine). On 
ve encore mention d'une cousine excommuniée qu'il aurait eue pour 
ubine (Dépos., II, 14, Jean Patriarche). Le père de Guichard avait 
; frères (Dépos., Il, I, Jacques Quarrei). 

Dépos., 11, 1. — Nicolas de Brie, cvêque de Troyes de 1233 à 1269. 

D'après le clerc de Troyes, auteur du Renard contrefait. 

Aujourd'hui faubourg de Troyes, c" s de Saint-André. 

Dépos., II, I, G. Pastourel. 

Ibld., G. Pastourel, Prieur de Saint-Ayoul. 

L'un des élèves du couvent avait été Pierre de Celle, qui fut abbé de 
tier-la-Celle et évéque de Chartres. L'abbaye avait servi d'asile à 
;de Salisbury. On v enseignait alors la théologie, la philosophie, l'his- 
• et même le droit civil. Voy. liai, lit!., IX, 102-10:1; XIV, 237 cl suiv. 



GUICHARD, PRIEUR DE SAINT-AYOUL DE PROVINS 



II. Guichard, prieur de Saint-Ayoul de Provins. 

Dès 1273 *, Guichard était prieur de Saint-Ayoul de Provins, 
qui dépendait de Montier-la-Celle. Comment fut-il distingué 
entre les autres moines, on ne le sait; mais, lorsqu'il fut nommé, 
Guichard était déjà cellerier du prieuré 2 , ou prieur de Sainte- 
Croix de Provins 3 . A l'élévation de son prédécesseur, Regnaud 
Bure tel, au prieuré de Saint-Ayoul, il aurait protesté auprès de 
l'abbé de Montier-la-Celle, Félix, qui lui aurait promis la charge 
à la prochaine vacance, le trouvant encore trop jeune 4 . Regnaud 
étant mort au bout de trois semaines, Guichard le remplaça. On 
lui fit un grief de son élévation rapide, et le bruit courut qu'il 
avait empoisonné son prédécesseur 5 : il faisait déjà des envieux 6 . 
Le prieuré de Saint-Ayoul de Provins était, par sa situation, le 
plus important de la dépendance de Montier-la-Celle. Au siècle 
précédent, il avait eu l'honneur d'accueillir Abélard, réfugié à 
Provins, et c'est là, sans doute, que, suivi par les élèves de son 
école parisienne, le jeune maître avait professé 7 . A sa situation 

1. La date de son élévation n'est point certaine : nous la donnons telle 
qu'elle parait résulter des témoignages de l'art. 2 de la deuxième série d'ac- 
cusations du procès. L'abbé Ythier (Hist. ecclés.de Provins, t. V, p. 78) rap- 
porte qu'« en 1273, au mois de juillet, Fr. Guichard, priex de Saint-Ayoul, 
« est nommé dans un titre où il vend à Renier Accorre quelques rentes sur 
« maisons, fouleries et chambres seizes à Provins » ; il croit à tort que 
Guichard succéda à Jean de S. Pliai. Son prédécesseur direct fut Regnaud 
Buretel, qui d'ailleurs ne fut prieur que trois semaines. Or Jean de S. Phal 
était encore prieur en 1271 (abbé Ythier, t. VII, p. 338, d'ap. une charte de 
Renier Accorre). Guichard devint donc prieur entre 1271 et juillet 1273. 

2. Dépos., II, 2, Prieur de Rumilly. 

3. Ibid., Guill. Pastourel. — Il y a sans doute erreur dans cette déposi- 
tion : il est plus vraisemblable que Guichard fut cellerier de Saint- 
Avoul. 

4. Ibid., Prieur de Saint-Ayoul. 

5. Dépos., II, 2. 

6. Dont pluseurs furent envieux. 

(Ben n rd con trefn it) . 

7. Hist. Hit., IX, 8'*-8o. — L'abbé Ythier, dans son Hist. ecclës. de Pro- 
vins, t. V, p. 72, mentionne la retraite d'Abélard a Saint-Ayoul en 1118. 



i 



«r=r-.? 



4 AVANT l'éPISCOPAT 

dans la grande ville champenoise, — avec Troyes la résidence 
préférée des comtes 1 , — le prieuré de Saint-Ayoul, assis au pied 
de leur palais, avait dû mainte libéralité, mainte exemption 2 , et 
ce privilège extraordinaire, dont l'avait doté Henri le Libéral, 
d'avoir tous les ans, pendant les sept premiers jours de la grande 
« foire de Saint-Ayoul », la justice de la ville et delà chàtellenie 
de Provins 3 . Comme Saint-Quiriace dans la ville haute, Saint- 
Ayoul était la principale église de la ville basse, et autour d'elle 
se tenait la foire de septembre, comme la foire de mai autour de 
Saint-Quiriace 4 . 

C'est à la tête de ce prieuré, situé au milieu d'une ville popu- 
leuse et pleine d affaires, à la porte de riches et puissants sei- 
gneurs, dans une condition particulière et enviée, que Guichard 
venait d'être placé. Ce fut l'origine de sa fortune. 

De son administration conventuelle nous avons encore quelques 
actes 5 , dont deux relatifs à des démêlés du prieuré avec l'église 

1 . D'Arbois de Jubainville, Hist, des ducs et comtes de Champagne, IV, 
799. 

2. Ibid., III, 267, 295, 298, 301. 

3. Ibid., III, 169 (en 1153). Cf. André Lefèvre, Les finances de la Cham- 
pagne, p. 45. — La foire de Saint-Ayoul se tenait à l'Exaltation de la Sainte- 
Croix et durait jusqu'à la Toussaint (Bourquelot, Foires de Champagne, 
p. 82). 

4. Bourquelot, ibid., p. 80 et suiv. 

5. Voici les actes que nous avons relevés : 

1° Bourquelot, Le Cartulaire de la ville de Provins (Bibl. de l École des 
Chartes, 4 e série, t. II, p. 194) : Prise d'eau concédée aux religieux de 
Saint-Ayoul par Roger de Longvilliers, bailli de Meaux et de Provins, 
janvier 1281 (Cartul., f° 35 v°, copie du xvn c s.). 

2° Bibl. Nat., Coll. Moreau, vol. 206, p. 164 : Contrat de Guichard avec 
un verrier pour les verrières de l'église Saint-Ayoul (août 1283). — 
Voy. abbé Ythier, Suppl. à Vhist. du prieuré et de la paroisse de Saint-Ayoul, 
pp. 11-13; — A. Moissant, Campaniae comitum genealogia... (Paris, 1607) 
p. 26 : « Prioratûs divi Aygulphi chorus ab abbate Richardo seu Trichardo 
(c (uti vitreum adhuc continet) uti nunc est, œdificatur 1287. » Moissant fait 
une erreur de date. 

3° Ibid., vol. 202, p. 159 : Accord entre l'église de Saint-Ayoul et Notre- 
Dame-du-Val de Provins (décembre 1278). 

4° Lalore, Cartulaire de Vabbaye du Paraclet, pp. 260-61. — Octobre 
1281 : « Lettre d'ungdiscord sur une maison à Provins faisant le coing de 



GUICHARD, PRIEUR DE SAINT-ATOUL DE PROVINS 5 

Notre-Dame-du-Val et le couvent du Paraclet. C'est lui qui 
aurait fait bâtir le chœur de Saint-Ayoul, dont il fit poser les 
verrières, blanches à deux images de couleur, pareilles à celles 
des Frères Prêcheurs de Provins. 

Guichard était prieur de Saint-Ayoul lorsqu'éclata la fameuse 
révolte de Provins, où les ouvriers drapiers, à l'occasion de 
l'augmentation des impôts et de la prolongation des heures de 
travail, s'insurgèrent et massacrèrent le maire, Guillaume Pen- 
tecôte (29 janvier 1280) *. Quels furent son attitude et son rôle au 
moment de cette sédition ? On l'accusa plus tard de l'avoir fomen- 
tée et d'en avoir tiré profit : il aurait accepté en garde dans un 
bâtiment du prieuré tout ce que les Provinois avaient de plus pré- 
cieux; puis, après avoir déménagé secrètement tout ou partie 
des objets qui lui avaient été confiés, il aurait mis le feu au bâti- 
ment, afin de pouvoir dire que les biens avaient péri dans 
l'incendie : des témoins assurèrent qu'il avait ainsi commencé sa 
fortune 2 . 

Cette double accusation est délicate à contrôler. Mais si, mal- 
gré le nombre de témoignages affirma tifs, à cause du caractère 
tendancieux de l'accusation, on peut hésiter sur le second point, 
le crime d'abus de confiance et de vol, — il est difficile d'accep- 
ter le premier grief, sur lequel l'accusation elle-même reste incer- 
taine 3 . 



la rue duMynage, devant la Fontaine Saint-Ayoul. » (Cartul., fol. 77 et 284 
v°, Bibl. de Troyes, ms. 2284). — Le prieur de Saint-Ayoul, qui avait saisi 
la maison « ratione novalium, nolens quod dicta domus pênes ipsas religio- 
« sas inmanum mortuam remaneret », renonce à ses prétentions. 

L'abbé Ythier (Hist. ecclés. de Provins, V, pp, 78-79) mentionne encore 
Guichard comme prieur de Saint-Ayoul, d'après un acte de 1281 où il reçoit 
une donation en faveur de THôtel-Dieu. 

1. Sur la rébellion de Provins, v. F. Bourquelot, Hist. de Provins, I, 
235-248 ; — Le Cartulaire de la ville de Provins (Bibl. de V École des Chartes, 
4« série, t. II, p. 225). 

2. Voy. la deuxième série d'accusations contre révoque, articles vu etvm, 
et les dépositions relatives à ces articles. 

3. Elle ne fut produite qu'après coup. Cf. les articles préparatoires et 
les articles définitifs. 



6 AVANT l'ÉPISCOPAT 

Aussi bien le prieur devait redouter la terrible répression qui 
suivit et la suspicion de la cour de Champagne, qu'il avait au con- 
traire tant d'intérêt à ménager. S'il fallait une preuve qu'il n'y eût 
point trempé, on la verrait dans la faveur de cette même cour dont 
il fut comblé par la suite. Guichard dut toute sa fortune à la pro- 
tection dont le couvrirent deux femmes, — Blanche d'Ar- 
tois ! , la veuve du dernier comte champenois, Henri le Gras 2 , 
remariée en 1275 à un étranger, un prince anglais, Edmond de 
Lancastre 3 , et qui, comme douairière et baillistre de sa fille, était 
alors la souveraine du comté, — et sa fille, Jeanne, héritière de 
la Champagne et de la Navarre, qui était destinée à devenir 
reine de France 4 . Guichard fut ce que le firent les deux reines 
parleur situation et leur influence à la cour de France, et son 
élévation suivit celle de la maison champenoise. 

Où se nouèrent ces relations de « familiarité » qui menèrent 
l'humble moine jusqu'au Conseil du roi ? Avait-il calculé sous le 
froc ce qu'il avait à gagner en se liant à la future reine de 
France ? Tout ce qu'on sait, c'est qu'au temps où Guichard était 
prieur de Saint-Ayoul de Provins, — non loin du couvent, dans 
la ville haute, on élevait au palais des comtes la jeune reine de 
Navarre, encore tout enfant 5 . 



III. Guichard , abbé de Montier-la-Celle. 

A la fin de 1283 ou au commencement de 1284, Guichard fut 
nommé abbé de Montier-la-Celle. L'abbaye de Montier-la-Celle 

1 . Fille de Robert d'Artois, frère de saint Louis, cousine germaine de 
Philippe III le Hardi. 

2. Henri était mort à Pampelune, le 22 juillet 1274. 

3. Edmond, comte de Lancastre, était frère d'Edouard I d'Angleterre. 

4. Doua Juana avait d'abord été fiancée au fils du roi d'Angleterre ; mais, 
dès 1275 (mai), le traité d'Orléans fixa les conditions de l'union à intervenir 
entre elle et Philippe, fils cadet du roi de France, qui devint l'année sui- 
vante, parla mort de son aîné, héritier du trône. — Philippe III fit élever la 
jeune reine avec ses enfants {Histor. de F/\, XX, 495). Cf. la note suivante. 

5. Née à Bar-sur-Seine le 14 janvier 4273, elle fut en effet élevée à Pro- 



GUICHARD, ABBÉ DE MONTIER-LA-CKLLE 7 

était une des plus importantes abbayes champenoises; et, — 
comme le prieuré de Saint-Ayoul de Provins, — à cause de sa 
situation aux portes mêmes de Troyes *, l'autre capitale de la 
Champagne, elle avait joui de la protection spéciale des 
comtes 2 . Mais, en retour de cette protection, des donations, 
privilèges et exemptions concédés aux religieux pendant la 
seconde moitié du xn e siècle 3 , les comtes de Champagne avaient 
certains droits qui mettaient l'abbaye sous leur influence et 
dans leur main. Sans parler du droit de garde 4 , le comte avait 
l'administration des biens conventuels pendant la vacance du 
siège abbatial jusqu'à ce qu'il en eût fait la remise à l'élu 5 , et 
les religieux ne pouvaient élire l'abbé sans l'autorisation préa- 
lable du comte 6 . On peut donc croire que l'élection de Guichard, 
faite dans ces conditions, fut l'œuvre de la reine Blanche dont 
l'abbé apparaît comme le favori : il l'avait d'ailleurs secondée 
par les « courtoisies » qu'il avait faites aux principaux de l'ab- 
baye quand il était prieur de Saint-Ayoul, et qui faisaient l'éton- 
nement des moines, tant le prieur paraissait riche 7 . 

La date exacte de l'élection est incertaine 8 : mais dès 1284, 
Guichard agit comme abbé de Montier-la-Celle 9 . 

vins (D'Arbois, ouv. cit., IV, 440). — La châtellenie de Provins était d'ail- 
leurs à ce moment dans la jouissance directe du roi de France pour l'indem- 
niser de ses frais pour l'administration et la défense de la Navarre. 

1. Le couvent était alors hors la ville. 

2. Montier-la-Celle, pour cette protection, payait même au comte 
60 livres par an au xm e siècle (D'Arbois de Jubainville, ouv. cit., TU, 284). 

3. Ibid., III, 169, 217, 219, 268-72, 283, etc.; Bibl. Nat., coll. de Cham- 
pagne, vol. 37, fol. 28, 28 v°, 29. 

4. Ibid.. III, 284; Bibl. Nat., coll. de Champagne, vol. 47, fol. 35. 

5. Ibid., IV, 619. 

6. Ibid., IV, 616. — C'était le cas en Champagne pour les religieux de 
Tordre de Saint-Benoit. 

7. Dépos., 11,1, Jean Dorin : « habundabant ei divicie de quibus curiali- 
« tates faciebat pluribus de majoribus dicti monasterii. » 

8. L'élection est postérieure au mois d'août 1283 (v. plus haut, p. 4, note 5) 
et antérieure au 26 avril 1284 : à cette dernière date, Guichard est men- 
tionné comme abbé de Montier-la-Celle dans un acte relatif au droit de 
pâture sur des terres de l'abbaye à Ruvigny (Inventaire de Montier-la-Celle, 
Archives de l'Aube, 7 H. 1-2, fol. 394). 

9. Gall. christ., XII, 546 : « Guichardus anno 1284 cum priore S. Aigulû 




8 AYANT i/ÉPISCOPAT 

Cette année même, la fille de la reine Blanche, héritière de la 
Champagne, entrait dans sa douzième année et devenait 
majeure : un traité mit fin, le 17 mai 1284, à la régence de Blanche 
et d'Edmond de Lancastre en Champagne *, et, le 16 août, 
Philippe, fils aîné du roi de France, épousa la jeune comtesse . 
Jeanne. Philippe étant devenu roi le 6 octobre 1285, la Cham- 
pagne entra dans le domaine royal. Toutefois, le roi laissait à sa 
femme l'administration de sa dot; et, comme le traité du 17 mai 
avait réservé à la reine Blanche le douaire qu'elle avait eu du 
comte Henri, son premier mari 2 , comme le roi de France, au 
nom de Jeanne, avait renoncé à élever aucune prétention sur les 
acquêts de communauté d'Henri III, sur les acquêts faits par 
Edmond et Blanche, et sur le mobilier 3 , le comté restait en fait 
aux mains des deux femmes 4 : et, la reine de France étant à 
peine adulte, ce fut la reine douairière de Navarre, sa mère, 
qui garda le soin de ses intérêts et la véritable influence en 
Champagne. 

L'abbé Guichard, son familier, en profita : il fit les affaires de 
son abbave, et sans doute aussi les siennes. 

Pour son couvent, comme pour lui-même, il se montra inté- 



€ scribit ad Gilonem archiepiscopum Senonensem » (abbés de Montier-la- 
Celle). 

i. D'Arbois de Jubainville, ouv. cit., IV, 452. — Edmond et Blanche 
prétendaient garder l'administration de la Champagne jusqu'à ce que Jeanne 
eût atteint 21 ans, âge auquel la coutume de Champagne fixait la majorité. 
Mais Philippe III déclara le bail terminé (Arch. Nat., J. 199, n" 36, 37) : 
Edmond et Blanche consentirent à l'émancipation de Jeanne moyennant le 
payement de 60.000 liv. t. et la confirmation du douaire delà reine Blanche. 
Edmond de Lancastre n'avait d'ailleurs jamais été qu'un lieutenant de 
Philippe. 

2. Le douaire comprenait d'ordinaire les prévôtés de Méry, Pont, Nogent, 
Sézanne, Chantemerle, Vertus, Épernay et quelques autres villes 
(A. Lefèvre, Les finances de la Champagne, p. 16-17). 

3. D'Arbois, ou», cit., IV, 453. 

4. Jeanne demeura toute sa vie comtesse et reine; et, dans tout ce qui 
concernait ses Etats, elle contrôla les actes de son mari, revêtant de son 
approbation les ordonnances du roi. La Champagne garda avec elle une 
sorte d'autonomie, conservant ses institutions séparées, ses Grands jours. 



\- 



GUICHARD, ABBÉ DE MONTIER-LA-CELLE 9 

ressé, avide de l'enrichir et de l'embellir, et sa gestion, cinquante 
ans plus tard, était citée aux religieux comme un modèle : 

Puis n'orent milleur pastour *. 

Il fit clore l'abbaye d'un mur d'enceinte crénelé garni de 
tours ; il put ainsi mieux régler la vie des moines et les tenir 
sous sa main 2 . 

De son administration conventuelle il nous reste de nombreux 
actes, acquisitions, baux, accords 3 . Mais le principal, celui que 
les annales de l'abbaye enregistrèrent comme « le plus bel acquêt 
qu'eût jamais fait abbé de Montier-la-Celle 4 », ce fut Tacquisi- 
sition de la terre et seigneurie de Verdey 5 , que Guichard acheta 
à la reine Blanche et au comte Edmond pour la somme de 
4.000 livres de petits tournois, vente qui fut, la même année, 
confirmée par le roi 6 (mai 1294). 

Il avait déjà obtenu pour son abbaye deux bulles de Nicolas IV, 
Tune, du 5 novembre 1288, confirmant les biens, droits et pos- 

i. Voir à la conclusion, l'histoire de Guichard parle clerc de Troyes. 

2. Ibid. 

3. La table de YInventaire de Montier-la-Celle, aux archives de l'Aube, 
permet de retrouver facilement tous ces actes. Signalons des accords avec 
Clairvaux (1297, fol. 201 v°), — Notre-Dame-en-1'lle (1291, fol. 388) au sujet 
de biens, — un échange avec S. Etienne à Ruvigny (1289, fol. 394), — un 
don de Guillaume de Join ville, seigneur de Juilly, d'un droit d'usage dans 
ses bois au fi nage de Villemoyenne, « considérées et regardées les grâces, 
« services et bienfaiz les quelz religieuses gens li abbes et li convens de 
« Monstier la Celle deTroves de l'eudrez de Saint Benoist m'ont fait et font 

Kl 

« ancores chacun jour », 1291, (Arch. dép. Aube, 7 II. 34, Villemoyenne, 
n° 5; — Inventaire, fol. 608). Nous signalons ailleurs les autres actes con- 
cernant plus directement Guichard. 

4. Hist. manuscrite de Montier-la-Celle (Arch. de l'Aube), fol. 25 v°. 

5. Arch. dép. Aube, 7 II. 33, Verdey, n° 1, copies; — Inv. de Montier-la- 
Celle , fol. 41 v°. — Verdey, Marne, arr. Épernay, c on Sézanne. 

Le domaine de Verdey comprenait : 140 arpents de terre labourable; 
8 de bois; 3 de vigne; 25 de prés; 2 moulins; 1 étang de 8 arpents, et 
l'usage dans les bois « dou Bout. » 

6. Ibid.,, 7 H. 33, Verdey, n° 2, copie; — Inv. de Montier-la-Celle, fol. 42. 
Le consentement des comtes suivait en général l'acquisition de biens par 
les abbayes. (D'Arbois, ouv. cit., IV, 628). — Le G allia christiana (XII, 546) 
rapporte par erreur l'acquisition de Verdey à l'année 1290. 



10 AVANT l'ÉPISCOPAT 

sessions de Montier-la-Celle ; Vautre, du 14 mars 1289, renouve- 
lant les privilèges et indulgences accordés au couvent par les 
autres papes *. Pour lui-même, Guichard se fit donner à ce 
moment un privilège d'immunité contre toute excommunication 
venant d'un autre que du pontife lui-même 2 . Il entretenait vers 
le même temps avec les .évêques de Meaux les relations les plus 
courtoises, en particulier avec Adam de Vaudoi 3 : c'était déjà 
un personnage considérable. 

Quel fut au juste son rôle en Champagne pendant la période de 
son abbatiat? Il semble que l'abbé ait eu un titre officiel et qu'il 
ait été comme délégué par le roi pour le représenter dans le 
comté de Champagne, alors dans une situation indécise et transi- 
toire, et, bien qu'en droit rattaché à la couronne, encore à demi 
indépendant. Guichard est en effet qualifié de « mestres de 
Champagne 4 » et de « sire en Champagne pour le roi 5 ». En 
choisissant ainsi pour agir en son nom leur familier, le roi ména- 
geait les deux reines : l'abbé Guichard conciliait les droits nou- 
veaux du roi sur le comté et les vieux titres qui attachaient si 
étroitement les deux femmes à la Champagne. 

Au fond, plus encore que le pouvoir royal, Guichard repré- 
sentait dans le pays l'autorité de la comtesse douairière et de sa 
fille : on le considérait comme le conseiller et le premier entre 
tous ceux du comte 6 : et à ce titre, il était si puissant qu' « il fai- 



1. Invent, de Montier-la-Celle, I, n 08 37 et 38. — Lalore, Cartulaire de 
Montier-la-Celle, XXI, signale ces deux actes. 

2. Registre de Nicolas IV, n° 302 (27 août 1288) : « Dilecto filio Guichardo 
« abbati monasterii S. Pétri de Gella Trecensis... ad instantiam P., S. 
« Eustacii diaconi cardinalis, indulget ut illi nullus judex sedis apostolicc 
« delegatus aut subdelegatus ejusdem vel conservator seu etiam executor a 
« sede deputatus eadem possit in personam ejus excommunicationis, sus- 
« pensionis aut interdicti senlentias promulgare sine speciali mandato sedis 
« apostolice. » 

3. Arch. départ. Aube, 7 H. 2. (voy. p. justif. n°* I-IV|. — Adam de 
Vaudoi, évoque de Meaux, 12897-4297, v. st. (Gall. christ., VIII, 1631-32). 

4. Arch. Nat., J. 438, n° 4. 

5. Ibid., n°« 5 et 9. 

6. Dépos., II, 15, M c Jean de Gié. 



GL'ICHÀRD, ABBÉ DE M0NT1ÊR-LÀ-CELLE 11 

sait sa volonté en Champagne * » et que personne n'osait lui 
résister. Si l'abbé, comme un des principaux vassaux du comté, 
était un des conseillers obligés de la cour champenoise 2 , et si le 
roi lui avait commis des pouvoirs, sa situation en Champagne 
paraît donc n'avoir pas moins été le résultat d'une influence 
intime et personnelle. 

Des relations étroites qui existaient alors entre l'abbé de Mon- 
tier-la-Celle et ses royales protectrices, nous avons un témoi- 
gnage plein d'intérêt 3 . Entre la Trinité et la Saint-Jean de Tan- 
née 1294 (13-24 juin), la reine Jeanne accoucha à Creil de son 
second fils, Charles, qui devait régner plus tard sous le nom de 
Charles IV. Vers les derniers temps de la grossesse, l'abbé Gui- 
chard, qui voulait assister au baptême de l'enfant, se rendit à 
Creil et attendit tout un mois, à Monta taire, que la reine eût fait 
ses couches : un tailleur de la reine, nommé Lambert, vint le pré- 
venir de la naissance du jeune prince ; et, au jour du baptême, 
l'abbé fut présent, dans l'église de Creil, à côté du parrain et de 
la marraine, Charles, frère du roi, et Mahaut, comtesse de Bour- 
gogne 4 . 

Vers le même temps, la faveur des deux femmes procurait au 
puissant abbé champenois son entrée à la Cour du roi : une ordon- 
nance relative à l'organisation du Parlement, qu'il faut proba- 

1. Dépos., II, 1, Pierre Hocepin. 

2. Guichard était en effet l'homme lige du comte de Champagne à raison 
des biens de l'abbaye de Montier-la-Celle. Voy. art. 15 de la 2° série d'accu- 
sations : Guichard y est qualifié d' « homo ligius et de consilio nobilis quon- 
« dam domini Hemonis quondam comitis Campanie. » 

3. Arch. nat., J. 682, n° 2 : Enquête faite en 1322 par lesévêques de Paris 
et de Beauvais au sujet de la dissolution du mariage de Charles IV le Bel 
et de Blanche de Bourgogne (30 e article : histoire du baptême de Charles IV). 
Voy. P. Bonnassieux, Un baptême royal au moyen-âge (Cabinet historique, 
1881, pp. 183-190). Bonnassieux date le baptême du 17 août; mais presque 
tous les témoins le placent entre la Trinité et la Saint-Jean, sauf un qui 
indique la Saint-Arnoul. 

4. Ces faits ressortent des dépositions, dans l'enquête précédente, de 
Robert de Brisoles, chevalier, de Guillaume de Saint-Marcel, bourgeois de 
Provins, qui accompagnaient l'abbé, et de Nicole de Troyes, femme d'un 
huissier de la reine. 



12 GUICUARD, ÉVÊQUE DE TROYES 

blement dater de Tannée 1296 *, mettait l'abbé de Montier-la- 
Celle au nombre de ceux qui avaient droit d'assister aux séances 
de la Chambre des plaids 2 , et dont on devait requérir le con- 
seil. 



CHAPITRE IL 



GUICUARD ÉVÊQUE DE TROYES 



I. Sa nomination et sa situation en Champagne, 

Le siège de Troyes devint vacant le 3 août 1298, par la mort de 
Jean de Nanteuil 3 . Si les biens de l'évêché de Troyes, comme 
ceux de l'abbaye de Montier-la-Celle, étaient sous la garde des 
princes champenois, et si les comtes en avaient également la 
jouissance pendant les vacances, le chapitre toutefois n'était pas 
astreint à solliciter d'eux l'autorisation de procéder à l'élection 
épiscopale : les chanoines étaient, sur ce point, indépendants des 
comtes 4 . Mais en fait, à cause de l'intérêt même qu'il avait à 
ménager ses protecteurs, le chapitre restait sojis leur influence. 
Il était, pour une autre cause, à leur dévotion. L'année même où 
le siège entrait en régale, le pape venait d'accorder cette grâce à 
la reine de France de pouvoir bénéficier les clercs qui lui étaient 



\. Ch.-V. Langlois, Textes relatifs à T histoire du Parlement, p. 164. 

2. Ibid. « Tuit cist po iront quand il lui plaira estre en la Chambre des 
« Plez, et au pledier, et quant Tan aura conseil sus les arrez, et a rendre les 
« arrez; et leur conseil en sera requis comme des autres. » 

3. Gall. christ., XII, 509. 

4. D'Arbois de Jubainville, ouv. cité, IV, 622. 



■»* 



SA NOMINATION Et SA SITUATION EN CHAMPAGNE 43 

attachés des prébendes vacantes à ce moment ou k l'occasion 
prochaine dans les diocèses de Sens, de Meaux et de Troyes 4 : 
c'était un moyen pour la reine de remanier les chapitres et de 
les composer à son gré, d'avoir ainsi dans sa main le clergé du 
comté. Dès lors, l'élection, en principe indépendante, des 
évéques, n'était plus que l'expression de sa volonté, un choix 
fait selon son indication. 

L'abbé Guichard se désignait d'ailleurs de lui-même aux suf- 
frages des chanoines de Saint-Pierre. Il était champenois de 
naissance ; il était leur voisin : l'église du grand couvent de Mon- 
tier-la-Celle s'élevait aux portes mêmes de la ville ; et, dans sa 
haute dignité abbatiale, encore privilégiée, Guichard était déjà 
presque l'égal des évéques. Il avait traité sur ce pied avec 
Jean de Nanteuil Tannée précédente : dans un accord au sujet de 
deux chapellenies de l'église de Verdey, le droit de présentation 
avait été partagé entre l'évêque et l'abbé 2 . Entre l'abbaye deMon- 
tier-la-Celle et le chapitre de Saint-Pierre, malgré le voisinage et 
l'emmêlement des juridictions, les rapports paraissent n avoir pas 
été troublés durant l'abbatiat de Guichard ; l'abbé semble avoir 
montré des dispositions conciliantes et comme des ménagements 
vis-à-vis des chanoines : l'interdit ayant été mis sur l'église de 
Saint-André par le chapitre, Guichard avait reconnu que si le 
curé ne payait pas leur rente aux chanoines, il pourrait être sus- 
pendu et excommunié 3 . Le doyen du chapitre enfin, Denis de 
Chamguyon 4 , connaissait l'abbé et devait employer tout son crédit 
à l'élection 5 . Mais ce qui rehaussait la personnalité de Guichard, 

i. Registre de Boniface VIII, n° 2737, 1 er juillet 1298 : « Libenter caris- 
« sime in Christo filie nostre Johannc, regine Francorum illustri, cam con- 
« ccdimus gratiam per quam gratificari valeat clericis in suis obsequiis 
« constitutis. Ipsius igitur regine supplice tionibus inclinati... » 

2. Arch. départ. Aube, 7 II. 53, Verdey, n° 4, orig., juin 1297; — Inv. de 
Montier-la-Celle, fol. 639 v°. — GalL Christ., XII, 546. 

3. Arch. départ. Aube, G. 3238, orig., juin 1291; — Inv. de Montier-la- 
Celle, fol. 420. — Saint- André, arr. et c on de Troyes. 

4. Denis de Chamguyon, doyen de Troyes dès 1270, mort en 1299 
(GalL christ., XII, 526). 

5. D'après le clerc de Troyes (Renard contrefait). 



14 GUICHARD, ÉVÊQCE DE TR0YES 

et le recommandait, mieux que son caractère et l'importance de 
son abbaye, au chapitre de la cathédrale, c'était la haute situation 
qu'il s'était acquise en Champagne, l'influence qu'il y exerçait, 
et l'amitié dont l'honoraient les deux souveraines du comté, la 
reine douairière de Navarre et la reine de France : ce fut cette 
faveur qui décida encore une fois de son élection, et Guichard 
fut porté à l'épiscopat, comme il avait été fait abbé, moins à cause 
de son caractère ecclésiastique que pour sa fortune mondaine. Il 
n'échappa pas à l'opinion surprise et jalouse que Guichard était 
une créature des deux reines, et que sa fortune, attachée à celle 
des deux femmes, l'avait suivie et avait grandi avec elle. On 
savait, dans l'entourage de Guichard, que la reine de Navarre 
l'avait voulu pour évoque et qu'elle s'était mêlée de son élec- 
tion * : et, le voyant, de pauvre clerc, devenu si rapidement un 
riche prélat, on disait que la reine l'avait tiré de son état et 
qu'elle l'avait « fait » : 

Car la royne fet l'avoit, 
Et de ses secrez il savoit, 
Et estoit aussi son compère a . 

L'abbé Guichard fut élu par tout le chapitre 3 . L'élection, faite 
dans la seconde moitié de Tannée 1298 4 , fut confirmée au mois 
de mai de l'année suivante 5 . Courtalon, « d'après plusieurs 

1. Dépos., II, 14, Pierre de Villy : « Cum diceretur quod regina Navarre 
« p roc u rabat quod dictus Guichardus tune abbas preficerctur inepiscopum 
« Trccenscm... » 

2. Gcffroi de Paris, Chronique rimée, vers 2979-81 (Hisfor. de France, 
XXII, 117). Cf. Dépos., II, 17, Guill. Pastourel. — Guichard avait sans doute 
été Tun des parrains de Charles, le deuxième fils de Jeanne (v. p. 11). 

3. lienard contrefait. 

4. Du Tillet, Recueil des rois de France, p. 368 (éd. de 1618), signale la 
présence de l'éveque élu de Troyes au parlement de 1298. Cf. Ch.-V. Lan- 
glois, Textes relatifs à Vhistoirc du Parlement, p. 169. Il n'y eut en 1298 
qu'un parlement, à la Toussaint (Langlois, ibid., p. 233). 

5. Le 6 avril 1299, le pape autorisait Henri, prieur de la Celle-sous-Chan- 
temerle, et Jean de Moussey, recteur de l'église de Somsois, — envoyés à 
Rome « pro expeditione negotii electionis scu postula tionis de dilecto filio 
« fratre Guizardo..., in ecclcsia Trecensi carenli pastore, célébrâtes, à con- 



SA NOMINATION ET SA SITUATION EN CHAMPAGNE 15 

titres », dit que Guichard ne fut intronisé et consacré qu'au 
mois de mai 1299 et qu'il garda encore deux ou trois ans son 
abbaye *. Les comptes de régale de l'évèché de Troyes à ce 
moment comprennent en effet « quarante et une semaines et trois 
jours, du dimanche 27 juillet 1298 au vendredi 22 mai 1299 2 ». 
Nous n'avons pas retrouvé les pièces qui permettent à Courtalon 
d'affirmer que le nouvel évêque garda quelque temps encore son 
abbaye : toutefois, d'autres comptes de régale sembleraient prou- 
ver qu'il ne jouissait pas dans le courant des années 1299, 1300 
et 1301 des revenus de son évêché, ou du moins de leur totalité 3 . 
Y eut-il un accord entre l'évêque et la reine, par lequel le favori 
partageait avec sa protectrice la jouissance de l'important béné- 
fice qu'elle venait de lui procurer, et conservait, en compensation, 
une partie de ses droits et revenus abbatiaux ? Il est certain en 
tout cas que, l'année même de son élévation à l'épiscopat, l'abbaye 
de Montier-la-Celle et le prieuré de Saint-Ayoul, d'un commun 
accord, avec le consentement du nouvel abbé, Henri 4 , abandon- 
nèrent à Guichard, par une grâce sans doute toute spéciale, cer- 
taines terres et possessions de la dépendance des deux couvents 
dont l'évêque devait jouir à vie, dans quelque état qu'il dût se 
trouver par la suite 5 . Cette faveur, qui laissait Guichard, déjà 



tracter un emprunt, à cause des grandes dépenses qu'il leur fallait faire à 
ce propos (Registre de Boni face VIII, n 08 2961, 2966) : ils empruntèrent 
4.000 florins d'or à la société des Spini, dite de l'Épine, de Florence. 

1 . Courtalon, Topog. historiq. de la ville et du diocèse de Troyes, I, 365. 

2. Bibl. Nat., ms. lat. 9069 (Table de Robert Mignon), p. 95 (p. justif., 
n* V). Cf. Gall. christ., XII, 509. 

3. Bibl. Nat., ms. lat. 9783 (Journal du trésor de Philippe le Bel). Le 
compte du 23 octobre 1298 (fol. 17 v°) montant à 512 liv. tournois est de 
Tépoque où le siège était encore vacant. Mais on trouve encore sous la 
rubrique : « De regalibus Trecensibus >» des comptes : du 13 décembre 1299 
(120 1.1.), fol. 108; du 21 février 1300 (1101. 14 s. t.), fol. 10; du 2 août 1301 
(40 1. par.), fol. 50 v°; du 16 août 1301 (20 1. t.), fol. 51. 

4. Henri ou Horri (Horricus), appelé encore Hulricus dans les déposi- 
tions, mort le 4 décembre 1319 (Gall. christ., XII, 546). 

5. Registre de Boniface VIII, n° 3318 : « Venerabili fratri G. episcopo 
« Trecensi... Exhibita siquidem nobis tua petitio continebat quod, cum tu 



16 GL'ICHARD, ÉVÈQLE DE TROYES 

possesseur d une riche mense épiscopale, usufruitier dune partie 
des biens dune abbaye opulente et d'un important prieuré, fut 
confirmée par le pape le 3 décembre 1299 ! : et Tévêque de 
Troyes obtint ainsi dans son diocèse et dans la Champagne 
méridionale une situation considérable et toute particulière. A sa 
haute dignité de prélat il allait joindre par là toute la considéra- 
tion attachée à un grand seigneur, dont il avait déjà le rôle 2 , et 
dont il allait pouvoir tenir le rang avec plus d'éclat qu'aucun des 
évêques ses prédécesseurs, car aux châtellenies d'Aix-en-Othe 
et de Saint-Lyé, qui lui venaient de sa mense 3 , le don qu'on 
venait de lui faire ajoutait le domaine de Verdey 4 , et, sans doute, 



« olim existens abbas monasterii Celle Trecensis... in episcopum Trecen- 
« sem esses electus, dilecli filii... prior claustralis et conventus ejusdem 
« monasterii ac... prior prioratus Sancti Aygulfi de Pruvino eidem monas- 
« terio immédiate subjecti... tibi quasdam terras et possessiones, ad 
« monasterium et prioratum predictos spectantes, tenendas et possidendas 
« per te, tune abbatem, donec viveres, in quoeunque statu te esse continge- 
« ret, concesserunt. Postmodum autem dilectus filius H., ejusdem monas- 
« terii abbas, quod per eosdem priorem et conventum actum fuerat 
« approbans, ipsas easdem terras tibi, quoad vixeris, concessit... » (Au 
Latran, 3 déc. 1299). La donation des deux couvents est du 1 er décembre 
1*298, la ratification de Henri, abbé de Montier-la-Celle, du 14 septembre 

1299. 

1. Voy. encore (Reg. de Boniface VIII, n 08 3319, 3320) deux autres bulles 
du pape en faveur du nouvel évêque. 

2. Les évêques de Troyes se prétendaient pairs aux comtes, et ne se recon- 
naissaient pas inférieurs aux comtes de Champagne. 

3. Aix-cn-Othe, à 5 lieues 1/2 de Troyes (ouest), avait un château épisco- 
pal ; la seigneurie en avait été confirmée aux évêques par les papes et les 
rois. Voy. Cour talon, ouv. cit., III, 4. 

Saint-Lyé (Sanctus Léo) : Louis VII en avait fait 1 évoque seigneur; dans 
le château, Louis X se maria en 1315 avec Clémence de Hongrie (Courtalon, 
III, 63). Voy. Bibl. Nat., coll. de Champagne, vol. 151 (Troyes, n» 37): 
Charte de Guichard donnée à Saint-Lyé « domum nostram cpiscopalem », où 
le domaine de Saint-Lyé est dit appartenir à l'évoque « ratione mense epi- 
« scopalis ». Saint-Lyé est à environ deux lieues au nord de Troyes. 
L'évêquc y résidait souvent. (Voy. les dépositions.) 

4. C'est ce qui résulte d'un acte de 1313 (v. p. justif., n° XXII) où l'évêquc 
parle de « sa terre de Verdey ». 



DÉMÊLÉS AVEC LE CLERGÉ H 

celui de Sapoy-lez-Provins *, le prieuré de Saint-Mesmin 2 et ses 
dépendances. 



II. Guichard dans son diocèse : Démêlés avec le clergé. 

Dans ses relations avec le clergé de son diocèse, le nouvel 
évêque, semble-t-il, ne se défendit pas d'un certain orgueil. Con- 
ciliant jusque là, il apparaît, dès le premier jour, autoritaire et 
violent, avec la hauteur et toute l'allure, insolente chez un 
homme d'église, d'un grand seigneur laïque. 

L'abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains 3 jouissait d'un privi- 
lège traditionnel à l'entrée des évêques : lorsque l'évéque arri- 
vait en pompe pour prêter à l'abbesse serment de garder les 
droits du couvent, et qu'il descendait de cheval, son pied à peine 
avait quitté rétrier que la monture était emmenée aux écuries 
de l'abbaye, à qui elle appartenait de plein droit. Par contre, 
l'évéque avait droit, ce jour-là, de prendre gîte à l'abbaye et 
d'emporter, tout garni, le lit où il avait couché 4 

Guichard refusa de laisser prendre son cheval, comme humilié 
par le privilège de ces nonnes. Mais l'abbesse ne se résigna pas. 
Une enquête s'ensuivit par devant trois membres de l'église de 

i. Sapoy-lez-Provins (ainsi appelé dans : Arch. Nat., J. 438, n° 4, dépos. 
de Guill. le Diablat), ou Soupoy (Cepeium), arr. de Provins, c on de Villiers- 
Saint-Georges, c no de Beauthéry : vieille grange de Montier-la-Celle, appe- 
lée Grange, Hostel ou Chastel de Soupoy. L'évoque y allait souvent. 

2. C on de Méry-sur-Seine, arr. d'Arcis: c'était un prieuré de la dépendance 
de Montier-la-Celle : en 1304, un religieux tenait et gérait ce prieuré et 
ses dépendances au nom de l'évéque (v. p. justif., n° VII). « Eos a quibus 
« dictam domum tcncmus" » indique vraisemblablement l'abbaye de Mon- 
tier-la-Celle. 

3. Dans la ville de Troyes, de Tordre de Saint-Benoît. 

4. Sur ce cérémonial, v. Lalore, Documents sur V abbaye de Notre-Dame- 
aux-Nonnains de Troyes, pp. 170-179 ; Th. Boutiot, Du privilège singulier 
de V abbaye de Notre-Dame aux Nonnains de Troyes. Un dicton troyen résu- 
mait avec malice ces droits réciproques de révoque et de l'abbesse. Il 
disait : « Madame couche Monseigneur, et Monseigneur monte Madame. » 
Voy. J. F. Gadan, Le Bibliophile troyen, Troyes, 1851, in-8°, p. 43 et suiv. 

Uim. et doc. de l'Éc. dtt Chants, 2 



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ftllCIlÀRD ÉVÊQUE DE TROYËS 






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Troyes qui reçurent les dépositions des témoins relatives au 
cérémonial observé lors de l'entrée de l'évêque Jean de Nanteuil, 
prédécesseur de Guichard; sept témoins oculaires parmi les- 
quels Thibaut *, évêque de Beauvais,qui déposa par lettres closes 
sous son sceau 2 , attestèrent que Jean de Nanteuil avait aban- 
donné son cheval au couvent en vertu du droit réclamé par 
Tabbesse, — droit qui n'était qu'une compensation du gîte pris 
par l'évêque, — mais qu'il avait toutefois racheté la monture au 
prix de trente livres 3 . Guichard n'en attendit pas moins deux 
ans pour reconnaître son tort et s'amender envers le couvent *. 

Des difficultés ne tardèrent pas non plus à s'élever entre 
l'évêque et le chapitre de Saint-Pierre, son église cathédrale, à la 
suite des abus de pouvoir, des excès et des violences de Gui- 
chard. 

A l'Exaltation de la Sainte Croix 1300 (14 septembre), Gui- 
chard, se trouvant à Barbonne 5 avec sa suite, voulut entrer dans 
la maison du curé pour y prendre gîte : le curé objecta que l'église 
de Barbonne, le desservant et le presbytère étaient exempts delà 
juridiction de l'évêque, et, voyant Guichard entrer de force, 
monta à cheval pour aller porter plainte au chapitre, sous le 
patronage et la juridiction duquel, il se trouvait. Mais les fami- 
liers de T évêque le joignirent dans le cimetière, le jetèrent bas, 
et prirent son cheval. Guichard ne déjeuna pas au presbytère, mais 
il y coucha, et, malgré les réclamations du curé, emmena son 
cheval, et, de plus, fit saisir ses biens 6 . 

Une autre fois, l'évêque fit détruire, on ne sait pour quelle rai- 
son, le presbytère de Sogny 7 . 



1. Thibaut de Nanteuil, 1283-1300. 

2. Datées du 27 février 1300 (n. st.) 

3. Enquête relative au palefroi de révoque Guichard (Lalore, ibid., 
p. 133-137) d'ap. Areh. dép. Aube, 22 H. 4. Le texte de Lalore, comme à 
l'ordinaire est défectueux. 

4. Voy. plus loin, chap. IV. 

5. Marne, arr. Épernay, c on Sézannc. 

6. Voy. p. justif., n° VII. Cf. Dépos., III, 6, curé de Barbonne. 

7. Ibid. — Sogny, arr. Epernay, c on Mon Unirai!. 



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T77— < 



DÉMÊLÉS AVEC LE CLERGE 19 

Un religieux, qui tenait en son nom et gérait pour lui le prieuré 
de Saint-Mesmin et ses dépendances, mit la main sur les mou- 
lins et les biens appartenant au chapitre au même lieu, et Gui- 
chard le garda à son service *. 

Pour refaire ses moulins de Saint-Mesmin, il avait tiré, contre 
tout droit, des bois de construction de la forêt d'Othe 2 . 

Il cherchait à faire des profits dans son église, tirant à lui sans 
scrupules, sans souci des coutumes ni des droits des chanoines. 
Il percevait les revenus des églises vacantes contre la coutume 
générale du diocèse 3 ; il vendait les charges de marguilliers qui 
étaient à sa collation, les donnant à des personnes indignes, et 
une croix d'or de la valeur de 191 livres avait été perdue par leur 
négligence 4 . Il faisait difficulté de payer au chapitre, lors des 
anniversaires, aux jours et aux heures réglés, ce à quoi il était 
tenu 5 , et, le doyen Denis ayant fait un don à l'église, l'évêque 
prétendit avoir droit d'y prendre la portion canonique 6 . Il refu- 
sait encore de reconnaître que la juridiction des quatre chanoines 
de l'autel Notre-Dame dans la cathédrale appartenait au cha- 
pitre. Enfin il donnait des chapellenies à ses familiers sans les 
astreindre au service des chapelles 7 . 

G' étaient là seulement les abus dont on se plaignait ouverte- 
tement dans son église. On le savait encore simoniaque 8 , son 
incontinence était publique 9 , il se livrait à de criminelles vio- 
lences, emprisonnant arbitrairement les gens, portant les mains 
sur des personnes ecclésiastiques 10 . Mais ces griefs, on n'osait les 
soulever, et l'on parlait bas de ces scandales : l'évêque était au 
comble de la fortune. 

1. Voy. p. justif., n° VII. 

2. Ihid. — La forêt d'Othe est au sud de la rivière de Vanne. 

3. Ibid. 

4. Ibid. Cf. Dépos., II, 2i. 

5. Ibid. 

6. Voy. chap. IV. — Denis de Cham^uyon, doven de Saint-Pierre. 

7. P. justif., n<» VII, 

8. Dépos., II, 21. 

9. Dépos., II, 5. 

10. Dépos., III, 6. 



20 



GUICHARD ÉVÊQUE DE TROYËS 



III. Guichard à la cour du Roi. 



Son intimité avec la reine de Navarre et la reine de France, — 
qui l'avait introduit dans l'entourage royal et lui avait, lorsqu'il 
n'était encore qu'abbé, donné accès k la Chambre des plaids, — 
le plaçait maintenant parmi les premiers personnages et les 
plus enviés de la Cour du roi. Il était du Conseil, il siégeait au 
Parlement, on lui confiait certaines charges administratives. 

On voitl'évêque de Troyes assister, à la Toussaint de 1298, ù 
la session du Parlement *. Il figure à la première place dans la 
liste des prélats chargés de percevoir les recettes d'un subside 
levé pour la guerre de Flandre 2 ; il apparaît encore comme collec- 
teur du cinquantième 3 . 

Guichard était au nombre des évêques qui furent appelés à se 
prononcer à Senlis sur le cas de Bernard Saisset. Sur la demande 
de l'archevêque de Narbonne, il opina, avec les autres, et contre 
le désir du roi, pour que Saisset fût reçu en la garde de l'Eglise 
en attendant l'avis du pape, pour qu'on lui garantît certaines 
libertés et qu'on lui donnât sauvegarde contre toute violence 
(24 octobre 1301) «. 

Mais, à ce moment, Guichard était déjà en disgrâce, et l'on peut 
croire que c'est moins à titre personnel qu'en sa qualité de pré- 
lat qu'il fut appelé à prendre part à la délibération. La courte 
durée de sa faveur après son élévation à l'épiscopat ne lui permit 

1. Du Tillet, Recueillies Rois de France (éd. de 1618), p. 368; Ch.-V. 
Langlois, Textes relatifs à Vhistoire du Parlement, p. 469. 

2. Ordonnances des rois de France, I, 371. 

3. Arcli. Nat., J. 438, n° 4 : dépos. de Perrotde la Chambre : « ... et par- 
ce loient ansamblc des journées la om li esveiques avoit esté a Paris, a 
« Ponteuze et en autres lieux, ou tamps qu'il es toit colecteur dou cinquan- 
« tieme entre lui et mestre Guillaume de la Chapelle. » Cf. Bibl. Nat., ms. 
Jat. 9783, fol. 54 v° (14 octobre 1301) : « Episcopus Trecensis pro fine 
« compoti sui et domini Guillelmi de Capella de expensis eoram in Campa- 
<( nia et ballivia Senoneusi... » Guillaume de la Chapelle fut bailli d'Amiens. 

4. Martène, Thesaur. anecd. f I, 1327. Cf. Dépos., II, 22, Hermand de 
Vertus : l'évêque se trouvait à Senlis à la Toussaint de 1301. 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 21 

pas de jouer plus longtemps un rôle à la cour et dans l'adminis- 
tration. Une affaire scandaleuse vint tout à coup mettre fin à sa 
fortune. 



CHAPITRE III 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 



Jean de Calais, chanoine de Saint-Etienne de Troyes, avait 
été, du temps d'Edmond de Lancastre, trésorier du comte. Depuis 
le départ du prince anglais (1294) ! , il était resté receveur parti- 
culier des revenus de la reine douairière en Champagne 3 . 

Ayant « malicieusement » soustrait à la reine Blanche et à son 
mari de nombreux biens qui devaient revenir à la reine après la 

1. Edmond de Lancastre prit congé du roi de France lors de la guerre de 
Gascogne (Chron. anonyme, Histor. de France, XXI, 133). 

2. Arch. Nat., J. 438, n°* 1 et 2. Jean de Calais eut-il proprement la charge 
de receveur de Champagne? Il y en avait toujours deux en fonctions, un 
laïc et un ecclésiastique. A Renier Accorre qui en tint l'emploi comme laïc 
jusque dans les premières années de Philippe le Bel, M. d'Arbois de 
Jubainville ne connaît que deux collègues ecclésiastiques, le clerc Jacques 
d'Ervy et Gui de Launois, sous-doyen de Saint-Étienne de Troyes (ouv. 
cit., IV, 465-72). Si Jean de Calais eut cette fonction au temps d'Edmond, il 
semble qu'après le départ du comte il ait été plus particulièrement comp- 
table du douaire de la reine Blanche (Dépos., II, 17 : Richard Potier le qua- 
lifie de « receptor reddituum regine Navarre in Campania »). Ailleurs, on le 
nomme simplement : « trésorier de la reine de Navarre ». Cf. Bibl. Nat., 
ms. lat. 9783, fol. 79 v°, un compte du 15 juillet 1298 : « Mater regine, 
» domina Blancha, pro denariis in quibus rex tenebatur ei pro quadam 
« fidejussione quam domjnus Edmundus quondam, maritus suus, fecit pro 
« rege erga Rcnerum de Salviamanyer de Florencia, II m 1. t. cont. per 
« dominum Johannem Monachi et Johannem de Calesio, super regem... » 




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AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 



mort du comte 1 , le chanoine trésorier fut arrêté 2 et incarcéré 
d'abord à Paris 3 : puis, à la prière de la reine de Navarre, qui 
comptait mieux assurer ainsi le payement de ses fraudes 4 , Gui- 
chard le reçut en garde dans sa prison épiscopale 5 . 

Jean de Calais parvint-il à s'échapper par ses propres moyens? 
Son évasion fut-elle achetée à l'évêque par lui-même, ou fut-elle 
le résultat d'une combinaison astucieuse où Ton mêla Guichard 
pour le compromettre? Il s'enfuit en Italie, auprès de la Cour 
romaine, où il resta jusqu'à sa mort r \ Guichard fut accusé 
d'avoir « proditoirement et frauduleusement » consenti à prix 
d'argent la fuite du trésorier 7 . Jean de Calais lui-même avait 
témoigné, à Sens 8 , — sans doute avant de partir pour l'Italie, — 
qu'il avait fait donner à l'évêque, par un certain Vanne Nico- 
las, de la compagnie des Amanast, de Pistoie, et par d'autres 
marchands lombards, de la société des Pulci, Francesco Fer- 
ratoni et Biondello Symoneti, 400 florins d'or et des joyaux 
pour sa délivrance : c'était à Pontoise, puis à Paris, dans la 



1 . Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. I. — Il s'agit du douairedc la reine Blanche 
en Champagne et des biens personnels que son mari, Edmond de Lancastre, 
avait conservés dans le comté. En 1293, au moment de la guerre anglaise, 
Edmond, frère du roi d'Angleterre, avait reçu son congé et était retourné 
dans son pays ; la dot de sa femme serait alors revenue au domaine royal 
(Gaufrid. de Collone, Histor. de Fr. y XXII, 10). Edmond mourut à Bayonne 
en 1296, dans une expédition contre le roi de France (Contin. de Girard de 
Frachet, ibid., XXI, 14). 

2. L'arrestation de Jean de Calais est postérieure au 15 juillet 1298, et 
antérieure au 23 mai 1300 : à la première date, il était encore en fonctions 
(v. p. précédente, note 2) ; à la seconde, il était dans la prison de l'évêque 
(v. p. suivante). 

3. Dépos., II, 17, Jean de Trainel. 

4. « Ad securitatem debiti supradicti. » 

5. Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. I. — Arch. départ. Aube, G. 919 (ad ins- 
tanciam regine). Il y eut à ce propos un démêlé entre Guichard et la collégiale 
de S. Etienne qui prétendait que la saisie et juridiction de ses chanoines 
lui appartenait. Voy. chap. IV. 

6. Dépos., 11,17, Jean de Hancy. — Arch. Nat., J. 438, n° 2. 

7. Arch. Nat., J. 438, n» 8, art/ll. 

8. Dépos., II, 17, Jean de Trainel ividimus d'Accurse Laufroi, du 24 janv. 
1305, n. st.). 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 23 

maison de M 8 Martin de Bat Chambre 1 , à La Mortellerie 2 , le 
lundi de l'Ascension 1300 (23 mai), au retour d'un voyage en 
Flandre, que l'évêque avait touché de Vanne et des autres le 
prix de sa connivence 3 . 

Les accusateurs de Guichard étaient l'archidiacre de Vendôme 
et un Florentin, nommé Noffo Dei. L'archidiacre, Simon Festu, 
était un clerc de la reine 4 , et, comme Guichard, l'un de ses 
familiers. C'était un théologien du conseil secret 5 : la reine et le 
roi semblaient se fier grandement en lui 6 . Noffo Dei 7 était agent 
d'une des nombreuses compagnies lombardes que les foires atti- 
raient en Champagne 8 : il était de la maison Ranieri Jacohi de 
Florence, qui avait son principal comptoir à Sens, mais dont les 
agents opéraient par tout le royaume 9 . En 1288-90, Noffo Dei 

1. Dépos., II, 17, curé de Corfélix. — Sur M Martin de Bachambre ou Bat 
Chambre, v. Bibl. Nat., ms. lat. 9783, fol. 15, 15 v°, 74 v°, Chancelier de 
Champagne, il fut l'un des exécuteurs testamentaires de la reine de France 
(J. Launoi, Regii Navarrae gymnasii Parisîensis historia, p. 21). 

2. V. Hist. g*** de Paris, Paris en 1380, p. 66. La rue de la Mortellerie, 
parallèle a la Seine, prenait à la place de Grève. 

3. Dépos., II, 17, Jean de Trainel. Cf. Arch. Nat., J. 438, n°» 1 et 2. 

4. Arch. Nat., J. 438, n°» 1 et 2. 

5. J. Launoi, ont. cit., p. 21. 

6. Il fut en effet trésorier de Philippe le Bel (la table de Robert Mignon, 
Bibl. Nat., ms. lat. 9069, p. 39, mentionne un compte rendu par lui, parmi 
les « compoti arreragiorum debitorum in Campania, videlicet executionis 
<( régime Johannae »), et la reine en mourant (1305) le fit son exécuteur testa- 
mentaire : il fut à ce titre chargé de l'institution du collège de Navarre. Il 
était chanoine de Chartres et doyen de Saint-Sauveur de Blois; le 5 janvier 
1306, Clément V, en considération de Louis, roi de Navarre, fils aine du roi, 
lui conféra un canonicat dans la cathédrale de Sens dont il devint doyen 
(Beg. de Clément V, n°» 662, 4541). Le 18 octobre 1308, on le fit évoque de 
Meaux; il mourut le 4 ou le 30 décembre 1317 (Gall. christ., VIII, 1633). — 
Quelle fut l'origine de cette fortune qui grandit à mesure que déclinait celle 
de Guichard ? Le Gatlia dit que l'archidiacre naquit à Fontainebleau. 

7. Noffo est un diminutif d'Arnolfo, comme Dei une contraction de Deghi. 
On trouve le nom diversement écrit : Noffo Dei, Noffo Deghi, Noferi Dei, 
Nofri Dei, souvent Noffo tout court. 

8. Philippe le Bel venait d'accorder de nouvelles facilités aux Lombards 
pour fréquenter les foires du royaume (Arch. Nat., K, 36, n°42). 

9. Ranieri Jacobi semble lui-même n'être qu'un des principaux associés 
do la banque des Pulci, et comme le représentant de cette maison florentine 



I 



24 AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

et son patron étaient les banquiers de Cepperello Diotaiuti da 
Prato, — lombard comme eux, alors receveur de la baillie d'Au- 
vergne, — et versaient pour lui au Trésor du Temple les deniers 
des dîmes et autres tailles qu'il percevait pour le compte du roi 1 . 
En 1295, Cepperello était, avec Jean de Calais, receveur des reve- 
nus du douaire de la reine de Navarre dans la baillie de Troyes *. 
La maison Ranieri Jacobi était-elle encore associée à Troyes aux 
opérations des trésoriers de la reine Blanche? Il est certain, en 
tout cas, que la compagnie des Pulci se trouva compromise et 
que Noffo Dei fut, avec Jean de Calais, et en même temps, sinon 
pour le même fait, emprisonné à Paris 3 . A cette heure, c'était 
lui et l'archidiacre qui menaient l'affaire contre Guichard 4 . 

La conséquence immédiate et sans doute cherchée dune 
pareille accusation fut la brouille de l'évêque avec la maison de 
Champagne, et, par suite, son discrédit à la Cour du roi. La 
reine Blanche tint son favori doublement responsable, de la 
fraude et de la fuite du trésorier, et se rejeta sur Guichard, lui 
réclamant ce qu'elle exigeait de Jean de Calais 5 . De plus, « en 
raison de sa trahison et de sa déloyauté, et pour d'autres énor- 
mités », l'évêque fut trouvé « inhabile » et chassé du Conseil 
du roi 6 , à l'instigation des deux reines 7 ; et une enquête fut 
ouverte contre lui. 

en Champagne (Reg.de Boni face VIII, n«> 2643, 20 août 1298). D'autre part, 
un Ranieri Jacohi était en 1288 associé de la C le Bonaventura Bernardini, de 
Sienne (Reg. de Nicolas IV, n°» 103-104): serait-ce le même? 

1. Gesare Paoli, Document i di ser Ciappelletto (Giornale storico délia lette- 
ratura italiana, 1885, tome VI, pp. 329-69). Cf. P. Berti, Documente riguar- 
danti il commercio dei Fiorentini in Frauda, nei secoli XIII et XIV, e singo- 
lartnente il loro concorso aile fiere di Sciampagna (Giornale storico degli 
archivi toscani, 1857, tome I, p. 258 : « Ex parte... Nofri Dei de societate 
« Henerii Jacobi » fcv. 1295). 

2. Cesare Paoli, art. cit. 

3. Dépos., II, 17, Jean deTrainel; II, 22 

4. Dépos., II, 17, Pierre de S. Nizier, Curé de Corfélix, Pierre Barrière, 
Michel de S. Oulph Cf. Arch. Nat., J. 438, n°* 1 et 2. 

5. Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. I. 

6. Ihid., art. II. — Voy. art. 23 de la 2° série d'accusations. 

7. Dépos., II, 22, Hermand de Vertus; Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. II. 






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AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 25 

D'un seul coup, la situation et le crédit de Guichard se trou- 
vaient atteints. A peine admis dans l'entourage royal, il lui 
fallait en sortir à sa confusion, suivi parla haine de deux femmes, 
et s'enfermer dans son évêché pour y vivre de sa mense. Là 
même, on ne le laissa pas tranquille ; la reine-mère, malgré l'im- 
portance des biens qu'elle gardait en Champagne du chef de son 
premier mari, encore que le second lui eût laissé en Angleterre 
un autre douaire considérable, et que le traité de 1284 lui assu- 
rât une grosse fortune à côté de son douaire, voulait avidement 
recouvrer son dû * . 

Malheureusement, la série de tous ces faits nous manque; 
l'affaire de Jean de Calais était close au moment du grand pro- 
cès : elle n'y a laissé que des échos 2 . Ce qui est certain, c'est que 
l'enquête fut peu à peu élargie, que l'accusation s'envenima, deve- 
nant chaque jour plus âpre et plus haineuse, prenant le caractère 
d'une persécution. 

L'archevêque de Sens, comme métropolitain de l'évêque, fut 
chargé du soin de l'enquête : dès 1301, une instruction contre 
Guichard était ouverte à la cour archiépiscopale de Sens 3 ; et à 
l'Assomption de la même année, on informait à Provins dans 
l'entourage de l'évêque pour savoir comment il avait laissé échap- 
per Jean de Calais 4 . 

Cependant, le 2 mai 1302, au cours de l'enquête, la reine de 
Navarre mourut, emportée par un mal soudain que les médecins 
ne surent point reconnaître : c'était une femme d'une forte santé, 
qui, dans sa jeunesse avait été très belle, mais qui s'était 



4. Blanche d'Artois semble avoir été, non sans âpre té, soucieuse de ses 
intérêts. Elle l'avait déjà laissé voir dans la liquidation de la succession de 
Navarre et Champagne. Voy. Rcg. XXXIV du Trésor des Chartes, foi. 28, 
33 v° (Boutaric, Actes du Parlement de Paris, n 09 2506, 2050). 

2. Voy. art. il de la 2 e série d'accusations : c'est au fond la reprise de l'af- 
faire sous une autre forme, moins directe, d'accusation. 

3. Dépos., II, 17, Curé de Corfélix. — L'archevêque était alors Etienne 
Becart (1292-1309). 

4. Ibid., II, 2, Pierre de S. Nizicr. 



26 AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

épaissie sur le tard ! . Il semblait qu'un apaisement dût s'en- 
suivre : mais la fille prit la succession de la mère et mit la même 
animosité à poursuivre son ancien favori. Peu après la mort de la 
reine Blanche, on enquêtait encore sur le fait de Jean de Calais 
dans la société de l'évêque 2 . En juillet 1302, Gautier de la Porte, 
prévôt de Troyes, et Pierre de Villy, chanoine de Saint-Étienne, 
furent chargés par la reine de France d'informer, sans appeler 
l'évêque, sur plusieurs faits graves dont Guichard était chargé 3 : 
il s'agissait entre autres du meurtre du curé de Laubressel, et de 
la mort de deux hommes emprisonnés jadis par Guichard à Mon- 
tier-la-Celle dans le cachot de l'abbaye 4 . On ne se contentait plus 
du premier grief, sans doute mal prouvé, la fuite de Jean de 
Calais. Pour mieux écraser l'évêque, on cherchait dans sa vie pri- 
vée, on remuait les mécontentements, les jalousies et les haines 
inévitables laissés derrière lui par ce prélat heureux, pour décou- 
vrir quelque fait qui, grossi avec les années, dénaturé par les 
envieux, vînt, dans une accusation bien arrangée, préparer et cor- 
roborer le dernier crime, le plus grave, l'empoisonnement de la 
reine de Navarre. 

Car les ennemis de Guichard entendaient bien l'en charger. 
Cette mort, qui devait être si désirée par l'évêque, avait éveillé 



4. Dépos., II, 22. — Cf. Chron. anonyme dite Anciennes chron, de 
Flandre (Hisfor. de Fr., XXII, 332). 

2. Dépos., II, 22. Lorin. 

3. lhid. y II, 43, Gautier de la Porte. Pierre de Villy, Cf. Dépos., II, 14, 
Robin Didier, qui rapporte l'enquête, où il était greffier, à Noël 1300. C'était 
une enquête secrète : les informations criminelles se faisaient ainsi, sans 
appeler ceux contre qui elles étaient dirigées (Guilhiermoz, Enquêtes et Pro- 
cès, p. 102). — M e Pierre de Villy, chanoine de S. Etienne de Troyes, est 
désigné comme clerc delà reine dans le ms. Bibl. Nat., lat. 9783, fol 15 v° 
(30 septembre 1298) ; il est encore mentionné fol. 19 v° (0 novembre 1298) ; 
fol. 85 (12 sept. 1298); fol. 120 (12 juillet 1301) : il était clerc des comptes de 
la reine. Cf. Cod. cerat. Johannis de S. Justo (Histor. de Fr. t XXII, 509). 

4. Arch. Nat., J. 438, n° 4, dépos. de Pierre de Villy : d'ap. lui, l'en- 
quête faite alors sur les faits reprochés à l'évêque se trouvait, en 1308, au 
moment du grand procès, entre les mains d'Enguerrand de Marigny. 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 27 

les soupçons '. Survenue au plus fort du démêlé de Guichard et 
de la reine 2 , quelque temps après un séjour de Tévêque a Paris 3 , 
n'en semblait-elle pas une conséquence? A tort ou à raison, l'ac- 
cusation chercha à en tirer également parti : il y eut un procès, 
fait en la cour de révoque de Paris, contre Cassiano Pétri, « épi- 
cier » florentin de la maison de monseigneur Mouche 4 , soup- 
çonné d'avoir empoisonné la reine et d'autres personnes ; et ce 
procès « prouva » que Téveque de Troyes et certain Lombard, 
neveu de Mouche et receveur de Champagne, Tenaille, — en butte, 
comme Guichard, aux poursuites de la reine, — avaient été les 
inspirateurs de Cassiano 5 . C'est sans doute une pièce distraite du 
dossier de ce procès que la lettre suivante adressée par l'évêque 
à Cassiano, l'apothicaire chargé de fabriquer le poison : 

G., par la grâce de Dieu evesques de Troies, a son bon ami Quais- 
sain, espicier de Florance, demorant a Paris, salut et bone amour. 
Comme nos vous heussiens * fait requérir et prier par nostre especial 
ami et le vostre, Tenaille, d'une nostre besoigne secrète pour celé par 
qui je suisdeslruiz (quar autrement n'enpuis jeestrevengez), et si vous 

1. Dépos., II, 22, Frère Durand. 

2. Ibid.y Girard de Vauchassis. 

3. Ibid., Guillaume Pastourel. 

4. Sur Campolino, dit Musciatto (Mouche), Biccio ou Albizzo (Biche), et 
Niccoluccio, fils de Guido Franzesi, les fameux banquiers florentins au ser- 
vice de Philippe le Bel, consulter la notice et les indications bibliographiques 
de Cli.-V. Langlois, Revue historique, 4896, mars-avril, p. 322. 

5. Arch. Nat., J. 438, n os 5 et 9 f art. I; — n° 4, art. I : le procès se trou- 
vait en 1308 aux mains de M e Etienne, auditeur des témoins en la cour de 
Tofficialde Paris. — Sur tous ces personnages, v. dépos., II, 22. — Tenaille 
était le fils d'un chevalier florentin, Simon de' Bardi, et « neveu » de Biche 
et de Mouche. On le rencontre en 1299 comme « receptor Campanie » 
(Bibl. Nat., ms.lat. 9783, 7 juillet); en 1301 la reine de Navarre le poursuivait 
et faisait saisir ses biens à Épernay (Dépos,, II, 22, Rico Jacobi) : ces 
poursuites et l'affaire de Jean de Calais ne seraient-elles pas connexes ? Et 
n'est-ce pas aux fraudes de ces trésoriers que se rapporterait une lettre de 
Philippe le Bel du 26 (?) mai 1301 par laquelle le roi ordonnait à Guillaume 
de Nogaret et à Simon de Marchois de faire enquête sur les malversations 
commises en Champagne par des officiers royaux, « in nostrum et carissime 
« consortis nostre, Johanne, Francie et Navarre regine,... gravamen et 
« dampnum»? (Arch. Nat., J. 199, n° 42). 

6. Il y avait d'abord : « je vous heusses » : on a corrigé. 



28 AFFAIRE DE JEAN DE CaLAIS 

avoie anvoié III e florins par ledit T., et sus ce je n'en oy puis novelles ne 
ne m'en suis de riens aperceuz ; si vous pri que vous, pour l'amour de 
nous et pour dou nostre, vous penssez de hâter laditte besoigne en tele 
manière que nous en apercevions proichienement ; et le faites si saine- 
ment que nus ne s'en aperçoive : quar trop est granz etpuissans dame 
la persone pour cui ce est, et nous et vous en porriens estre destruit 
qui le sauroit. Et se Tenaille n'a parlé a vous de ceste chose, si vous 
travaillez jusques a nous, et nous le vous deviserons; et se po avez de 
ce que nous vous avons anvoié parle dit T., nous vous baillerons ce 
que il vous plaira entièrement, quar trop nous tarde que ceste chose 
soit acomplie. Penssez de ceste chose hâter. Diex vous gart. Metez 
ceste lettre ou feu quant vous l'auroiz leue • . 

L'évêque avait-il vraiment écrit cette lettre, dont les termes 
le compromettaient ouvertement 2 ? Avec son écriture, un peu 
moins ferme et moins déliée que l'écriture courante des scribes, 
le billet offre bien un caractère personnel et authentique, et Ton 
voit encore au dos l'empreinte du cachet dont il était clos. Mais 
est-il besoin de dire que, si des ennemis de Guichard, pour assu- 
rer sa perte, fabriquèrent la lettre, ils en faussèrent d'abord l'écri- 
ture et tous les caractères extérieurs? Pour nous, Guichard ne l'a 
point écrite : les termes en sont trop peu confidentiels et l'évêque 
s'y compromet trop grossièrement; on peut se demander enfin, 
si la lettre était vraie et fut reconnue telle, pourquoi l'accusa- 
tion, ainsi clairement prouvée, n'eut pas de suite, pourquoi Gui- 
chard ne fut pas condamné. 

L'évêque, affaissé sous le scandale, était encore en butte aux 
poursuites pécuniaires de la reine; en 1303, vers Pâques, Enguer- 
rand de Marigny était occupé à faire l'inventaire des biens de 
Guichard 3 ; la reine faisait couper ses bois et exploiter ses pro- 

i. Arch. Nat., J. 206, n° 4. Orig. scellé, parchemin. — Publié par 
C. Piton, A propos des accusateurs des Templiers (Bévue de VOrient latin, 
1895, n<» 3). 

2. M. C. Piton, se fondant sur les caractères intrinsèques de la pièce, 
croit pouvoir rafflrmer, et conclure à la culpabilité de 1 evêque. 

3. Dépos., II, 26, Jean Garnier. — Faut-il rapporter cet inventaire des 
biens de révoque à une enquête plus générale qui fut faite vers cette 
époque? (Arch. Nat., J. 206, n° 3) ; « Ce est l'estimation de la valour des 



ï ■ -- 



AFFAIRE DE JEAN Î)E CALAIS 29 

priétés *, tirant ainsi de lui la valeur de quarante mille livres 
tournois 2 . 

L'évêque cependant n'était pas homme à rester inactif : il met- 
tait à se réhabiliter le même acharnement que ses ennemis à 
machiner sa ruine. 

Il avait d'abord pensé que, la reine de Navarre morte, il lui 
serait plus facile de retrouver son crédit 3 : il essaya donc, par 
l'intermédiaire de ses amis dans l'entourage royal, de rentrer au 
conseil; Une put y parvenir 4 : l'obstacle venait de la reine. Alors, 
refoulant sa haine croissante, il se fit souple, il tenta un rappro- 
chement; plusieurs personnes s'entremirent encore, mais en vain, 
pour le faire rentrer en grâce auprès d'elle : elle était dégoûtée 
de lui 5 . 

La réconciliation était désormais impossible. Guichard ne vou- 
lut pas du moins s'avouer coupable : la condamnation, c'était, 
avec la ruine, sa confusion et son discrédit perpétuels 6 . Il s'ef- 
força donc de contrarier le procès intenté contre lui, de neutrali- 
ser les témoignages produits dans l'affaire de Jean de Calais, soit 
en leur en opposant d'autres, soit en retournant les premiers. Il 
y eut là un emmêlement d'intrigues obscures où la vérité et la 
suite des faits sont difficiles à saisir 7 . 

a possessions et des rentes que les personnes d'église de la baillie de 
« Troyes ont et pevent avoir en ladite baillie, selon l'information faite sus ce 
« hastcement et secrcement dou mandement le roy fait et envoyé au bail- 
« lif de Troyes » (sans date). 

1. Dépos., II, 25, Gentile de Ficeclo. 

2. Dépos., II, 25, Jean du Tremblay. L'évêque disait qu'elle avait tiré 
en tout de lui 80.000 livres, avec les 40.000 livres qu'il dut verser en fin de 
l'affaire. 

3. 2 e série d'accusations, art. 22 : « quod post morte m ejus in curiam 
« domini régis Franco ru m melius quam in ejus vita posset sua facta promo- 
« vere.» Cf. Dépos., II, 22, Curé de Corfélix : il comptait faire sa paix plus 
vite avec le roi. 

4. Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. III. 

5. Ibid., art. IV. 

6. Ibid.y art. III (ob predicta reputans se confusum). 

7. Pour établir les faits qui vont suivre, nous avons dû nous servir des 
témoignages de l'article 17 de la 2 e série d'accusations, maigre leur carac- 
tère quelquefois suspect : mais nous n'en avons retenu que les faits patents 
et pour ainsi dire officiels. 



AKKaihe de jeas de calais 

évéque mena secrètement une double série de négociations : 
rance, pour obtenir des témoignages favorables et fournir, au 
;s, une sorte de contre-preuve qui devait détruire les alléga- 
; des témoins de la reine; — en Italie, pour amener Jean de 
is à le disculper auprès du roi et de la reine de France, 
la cour du roi, l'évêque se savait appuyé par des amis à lui, 
>ersonnages, qui soutiendraient l'affaire quand elle serait en 
; il avait aussi pour lui les ennemis de son principal accusateur, 
a Dei '. Il semble que l'évêque de Meaux, Jean de Mon- 
ïb, un des principaux conseillers du roi, ait été. sinon son 
jlice, du moins son auxiliaire et son intermédiaire dans 
tentative secrète 2 . On voit également que Guichard comp- 
sur l'entremise du cardinal Lemoine pour produire sa justî- 
ion auprès de la reine s . 

est au commencement de Tété de 1803 qu'il fit le suprême 
L qui devait » renverser et retourner tout le procès » machiné 
^e lui. Après Pâques, il envoya à Paris Uegnaud, doyen 
Saint-Urbain 4 , et Pierre de Saint-Xizier, son procu- 

Dépos., II, 17, Pierre Barrière. Toutes ces machinations feraient croire 
■ intrigue de cour, peut-être a une lutte d'iulluences, dont en partie 
échappent et les détails et les causes et les acteurs. 
Ihid., Pierre Barrière, Pierre de S. Ni/.icr. Nous avons vu plus haut, 
que Guichard, étant abbé" de Montier-la-Celle, s'était trouvé en rap- 
avec les cvèqucs de Meaux, et que ces relations semblaient avoir été 
[«"officielles. Lév. de Meaux était alors Jean de Montrolles, ou Jean 
intcrolc, ancien chantre de l'église de Baveux, nommé par Boni- 
ïïll évèque de Meaux le 3 octobre 1208 \lletj. de Bonifnce VIII, 
i8), m. le 12 ou le 18 février l:J03 \Gatl. christ. VIII, 1«32). 
Ibid., Hugue Morsel; dépos., III, 7, Jean de Langres. Nous ignorons 
lent et & quel moment se nouèrent ces relations de Guichard avec le 
îal. Le cardinal Lemoine, envoyé alors par Boniface VIII auprès du 
>ur tenter une conciliation, était Français d'origine et ami personnel 

!*,e Uegnaud semble être le personnage indiqué par les autcura du Gai- 
rhtinna comme étant, dès 1296, doyen de S. Urbain, mort le 29 nov. 

Le Gallia l'appelle lienatus de Cotumlit et dît qu'il fut chanoine de 
?s. Lalore mentionne en 1314-17 (C.arlul, de Saint-1'ierre, pp. XV, 

I un Renaud le Diable (Henaudui Diaholi) doyen de Saint-Urbain et 
iinc de Troycs. Selon Méchin (Documents inéd. pour servir à rhistoire 



Affaire de jean de calais 31 

feur 1 : il s'agissait, les témoins recrutés et préparés, de les faire 
parvenir à frère Durand, le confesseur de la reine 2 ou à la reine 
elle-même par l'intermédiaire de l'évêque de Meaux 3 . Le doyen 
s'était logé, pour rendre les relations plus faciles, dans une maison 
de la Grand-Rue, près de celle de l'évêque 4 . L'affaire semblait mar- 
cher : on vit un des témoins qui avaient autrefois déposé pour la 
reine, causer avec le cardinal, alors à Paris, en présence de l'évêque 
de Meaux et du doyen de Saint-Urbain 5 . Mais les soupçons furent 
éveillés : la tentative de l'évêque vint aux oreilles de la reine, qui 
s'en montra très irritée 6 . 

. La cause à ce moment n'était r plus entre les mains du seul 
archevêque de Sens : elle avait été portée devant Tofficial de 
Paris, assisté d'auditeurs à ce députés par mandement du roi 7 : 
M e André Porcheron 8 , chanoine dWrras, Pierre de Grès 9 , 

de la collégiale de Saint-Urbain, p. 104), le doyen Renauld de Colombiers 
fonda la chapelle Notre-Dame, donna plusieurs revenus à l'église et mourut 
en 4336. Ces trois noms s'appliquent vraisemblablement à un personnage 
unique, Rcgnaud ou Renaud de Coulommiers, celui-là même qui nous 
occupe. Surles relations de Guichard avec Saint-Urbain, v. Lalore, Chartes 
de S. Urbain, p. 316. 

1. Pierre était un des familiers de révoque : ancien notaire en l'officiaUté 
deTroyes, sépare de sa femme, puis « bigame », il n'en avait pas moins été 
ordonné par Guichard et bénéficié d'une cure (Dépos., III, 3). 

2. C'était frère Durand de Champagne, de l'ordre des Mineurs, dit de 
Folesio ou de Froleyo dans les dépositions du grand procès. Voy. la notice 
de Léop. Delislc, Hiat. litt., XXX, 302 et suiv. 

3. Pierre de S. Nizier, Pierre Barrière, Ilugue Morscl. 

4. Pierre Barrière. — Jean de Montrolles avait en efTet une maison à 
Paris qu'il donna plus tard aux chanoines de Meaux (Gall. christ., VIII, 
1632). 

5. Hugue Morsel. 

6. Frère Durand, Pierre Barrière, Guillaume Pastourel. 

7. Richard, év. de Béziers, M e André Porcheron. Cf. Arch. Nat., J. 438, 
n° 4, dépos. de Pierre de Villy. 

8. M c André Porcheron (Pocheron, Poucheron, Percheron) : signalé 
comme étant du Parlement d'hiver 1310 [duTiïïet, Recueil des rois de France, 
éd. 1618, p. 370); — du Parlement de 1315 (ibid., p. 371 ; cf. Ch.-V. Lan- 
glois, Textes relat. à fhist. du Parlement, p. 178); — membre de la Grand 
Chambre (ibid., p. 372); — envoyé en Espagne, 1301 (Bibl. Nat., ms. iat. 
9783, fol. 55, etc). 

9. Pierre de Grès, chanoine et chantre de Paris (pourvu de sa prébende le 



AFFAIRE DE JEAN DE CÀLÀlS 

chantre de Paris, commissaires de l'archevêque de Sens; Robert 
de Fouilloy *, chantre d'Amiens, Raoul Grosparmi 2 , doyen d'Or- 
léans, Richard Leneveu 3 , archidiacre d'Auge, monseigneur 
Guillaume de Plaisians 4 et M e Hélie de Maumont 5 , avec Jean 
d'Orléans • pour greffier. 

Des témoins déférés devant les auditeurs déclarèrent que 
l'évêque avait essayé de les suborner pour les faire revenir sur 
leur premier témoignage; d'autres révélèrent que le doyen de 
Saint-Urbain, qui poursuivait l'affaire pour Guichard, avait, à 
Paris, en sa possession, des lettres où l'évêque s'obligeait à 
payer 2.000 livres à certains faux témoins 7 . Le doyen, soit qu'il 
vît le danger, soit qu'il comprît enfin que l'évêque lavait abusé 
en l'employant à produire des témoins achetés, quitta Paris 8 ; 
mais il fut poursuivi, et il n'était encore que dans les bois de 



7 mars 1296 : Reg. de Boniface VIII, n° 4035), chancelier de Chartres, cha- 
noine d'Auxerrc, mais résidant à Paris (i6ic/., n° 1468), était le frère de 
Jean de Gros, maréchal de France. C'était un juriste également versé dans le 
droit civil et le droit canon. Chancelier de Navarre, Brie et Champagne, il 
devint en J308 évèque d'Auxerre; m. en 4325. 

4. M Robert de Fouilloy, signalé comme étant du Parlement postérieu- 
rement à 4307 (Ch.-V. Langlois, ouv. cit., p. 478); plus tard évèque 
d'Amiens, 4308. 

2. Raoul Grosparmi, légiste distingué et clerc du roi (Gall. christ., VIII, 
507), d'abord doyen d'Orléans (Reg. de Clément V, n°* 376, 2383), devint 
évêque d'Orléans en 4308, m. le 18 sept. 1311 (Bibl. Nat., ms. lat. 9069, 
p. 93). 

3. Richard Leneveu avait déjà été enquêteur dans l'affaire de Bernard 
Saisset; il devint évoque de Béziers, 45 déc. 4305 — 10 mai 4309. Voy. la 
notice de B. Hauréau, Hist. littér., XXVI, 539-551. 

4. Sur Guillaume de Plaisians, v. E. Renan, Ilist. lit., XXVII, 374; 
A. Henrv, Guillaume de Plaisians, ministre de Philippe le Bel (Moyen âge, 
1892, p.*32). 

5. M e Hélie de Maumont, « nepos magistri Giraut >», signalé au Parle- 
ment de 1298 (Ch.-V. Langlois, ouv. cit., p. 169>. Il était chanoine de 
Bourges, et de plusieurs autres églises {Reg. de Boniface VIII, n° 4774). Cf. 
Boutaric, Actes du Parlement de Paris, n° 3144. 

6. Jean d'Orléans, alors notaire en Tofûcialité de Paris, était en 4308 
chanoine de Paris. 

7. Dépos., II, 17, Richard, év. de Béziers, frère Durand. 

8. Ibid. f Pierre de S. Nizier, frère Durand. 



ÏW** 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 33 

Tournan quand il fut arrêté, avec Pierre de Saint-Nizier, par des 
sergents du Ghâtelet * : on le conduisit dans la prison de l'évêque 
de Paris 2 . Peu après, on le vit s'excuser auprès de la reine, 
disant qu'il n'avait rien su de la subornation des témoins 3 . On 
arrêta encore d'autres agents de l'évêque, M e Pierre Barrière, 
M e Hugue Morsel et Gui de Cas, qui s'étaient employés à faire 
rétracter des témoignages 4 , et qui déclarèrent, devant les audi- 
teurs, qu'ils avaient reçu de Guichard des promesses et des pré- 
sents, et qu'ils étaient convenus de mener l'affaire si des person- 
nages de la cour du roi voulaient s'entremettre 5 . Les lettres d'obli- 
gation de l'évêque vis-à-vis d'eux, dont le doyen était porteur, 
furent exhibées en manière de preuve 6 , et il fut patent par cette 
enquête que l'évêque avait corrompu des témoins pour chercher 
à se disculper 7 . 



1. Pierre de S. Nizier. (Tournan, c on et arr. de Melun). 

2. Ibid., Pierre de S. Nizier, Frère Durand. 

3. Ibid., Frère Durand. 

4. Sur le rôle jouépar ces personnages, v. les dépositions de Pierre de S. 
Nizier, Pierre Barrière, Hugue Morsel. — Ce Pierre Barrière, qualifié 
dans les dépositions du grand procès : M° Pierre Barrière, de Périgueux, 
clerc, est vraisemblablement le même que celui qu'on trouve dans les 
Tablettes de cire à Tannée 1308 (Histor. de F/\, XXII, 561-62) : « magister 
« P. Barrerii ou Barrerais, notarius ». Faut-il les identifier avec « magister 
« Petrus Barrerrie », prieur séculier de l'église de S. Girons, au dioc. de 
Conserans, chapelain de Clément V, que le pape substitue le 6 juin 1311 à 
Pierre, doyen du Mans, dans l'administration des biens du Temple (Reg. 
de Clément V, n° 7522) ; chanoine et trésorier de l'église de Noyon, 1313 
(ibid., n° 8958); nommé chanoine de Bourges, 30 déc. 1312, en considéra- 
tion du roi de France, nonobstant qu'il fût déjà pourvu de canonicats à 
Saint-IIonoré de Paris, à Saint-Ursin de Bourges, à Notre-Dame de Melun, 
etc., et qu'il eût d'autres prébendes en expectative (/Aie/., n° 9169) ? 

M e Hugue Morsel, prêtre; les dépositions ne le font pas connaître autre- 
ment. 

Gui de Cas (Guido Cassi) était un Lombard qu'il faut peut-être identifier 
avec un Pazzi. Voy. C. Piton, Les Lombards en France, pp. 132, 138. 

5. Dépos., II, 17, Pierre Barrière, Richard, év. de Béziers. 

6. Ibid., Richard, év. de Béziers. 

7. Arch. Nat., J. 438, n° 4, dépos. de Pierre de Villy. L'enquête était 
en 1308, au moment du grand procès, entre les mains de l'évêque de 
Meaux, alors Simon Festu, l'ex-archidiacre de Vendôme, qui avait pour- 

Mèm. et Doc. de l'Éc. des Chartes. 3 



34 AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

La tentative de Guichard avortait piteusement et tournait 
encore une fois à sa confusion. 

Pendant ce temps, de graves événements agitaient et tirail- 
laient le clergé français : on était au plus fort de la querelle 
entre le roi et le pape. Boniface VIII avait convoqué les prélats à 
Rome pour s'appuyer de leur opinion contre le roi (S décembre 
1301) * : mais le roi avait fait défense aux ecclésiastiques de sor- 
tir du royaume 2 . Dans cette embarrassante alternative, le clergé 
français se divisa : une partie des prélats obéit à l'appel du 
pape et se rendit à Rome à la Toussaint de i 302, pendant que le 
roi, de son côté, convoquait à Paris les barons de son royaume et 
ceux des préla^ qui étaient restés (1 er décembre). Guichard ne 
figure pas sur la liste des ecclésiastiques qui se rendirent à 
Rome 3 . Faut-il en conclure qu'il n'y alla pas? Dans une bulle du 
13 avril 1303, Boniface VIII chargeait son légat en France, le 
cardinal Lemoine, de sommer les évêques récalcitrants de venir 
sous trois mois à la cour pontificale : il assignait particulièrement 
les archevêques de Sens et de Narbonne, les évêques de Soissons, 
de Beauvais et de Meaux, et l'abbé de Saint-Denis, excusant ceux 
qu'empêchait la vieillesse ou la maladie. L'évêque de Troyes n'est 
pas mentionné comme réfractaire ; il n'est pas excusé 4 . Peut- 
être, absorbé en France par son procès, s'était-il fait représenter à 
Rome. Peut-être Boniface VIII, en ne le mandant point, savait-il 
qu'il pouvait compter sur lui pour favoriser ses menées contre le 
roi. Le jour même où le pape envoyait à son légat pour presser 
les récalcitrants, deux autres bulles étaient adressées au cardinal 



suivi l'affaire \ihid.). On en reproduisit les pièces dans le grand procès; 
mais nous n'avons plus qu'un extrait de Tune d'elles (v. II e part., chap. VII). 

1. Dupuy, Preuves du différend..., p. 5i. 

2. Ibid., pp. 83-84. 

3. Ibid., p. 86. 

4. Ibid., pp. 87-88. L'archevêque de Rouen, les évêques de Paris, Amiens, 
Langres, Poitiers, Bayeux sont excusés, l'évêque d'Arras, « propter con- 
« stantiam legalitalis et fidei », l'évêque et le chapitre de Laon également. 

Boissy d'Anglas, dans son mémoire, affirme sans preuve que Guichard se 
rendit à Rome. 



PT 1 



.- ■» 









AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 



35 



Lemoine : dans Tune, Boniface laissait entendre que, si le roi ne 
se rétractait pas, il agirait contre lui temporellement et spiri- 
tuellement 1 ; dans Fautre, sorte de lettre complémentaire qui 
devait sans doute rester secrète, le pape mandait à son légat 
que le roi se trouvait compris dans la sentence générale d'ex- 
communication portée contre ceux qui empêchaient les ecclé- 
siastiques de venir à Rome 2 . Le porteur de ces lettres était 
Nicolas de Bienfrait, archidiacre de Coutances, chapelain du car- 
dinal Lemoine 3 . Le roi, apprenant que la sentence d'excom- 
munication était lancée contre lui, fît garder les routes : Nicolas 
fut saisi à Troyes par les sergents du roi et emprisonné 4 . Sa 
présence dans cette ville était-elle un hasard? L'évêque était-il de 
connivence dans les agissements du pape ? On ne sait. Quoi qu'il 
en soit, la conduite de Guichard à ce moment ne fit pas d'éclat 5 ; 
et si, par rancune contre la cour, Tévêque penchait pour Rome, 
c'était secrètement. Il était alors en relations avec le cardinal 
Lemoine, en qui il avait une particulière confiance et sur lequel 
il comptait pour appuyer ses démarches 6 : ces rapports ne 
peuvent faire conclure qu'il se soit montré dans cette crise 
« un adversaire avoué de la politique de Philippe le Bel 7 ». On 
put le soupçonner, non sans raison, de sentiments hostiles 
au roi ; Tévêque put regretter la tournure des événements et le 






i. Dupuy, Preuves du différend..., p. 89. 

2. Ibid.~p. 98. — Voy. E. Renan, Hist. lift., XXVII, 208. 

3. Nicolas de Benefraclo, de Benefacta (Reg. de Boniface VIII, n°* 2648, 
2656), d'abord archidiacre de Gacé en l'église de Lisieux, 1298 (ibid.). 

4. Jean de S. Victor (Histor. de France, XXI, 639-40); Chron. de 
S. Denis (ibid., XX, 674) ; cf. dans Dupuy, ouv. cit., p. 184 (projet de 
bulle de Boniface VIII pour le 8 sept. 1303}, et dans VHisi. du différend, 
p. 17. — Boutiot (Hist. de Troyes, II, 4-5) affirme que ces agents du pape 
s'étaient mis en rapport avec Guichard et qu'ils avaient distribué des 
copies des bulles pour soulever les populations. 

5. Il n'apparaît nulle part : il ne figure pas au nombre des évequcsqui con- 
tresignent et approuvent la plainte de Plaisions, le 13 juin 1303 (Dupuy, 
Preuves, pp. 100-101), ni au nombre de ceux qui, le 15 juin, consentent l'ap- 
pel au concile (Dupuy, ibid., p. 112). 

6. V. plus haut, pp. 30-31. 

7. Boutiot, Hist. de Troyes, II, pp. 4-5. 



i'ï^rp 



36 AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

départ précipité du cardinal qui devait s'entremettre pour lui à 
la cour : mais dans tout ce conflit, son attitude, en somme, 
semble avoir été réservée *. 

Les événements tournaient contre l'évèque : il n'en poursui- 
vait pas moins ses intrigues en Italie, où il espérait tirer de Jean 
de Calais, un aveu, une rétractation, la seule chance qui lui restât 
de se réhabiliter. 

Ses ennemis avaient déjà manœuvré à la cour romaine : dès le 
mois de septembre 1302, un chanoine de Saint-Etienne de Troyes, 
Jean de Beaune, avait été envoyé à Rome, sans doute de la part 
de la reine, pour agir contre Guichard, mais était mort mystérieu- 
sement à Ivrée 2 . Vers cette époque, l'évèque aussi avait à Rome 
un procureur, M e Jean de Langres 3 . Au carême de l'année 1303, il 
envoya encore outre monts un homme à lui, Jean de ïrainel 4 , qui 
avait été en prison à Paris avec Jean de Calais et Noffo Dei : cet 
agent resta plus d'un an tant à Rome qu'en Italie, cherchant à 
circonvenir le chanoine fugitif, et revint auprès de l'évèque avant 
la Pentecôte de 130 i (17 mai) 5 . 

A ce moment, les adversaires de Guichard réussissaient enfin, 
parleurs insinuations auprès du Saint Siège, à obtenir du nouveau 
pape, Benoît XI, une citation contre l'évèque. Le 18 mai, le 
pontife, rappelant les bruits de crime apportés jusqu'à lui sur le 
compte de l'évèque, — et relatifs sans doute à la mort de la reine 
de Navarre, — considérant que de tels faits, s'ils étaient fon- 
dés, ne pouvaient rester impunis, mandait à M 8 André de Fontai- 

1 . À Troyes, le clergé, régulier et séculier, adhéra en masse à l'appel du 
roi contre Bonifacc (Arch. Nat., J. 480, 481, 489). L'opposition de Guichard 
à la politique du roi parait d'autant moins vraisemblable qu'il n'en pouvait 
rien attendre; le clergé séculier était alors dévoué à la royauté, à sa merci : 
et Guichard est bien le type de ces prélats semi-laïques, vivant en sei- 
gneurs hors de leur diocèse, et plus habitués à regarder vers la cour que 
vers le Saint Siège. A ce moment d'ailleurs, n'avait-il pas besoin de toute 
l'indulgence de Philippe ? 

2. Dépos., II, 24. 

3. Ibid., II, 24, Richard Potier. 

4. Ibid., II, 17, Jean de Trainel.Cf. Jean de Hancy. 

5. Ibid.y III, 7, Jean de Langres, et II, 17, Jean de Trainel. 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 37 

nebleau, doyen de Saint-André de Chartres, et à M* Milon, 
chanoine de Saint-Etienne de Dreux, de citer Tévêque à compa- 
raître en personne à la cour apostolique dans les trois mois 1 . 

Sur ces entrefaites, le mercredi delà Pentecôte 1304 (20 mai), 
Jean de Calais mourut à Viterbe 2 . 

Deux lettres qu'il aurait écrites à son lit de mort, le 17 avril, 
parvinrent alors au roi et à la reine de France : le chanoine recon- 
naissait que Tévêque de Troyes était innocent de sa fuite ; il 
déclarait n'avoir témoigné contre Guichard que par peur de la 
prison perpétuelle et sous la pression de l'archidiacre de Ven- 
dôme ; qu'en réalité il s'était sauvé à l'insu de Tévêque, conseillé 
et aidé par son neveu, Michelet, et par Herment, chapelain de 
la reine de Navarre 3 , maintenant curé de Bergères : 

« A très excellent, très noble et très puissent prince nostre sei- 
gneur Philippe, par la grâce de Dieu roy de France, li vostres sou- 
giez et soumis en toutes choses Jchans de Calés, jadis thresoriers de 
noble seigneur monseigneur Edmon, jadis conte de Champaigne, lui 
humblement enclinez a touz voz bons plesirs et servises. Très chiers 
sires, comme j'aie dit et tesmoigné contre Tevesque de Troies que je 
li eusse donné et fet donner par Vanne * Nicholas de Pistoie, compai- 
gnon des Amanast 5 , et par autres marchans, aucunes sonmes de 

1. « ... Multa de venerabili fratre nostro Guichardo, episcopo Treccnsi, si 
« dici venerabilis mereatur, sunt nobis insinuata sinistra,que limam apos- 
« tolice correction i s exposcunt; idcoque nos illa nolentes, prout etiam nec 
« debemus, si veritatc nitantur, relinquerc incorrecta, discretioni vestre 
« per apostolica scripta mandamus quatinus vos, vel alter vestrum, per vos 
« vel alium seu alios, eundem cpiscopum ex parte nostra peremptorie 
« cîtare curetis ut infra trium mensium spatium post citationem hujusmodi 
« apostolico se conspectui personaliter representet, nostris beneplacitis 
« et mandatis in hac parte plenarie pariturus... Dat. Perusii, XV kalen- 
« das junii, anno primo » (Reg. de Benoit XI, n° 1268). 

2. Dépos., II, 17, Jean de Hancy. 

3. Herment, en i304, et en 1308, au moment du grand procès, curé de 
Bergères-les-Vertus (arr. de Châlons-sur-Marne, c on de Vertus); il était, 
d'après son propre témoignage (Dépos., II, 22), chapelain de la reine de 
Navarre au moment de sa mort. 

4. Diminutif de Giovanni. 

5. La Odes Amanast (Socie tas Amannatorum) était de Pistoie. Voy. Reg. 
de Boniface VIII, n° 2646 et passim. En 1304 la société était tombée et 
cherchait à se reformer (Reg. de Benoit XI, n° 882). 



38 AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

deniers et joiaus pour moi délivrer de sa prison ou je estoie, — la 
quele chose je dis et tesmoignai contre vérité, quar je m'en issi de la 
dite prison par le conseil et par l'aide de monseigneur Herment, prestre 
de Bergieres, et de Michelet, mon neveu, senz le seu etsenz le consen- 
tement dou dit evesque, et je m'en soie confessiez a un des confesseurs 
pénitenciers de nostre père le pape, ïi quiex m'a enjoint en peneance 
que toute la vérité de ceste chose je révélasse et descovrisse aperte- 
ment la ou mestiers seroit, et especialement a vous, — pour quoi en 
deschargent et délivrant l'ame de moi de celi pechié, je, qui suis 
malades griément et croi estre au lit de la mort, dénonce a la vostre 
très grant hautesce, en vérité et sus le péril de l'ame de moi, que tout 
ce que je dis et tesmoignai contre le dit evesque fu fauceté ; et le fis par 
la force et par la contrainte de l'arcediacre de Vendosme, clers de ma- 
dame la rayne, vostre famé, qui jura sus sains, moi présent, que, se je 
ne tesmoignoie contre le dit evesque ce que Noffe Dei de Florence me 
dirait, que il me ferait enprisoner a peperluité; et avoit ja fet arrester 
mon hernois a Paris en la rue de la Harpe, chiers Aubert de Senliz. Et, 
pour paour des dites menaces et d'estre emprisonez, je tesmoignai la 
chose si corne li dit arcediacres et Noffes voudrent, contre raison et 
contre vérité; qar il disoient que madame la rayne le voloil. Si en por- 
roiz bien savoir la vérité par le dit Vanne Nicholas de Pistoie, que l'on 
disoit qui avoit paie l'argent a l'evesque pour moi. Et ceste chose ai je 
autres foiz certeh'ée a frère Durant, confesseur de madame la rayne, 
vostre famé; et sus cette chose, par le commandement dou dit penen- 
cier ai je ja fait fere un estrument de main de tabellion publique; mes, 
pour vous avisier sur ces choses avant que eles soient publiées, et pour 
délivrer l'ame de moi, je vous certifie la vérité par ces présentes lettres 
pendens, scellées de mon propre seel, douquel je use et ai usé. Donné 
a Viterbe, le venredi après Misericordia. Domini, l'an de grâce mil 
trois cens et quatre * . » 

« A très excellent, très noble et très puissent dame, madame Jehannc, 
par la grâce de Dieu rayne de. France, li vostres sougiez et soumis en 
toutes choses, Jehans de Gales, jadis trésoriers de noble seigneur mon- 
seigneur Edme, jadis conte de Champaignc, lui humblement enclinez a 
touz voz bons plesirs et servises. Très chiere dame, comme j'ai dit et 

1. Arch. Nat., J. 438, n° t. Orig. scellé, double queue, parchemin. Le 
sceau, en partie mutilé, porte : S. Johis de Calesio canonic... — Cf. dépos., 
II, 17, Jean de Trainel (copie insérée). 



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AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 39 

tesmoigné contre Tevesque de Troies que je li eusse donné et fet don- 
ner par Vanne Nicholas de Pistoie, compaignon des Amanast, et par 
autres marchans, aucunes somes de deniers et joiaus, pour moi déli- 
vrer de sa prison ou je estoie, si comme vous savez, — la quele chose 
je dis et tesmoignai contre vérité, quar je m'en issi de la dite prison par 
le conseil et par l'aide de monseigneur Herment, prestre de Bergieres, 
et de Michelet, mon neveu, senz le seu et senz le consentement dou dit 
evesque; et je m'en soie confessiez a un des confessors penetencier 
nostre père le pape, li quiex m'a enjoint en pénitence, que toute la 
vérité de ceste chose je révélasse et descovrisse apertement la ou mes- 
tiers seroit, et especialement a vous, — pour quoi en deschargent et 
délivrant l'ame de moi de celi pechié, je, qui suis malades griemcnt et 
croi estre au lit de la mort, dénonce a la vostre très grant hautece, en 
vérité et sus le péril de l'ame de moi, que tout ce que je dis et tesmoi- 
gnai contre le dit evesque fu fauceté; et le fis par la force et par la 
contrainte de l'arcediacre de Vendosme, vostre clerc, qui jura sus 
sains, moi présent, que se je ne tesmoignoie contre le dit evesque tout 
ce que Noflfes Dei de Florence me diroit, que il me feroit emprisoner a 
perpétuité; et avoit ja fait arrester li diz arcediacres mon hernois a 
Paris, en la rue de la Harpe, chies Aubert de Senliz, pour ce que je ne 
voloie tesmoigner celé fauceté. Et pour paor des dites menaces et 
d'estre emprisonez, je tesmoignai la chose, si comme li dit arcediacres 
et Noffes voudrent, contre reison et contre vérité : qar il disoient que 
vous le voliés. Et, quant j'oi tesmoigné leur volante, je m'en vings 
en ceste partie devers Rome ou je suis, plus tost que je poi, pour la 
paor d'aus. Et oneques au dit evesque, ne autre pour lui, je ne don- 
nai ne ne fis donner ne prometre joiax ne argent pour ceste chose. 
Et ceste chose ai je autrefois certefiée a frère Durant, vostre confessor; 
et se vous volez bien savoir la vérité de ceste chose, vous la porroiz 
savoir par le dit Vanne Nicholas de Pistoie cui l'on disoit qui avoit 
paie l'argent au dit evesque pour moi. Et sus ces choses, par le com- 
mandement dou dit penencier, ai je ja fait fere un estrument de main 
de tabellion publique; mes, pour vous avisier sus ces choses avant que 
eles soient publiées, et pour délivrer en l'ame de moi, je vous en certe- 
fie la vérité par ces présentes lettres pendens seellées de mon propre 
seel, douquel je use et ai usé. Donné a Viterbe, le venredi après 
Misericordia, Domini, l'an de grâce mil trois cens et quatre 4 . 

i. Arch. Nat., J. 438, n° 2. Orig. scellé, double queue, parchemin (traces 
de sceau). — Cf. dépos., II, 17, Jean de Trainel (copie insérée). 



40 AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

Crut-on à la cour à l'authenticité de ces lettres * ? Les enne- 
mis de Guichard se lassèrent-ils de cette poursuite, ou l'argent 
vint-il arranger les choses ? Un apaisement suivit la mort de Jean 
de Calais, et bientôt, avant le mois d'août 1304 2 , un accord fut 
conclu entre les deux parties par la médiation de l'archevêque de 
Sens 3 : l'évoque composa avec la reine pour 40.000 livres 4 . Il 
ne fut pas donné de suite à l'enquête; les témoins subornés 
n'eurent pas à témoigner 5 . 

Quels étaient les dessous de cette affaire mystérieuse, qui traîna 
quatre ans et qu'un simple compromis vint enfin clore, sans 
calmer l'animosité des adversaires ? Longue intrigue obscure et 
passionnée, où l'on sentait de part et d'autre un acharnement 
égal, chez les uns, à poursuivre et à détruire systématiquement 
un homme, chez l'autre à se défendre en paralysant les forces 
adverses ; lutte sourde de rancunes, chaque jour plus ardente, 
attisée et accrue d'incidents nouveaux. Etait-il vraiment cou- 
pable cet évêque persécuté d'une reine, hier encore son familier, 
son compère, le confident de ses secrets? La tâche serait délicate 
et hardie de vouloir faire le jour sur des faits où le mystère tint 
tant de place, et d'essayer, avec quelques pièces qui furent pré- 
tendues fausses, avec des témoignages suspects, de reconstituer 
cette histoire. Nous prétendons seulement tirer des documents 
qui nous restent quelques présomptions, et, sans vouloir con- 
clure, éclairer le grand procès de Guichard, dont l'affaire de Jean 
de Calais semble avoir été comme le premier engagement. 

A en croire les lettres de Jean de Calais au roi et à la reine de 
France, — que ces lettres soient authentiques, ou qu'elles aient 

1. Les adversaires de Guichard cherchèrent à prouver dans le grand 
procès de 1308, que l'évêquc avait fabriqué ces lettres après s'être pro- 
curé par fraude le sceau de Jean de Calais (Dépos., II, 17). 

2. L'arrangement était déjà conclu quand Guichard traita avec le cha- 
pitre de S. Pierre (août 1304). V. plus loin, chap. IV. 

3. Dépos., II, 17, André Porcheron. 

4. Ibid.j II, 8, Bernardin l'Allemand; II, 17, Pierre de S. Nizier, Jean de 
Hancy, Curé de Corfélix; — cf. pièces justif., n° VII. C'était une somme 
énorme pour l'époque. 

5. Arch. Nat., J. 438, n° 4, dépos. de Perrot de la Chambre. 



AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 

été, comme on le prétendit plus tard, fabriquées par Guich: 
les véritables ennemis de l'évéque, ceux qui semblent 
excité l'affaire à son principe, c'étaient l'archidiacre de Ve 
et l'Italien Noffo Dei. D'ailleurs, si ces lettres montrent qui 
Dei fut de connivence avec l'archidiacre pour faire tétr 
Jean de Calais contre Guichard, — établissant ainsi le font 
le plus solide de l'accusation contre l'évéque, — d'autres 
gnages, en les confirmant, viennent, de plus, prouver que 
rentin resta jusqu'au bout le meneur obstiné du procès : i 
ces témoignages il ressort que c'est lui qui avait accusé l'é 
qui l'avait brouillé avec les gens de la reine, qui avait < 
l'affaire avec l'archidiacre de Vendôme 1 . 

Pourquoi Noffo Dei chargea-t-il l'évéque et le poursuivit 
tant de passion? Les dépositions sur l'article I" de la dei 
série d'accusations du grand procès montrent que Guichan 
cha à faire témoigner pour sa défense que Noffo Dei ne 
accusé que pour sortir de prison '-. D'autre part, le 8 août 
lorsque l'affaire semblait étouffée, NoITo Dei, malade à T 
confessa par devant notaire que, suborné par Jean de Ca 
avait faussement accusé Guichard J . 

Il semble qu'il y ait là une contradiction avec ce que l 
Calais affirmait lui-même dans ses lettres, à savoir qui 
témoigné sous la pression de Noffo Dei. Au moment de 1 
et dans un effroi de leur conscience, les deux accusateui 
taient ainsi l'un sur l'autre l'initiative de leur acte 4 . Ma 
Noffo Dei ait été suborné par Jean de Calais ou par 
diacre; que Jean de Calais, ens'évadant, ait témoigné, co 
ou non, contre Guichard, ce qui se dégage de tous ces 

t. Dépos., H, 17, Pierre de S. Nizier, Curé de Corfélix, Pier 
riôre, Jean Larmurier, Michel de S. Oulph. 

2. Ibid., Pierre de S. Niiier, Curé de Corfélix (pièce en français) 
de S. Oulph. 

.1. Ibid., Jean Larmurier. 

4. Et peut-être disaient-ils vrai l'un et l'autre, Jean de Calais i 
corrompre le Florentin pour s'enfuir, — et Noffo Dei n'ayant di 
chanoine qu'après l'avoir contraint a déposer. 



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AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 



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de tous ces dires, c'est que l'un et l'autre étaient les complices, 
plus ou moins conscients et volontaires, de l'archidiacre de Ven- 
dôme 1 ; ce qui est certain — autant qu'étrange — , c'est que 
l'un et l'autre sortirent de prison pour charger l'évêque, le Flo- 
rentin, on ne sait trop comment, mais sans doute par le crédit de 
l'archidiacre, Jean de Calais par une évasion que l'archidiacre 
avait favorisée, sinon procurée. 

La fuite de Jean de Calais, avec le procès qui s'ensuivit contre 
l'évêque, ne fut donc pas un simple accident, mais une combinai- 
son, et le nœud d'une intrigue contre Guichard. Quelle est donc 
cette machination ? Voici l'explication qui nous paraît, sans être 
exempte de suppositions, la plus vraisemblable et la plus con- 
forme aux faits. 

Les ennemis de Guichard avaient contre lui d'autres griefs 
que la fuite de Jean de Calais, puisqu'ayant celui-ci dans leurs 
mains, ils lavaient laissé s'enfuir. On en voulait à l'évêque anté- 
rieurement et pour d'autres raisons, qu'on peut aisément soup- 
çonner. Son caractère entier, l'orgueil de sa fortune soudaine, sa 
richesse, son ambition n'avaient pas été sans exciter à la cour 
de France, contre le moine champenois, l'envie, la haine et la 
méfiance. C'est un clerc de la reine qui apparaît, sinon comme le 
principal accusateur, du moins comme l'instigateur des poursuites ; 
qui, avec Noffo Dei, — mais avant, et au-dessus de lui, — suscita 
et combina l'affaire. Quels étaient les rapports de Simon Festu 
avec Guichard ? quel mobile l'animait à perdre l'évêque? n'était- 
il que l'instrument d'un personnage plus puissant, ou faut-il pen- 
ser qu'il y eut rivalité entre les deux clercs, et que la faveur de 
l'évêque gênait l'ambition de l'archidiacre? Autant de questions 
dont la solution pourrait seule éclairer toute cette histoire. A 

i. Si Jean de Calais se sauva avec la connivence de l'évêque, on ne com- 
prendrait point ce qui l'eut forcé à accuser Guichard, à moins qu'il ne fût 
tombé dans les mains des gens de la reine. Et si, — s'évadant à l'insu de 
l'évêque ou par son office, — il fut un instant entre les mains de l'archi- 
diacre etde Xoflb Dei, s'il put, tranquillement, et sans être retenu par eux, 
témoigner que Guichard le faisait échapper, c'est qu'ils firent de lui leur 
complice par force ou qu'il l'était déjà volontairement. 






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AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 



43 



peine peut-on voir que le crédit de l'archidiacre croît au moment 
où tombe celui de Guichard et que sa fortune succède à celle de 
Tévêque de Troyes *. 

Il ne dut pas être difficile aux ennemis de Guichard de jeter 
les soupçons dans l'esprit de la reine et de la détacher de son 
favori. Etait-elle la princesse orgueilleuse et dure de la légende * ? 
Les chroniques ne nous gardent point d'elle un portrait vivant. 
Telle qu'on peut la deviner, c'était une femme fort dévote, por- 
tée aux œuvres pies, aux fondations charitables 3 , accessible à la 
pitié 4 , mais en même temps d'un caractère assez viril, aimant l'ac- 
tion et ne dédaignant point les obligations de son rôle royal ni les 
préoccupations temporelles 5 . C'était une princesse de race. Son 
grand-père maternel était ce Robert d'Artois, frère de saint 
Louis, dont la folle ardeur à La Mansourah avait causé sa mort et 
la perte de l'armée. Son père, Henri le Gras, était mort, jeune 
encore, d'une attaque d'apoplexie. Sa mère aussi avait été d'une 
santé trop pleine. Elle devait tenir d'eux un sang fort et de la 
vivacité d'humeur; comme sa mère, en tout cas, il semble qu'elle 



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1. V. plus haut, p. 23. 

2. On la montre dépitée d'avoir vu à Gand et à Bruges le luxe des bour- 
geoises flamandes ; mais les chroniques ne laissent pas trace de ce fait. 

3. Arch. Nat., K, 36, n° 22. La plus connue de ses fondations est celle 
du collège de Navarre qu'elle institua par testament à Vincennes, peu do 
jours avant sa mort (25 mars 1305), et auquel on affecta d'abord l'hôtel de 
Navarre récemment restauré, près la porte Saint-Germain-des-Prés. Mais 
Gilles, abbé de S. Denis, et Simon Festu vendirent bientôt la maison de 
Navarre et firent construire le collège sur la montagne, dès 1309 (J. Lau- 
noi, Regii Navarrœ gymnasii Paris, hisloria). 

4. La chronique anonyme dite Ane. Chron. de Flandre (Histor. de Fr. y 
XXII, 370) rapporte qu'elle regarda en pitié le comte de Flandre, Gui de 
Dampierre, et ses enfants, lorsqu'ils entrèrent à Paris pour se livrer au roi 
(1300). 

5. En 1297, elle alla elle-même repousser le comte de Bar qui avait 
envahi la Champagne, son héritage, puis s'en alla rejoindre le roi qui assié- 
geait Lille : elle y fit avec lui son entrée (Chron. attrib. à Jean Des- 
nouelles, ibid., XXI, 184-88). En 1300 elle suivit encore le roi en Flandre, en 
1303 à Toulouse. Au sujet de la guerre de Flandre, elle se montra person- 
nellement très animée : « Flandrensibus multum fuerat inconsilio nociva et 
« inimica. » (Funck-Brentano, .4 finales Gandenses, p. 86). 



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AFFAIRE DE JEAN DE CALAIS 



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eût le souci de ses intérêts, l'âpreté dans la rancune, et Ton sent 
dans l'animosité de sa poursuite contre son ancien favori un 
orgueil froissé, non moins que des intérêts lésés. Guichard l'avait- 
il lassée par son ambition ? L'autorité de ce parvenu qui l'avait 
connue toute petite, grandi par elle, lui pesait-elle, aujourd'hui 
qu'elle était femme et reine ? Elle se retourna soudainement et 
tout entière contre lui. 

Soit par ses propres moyens, soit qu'il eût corrompu Guichard, 
soit enfin qu'il eût été lui-même suborné par l'archidiacre, Jean 
de Calais s'échappa. Les soupçons s'éveillaient d'eux-mêmes, 
autorisés par la cupidité de l'évêque, peut-être par ses relations 
antérieures avec le chanoine de Saint-Etienne. Deux preuves 
vinrent les confirmer et fonder l'accusation : Noffo Dei, qui avait 
été incarcéré à Paris avec Jean de Calais, mis en liberté, accusa 
l'évêque; Jean de Calais lui-même, soit qu'il fût de connivence 
avec l'archidiacre, soit qu'on l'eût saisi dans sa fuite, témoigna 
contre Guichard avant de gagner l'Italie. Le résultat fut celui 
qu'on attendait : l'exaspération des deux femmes, la disgrâce du 
favori, et, sur la dénonciation de Noffo Dei, les poursuites. Le 
Florentin fut associé, — sans doute comme le témoin le plus 
accablant, — au procès dirigé par l'archidiacre : il en fut bien- 
tôt, par peur et par intérêt 1 , le principal et le plus acharné 
meneur. 



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\ . La peine du talion punissait en effet les accusations calomnieuses, et 
l'accusateur pouvait trouver au bout du procès sa propre condamnation s'il 
n'emportait pas celle de l'accusé. 





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CHAPITRE IV 

LA TRÊVE : GUICHARD DANS SON DIOCÈSE 

1304-1308 



Cependant, rabaissé et humilié, forcé de vivre dans son dio- 
cèse, Tévêque, au cours de cette longue affaire, s'était fait moins 
arrogant, moins violent et plus souple dans ses rapports avec le 
clergé qui l'entourait : il avait réglé, peu à peu, par des conces- 
sions et des accords, avec un esprit de conciliation dont il n'était 
pas coutumier, les questions pendantes entre lui, les couvents et 
les églises. 

En octobre 1302, il renonça au droit qu'il prétendait avoir de 
prendre la portion canonique dans le legs fait à l'église cathé- 
drale par le doyen Denis de Chamguyon, et reconnut que le 
chapitre seul avait droit de jouir des dons faits à l'église ! . 

Peu après, il reconnut son tort vis-à-vis de l'abbaye de Notre- 
Dame aux Nonnains. Le 5 mars 1303, Jacques de Bàçon, archi- 
diacre d'Arcis 2 , fit amener chez les nonnes, par un palefrenier, 
un. cheval de poil gris, et, ayant fait demander Tabbesse, Isa- 
beau de Saint-Phal 3 , déclara que Tévèque reconnaissait le droit 
de l'abbaye sur le cheval qu'il avait monté à l'entrée, et remet- 
tait en remplacement aux nonnains celui qu'on avait amené '*. 

t. Arch. départ. Aube, G. 2545, fol. 13 (analyse du xvni c siècle); — Lalore, 
Cartul. de S. Pierre, p. 213 (n° 227), d'ap. Cartul., fol. 72 v<>. 

2. Jacques de Bâçon (de Baasson), chanoine de Troyes (18 janvier 1291) : 
Lalore, Cartul. de Montiêramey, p. 383 ; (1293) : Arch. départ. Aube, G. 3242 ; 
— archidiacre d'Arcis, il fait une donation à Guichard qui l'a obligé (18 nov. 
1303), v. p. justif., n° VIII; — archidiacre de Sézanne (15 mai 1304), v. 
p. justif., n° VI ; 18 juillet (n° IX) ; il figura parmi les témoins du grand pro- 
cès. 

3. Isabeau de Saint-Phal, morte le 31 mars 1314 (Call. christ., XII, 507) 
ou 1311 (Lalore, Docum. sur l abbaye de Notre-Dame aux Xonnains, p. 322). 

4. Lalore, ibid., p. 137 (d'ap. orig. Arch. départ. Aube). 



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46 LA TRÊVE : GUICHARD DANS SON DIOCÈSE 

L'année suivante, — quelques jours avant la mort de Jean de 
Calais, — il s'amenda, envers le chapitre de Saint-Etienne, de 
l'abus qu'il avait commis en détenant dans sa prison, contre le 
privilège de l'église, le chanoine prévaricateur; et, ne pouvant 
rendre le fugitif, en signe de reconnaissance des droits qu'il 
avait méconnus, il donna au chapitre son chapeau et ses gants, 
à Troyes, dans la chapelle de sa maison épiscopale (15 mai 
130i)i. 

Le 5 août suivant, au moment où un compromis venait d'ar- 
rêter les poursuites exercées contre lui, il régla, d'un seul coup, 
tous ses démêlés, depuis longtemps pendants, avec son chapitre. 
Sur presque tous les griefs, — sauf quelques réserves que com- 
mandait sa dignité épiscopale, — il cédait et s'amendait 2 . 

Il reconnaissait que l'église de Barbonne, son curé et son 
presbytère étaient totalement exempts de la juridiction ordinaire ; 
il confessait l'abus qu'il avait commis en entrant de force dans la 
demeure du curé, en y couchant, en faisant prendre par ses fami- 
liers et retenir son cheval, en ordonnant la saisie de ses biens : 
et de tous ces faits il s'avouait coupable envers le chapitre par la 
remise de son chapeau, se déclarant prêt, selon le vouloir des 
chanoines, à les satisfaire d'une amende, et s'engageantà rendre 
le cheval dans les huit jours ou à en restituer la valeur ; — mais 
pour la violence faite au curé par ses familiers sur son ordre ou 
avec son assentiment, il la niait et demandait enquête sur ce 
point pour établir la pleine vérité. 

Il accordait que les clercs investis d'une chapellenie devaient 
avoir leur autel dans le chœur et être astreints au service de leur 
chapelle et à la résidence 3 . 

1. Arch. départ. Aube, G. 919. — Cf. //»«/., G. 15, 20« tiroir, n° o 
(pièces justif., n° VI). — Boutiot {Hisl. de Troyes, II, 6), sans doute dap. 
un document que nous n'avons pas retrouvé, dit que révoque prétendait 
avoir droit de visite dans la collégiale de Saint-Étienne. 

2. Arch. départ. Aube, G. 3387 (p. justif., n° VII). 

3. L'évùquc avait sans doute négligé d'appliquer ce règlement à ceux de 
ses familiers qui étaient pourvus d'une chapellenie et qui se dispensaient de 
leur service dans l'église. 



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LA TRÊVE : GL'ICIIABD DANS SON DIOCÈSE 47 

Il restituait au chapitre les moulins et les droits usurpés en 
son nom par le religieux qui gérait pour lui le prieuré de Saint- 
Mesmin, et désavouait cette usurpation. Il promettait de rendre 
sous quinze jours et d'affecter à des œuvres pies la valeur du bois 
qu'il avait tiré de la forêt d'Othe pour refaire ses moulins de 
Saint-Mesmin. Il confessait qu'il n'aurait point dû, comme il 
avait fait, sans le su ni le consentement de son chapitre, s'engager 
de 40.000 livres tournois vis-à-vis de la reine, ni les lui payer, 
et assurait que son église n'en souffrirait aucun dommage. Il 
s'obligeait à payer dans huit jours aux chanoines la somme de 
491 livres pour une croix d'or perdue par la négligence de ses 
marguilliers ; — à reconstruire à ses frais, dès l'Assomption pro- 
chaine, le presbytère de Sogny qu'il avait fait détruire; — à 
veiller à la discipline de ses quatre marguillers laïques; — à 
revenir sur l'accord qu'il avait fait avec Saint-Etienne sans 
l'aveu de son chapitre, en sorte que l'église n'en souffrît aucun 
préjudice. 11 se déclarait prêt enlin à rétablir dans leurs droits et 
à dédommager les clercs qu'il avait lésés en percevant les reve- 
nus des églises vacantes contre la coutume du diocèse ou en fai- 
sant desservir des églises déjà conférées ; il s'engageait à faire 
régulièrement aux chanoines les versements qui leur étaient dus 
aux anniversaires, et reconnaissait que la juridiction des quatre 
chanoines de Notre-Dame dans la cathédrale appartenait au 
doyen et au chapitre. 

Tous les différends étaient clos. Le 8 juillet 130i, Guichard 
avait même donné au chapitre de sa cathédrale, en les amortis- 
sant, les rentes qu'il avait à Pouilly 1 , à charge d'une messe 
annuelle du Saint-Esprit à célébrer pour lui pendant sa vie, 
d'un anniversaire après sa mort 2 . Déjà en 1301 , par une libéra- 
lité de même nature, il avait partagé entre l'abbaye de Montier- 

1. Pouilly, hameau, c nc de Troycs. 

2. Arch/ départ. Aube, G, 3173 (pièces justif., n°* VIII et IX). — Cf. 
Comptes des anniversaires (Arch. départ. Aube, G. 1656, fol. 2, 2 v° etc.: 
1315-16; 4317-18), — Comptes de la Grand Chambre [ibid., G. 1818, fol. 
2 v°, 3, 7 : 1306-1307); — Comptes du cellier (Bibl. Nat., ms. lat. 9095, fol. 
15, 16 v°: 1310-1311). 



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48 LA TRÊVE ! CwUICHARD DANS SON DIOCÈSE 

la-Celle et le prieuré de Saint-Flavit de Villemaur la rente de 
trois setiers de grain qu'il possédait à Surançon *, avec obliga- 
tion pour les moines dudit prieuré de dire pour lui de son vivant 
une messe du Saint-Esprit, un anniversaire pour ses parents et 
pour lui après sa mort 2 . 

En 1304 il semblait que tout fût apaisé et que Tévêque ne 
cherchât plus qu'à vivre tranquillement dans son diocèse, en 
paix avec son clergé qu'il s'attachait par des concessions et des 
faveurs 3 . D'autre part le pape Benoît XI était mort, le 7 juillet 
1304, avant que sa citation fût parvenue jusqu'à Guichard 4 , et 
l'accord avec la reine, intervenu vers ce temps, paraissait devoir 
suspendre toute poursuite. 

Au printemps de l'année 1305, la reine de France, subitement, 
tomba malade et mourut, en quelques jours, au château de 
Vincennes, à l'âge de trente-deux ans (2 avril) : on la crut, 
comme sa mère, empoisonnée. Elle fut, ce semble, regrettée, 
surtout du roi, son mari, qui l'adorait 5 . On l'enterra à Paris, 
avec de solennelles funérailles, dans le chœur de l'église des 
frères Mineurs, derrière la tombe même de sa mère 6 . 

Cette mort inattendue était pour Tévêque la délivrance. La 
reine ayant été le principal obstacle à son retour en grâce, il pou- 
vait entrevoir sa réhabilitation : et bientôt il essava, encore une 

4. Surançon, c nc de Villemoiron, c on d*Aix-en-Othe, arr. de Troyes. 

2. Arch. départ. Aube, 7 H. 1 (Inventaire de Monticr-la-Celle), fol. 77 v° 
(pièce justif., n° X). 

3. Reg. de Benoît XI, n°» 319, 338, 340. 

4. Reg. Vatican, 54, fol. 20 v° (pièce justif., n° XI). 

5. Chron. rimèe attrib. à Gefîroi de Paris [Histor. de Fr., XXII, 117); cf. 
Ane. chron. de Flandre [ibid., 389). 

6. Con tin. de Nangis. Cf. Chron. abrégée de G. de Nangis (Histor. de 
Fr., XX, 591 et 652); Jean de S.Victor (ibid., XXI, 644); Contin. de Girard 
de Frachet (Ibid., XXI, 47. — Les noms de ses exécuteurs testamentaires 
sont mêlés au procès de Guichard ; c'étaient : Etienne Becart, archevêque 
de Sens; Gilles, abbé de S. Denis; Gui de Châtillon, comte de Saint-Pol et 
bouteiller de France; M e Martin de Hat Chambre, chancelier de Cham- 
pagne ; Simon Festu, archidiacre de Vendôme ; frère Durand, son confesseur ; 
Enguerrand de Marigny, chambellan du roi; frère Jean Granger, son aumô- 
nier (J. Launoi, ouv. cit., p. 21). 



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LA TRÊVE : (illCHARD DAX8 SON DIOCÈSE 

fois, de retourner les témoins jadis avancés contre lui '. Aun 
d'août i30ti. Noffo Dei se trouvant à Troyes. gravement mali 
et croyant sa fin proche, Guîchard obtint de lui qu'il déclara 
vérité par devant notaire sur le fait de Jean de Calais et qui 
fît rédiger un instrument secret; la pièce fut remise à un ti 
frère Jean de l'Isle, prieur des Jacobins de Troyes. C'était, 
disant, une rétractation où le Florentin avouait qu'il avait p 
faux témoignage, suborné par Jean de Calais; elle aurait 
montrée a l'évêque, mais ne devait lui être délivrée qu'à de 
taines conditions qui ne se réalisèrent pas *. 

D'ailleurs le compromis qui avait suivi la mort de Jeai 
Calais n'était qu'un accord momentané et partiel, une satisfa< 
pécuniaire donnée à la reine ; il ne pouvait être le dernier 
d'une affaire qui avait excité et laissé au fond des cœurs tar 
rancunes et de défiances. Noffo Dei ne mourut pas : il res 
avec l'archidiacre et les autres ennemis de Guichard, pr 
raviver les accusations tombées, mais mal étouffées, à 
parti de la mort de la reine de France, comme on avait fa 
celle de la reine de Navarre, en excitant chez le roi et les enl 
de la reine défunte des soupçons contre l'évêque. Guichard 
tait autour de lui cette animosité sourde et vivace ; il voyait 
anxiété grandir l'héritier de la reine, à qui revenaient la Cl 
pagne et la Navarre 3 : car il savait qu'il n'avait rien à espén 
(ils non plus que de la mère ». 



1. Dépos., 11,17, GiacopovlWn^i, Jean de l'Isle, Jean dé Hancy : <!'■ 
dernier témoin, Guichard se serait occupé de sa réhabilitation dès VA 
sion de 1305 (28 mai). 

2. Dépos., II, 17, Jean de l'Isle, Jean Larmtiricr. — Quelle foi ajoi 
cette rétractation? Noffo Dei, pour ne point compromettre l'archidiaci 
risquait rien a accuser un mort. 

3. Louis, le fils aine de Philippe IV et de Jeanne de Navarre, étail 
sa seizième année à la mort de sa mère en 1303. 

i. Dépos., I, Regnaud de Langrcs. 



LA TRÊVE : GUICIIADD DANS SON DIOCÈSE 



Sceau île Guichard, éviqne deTroyes (1300, n. st.) 
(Arch. Nùt.,J. 193, n* 6t.) 

L'évéque avait alors environ soixante ans 1 . C'était un gros 
homme court, avec une large face grasse et rougeaude, au nez 
camus 5 . Il semblait craindre l'hydropisie, qui commençait sans 
doute à l'appesantir 3 , Mais la chaleur du sang domptait en 
lui la chair épaisse et la lourdeur de l'âge : sa corpulence ne 
l'empêchait pas de monter à cheval i , et il entretenait encore une 
concubine & . 

Au physique, un sanguin, une nature brute, ardente et sen- 
suelle, coléreuse, prompte à l'injure : d'un seul coup il s'enflam- 
mait, la ligure congestionnée, se ruant sur les gens en furieux r ', 

1. Dépos., I, Pcrrolc de Pouy. 

2. Ibid., Rcgnaud de Langées, Perrolo de Pouy, Pierre de Grancey, 
Feliset ; — III, 2, Jean le Chirurgien. 

J. Ibiil., Regnaudde Langres, Pierre de Grnucey. 

4. Ibid., II, 21. Binnco Bahlayni. 

5. Ibid., II, art. 5. 

6. Ibid., III, art. li. 



T-ï-ir 



LA TRÊVE I GUIGIIARD DANS SON DIOCÈSE 51 

avec des gros mots à la bouche. Ses violences dans le diocèse 
étaient publiques : il avait fait raser un presbytère, il avait cou- 
ché de force dans un autre, fait rosser le curé et prendre son 
cheval, tous faits dont il avait dû s'amender *. D'autres bruits 
couraient sur son compte : il avait autour de lui des frappeurs, 
des meurtriers qu'il habillait et qu'il nourrissait à ses frais : 
c'étaient ses neveux, ses familiers ; c'étaient eux qui faisaient ses 
besognes 2 . On disait qu'il avait jadis fait tuer le curé de Lau- 
bressel 3 , qu'il avait fait mourir de faim à Montier-la-Celle, dans 
le cachot de l'abbaye, deux hommes qu'il accusait d'avoir joué aux 
dés 4 ; qu'il avait fait pendre sans raison un pauvre pêcheur qui 
passait au long de ses fossés ; et la rumeur courait, à la fin si 
criante, qu'on avait dû, sur ces crimes, instituer une enquête 
officielle 5 . 

Au moral, un cupide et un ambitieux sans vergogne et sans 
mesure; un heureux, parti de bas, petit moine orgueilleux grisé 
par son élévation soudaine ; de façons insolentes avec son clergé, 
souvent hors de son diocèse, tenant le rang, vivant avec les 
mœurs d'un haut baron, traînant après lui, sans souci du scan- 
dale, la femme d'un boucher. A la cour, pleine de petites gens 
comme lui, pauvres chevaliers, juifs sans foi, lombards avides, 
qui menaient le roi et le grugeaient 6 , il avait vu dans sa situa- 

1. V. plus haut, pp. 46, 47. 

2. Dépos., II, art. 6, 9, 14. 

3. Ibid., art. 14. 

4. Ibid., art. 13. Pour le pécheur, v. art. 12, et cf. J. 438, n° 4. 

5. Voy. p. 26. 

6. Ce fut Timpression du temps que Philippe le Bel était un roi de mœurs 
douces, simple et bienveillant, débonnaire, confiant, facile à conduire. Voy. 
la chronique dite de Guillaume l'Écossais (Histor. de Fr m , XXI, 205). Cf. 
GefTroi de Paris, ibid., XXII, 85 et sqq. : le roi est un indolent qui passe 
son temps à chasser; c'est un enfant qui ne s'aperçoit pas qu'on le gruge; 
il a de mauvaises herbes autour de lui, il est trompé par ses conseillers, il 
est mené par des étrangers avides qui le font détester, et ne cherchent que 
leur fortune. Cf. encore Bordicr, Bull, de la Soc. de VHisL de France, 
1857, p. 497. 

Guichard était une de ces mauvaises herbes qui croissaient autour du roi 
et que le bourgeois de Paris voulait qu'on mît en gerbes et qu'on jetât au 
feu. 



Te- S 



52 LA TRÊVE : UL'ICIIARD DANS SON DIOCÈSE 

tion une occasion de s'enrichir. Chassé du conseil, réduit à son 
évêché, ruiné, il s'était pris d'une haine « atroce » pour ceux qui 
avaient brisé sa fortune; et, depuis ce temps, retiré à Troyes ou 
dans ses hôtels d'Aix-en-Othe, de Saint-Lyé ou de Sapoy, aigri et 
couvant sa rancune, indifférent à ses devoirs d'évêque ! , il vivait 
dans l'intrigue et dans l'usure, lié avec des Italiens louches,- tra- 
fiquants d'argent et de poison, faisant fructifier ses deniers aux 
foires de Champagne; puis, par besoin du lucre, essayant l'alchi- 
mie, tombant enfin, par impuissance, dans l'exaspération de son 
dépit et de son orgueil, à la sorcellerie, la science du Diable, glis- 
sant aux pratiques du satanisme, et cherchant dans le commerce 
du démon, dans l'horreur mystérieuse des maléfices et la secrète 
influence des venins, la richesse et la vengeance. 

A cette heure, il était délivré de ses pires ennemies, la reine de 
Navarre et la reine de France : toutes deux étaient mortes, 
presque coup sur coup, la dernière dans la fleur de l'âge, à point 
pour l'évêque. En cour de Rome, des cardinaux s'étaient entre- 
mis auprès du nouveau pape pour le décharger des crimes qu'on 
lui reprochait; et le 3 juin 1307, sur la demande de Guichard, 
Clément V reconnaissait la malveillance et la fausseté des accu- 
sations insinuées contre lui, et, lavant « ces souillures de la 
calomnie », déclarait sa conscience nette sur les actes de l'évêque 
et le dispensait jusqu'à nouvel ordre de comparaître à la cour 
apostolique 2 . C'était la trêve, et, peut-être, la paix définitive. 
Mais, au milieu d'août 1308, comme l'évêque se trouvait à Saint- 
Hilaire, près de Pont-sur-Seine 3 , il fut saisi par ordre de 
l'archevêque de Sens et emmené dans la prison archiépiscopale, 
puis transféré à Paris et mis à la Tour du Louvre 4 . Avec lui, le 

1. Le 21 janvier 1304, il avait obtenu de Benoît XI la faculté de faire 
visiter pendant trois ans 'son diocèse par un vicaire (Reg. de Benoit XI, 
n° 320). Le 23 février 1308, Clément V l'autorisait encore à faire visiter son 
diocèse pour une période de trois ans et à toucher en argent le droit de 
gîte {Reg. de Clément V\ n° 2479). 

2. Reg. Vatican., 54, f° 20 v°, n° 149 (p. justif., n° XI). 

3. Dépos., 1, Lorin. 

4. Jean de Saint- Victor (Histor. de Fr., XXI, 652). 



LA TRÊVE : (iUir.HAM) DANS SON DIOCÈSE 53 

jour de l'Assomption, les gens du roi arrêtaient une sorcière, 
une accoucheuse et son fils, le chambellan deGuichard et le clerc 
servant d'un ermite, les enfermaient à Troyes, puis, les condui- 
saient & Sens, dans la prison royale '. 

: de Bellevilletle, Perrote de Pouy. Felisel, 



de Guichnrd, âveque de Troyes 



« ■ ■ — « 



51) LA DÉNONCIATION ET LE MANDEMENT D'ENQUÊTE 

inquiet, réclama le fugitif h l'official de la cour archiépiscopale ! : 
l'oflicial, flairant une affaire suspecte, refusa 2 . Pendant ce temps, 
l'ermite, effrayé du sort qui l'attendait, prenait conseil et se 
décidait à tout révéler aux gens du roi, « les requérant d'y appor- 
ter le remède qu'ils pourraient 3 . » Le bailli de Sens, Guillaume 
de Hangest 4 , comme officier royal, avant d'en référer, informa 
sur les faits, « pour ne point diffamer l'évêque sans raison 5 . >i 
Quand il eut fait une pleine enquête, « le devoir de son office, 
l'amour de Dieu et le zèle de la foi catholique, menacée par de 
pareilles idolâtries », lui firent aller trouver le roi, à qui il exposa 
tout 6 . 

La chose était grave : il s'agissait de la reine de France, du 
frère et des enfants du roi ; d'autre part, on allait mettre en cause 
un prélat d'un rang considérable, ayant eu crédita la cour : il fal- 
lait émouvoir un grand scandale. 

Ce qui se passa jusqu'au mois d'août, on ne le sait pas exacte- 
ment. Un autre scandale, plus grave encore, emplissait alors la 
chrétienté, intrigue monstrueuse et tragique où le roi employait 
toute la force et l'activité de sa machine administrative, l'affaire 
des Templiers. Pendant que ses enquêteurs réunissaient une 
masse énorme de témoignages et d'aveux, le roi s'acharnait à 
obtenir du pape qu'il rendît leurs pouvoirs aux ordinaires et au 
^rand inquisiteur, soutenu par une campagne violente de 
libelles, par l'opinion d'un parlement général où il avait convoqué 
les trois ordres, cherchant l'assentiment du peuple et de l'Uni- 



1. Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. XXIII. Cf. n os 3 et 7, art. XIX, et (2« par- 
tie, ch. III) les aveux de l'évêque. 

2. Ibid., art. XXIII. 

3. Ibid., art. XXIV. Cf. Dépos., I, Regnaud de Langrcs. 

4. Sur ce personnage, voy. p. 60. 
o. Ibid., art. XXV. 

6. Ibid., art. XXVI. — Sur l'instruction préparatoire, v. Fournier, Le» 
officialités au moyen Age, p. 98; Ad. Tardif, La procédure civile et crimi- 
nelle aux XIII e et XIV* s., p. 138 et sqq. Quand il y avait diffamation la 
justice se saisissait d'office de l'affaire, ex officio, et ouvrait une informa- 
tion, inquisitio. 



LA DÉNONCIATION ET LE MANDEMENT d'eNQUÈTE 

I versité, pressant le pontife, et l'enfermant enfin dans Poî 

i Philippe s'y rendit lui-même avec son fils aîné. Louis, r 

I Navarre ' : te 5 juillet, il arrachait au pape son consentemei 

31 juillet, la nomination d'une commission chargée d'instn 
procès, et bientôt (fi août) la convocation d'un concile gén( 
i Vienne. 

', C'est au milieu des complications de ce procès formidabl 

I s'ouvrit l'affaire de Guichard de Troye* : si elle en fut reta 

elle ne fut pas négligée, et l'accusation se trouva mûre en ] 
I dès le mois d'août 1308. 

! Le roi. après délibération, envoya « de solennelles person 

f porter plainte au Souverain Pontife, et requérir une enq 

« considérant que les crimes de l'évêque constituaient une a tl 

a la majesté divine, à la majesté royale ainsi qu'à la foi c 

f lique; qu'ils seraient d'un grave et dangereux exemple s'ils 

taient impunis ; qu'il y avait péril grave et scandale irrtm 

pour les enfants et pour les proches de la reine : car, si 1T 

| ne tirait vengeance de tels forfaits et ne donnait cours à ls 

i tice, ceux-ci ne pourraient, bien qu'émus d'une juste don 

\ obtenir réparation d'un si grand tort... » Si le pape hésita 

I roi déclarait, en fin de la requête, qu' « a défaut de l'kglu 

ce qu'à Dieu ne plaise, — il ne pourrait, sur son honneur, s'e 

- cher de faire lui-même la justice qui lui était due, pour co 

f ver l'honneur de l'Église, pour éviter pareil péril et pareil : 

' daleî. .. 

Clément V qui venait d'abandonner aux hommes du roi Vi 
du Temple et la mémoire d'un pape n'avait plus rien à leur 
ser 3 . Il manda à l'archevêque de Sens, métropolitain de Tac 

1 . Philippe était à Poitiers le 1 1 juin ; il y resta jusqu'en août [Hat 
Fr„ XXI, «9-30). 

2. Arch. Nat., J. 438, n- 8, art. XXVII. Cf. iCooclus., cl». II) la requi 
roi contre Saisset, avec celle différence que le roi la faisait après l'ar 
lion de révoque. 

3. Il cherchait k être agréable, cl à ce moment même, il faisait au 
roi de Navarre une grâce particulière : le 9 août, il mandait aux év 
d'Auxorre et d'Orléans et n l'archidiacre de Vendôme de pourvoir de 



1 

i 



58 LA DÉNONCIATION ET LE MANDEMENT D'ENQUÊTE 

de saisir Tévêque avec précaution et sans bruit, et de le faire 
mettre sous bonne garde *. Puis, le 9 août, par une autre bulle 
donnée à Poitiers, il commit à l'archevêque de Sens 2 , aux 
évêques d'Orléans 3 et d'Auxerre 4 , ses sufFragants, le soin de 
procéder à l'enquête sur les faits reprochés à Tévêque de Troyes : 

« Il est venu jusqu'à nos oreilles, disait le Saint-Père, que notre 
vénérable frère l'évêque de Troyes, — s'il mérite toutefois d'être 
ainsi appelé, — s'est laissé aller à des actes damnables et dignes 
d'exécration, en trempant, à sa honte, pour la perte de son renom 
et de son salut, dans les œuvres malignes des sortilèges; — que, 
par l'effet de ces pratiques, Jeanne, reine de France, d'illustre 
mémoire, a souffert une cruelle mort; — que ledit évêque de 
Troyes, tombant de mal en pire, a cherché à faire boire un breu- 
vage empoisonné à notre cher fils et noble sire Charles, comte 
d'Anjou, cependant qu'il était en Champagne, ainsi qu'à notre très 
cher fils en Christ, l'illustre roi de Navarre, en ce moment à Poi- 
tiers : un chevalier et d'autres, qui avaient bu de ce poison, en 
sont morts; — qu'il a commis encore beaucoup d'autres crimes 
énormes et sacrilèges, pour l'offense de la majesté divine, le dan- 

nicats en des églises cathédrales ou collégiales, douze clercs du jeune roi 
{Reg. de Clément V, n° 2903). Cf. ibid., n°» 2360, 2362, 3148, d'autres 
faveurs accordées vers le même temps par Clément V à Louis le Hutin. 
4. Voy. p. justif., n° XII. 

2. Etienne Becart de Penouil, « magister in decretis, nobilis génère sed 
« nobilior moribus » était devenu, de doyen de la cathédrale, archevêque 
de Sens en 1292 (Gaufrid. de Collone, Histor. de Fr., XXII, 40); il avait déjà 
été chargé en 1301 d'une première enquête contre Guichard ; en 1305, la 
reine Jeanne de Navarre avait fait de lui l'un de ses exécuteurs testamen- 
taires; il mourut le 29 mars 4309 (Gall. christ., XII, 69). 

3. Raoul Grosparmi(v. plus haut, p. 32, note 2) venait d'être élevé au siège 
d'Orléans (19 janvier 1308) ; il avait été l'un des commissaires instructeurs du 
premier procès de Guichard. 

4. Pierre de Grès (v. plus haut, p. 31, note 9) n'était encore à ce moment 
qu'évoque élu d'Auxerre ; élu en même temps que Jean d'Auxois par le cha- 
pitre divisé, il venait, après contestation, d'être confirmé par Clément V 
sur le siège laissé vacant par Pierre de Belleperche (12 juillet 1308, Reg. 
de Clément K, n° 2851). C'était aussi l'un de ceux qui avaient été chargés 
d'informer une première fois contre Guichard en 4301-1303. 



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• k 



LA DÉNONCIATION ET LE MANDEMENT D'ENQUÊTE 59 

ger du mauvais exemple et le scandale du grand nombre. C'est 
pourquoi, ne pouvant ni ne devant dissimuler de pareils crimes,... 
nous mandons à vos discrètes personnes, de faire par notre auto- 
rité, sommairement et sans complication, sans bruit, ni figure de 
jugement, en forme de droit toutefois *, enquête diligente contre 
ledit évêque, et de nous envoyer le plus tôt possible l'information 
rédigée par écrit sous vos sceaux 2 ... » 

Le mandement était adressé aux évéques de la part du roi 3 : 
c'était lui qui prenait l'initiative de l'affaire, avec son fils aîné, 
Louis, roi de Navarre, alors avec lui à Poitiers 4 . 

La bulle d'ailleurs avait été dictée au pape par ceux qui ins- 
piraient le procès : en demandant l'établissement d'une enquête, 
on avait eu soin de ménager toute latitude à l'accusation. 
L'accusation capitale, qui était énoncée, concernait le crime 
d'envoûtement sur la reine de France et la tentative d'empoison- 
nement sur des royaux : c'étaient là les crimes récents, dénon- 
cés par Termite, et qui avaient directement provoqué les 
plaintes. Mais outre « ces actes horribles et condamnables, ces 
maléfices où l'évéque s'était plongé pour sa honte et pour la 
perte de son salut », il était encore accusé de « beaucoup d'autres 
crimes énormes contre la majesté divine, pour le danger du 
mauvais exemple et le scandale du plus grand nombre », crimes 
qui n'étaient point formulés. Il semble donc qu'on ait songé, dès 
ce moment, à l'insuffisance de l'accusation première que l'on 
sentait sans doute mal fondée, d'un caractère trop étrange pour 

1. La forme d'enquête « summarie et de piano, sine strepitu et figura 
« judicii » permettait une simplification de la procédure. Voy. Guilhiermoz, 
Enquêtes et procès, p. 40. C'était la forme employée d'ordinaire contre les 
hérétiques; on ne voulait point en pareil cas de « noise d'avocats ». 

2. Arch. Nat., J. 438, n° 3 bis (p. justif., n° XII). 

3. Ibid. : « Notum facimus nos récépissé litteras apostolicas ex parte prin- 
cipis excellentes domini Philippi, Dei gratia régis Franco ru m, présenta tas... » 

4. Louis, roi de Navarre et comte de Champagne par la mort de sa mère, 
arrivait alors à l'âge d'homme : né en octobre 4289, marié en 4305 à 
Marguerite, fille du duc de Bourgogne, il avait déjà fait, dès 4307, une 
expédition en Navarre. 



60 l'instruction séculière 

être bien prouvée, et qu'on ait envisagé la nécessité d'y ajouter 
de nouveaux griefs, comme d'autres pousses criminelles, greffées 
sur la plus forte. Ces nouvelles charges, on se réservait de les 
produire à volonté, sans qu'il fût besoin de réclamer du pape un 
nouveau mandement, ni d'instituer une autre enquête. 

Cependant, l'évêque était arrêté par les soins de l'archevêque 
de Sens, son métropolitain, et ses complices par ceux du bailli 
(15 août). Mais les gens du roi, outrepassant bientôt leurs droits, 
transférèrent Guichard à Paris et le mirent au Louvre, en pri- 
son séculière *. Aucune protestation, semble-t-il, pas même celle 
du pape, ne s'était élevée pour réclamer en faveur de l'évêque le 
privilège de clergie. La confiscation de ses biens n'allait pas tar- 
der : le 18 octobre, Guillaume de Hangest mettait la main sur la 
« temporalité » de l'évêque, qui resta en séquestre jusqu'à la fin 
du procès 2 . 



CHAPITRE II 



l'instruction séculière 



Propositions de Guillaume de Hangest : les premiers articles. 

L'autorité séculière, qui avait provoqué l'enquête, allait la con- 
duire. Déjà, sur la dénonciation de l'ermite, le bailli de Sens, 
Guillaume de Hangest 3 , au nom de la justice, en sa qualité d'of- 
ficier public, s'était, d'office, saisi de l'affaire 4 , et, comme pro- 

i. Jean de S. Victor, Memoriale historiar. (Histor. de France, XXI, 652). 

2. V. plus loin, chap. IX, et p. justif., n° XVIII. 

3. Guillaume de Hangest «junior », bailli d'Amiens (Histor. de France, 
XXII, table), 1288-92; — bailli de Verraandois (Senlis), 4298, 1299 (ibid.) ; 
Bibl. nat., ms. lat. 9783, fol. 27, 63 v°, 87, etc.) ; — bailli de Sens, de l'As- 
cension 1306 à l'Ascension 1312 ou 1311 (Bibl. nat., ms. lat. 9069, p. 25; 
Histor. de France, ihid.). 

4. Voy.J plus haut, p._56, note 6. 



LINSTHLCTION SÉCULIÈRL 

moteur, avait ouvert une information destinée à prou 
diffamat'to. I-a diffamatio admise, il allait être également < 
comme promoteur, de diriger les poursuites devant le ti 
ecclésiastique, et d'abord de réunir les preuves, de dresseï 
présenter aux juges d'Eglise les actes d'instruction *. 

Guillaume de Hangest proposa aux commissaires eci 
tiques vingt-huit articles contre l'évêque de Troyes. 

Il exposait d'abord et longuement les causes de la hf 
Guichard contre la feue reine : comment la reine Jeanne, 
trice du testament de sa mère, avait justement exigé de V 
ce qu'il devait à la reine de Navarre pour avoir, par faus 
traîtrise, corrompu par l'argent, délivré Jean de Calais de 
son ; comment, pour cette félonie et pour d'autres « énorn 
l'évêque, reconnu « inhabile », avait été chassé du Con 
roi ; comment sa haine s'était encore accrue quand la reii 
ses poursuites, avait fait découvrir sa déloyauté. 

L'évêque, se sentant confondu, avait cherché, par Pin 
diuîre de parents et de familiers du roi, à rentrer au Coi 
recouvrer la grâce de sa protectrice; mais il n'avait pu i 
et la reine avait repoussé ses avances : elle craignait d'être 
abusée, et elle avait l'évêque en horreur. Irrité par l'or, 
le ressentiment de Guichard s'était fait alors plus profond 
âpre : et l'évêque avait cherché le moyen de la faire i 
Mais il n'avait pu cacher entièrement l'iniquité de son en 
par plusieurs fois, en divers lieux, il s'était vanté h qui 
« en grâce auprès de Madame la reine Jeanne, ou qu'il se 
i< rasserait d'elle ». 

Pour en venir à sa fin criminelle, comme un homme 
dans l'abîme du mal, il avait appelé à lui secrèteme 
femme que l'on disait devineresse et sorcière, et un religit 
passait pour savoir l'art d'invoquer les démons ; il avait c 

I. Le « promoteur « [promolor, promurent inquitiiionem) rer 
donc dans ces aortes d'enquêtes (inqu'uilio cum promovenle) les fi 
du ministère public et du juge d'instruction. Voy. Ad. Tardif, c 
pp. 138-147 ; — Fournier, oui; cit., pp. 260-276. 



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62 



l'instruction séculière 



le Diable, qui lui avait conseillé de faire faire une image de cire, 
de la baptiser en lui donnant le nom de la reine , et de la piquer 
ensuite à la tête et en d'autres parties du corps : la reine aussi- 
tôt tomberait malade ; que si cela ne suffisait, il fît à nouveau 
piquer la figure et la fît consumer, que la reine alors mourrait. 
Ainsi l'avait conseillé le Démon, l'évêque lui ayant d'abord fait 
hommage. 

Alors, cet évêque sacrilège, embrassant l'avis du Démon, avait 
trouvé le lieu propice à ses œuvres ténébreuses : un jour, déguisé 
sous des habits de paysan, avec le religieux et deux femmes, il 
était venu dans un ermitage, au milieu d'un bois, et là, il avait 
fait faire une image de cire, l'avait baptisée en lui donnant le 
nom de Jeanne, avec parrains et marraines, comme il eût fait 
pour un enfant, puis l'avait fait piquer avec une aiguille : vers 
ce temps, ou assez tôt après, la reine était tombée gravement 
malade. Elle avait langui longtemps de cette maladie et l'on 
n'avait point trouvé de médecin qui sût reconnaître la véritable 
cause de son mal, ni lui appliquer de remède : et pourtant on 
avait appelé plusieurs médecins et des meilleurs, qui firent tout ce 
qu'ils purent. Cependant l' évêque envoyait fréquemment pour 
savoir des nouvelles de la maladie, et, pendant qu'elle durait, il 
avait fait, à plusieurs reprises, renouveler les piqûres. Et finale- 
ment, voyant que la reine tardait longuement à mourir, il était 
revenu à l'ermitage, et, comme il tenait la figure près du feu, il 
avait dit en lui brisant les membres : — « Que diable? elle vivra 
« donc toujours cette femme ! », puis l'avait foulée sous ses pieds, 
jetée dans la flamme et brûlée : et la reine était morte. 

Non content d'un crime pareil, et pensant qu'il n'aurait rien 
fait tant qu'il n'aurait point délivré de ce monde, comme il avait 
fait de la reine, les fils du roi et de la reine défunte, ainsi que 
Monseigneur Charles, frère du roi, — il était revenu à l'ermitage 
avec les mêmes gens, et il avait fait une mixture de scorpions, 
de crapauds et d'araignées venimeuses : il en avait composé un 
poison qu'il avait mis dans une boîte. Quelque temps après, 
comme Monseigneur Charles, frère du roi, était venu en Cham- 



l 



l'instruction séculière 

pagne, l'évêque avait mandé à l'ermite, Regnaud, de ve 
la boîte pour l'empoisonner. Cependant, un chevalier de 
son de la reine de Navarre, qui avait été contraire à 
dans l'affaire de Jean de Calais, étant un jour venu à l'< 
pour y entendre, la messe, l'évêque, qui se trouvait < 
grenier, entendit ce chevalier qui demandait à boire et ( 
lait manger des prunes : il oignit ces prunes avec le p< 
chevalier en prit, se trouva malade et mourut dans le: 
jours. L'évêque avait ainsi essayé son venin; il l'ai 
éprouvé sur un chien qui était mort après en avoir goûté 

L'ermite, comprenant la méchante cruauté de l'évêqu 
excusé, ne voulant point se rendre auprès de lui; mai: 
suite, mandé plusieurs fois, il l'était venu trouver sou 
l'évêque, devant le monde, lui reprochait sévèrement d< 
à l'ermitage la bénédiction nuptiale, bien que l'ermite 
jamais fait; ensuite, l'évêque le prenait avec lui secr 
dans sa chambre, et lui parlait seul à seul pendant de 
heures, il le faisait manger avec lui, afin de l'amener à 1 
son aide pour ses mauvaises œuvres : mais l'ermite s'en 
et, craignant le péril de mort, se dérobait et évitait de 1 
Enfin, voulant échapper tout à fait à l'évêque, il s'était < 
quitter l'ermitage et à se transporter ailleurs ; mais o 
dénoncé à l'évêque, qui l'avait appelé près de lui et lui ; 
en secret de grosses menaces s'il voulait encore se saui 

Une autre fois encore, l'évêque avait mandé à l'ermi 
apporter la boîte où était le poison, et de se disposer à 
certain endroit où il rencontrerait le roi de Navarre et li 
enfants du roi : il lui indiquait la manière dont il s'y [ 
pour administrer le poison, et lui promettait beaucoup. 1 
ayant peur de mourir, avait accepté la commission a ca 
bouche et non de cœur, — comme il le fit voir par la sui 
tant l'évêque, il s'était enfui au diocèse de Sens, et li 
confessé à un prêtre, qui lui avait conseillé de ne plu 
retourner vers l'évêque. Celui-ci, apprenant que l'ermi 
enfui a Sens, et craignant qu'il ne révélât ses crimes, av; 



61 l'instruction séculière 

l'official de Sens de le lui remettre pour le tenir et se débarras 
de lui, : mais l 'officiai, en homme de conscience, ne Ta^ 
voulu faire, tenant l'affaire pour suspecte. Alors, après beauci 
d'hésitations, l'ermite, qui toujours avait été de bonne vie et 
sainte conversation et qui n'avait jamais prêté son assentim 
à ces crimes, s'était réfugié auprès du bailli et s'était ouvei 
lui, le requérant d'apporter remède à cette affaire. 

Après ce rapport circonstancié du crime, le bailli rappelait î 
évêques comment il avait lui-même, après une pleine informât! 
rapporté la chose au roi ; comment le Saint-Père, sur la reqi 
du roi et des enfants de la reine défunte, avait enfin chargé 
prélats d'arrêter l'évêque et de conduire l'enquête *. 

En transmettant ces articles aux commissaires ecclésiastiqi 
Guillaume de Hangest s'en tenait, comme le pape dans son res< , 
aux faits dénoncés par l'ermite : les charges étaient seulement 
relatives à l'envoûtement de la reine de France, à la tentative 
d'empoisonnement sur le frère et les fils du roi. L'officier royal 
s'était hâté de fournir d'abord les gros griefs. 

Ses propositions formaient un réquisitoire compact, bien 
enchaîné. Le bailli se défendait d'ailleurs de toute partialité : il 
n'entendait léser personne, mais seulement, dans son rôle de 
promoteur, donner cours à la justice 2 . Le promoteur pourtant est 
trop habile ; les charges, trop bien arrangées, laissent sentir le 
procédé. Cet évêque dont il fait gravement « l'homme » du 
diable, et qui prépare son crime sans pouvoir même s'en cacher, 
semble vraiment trop noir et trop endurci. Au fond, ces proposi- 
tions restaient vagues encore dans leur appareil écrasant; cette 
accusation étrange et mystérieuse laissait percer, sous la correc- 
tion de la forme juridique, un dessein d'une animosité singulière 
contre l'évêque ; elle pouvait paraître aux yeux du pape un procès 
de tendance, et qui voulait être confirmé. 

i. Arch. nat., J. 438, n° 8 (p. justif., n° XIII). La pièce présente quelques 
ratures; les articles XVII et XVIII sont intervertis. Il semble que ce soit 
un brouillon ou une copie de l'acte d'instruction qui fut remis aux prélats. 

2. « Non intendens ad cujusquam injuria m, sed jus publicum exequi. » 



OIVKHTIRE DE L BSQIII 

Aussi le promoteur protestait qu'il ava 
prélats, touchant les mêmes faits, d'au 
raient leur être de quelque secours, — st 
faculté de compléter, de diminuer, de ch 
selon qu'il lui paraîtrait opportun pour la 
Il priait les commissaires de se hâter de p 
il pouvaityavoir péril en la demeure. Il le 
témoins qu'il avait tout prêts ; il pourrait 
d'autres. 

Si l'affaire échouait, on espérait bien 
nouvelles charges. 



CHAPITRE III 

OUVEKTL'HE DE l'eNQ 
(octobre 1308) 

Les premiers articles et tes preti 

Munis de la commission du pape, éclair 
de Guillaume de Hangest. les commissair 
mencèrent leur enquête. 

Le dimanche avant la Saint-Denis 1308 
de peuple et de clercs eut lieu dans le jt 
de la Cité ' : comme ils l'avaient fait dé 
Templiers, les gens du roi voulaient d'abor 
les crimes de l'évèque. frapper l'esprit di 

i. Jean de Saiot-Victor {Hiitor. de France, X 
2. Voy. la conclusion. — Pour Dooiface VIII, v 
nion publique A Pari» tout Philippe le Bel, 2iju 
Mit, de Paris, septembre-octobre 1888). 
Mm. m •>•>'■ *> IÉ"I' *tt fi**!. 



vr 






66 OUVERTURE DE l/ENQUÊTE 

main, lundi 7 octobre, l'enquête régulière commença par devant 
les juges d'église, à Sainte-Geneviève 1 . 

L'archevêque de Sens, les évêques d'Orléans et d'Auxerre 
firent donner publique et solennelle lecture de la lettre apostolique 
qui leur commettait le soin de l'enquête contre Guichard, évêque de 
Troyes, et enjoignirent à l'évêque de répondre sur les griefs con- 
tenus dans le mandement. Il nia tout ce dont on l'accusait, et 
chaque chose en particulier. Alors on lui fit jurer, selon la forme 
ordinaire, la main sur la poitrine, par devant les saints Evangiles, 
de répondre par son serment et de dire la vérité sur les faits pré- 
cités et sur les articles qu'on devait lui délivrer par écrit : encore 
une fois, il nia tout. On l'assigna pour le lendemain à répondre 
sur les articles. 

Le mardi, les évêques lui communiquèrent par écrit les charges 
qu'ils avaient recueillies contre lui 2 ; c'étaient, répartis en vingt- 
trois articles, les griefs à eux soumis dans le mandement aposto- 
lique et détaillés dans les propositions du bailli de Sens, dont ils 
avaient gardé l'enchaînement et jusqu'à l'expression. 

« Nous, archevêque de Sens, évêque d'Orléans et élu d'Au- 
xerre, enquêteurs délégués contre l'évêque de Troyes, — consi- 
dérés les faits portés à la connaissance de notre seigneur le Sou- 
verain Pontife, — déclarons : 

« L'évêque a trempé dans les œuvres malignes des sortilèges et 
n'a pas craint de se livrer à ces pratiques criminelles. 

« Au temps où elle vivait, il poursuivait sourdement d'une 
haine mortelle Madame Jeanne, d'illustre mémoire, la feue reine 
de France, épouse de Monseigneur le roi, parce qu'à sa pour- 
suite, et par sa procuration, il avait été, avec raison, chassé du 
Conseil du roi. 

1. Les renseignements que nous donnons sur le détail de cette enquête 
sont tirés du rouleau : Arch. Nat., J. 438, n° 7, que nous suivons presque 
littéralement. 

2. On communiquait au diffamé les points sur lesquels on se proposait 
de diriger l'enquête pour déterminer les faits contestés sur lesquels devait 
porter définitivement l'examen des témoins. (A. Tardif, ouv. c*ï., p. 146; — 
L. Tanon, Hisl. des tribunaux de Vinquisition en France, p. 347.) 



t 



OUVERTURE DE ^ENQUÊTE 67 

« Il s'est vanté que, puisqu'il ne pouvait obtenir la grâce de 
ladite reine, il la ferait mourir. 

« Se tournant à des pratiques exécrables, pour mettre à effet le 
criminel dessein de sa malignité, il a appelé à lui en secret une 
femme possédée de l'Esprit malin, que Ton disait devineresse et 
sorcière : cette femme, consultée par lui pour savoir comment il 
pourrait se venger de la reine, lui a conseillé de faire invoquer 
le Démon 1 . 

« L'évêque avait avec lui, parmi ses familiers un religieux, un 
frère Jacobin, nommé Jean de Fay, qui savait l'art d'évoquer les 
démons. 

« Il fit évoquer le Démon ; et quand le Démon parut devant 
lui, l'évêque lui demanda comment il pourrait avoir sa grâce de 
la reine, ou sinon, faire qu'elle mourût en peu de temps. 

« Le Démon, — après que l'évêque lui eût fait hommage et 
engagé un de ses membres, — lui enjoignit de faire faire une 
image de cire qui eût la forme d'une femme, de la baptiser en lui 
donnant le nom de la reine, puis, après l'avoir fait un peu 
chauffer au feu, de la piquer à la tête et en d'autres parties du 
corps, que la reine tomberait malade ; de recommencer plusieurs 
fois, et enfin de la faire tout entière consumer dans le feu : que 
la reine alors expirerait aussitôt. 

« L'évêque, comme un fils d'iniquité, embrassant le conseil du 
Démon, chercha un endroit propice, l'ermitage de Saint-Flavit, 
dans les bois de son diocèse, pour y exécuter son dessein ; il y 
alla de nuit avec le Jacobin ; et là, tous deux étant vêtus, par-des- 
sus leurs habits, de rochets de grosse toile, comme des vachers ou 
des bergers, il fit faire l'image de cire et tout le reste, comme le 
Démon l'avait dit. 

« La reine, aussitôt après la première piqûre, ou peu après, com- 
mença à se trouver malade, et l'on ne put trouver de médecin 
qui connût la cause de son mal et sût y apporter remède. 

i. L'accusation est plus précise ici que dans les propositions du bailli : 
celui-ci ne disait point que ce fût sur le conseil de la sorcière que l'évêque 
avait invoqué le diable. Il en est de même sur plusieurs autres points. 



68 OUVERTURE DE l'eNQUÉTE 

« Après plusieurs piqûres faites plusieurs nuits à l'image, sur 
Tordre de l'évêque, lui-même, une nuit, vint à l'ermitage, brisa 
la figure en morceaux, la foula et l'écrasa sous ses pieds ; et, quand 
l'image eut été consumée, la reine expira. 

« L'évêque, pendant la maladie de la reine, envoyait souvent 
des messagers pour connaître l'état de son mal. 

« Non content de ce crime, tombant de mal en pis, et pensant 
qu'il n'avait rien fait s'il n'empoisonnait Monseigneur le roi de 
Navarre et Monseigneur Charles, frère du roi de France, il vint 
à l'ermitage avec le religieux, et là, avec des scorpions, des cra- 
pauds et des araignées venimeuses, fit faire un poison qu'il 
conserva dans une boîte. 

« Et comme un jour il se trouvait caché à l'ermitage, un che- 
valier appelé Jean Boursaud y vint; après avoir entendu la 
messe, il voulut boire et manger des prunes. L'évêque était dans 
un grenier où se trouvaient les prunes : en entendant cela, 
pour éprouver son poison, il en frotta les fruits. Le chevalier en 
mangea ; aussitôt il devint malade, et, quatre jours après, il 
succombait. 

« Monseigneur Charles étant venu en Champagne, ainsi que 
Monseigneur le roi de Navarre, l'évêque essaya de leur faire 
prendre du poison, ce qui ne l'empêcha pas d'en faire boire à 
d'autres qui en moururent cruellement 1 . 

« L'évêque a commis beaucoup d'autres crimes énormes pour 
l'offense de la majesté divine, le danger du mauvais exemple et 
le scandale du grand nombre. 

« Pendant qu'on le saisissait du mandement de Monseigneur le 
Pape, il a dit à ceux qui l'arrêtaient : « Je vois bien que vous 
« m'arrêtez pour le soupçon de la mort de la reine ! » 

« L'évêque a confessé par devant d'honnêtes personnes et 
compétentes que tous les faits susdits étaient vrais. 

« Il y a contre lui rumeur, diffamation manifeste, publique voix 

1. Cette accusation est nouvelle ; toutefois elle ne fut postérieurement ni 
précisée, ni soutenue ; mais elle indique assez la tendance. 




•-• Ï.V 



OUVERTURE DE L'ENQUÊTE 69 

et renommée; il est à tel point diffamé que de pareils faits ne 
se peuvent ni dissimuler sans scandale, ni souffrir sans danger 1 . » 

L'évêque protesta d'abord qu'il voulait, avant toute réponse, 
avoir délai et conseil; qu'il répondait malgré lui sur les 
articles, mais que ses réponses ne pouvaient lui porter préjudice, 
attendu qu'il n'acceptait point ce mode de procédure 2 . 

Interrogé sur les dix premiers articles l'évêque déclara 
qu* « il ne croyait point » aux faits dont on l'accusait. Sur le 
onzième, il nia être allé à l'ermitage depuis quarante ans, 
excepté la veille de l'Ascension 1307 3 , un jour qu'il passait par 
là avec sa suite : il était en ses habits d'évêque. Il nia en outre 
qu'il eût jamais été autrement qu'en vêtements épiscopaux depuis 
qu'il était évêque de Troyes, excepté pour se coucher. Sur le dix- 
neuvième article, il avoua qu'il avait requis l'official de Sens de 
lui envoyer l'ermite pour le punir de délits par lui commis au 
diocèse de Troyes. A propos du vingtième article, qui lui repro- 
chait des « crimes énormes », il demanda qu'on les lui déclarât : 
alors, il y répondrait 4 . Quant au reste, il le nia 5 . 

Les commissaires, en lui délivrant les articles, protestèrent 
qu'ils avaient encore à lui soumettre, en vertu de la clause de 
réserve insérée dans les lettres apostoliques, multa alia enor- 
mia et nephanda, etc., de nombreux griefs (ceux-là même dont 
il demandait l'explication), qu'ils lui fourniraient à part, en les 
distinguant des premiers, et sur lesquels ils auraient également 
à informer. 

i. C'est la formule obligée de l'accusation : on ne pouvait, en effet, 
commencer une enquête de cette sorte sans avoir préalablement établi la 
diffamatio de l'accusé. 

2. Les enquêteurs outrepassaient, en effet, la forme ordinaire du droit en 
obligeant l'évêque à leur répondre ex improviso, sans délai ni conseil. Voy. 
les raisons du procureur (2° partie, chap. VI, et p. justif., n° XV). 

3. 3 mai. 

4. « Petiit sibi fieri deelarationem, et respondebit » (Arch. nat., J. 438, 
n°7). 

5. Ces réponses de l'évêque sont les réponses dites par « crédit , vel non 
crédit. » Elles servaient à éliminer une partie des points sur lesquels 
devait porter l'enquête. Voy. Guilhiermoz, Enquêtes et Procès, pp. 52-53. 



70 OUVERTURE DE L'ENQUÊTE 

En attendant, ils firent avancer les témoins qui devaient déposer 
sur les premières charges. Il y en avait huit, parmi lesquels les 
personnes arrêtées en même temps que Guichard. C'étaient 
Jacques, le doyen de chrétienté de Villemaur, près d'Aix-en- 
Othe, qui avait pu voir Termite en rapports avec Tévêque ! ; — 
Regnaud de Langres, Termite de Saint-Flavit, un homme jeune 
encore, d'environ trente-sept ans, pauvre prêtre, qui déclarait 
que Tévêque ne lui avait point fait de mal, hormis la contrainte 
qu'il lui avait imposée, et protestait qu'il ne Tavait point en 
haine 2 ; — Pierre de Grancey, un clerc, fils de serf, âgé de 
soixante ans, qui avait été le compagnon de Termite 3 ; — Lorin 
« de la Chambre », le chambellan de Tévêque, âgé de quarante- 
trois ans, de libre condition et fils de libres, ayant à lui environ 
100 livres tournois : couchant dans la chambre de Tévêque, il 
avait pu observer ses déplacements, ses allées et venues la nuit, 
à l'époque du crime 4 ; — Regnaud de Saint-Lyé, le barbier de 
Guichard 5 ; — Margueronne de Belle villette, la sorcière, qu'on 
appelait « la Matrausse », âgée de trente-deux ans, femme de 
corps et de mainmorte de Téglise de Sainte-Colombe de Sens, 
abonnée à 4 deniers; si pauvre, que, des vêtements qu'elle por- 
tait, il n'y avait que son corselet qui fût à elle, et que sa tunique 
ne lui appartenait point : elle regrettait le crime où elle avait 
trempé, et s'en était confessée à un frère Mineur qui lui avait 
imposé pénitence 6 ; — enfin, Perrote de Pouy, l'accoucheuse, 
« la Baille » comme on l'appelait, âgée de quarante ans et 
veuve, pauvre femme elle aussi, taillable haut et bas, et qui 
n'avait pas à elle plus de 30 sous tournois : elle avouait avoir 
mal fait en se prêtant aux pratiques de Tévêque, et en avait fait 
pénitence 7 ; — son fils, Feliset, le dernier témoin, était un jeune 

1. Dépos., I, Jacques, doyen de Villemaur. 

2. Ibid.y I, Regnaud de Langres. 

3. Ibid., I, Pierre de Grancey. 

4. Ibid., I, Lorin. 

5. ibid., I, Regnaud de S. Lyé. 

6. Ibid., I, Margueronne de Bellevillette. 

7. Ibid., I, Perrote de Pouy. 



>v 



OUVERTURE DE L'ENQUÊTE 71 

garçon de dix-huit ans, qui avait été valet de l'ermite et avait 
servi à ses relations avec Guichard *. 

Quand ces témoins eurent juré 2 , Tévêque protesta qu'il avait 
à parler contre les témoins et contre leurs dits 3 , ajoutant qu'il ne 
connaissait que les six premiers et non les deux autres 4 . Il 
demanda ensuite aux commissaires la faculté d'avoir un conseil 
pour les interrogatoires et pour sa propre défense 5 . On le lui 
accorda et on le renvoya au jeudi suivant, 10 octobre, après lui 
avoir remis, pour qu'il en prît connaissance, la copie des ques- 
tions à poser aux témoins. 

Le jeudi, il fit rendre la pièce aux prélats. Le lundi suivant, 
14 octobre, on assigna Tévêque pour le lundi avant Noël, et, quand 
on l'eut fait sortir, — l'inculpé ne pouvant assister aux déposi- 
tions G , — on procéda k l'interrogatoire des témoins. 

Les dépositions furent longues et circonstanciées, surtout celle 
de Termite de Saint-Flavit, qui avait été le principal témoin des 
pratiques de l'évêque, et, de concert avec la sorcière et l'accou- 
cheuse, l'un des acteurs dans la scène de l'envoûtement. 

1. Dépos., I, Feliset. 

2. II s'agit ici du serment général « de calumnia » qui couvrait toute la 
cause. Les juges ou les commissaires enquêteurs faisaient d'abord prêter 
serment à tous les témoins à la fois, en présence des parties. Les témoins 
juraient ensuite séparément. (Ad. Tardif, ouv. cit., p. 104.) 

3. On réservait les « reproches contre les témoins et contre leurs dits » 
au moment du serment, avant les dépositions, pour avoir le droit de les 
produire jusqu'à la fin et faire valoir contre les témoins, dès le début de 
l'enquête, toutes les causes de récusation. (Ad. Tardif, ouv. cit., p. 103.) 

4. Il semble qu'on ait ici suivi la procédure de droit commun, puisque 
l'évêque assista à la prestation de serment des témoins et put les connaître. 

5. Dans la procédure d'inquisition, l'accusation seule était criminelle, et 
le reus pouvait se faire représenter par un procureur comme en matière 
civile. (Fournier, ouv. cit., p. 270; Ad. Tardif, ouv. ci/., pp. 23-25.) 

6. Les juges devaient entendre les témoins en lieu privé et sûr, pour 
qu'ils pussent déposer sans contrainte et qu'ils n'eussent pas à craindre de 
vengeances. Mais l'accusé pouvait avoir communication des dépositions et 
opposer ses « contredits » aux « dits » des témoins. Voy. plus loin, ch. VII. 



72 LES DÉPOSITIONS 



CHAPITRE IV 



LES DÉPOSITIONS 



Griefs d'envoûtement et d'empoisonnement . 

Le dimanche après la fête de l'Ascension 1304 (10 mai), comme 
on portait, selon l'habitude, la châsse de Saint-Flavit de Ville- 
maur à l'ermitage, une grande foule de gens était venue des pays 
voisins ; et Ton disait communément qu'à Bellevillette , , il y avait 
une femme qui était devineresse. Beaucoup y croyaient, et, à 
cause d'elle, une tempête était venue sur le pays. L'ermite, pour 
empêcher de croire à ses divinations, prêcha contre cette sor- 
cière 2 . Mais deux ou trois jours après, elle vint le trouver h 
l'ermitage et l'avertit de ne plus prêcher contre elle, qu'elle 
était bien avec Tévêque de Troyes. Et comme il l'interrogeait : 
— a Je suis allée le voir, et il m'a demandé comment il pourrait 
« se faire aimer de la reine ; je lui ai dit que je ne le pouvais 
« pas, mais que je pouvais bien la faire aller de vie à trépas. » 
L'ermite, stupéfait, fit des reproches à cette femme et l'engagea 
à songer à son salut. 

Quinze jours après, il alla à Aix-en-Othe, chez Tévêque : et 
l'ayant trouvé devant la chapelle avec M c Pierre de Molay 3 et 



i. Aujourd'hui Bellevillotte, c ae de Bourdenay, c on do Marcilly-le- 
Haver. 

2. La divination n'était assimilée à l'hérésie que lorsqu'elle se mani- 
festait par Fi n vocation du démon ou la profanation des choses sacrées. 
Alexandre IV avait prescrit aux évéques de ne poursuivre les faiseurs de 
sortilèges et les devins qu'en cas d'hérésie évidente. Voy. Tanon, ouv. ci/., 
p. 247. 

3. Archidiacre de Sainte-Marguerite (Bibl. nat., lat. 9095, fol. 23 v°, 1310- 
1311), il fut plus lard (1327) doyen de Troves; m. en 1333 (Gall. christ., 
XII, 1)20. 



LES DÉPOSITIONS 

M" Guillaume le Diablat 1 , il le prit à part et lu: 
péchés. Guichard alors lui défendit secrètemen 
encore contre la sorcière, disant que lui-même 1 
vée 5 , et il ajouta qu'il voulait qu'elle allât souven 
ainsi que frère Jean de Fay 3, 

L'évéque connaissait déjà la devineresse. Une 
le dimanche avant la Saint-André (2b novembr 
mandée à Aix ; et la, dans la chapelle, étant seul 
doyen de Villemaur, Guichard lui avait dit qu'il 
était sorcière, et demandé « si elle savait quelque 
» contre Dieu. » Elle avait répondu que non, mais 
s'entremettre « pour faire revenir des animaux 4 . 

L'évéque connaissait encore une autre femme, 
nommée Odeonne et qui passait aussi pour sorcu 
servante de sa nièce, Isabelle de Bucey*, qui é 
Paraclet. Lorin, le chambellan de l'évéque, avait 
cette boiteuse amener un enfant à Guichard pour 
férer la tonsure : et l'évéque lui avait conféré le 
lui demander comme à l'habitude douze deniers, 
boiteuse le connaissait. Plusieurs fois, lorsqu'elle qu 
Guichard lui avait fait donner par Lorin de l'argen 
tantôt deux sous, tantôt trois, quelquefois douze 
autre fois jusqu'à cinq sous. Un jour, elle dit s 
que l'évéque avait refusé de l'entendre en confes 
donner un autre confesseur ; et Lorin s'en étonn 

1. H* Guillaume de Coulomroiers, dît le Diablat, était 
de l'évéque, et alors son chapelain. Voy. dépos., III, 6, et 

2. Cf. la dépos. de Jacques, doyen de Villemaur, qui 
avait fait appeler la sorcière pour lui défendre, sous peine 
tion, de continuer ses divinations. 

3. Rcgiiaud de Langres. — F» Jean de Fay était prient 
Troycs. C'était lui, qui, avec le doyen de Saint- Urbain, 
pour l'évéque a réprouver les témoins de la reine. 

4. Margueronne. — Il s'agit sans doute d'anii 
malades par maléfice. 

5. Le texte porte « de Bufeyo » sans doute par 
Bucey-en-Ofhc, nrr. de Troyes, c"" d'Kslissac. 



4 



74 LES DÉPOSITIONS 

disait que cette femme était sorcière et de mauvaise renommée, 
et l'évêque le savait, puisqu'on racontait dans sa maison 
qu'étant abbé de Montier-la-Gelle, il l'avait chassée « pour sa 
mauvaiseté 1 ». 

Huit jours après l'Assomption de 1303, Isabelle envoya la 
boiteuse à Bourdenay 2 chercher la sorcière ; Margueronne alla 
voir la nonne qui la pria de se rendre auprès de l'évêque de 
Troyes. Elle partit avec la boiteuse. En arrivant, elles trouvèrent 
Lorin : la boiteuse demanda à parler à l'évêque, disant « que 
c'était pour son grand bien. » Comme Lorin avait déjà vu plusieurs 
fois l'évêque causer avec la boiteuse, il alla dire à Guichard que 
ces femmes voulaient lui parler ; et, l'évêque lui ayant ordonné 
de les introduire, il les fit entrer dans sa chambre. Guichard s'y 
trouvait seul, assis à une fenêtre. Il se leva et dit à Margueronne : 
— « Je t'ai envoyé chercher pour savoir de toi si tu connais 
« quelque artifice par lequel tu pourrais faire que j'eusse ma paix 
« avec la reine. » Elle répondit qu'elle ne savait pas s'entre- 
mettre pour cela. Alors l'évêque appela quelqu'un qui était dans 
la chambre à côté : c'était un frère Jacobin; la sorcière ne le 
connaissait pas et ne l'avait jamais vu. L'évêque dit : — « Frère 
« Jean, venez ici » et fit signe à Margueronne de se retirer. Mais 
comme elle n'était pas à plus de quatre toises, elle entendit 
l'évêque qui disait : — « J'ai parlé avec cette femme : elle ne sait 
« rien de ce que je lui ai demandé ». Le Jacobin dit : — « Il faut 
« que je lise le gramaire* ». Et il se mit à lire dans un livre qu'il 
tenait à la main. Gomme il lisait depuis un sixième de lieue 4 , 
Margueronne vit tout d'un coup, d'une fenêtre haute de la 
chambre, une forme, comme un moine noir, qui descendait, sans 
échelle, en volant, près de l'évêque et du Jacobin : elle avait des 
cornes sur le front, et la sorcière pensa que c'était le Diable. Il 

i. Lorin. 

2. C on de Marcilly-le-Haycr. 

3. Le grimoire, le livre dont se servaient les sorciers pour évoquer le 
démon. Le mot est en français dans le texte. 

4. C.-à-d. le temps qu'on mettrait à faire un sixième de lieue. Cette 
expression revient souvent au cours du récit. 



LES DÉPOSITIONS 

dit au Jacobin : — « Que me veux-tu, toi qui me fatigu 
Le Jacobin répondit : — « Voici l'évèque qui te demi 
le Diable dit : — « Que veut-il ?» — « 11 veut que tu lt 
paix avec la reine. » Le Diable repartit : — « S'il v 
« fasse sa paix avec la reine, il faut qu'il me donne 
« membres. » — « Sur cela j'aurai conseil, » répondit 
Et aussitôt, le Diable, comme s'il volait et battait de 
retira parla même fenêtre. Margueronne était terrifiée d« 
avait vu. Comme elle voulait s'en aller, l'évèque appel 
lui fit donner deux sous tournois sur sa caisse. Elle d< 
chambellan qui était ce Jacobin qu'elle avait vi 
chambre ; Lorin lui dit que c'était frère Jean de Fay. 
s'en alla avec la boiteuse '. 

Cinq ou six semaines après, l'évèque étant à Aix, aj 
ner, la sorcière arriva et Lorin la vit entrer dans la c 
elle dut avoir un entretien avec l'évèque. 

Après s'être assuré du concours de cette femme, Guii 
cherché un lieu propice à ses pratiques. 11 avait songé à 
de Saint-Flavit, où il pouvait se rendre facilement, de 
d'Aix 5 . Vers la Saint-Jean ou la Saint-Christophe 130^ 
une lieue de nuit, il vint à l'ermitage avec frère Jean : 
seuls, à pied, vêtus de rochets de grosse toile, comm 
viers. Ils inspectèrent les lieux à l'en tour, et l'évèque 
à l'ermite : - — « L'endroit serait bon et sûr s'il y avai 
« à l'entrée » ; il fallait qu'il en fît faire une ; s'il 
d'argent, l'évèque lui en donnerait. Et comme l'ermite 
a l'évèque pourquoi il était venu, Guichard lui dit 
« t'occupe pas de cela. » Ils se retirèrent ; en s'en allai 
dit à Regnaud : — « Sur les yeux de ta tête, ne va pj 
h je suis venu ici ! 4 » 

Huit jours après Noël, la sorcière, mandée à Aix 

{. Margueronne Je Bel 1er i 11 et te. Cf. Lorin. 

2. Il n'y a guère que deux lieues. 

3. 24 juin — 2S juillet. 

4. Regnaud de Langres. 



•» » u iT»»m 



76 LES DÉPOSITIONS 

teuse, trouva l'évêque à l'heure de vêpres, dans la cour de son 
hôtel, près de la fontaine. Il causa avec elle près des marches, 
et lui dit tout bas de se préparer à aller à l'ermitage pour le 
jeudi suivant, le soir, à la tombée de la nuit : il irait et apporte- 
rait ce qu'il faudrait. Elle consentit. Lorin et l'aumônier de 
Tévêque les avaient vus causant ensemble *. 

Le jeudi suivant, la sorcière se rendit à l'ermitage avec la boi- 
teuse qu'elle laissa dans le bois, près d'un puits. En entrant, à la 
nuit, elle trouva Termite, et lui dit que c'était Tévêque qui l'avait 
fait venir, qu'il allait arriver lui-même avec un Jacobin. Dans 
la cour, elle vit sur le pas d'une porte, nu-pieds, comme s'il 
allait se coucher, un jeune garçon, l'un des deux fils de la dame 
de Nesle que l'ermite avait avec lui pour les instruire : la sor- 
cière, à part, dit à Regnaud de faire coucher les enfants et de ne 
point s'étonner de ce qu'on allait faire. L'enfant, sur Tordre de 
Termite, rentra dans sa chambre où on l'enferma. L'ermite alors 
se mit à dîner avec Guiot, son valet; la sorcière était à côté 
d'eux, elle mangea un peu 2 . A ce moment 3 , Tévêque arriva 
avec frère Jean de Fay, le Jacobin. L'évêque avait une tunique 
et un corset 4 de camelin 5 de couleur presque noire, et par-des- 
sus, un rochet de grosse toile blanche, avec un capuchon de 
camelin sur la tête ; frère Jean avait une tunique et un corselet 
de brunet ou de pers noir 6 , et par-dessus un rochet de grosse 
toile moins blanc que celui de Tévêque : avec ces rochets, on les 
aurait pris pour des vachers ou des charretiers. L'évêque avait 
encore un chapeau large de feutre noir 7 . 

Guichard demanda à Regnaud si les enfants étaient couchés ; 

i . Margueronne de Bellevillette. 

2. M. Cf. Regnaud de Langres. 

3. Après souper, selon Termite, et environ une lieue de nuit. 
\. Le corset était un surcot fendu aux côtés. 

i>. Le camelin était une étoffe de poil de chèvre mélangée de laine et de 
soie. 

6. Le brunet ou brunettc était une étoffe teinte fine, de couleur presque 
noire. Le père était un bleu nuancé diversement. . 

7. Margueronne de Bellevillette. 



78 LES DÉP0S1TI0.NS 

la tenait dans ses mains au-dessus de la poêle : — « Vous allez être 
« le parrain de ceci », dit l'évêque à Regnaud. — « Cela n'est 
« pas bien à faire », répondit l'ermite. L'évêque repartit : — 
« Crois-tu que si ce n'était pas bien à faire, moi et frère Jean, 
« qui est ici, nous le ferions faire ?... Est-ce qu'elle va venir, 
« cette accoucheuse? » — « Elle ne tardera pas », dit l'ermite 1 . 
Comme ils parlaient, elle arriva avec Guiot qui resta dehors ; 
on ferma la porte. En entrant dans la cuisine, elle vit avec 
Termite cette femme et ces deux hommes qu'elle ne con- 
naissait pas : l'ufi, grand, maigre, avec un visage long et roux, 
paraissant quarante ans, qui tenait d'une main la figure de cire 
et de l'autre un livre ; — l'autre moins grand et plus gros, avec une 
figure rouge, grosse et grasse, paraissant environ soixante ans, 
et qui lui dit : — « Il faut que vous soyez commère avec les 
« autres 2 . » Elle refusa ; mais l'ermite lui disant qu'elle pouvait 
bien le faire, elle céda. Alors frère Jean, tirant une étole de des- 
sous ses habits et, la passant à son cou, lut les prières qu'on lit 
d'ordinaire avant le baptême ; et comme il disait : — « Apponite 
manus patrini et matrine » l'évêque, l'ermite, la sorcière et 
l'accoucheuse touchèrent l'image avec leurs mains ; quand il 
demanda le nom de la figure, ils répondirent : — « Jeanne ». Et, 
avec le chrême, ou un autre onguent que tenait l'évêque en 
guise de chrême, le Jacobin oignit la figure de cire comme si c'eût 
été une enfant à baptiser; s'adressant k l'image, il prononça 
les paroles : — « Voulez-vous être baptisée ? » et, s'adressant au 
parrain et à la marraine : — « Dites : je le veux ». L'évêque, 
l'ermite et les deux femmes répondirent : — « Je le veux ». 
Frère Jean alors, avec un pelvin, prit de l'eau dans la poêle, et, 
par trois fois, il en versa sur l'image en disant, par intervalles, 
à chaque fois qu'il versait : — « //* nomine Patris... et Filii... et 
Spiritus Sancti ! » et les autres répondirent : — « Amen! » 3 

i. Regnaud de Langres. Margueronne. 

2. Perrote de Pouy. 

3. D'après Margueronne, frère Jean aurait passé l'étole à l'évêque qui la 
mit à son cou pendant que le Jacobin tenait la figure au-dessus du vase 
pour le baptême. 



LES DÉPOSITIONS 

Ce faisant, tous les cinq se tenaient tantôt debout, tantô 
Frère Jean posa sur l'image un « chrémeau ' » de lin 
Alors l'accoucheuse sortît de la cuisine, l'ermite la suiv 
la cour, et la, lui confia que, des deux hommes qui avaie; 
tisé la figure de cire, l'un était l'évêque de ïroves, l'ai 
Jacobin, frère Jean de Fay; mais il lui défendit d'en rie 
puis il appela Guiot pour la reconduire a . 

Frère Jean et la sorcière enroulèrent la ligure dans un 
pièce de drap avec son chrémeau. Mais bientôt la sor< 
déroula, enleva le chrémeau, et la présenta au feu : que 
fut échauffée, avec un style que lui donna le Jacobin, 
perça plusieurs fois a la tête en disant : — « Celle pour < 
« est fait, cette semaine n'aura pas sa tête '■'. » Elle envel 
nouveau l'image dans la pièce de toile, et frère Jean la por 
le solier 4 ; l'évêque et la sorcière le suivaient : là, G 
demanda à l'ermite : — « Où pourrait-on mettre sûrer 
« figure? » Regnaud répondit qu'il la posât où il voudr 
de la cuisine, il vit qu'ils la posaient, enveloppée, sur une 
près du toit; puis ils descendirent. L'évêque défendit à 1 
de toucher à la figure; et ils s'en allèrent vers le milie 
nuit 5 . 

Environ douze jours après, une première fois, — une de 
fois vers le commencement du carême, la sorcière re 
l'ermitage ; il était à peu près une lieue de nuit : elle 

1. « Pannus lineus ccra îmbutus quo allai* cooperitur » {Du Ca: 

2. Cf., pour cette scène, les dépositions de Regnaud de Langrcs, 
ronne et Perrole de Pouy. Sur la question de Bavoir qui hnplisa l'ii 
frère Jean ou de l'évêque, il y discordance ou incertitude : nous 
ici le récit de Regnaud de Langrcs. 

3. D'après la sorcière, c'est l'évêque qui lui ordonna de pral 
piqûre et de prononcer les paroles d'incantalion. On pourrait se d 
pourquoi il avait recours à cette femme s'il lui soufflai! ainsi soi 
jusqu'aux mots qui avaient la vertu magique ; évidemment, la sorcit 
chait à atténuer sa part dans l'affaire. Elle dit encore qu'elle r 
l'image qu'une fois. 

4. Le grenier. 

5. Regnaud de Langres. Cf. Margucronnc. 



Y-^ 



80 LES DÉPOSITIONS 

l'image, la déroulait, la faisait chauffer au feu et la perçait plu- 
sieurs fois de sa pointe, puis l'enveloppait de nouveau et la 
reposait sur la poutre dans le solier. L'ermite lui reprochait 
toutes ces choses, lui disant qu'elle décevait les gens; il lui 
demanda pourquoi elle faisait tout cela : elle répondait que 
l'évêque lui avait défendu de le révéler à personne. Puis, chaque 
fois, elle s'en allait de l'ermitage ! . 

La semaine d'après le milieu du carême (28 mars-i avril), elle 
vint encore, et, presque en même temps, derrière elle 2 , arri- 
vèrent l'évêque et frère Jean, vêtus comme la première fois. 
L'ermite envoya aussitôt son valet se coucher; les enfants 
Tétaient déjà. Et comme ils étaient tous quatre autour du feu, 
l'évêque dit à frère Jean : — « Tout ce que nous faisons ne vaut 
« rien : on dit qu'il est venu de Poitiers un médecin qui guérit 
« tout. » La sorcière alla chercher l'image dans le solier, la 
déroula et la fit chauffer devant le feu, puis la perça comme elle 
l'avait déjà fait, et la reposa près du foyer sur la pièce de toile ; 
alors l'évêque, mettant le pied dessus, dit à la sorcière : 
— « Emporte-la, de par le diable ! » Il prit l'image à deux 
mains et la brisa en plusieurs morceaux ; ce voyant, frère Jean 
se mit à la briser avec lui, et ils en jetèrent les morceaux au feu; 
puis ils s'en allèrent 3 . 

Environ trois jours après, le doyen de Villemaur ou un valet 
du doyen vint trouver l'ermite et lui dit que l'évêque le mandait 
à Aix : Regnaud y alla, et le trouva dans fea chapelle. Guichard 
prit l'ermite à part et lui dit en secret : — « Regnaud, à présent 
« je veux que tu fréquentes autour de moi ; ne l'oublie pas et 
« viens souvent chez moi. » En retournant à l'ermitage, Regnaud 
rencontra le prieur de Glairlieu 4 qui lui dit : — « L'évêque est 

1. La sorcière, à son dire, ne revint que sur l'ordre de révoque, pour 
percer la figure de cire; et, chaque fois, elle se contentait do la faire ramol- 
lir au feu sans la percer. 

2. Selon Margueronne, elle trouva révoque à l'ermitage en y arrivant, et 
Guichard lui reprocha de n'avoir pas bien fait ce qu'il lui avait prescrit. 
C'est alors qu'il brisa la figure de cire et la jeta au feu. 

3. Regnaud de Langres. Margueronne. 

4. Clairlicu, c nc de Palis, c on Marcilly-le-Hayer. 



***>m* 



LES DEPOSITIONS 

n tranquille maintenant, car la reine est me 
cela, l'ermite pensa en lui-même que tous < 
été faits contre elle, et il en fut terrifié. Deu 
trouver Jacques, curé de Pâlis, son confessi 
en confession; le curé approuva son intention 
mitage et de ne plus retourner chez l'évèque 

Vers la Pentecôte (6 juin), comme il alla 
et qu'il avait déjà déposé quelques-uns de s 
voulant pas rester plus longtemps en rap] 
Guichard le fit encore mander par le do 
Regnaud alla à Aix et le trouva devant s< 
sieurs personnes. L'évèque entra dans la chi 
lui. Guichard lui dit « qu'il était fou de ■ 
« l'ermitage, que lui-même avait grand < 
•> bien; il n'avait pas à s'épouvanter de 
« l'évèque l'absolvait de tout cela. » Sur et 

Vers la Décollation de saint Jean-Bapt 
était bien une lieue de nuit, — l'ermite se 
tage avec frère Pierre, son compagnon ; ils 
et la porte de l'ermitage était fermée, q 
frapper. Frère Pierre y alla : c'étaient des 
Ions qui demandaient l'hospitalité; il leu; 
logeait pas de cavaliers. Mais ils demandé] 
qu'il les connaissait. Regnaud y alla, el 
à la voix, leur ouvrit la porte; ils entré: 
descendirent dans le pré de l'ermitage où 
chevaux. L'ermite reconnaissait bien que 
et frère Jean. Ils avaient des habits ra; 
Regnaud de faire coucher son compagnon, 
ils entrèrent dans le réfectoire; l'ermite le: 
Jean qui tirait de dessous ses habits une g 
une nappe sur la table et ouvrait la boite : 
leuvre vivante, deux crapauds, deux vers 

1. Il était mort à l'époque ilu procès, 

2. Regnaud de Langres. 

Uim. II itt. i* t'Èr. </« Ckmrtu. 



t*.-» ■_ --• r* n •/■ 



82 LES DÉPOSITIONS 

des queues longues et pointues, et deux araignées. L'évêque 
demanda au Jacobin ce que c'était que ces vers ; il répondit que 
c'étaient des scorpions l . Frère Jean frappa plusieurs fois la cou- 
leuvre, lui coupa la tête et la queue ; il écrasa les deux cra- 
pauds sur la nappe, et mit dans un vase les deux vers, ce qui 
était sorti des deux crapauds, avec la tête et la queue de la cou- 
leuvre; puis il lava la nappe : il avait des gants aux mains. Il 
fit alors bouillir le tout sur le feu avec l'eau provenant du 
lavage de la nappe, jusqu'à ce que le contenu du vase, en s'épais- 
sissant, eût pris l'apparence de la lie de vin ; il prit un morceau 
de drap qu'il étendit sur un plat, et, dessus, versa ce qui était 
dans le vase. Il porta le plat dans le solier; l'évêque prit la clef, 
et, quand frère Jean en fut sorti, il en ferma la porte et emporta 
la clef avec lui. Là-dessus, ils se retirèrent et Termite ne revit 
plus le Jacobin. Le lendemain, Pierre, le compagnon de l'ermite, 
trouva dans la cuisine un pot de terre en morceaux, et, dans le 
réfectoire, une grande boîte, qu'il montra à Regnaud ; l'ermite 
lui dit de la jeter 2 . 

Un mois après, environ deux lieues de nuit, tout le monde 
étant couché à l'ermitage, Regnaud était en train d'écrire près 
de la porte : il entendit l'évêque qui l'appelait, et, lui ayant 
ouvert, il le vit, habillé d'un rochet, et seul. Ils allèrent aussitôt 
au solier ; l'évêque en ouvrit la porte, y prit le plat, qui conte- 
nait une matière desséchée, comme du sable, et la mit dans un 
gros étui de métal; il avait des gants pour ne pas toucher la 
matière de ses mains nues. Il en mit un peu sur du pain qu'il 
donna à manger au petit chien de l'ermite : le chien se mit 
aussitôt à se tordre. L'évêque s'en alla, emportant l'étui, avec ce 
qui était dedans. Le lendemain matin, on trouva le chien mort, 
et l'ermite vit que cette matière était du poison ; il en eut grande 
douleur et en fut malade pendant un mois 3 . 

1. La présence de scorpions dans la région est au moins étrange: on 
n'en trouve en France que dans la région méditerranéenne. 

2. Regnaud de Langres. Pierre de Grancey. 

3. Regnaud de Langres. 



i . 



^■mro^^-ï 



LES DÉPOSITIONS 

Vers la Toussaint, le doyen de Villemaur manda l'ermi 
Aix de la part de l'évèque. Regnaud y alla : l'évêque lui re 
cha devant ses gens d'avoir donné la bénédiction nuptial 
l'ermitage et lui ordonna de s'en amender a lui ; puis, étant e 
dans une chambre, il appela l'ermite et lui dit en secret 
« Messire Regnaud, voua voilà à présent bien avec moi, et i 
» savez mon secret. Monseigneur Charles doit venir ici et à 
m gny ; les démons l'ont rassasié d'argent. Je voudrais bien < 
u fût empoisonné quand il viendra. Viens chez moi, je te doi 
» rai du poison, et je te dirai ce qu'il faut que tu fasses. » I 
mite, par peur, accepta. Quatre jours après, comme monseigi 
Charles était a Aix, quelqu'un des gens de l'évêque vint dii 
l'ermite que Guichard le mandait ; mais Regnaud n'y alla 
car il pleuvait très fort ce jour-là, et il ne voulait pas em 
sonner monseigneur Charles. Trois semaines après, à i 
l'évêque dit secrètement à l'ermite « qu'il était un sot et 
« maudit de n'être pas venu comme il l'avait promis, puis 
« l'évêque l'avait absous et l'absolvait de tout ce qu'il avai 
« faire et de tout ce qu'il pouvait faire de mal ; que l'er 
« n'était pas un homme de mal, qu'il ne devait pas penser 
« ce que l'évêque voulait faire fût péché », le priant encore 
fois u de venir souvent le voir, de fréquenter chez lui et di 
« pas confesser ses péchés à d'autres qu'à lui. » L'ermite pr 
eu paroles, bien que par la suite il ne dût pas le faire et ■ 
dût se confesser à un autre. 

Le jeudi avant la fête de saint André apôtre 1306 (2tnoveml 
au milieu de la nuit, comme l'ermite était couché dans 
chambre de l'ermitage située assez près de la porte, il entt 
frapper. Il se leva, sortit et demanda qui était là : il reco: 
l'évêque à la voix et lui ouvrit. Quand il fut entré, 1er 
alluma du feu ; ils se chauffèrent, seuls, jusqu'au lever du j 
Guichard raconta à Regnaud que plusieurs personnes avaier 
qu'il envoyait souvent chercher l'ermite avec des ment 
et qu'on pourrait en penser mal; il voulait donc que Régi 






■ 





V' 






84 LES DÉPOSITIONS 



vînt demeurer à Villadin * ; Termite tiendrait l'église du lieu : 
de cette façon, quand Tévêque le manderait, les gens croi- 
W raient qu'il était appelé pour les affaires de son église. Gui- 

jj£ ; chard lui dit encore : — « Le fils aîné du roi doit avoir d'ici peu 

\ « le comté de Champagne ? ; je suis sûr que jamais il ne me fera 

5 « du bien, parce que jamais sa mère ne m'en a fait. » Toutefois 

Tévêque ne dit pas alors à l'ermite qu'il voulait l'empoisonner. 
fe. Au lever du jour, frère Pierre se leva et vint à la cuisine. Il 

c - ne reconnaissait pas l'évêque sous son déguisement ; et, voyant 

t' assis seul au coin du feu, près d'un baril qui contenait bien un 

!' quart, ce gros homme de petite taille, avec sa figure rougeaude 

ïf: et grasse, au nez court 3 , vêtu d'un rochet de grosse toile et 

!*. d'un capuchon rouge, — il lui demanda ce qu'il voulait : 

g*- l'homme lui dit qu'il était hydropique et qu'il venait se faire soi- 

gner par l'ermite. — « C'est une bonne maladie que vous avez 
« là, repartit Pierre : vous êtes gros et gras ! 4 » et il alla trouver 
l'ermite qui lui fit la même réponse. Pierre avait connu Gui- 
chard du temps où il était abbé de Montier-la-Celle et l'aurait 
bien reconnu s'il avait été vêtu en évêque ; il insista : « — L'homme 
« qui est céans ressemble à l'évêque de Troyes ; il est de sa 
« famille et de ses proches. — Il ne manque pas de gens qui 
« ressemblent à d'autres ! » repartit Termite. 

Le soleil allait se lever, et l'évêque était sur le point de partir 
quand, du dehors, un chevalier, Jean Boursaud 5 , appela Ter- ' 
mite, lui demandant s'il pouvait avoir une messe. L'ermite répon- 
dit affirmativement ; il envoya Tévêque au coin du feu, et se mit 

1. C on de Marcilly-le-Hayer, à une lieue environ de l'ermitage. 

2. Comme héritier de sa mère : le comté se trouva distrait du domaine 
royal jusqu'à l'avènement de Louis le Hutin au trône. Voy. Secousse, \fém. 
sur C union de la Champagne à la couronne (Mém. de ÏAcad. des 7/isc, 
XVII, 295). 

3. «... et erat... parvus et grossus, habens vultum rubeum et pinguem et 
<( nasum curtum. » 

4. u Vos babetis bonam infirmitatem, quia vos estis grossus et gras- 
« sus ! » 

5. Le promoteur avança que Jean Boursaud avait été hostile à Tévêque 
dans l'affaire de Jean de Calais. (Arch. Nat., J. 438, n° 8, art. XVIII.) 



k 



i 




LES DÉPOSITIONS 85 

avec frère Pierre à préparer l'autel dans la chapelle. Il dit la messe 
en présence du chevalier, venu pour chasser dans les bois qui entou- 
raient l'ermitage. La messe finie, Regnaud dit à messire Jean 
qu'il avait des prunelles au miel qu'il avait préparées pour sa 
femme, et lui demanda s'il en voulait manger; le chevalier 
accepta. Frère Pierre en alla chercher au solier; il y trouva 
l'homme de la cuisine. Il mit des prunelles dans un plat, et 
comme il les emportait, l'homme lui dit : — « Montre ce que tu 
« portes? » et, mettant la main au plat, remua les prunelles et en 
prit deux ou trois. Frère Pierre apporta les prunelles au cheva- 
lier, qui en prit une et en mangea : mais aussitôt il devint blême 
et dit à Termite qu'il avait une « goutte » { dans le côté. Tout bas, 
l'ermite envoya frère Pierre savoir ce qu'était devenu le bon- 
homme qu'il avait laissé au coin du feu ; le clerc revint lui dire 
qu'il était dans le solier : Regnaud pensa alors que l'évêque 
avait mis du poison sur les prunelles ; il les enleva des mains 
du frère et empêcha qu'on nen mangeât, disant qu'il n'en 
avait pas beaucoup. Quand le chevalier fut parti, l'ermite 
demanda à son clerc si le bonhomme qui était dans le solier avait 
touché aux prunelles ; Pierre répondit que oui, qu'il avait mis la 
main dans le plat, en touchant les prunelles et en les remuant. 
L'évêque s'en alla aussitôt % accompagné jusqu'à l'entrée du 
bois par Feliset, le valet de Termite. Cependant Regnaud dit 
à son clerc de jeter les prunelles qui restaient dans deux pots : 
frère Pierre les jeta, mais garda le miel où elles étaient et y mit 
de Teau dont il but pendant plusieurs jours. Et comme Feliset 
rentrait, le clerc dit à Termite : — « Cet homme-là qui vient de 
« sortir d'ici et que Feliset a accompagné, je suis ensorcelé si ce 
« n'est l'évêque de Troyes ou quelqu'un qui lui ressemble. » L'er- 
mite l'interrompit et se mit à parler d'autre chose. Presque au 
même instant, Jean le Peintre, forestier des bois de Tabbesse du 
Paraclet, qui étaient autour de l'ermitage 3 , vint dire qu'il avait 

4. Une douleur. 

2. Selon Pierre de Grancey, il ne s'en alla qu'à la nuit. Cf. Feliset. 

3. Entre Pouy et remplacement de S. Flavit, il y a encore un lieu dit : 
« Buisson du Paraclet. » 



*.-*>»•" f"T\ ' 



86 LES DÉPOSITIONS 

trouvé dans le bois, sur la route qui va de l'ermitage à Aix, un 
cheval attaché à un chêne, et, près du cheval, un valet qui dor- 
mait; puis il avait rencontré un homme qui venait de l'ermitage, 
vêtu d'un rochet grossier, et qui monta sur le cheval ; il lui sem- 
blait que cet homme, ainsi vêtu comme un bouvier, était Tévêque 
de Troyes ; il demanda à l'ermite ce qu'il était venu faire chez lui : 

— « Tais-toi, lui dit Regnaud, laisse-moi la paix, et occupe-toi 
« de tes affaires. » 

Le dimanche ou le lundi suivant, le chevalier mourut à « Le 
Motai f », et l'ermite pensa qu'il était mort des prunelles qu'il 
avait mangées. 

Environ huit jours après, le jeudi avant les Ordres 2 , l'évêque 
vint à l'ermitage, comme évêque, en habits épiscopaux, avec 
une grande suite : il venait de Trancault 3 et il allait à Aix. 

— « Qu'est-ce que vous allez me donner? » dit-il à Regnaud. 

— « Je vous satisferai », répondit l'ermite. Et ils se mirent 
à causer ensemble, à part. — « Regnaud, demanda l'évêque, 
« dit-on que Jean Boursaud a été empoisonné ?» — « Certes non, 
« répondit l'ermite ; mais on s'étonne qu'il soit mort si vite. » 
Guichard ajouta : — « Regnaud, je ne veux pas que mes gens 
« sachent que je me suis conseillé avec toi : je ferai ajourner 
« devant moi ton compagnon, n'en sois pas étonné. » 

Il s'en alla avec ses gens et fit citer frère Pierre, par son chape- 
lain, messire Guillaume de Goulommiers, pour le vendredi. Le 
lendemain, frère Pierre alla trouver l'évêque à Villemaur; Gui- 
chard lui demanda si Regnaud confessait, prêchait et donnait des 
bénédictions nuptiales à l'ermitage ; le clerc répondit que oui, et 
que Termite disait en avoir la permission de l'évêque 4 . 

Cependant, Termite, pensant que le chevalier était mort empoi- 

i . Aujourd'hui : Le Mothois, c no de Marcilly-le-Hayer. 

2. D'ap. Pierre de Grancey, c'est le vendredi de la Pentecôte 1307 
(19 mai), que l'évêque serait venu à l'ermitage en habits épiscopaux. Cf. la 
réponse de l'évêque, p. 69. 

3. Trancault le Repost, c 011 de Marcilly-le-Hayer. — L'ermitage était à 
peu près sur le chemin direct de Trancault à Aix. 

4. Pierre de Grancey. 






88 LES DÉPOSITIONS 

« sire Régna ud, dit Tévêque, je me fie beaucoup en vous. Le jeune 
« roi * doit venir de Navarre. Sur mon âme, sa mère ne m'a jamais 
« fait de bien, et les enfants ne m'en feront pas : je voudrais qu'ils 

« fussent empoisonnés Sais-tu ce que tu vas faire ? Je te don- 

« nerai des lettres adressées de ma part à dame Marie de 
« Vauceniein ; par ce moyen tu seras son chapelain, ou bien tu fré- 
« quenteras chez elle, et tu pourras faire connaissance avec beau- 
« coup de gens. Tu reviendras chez moi d'ici peu, et je te ferai 
« savoir comment tu t'y prendras pour l'empoisonnement. » Le 
jeudi après la Circoncision (4 janvier 1308), Termite, mandé par 
lettres closes qu'avait apportées son valet, Feliset, se rendit à Aix 
et y déjeuna ; quand ils furent seuls dans la chambre de l'évêque, 
Guichard lui dit : — «Il sera bientôt temps que tu te remues ! » 
Et, lui montrant un étui de métal où l'on aurait pu fourrer le 
doigt, il lui dit qu'il mettrait le poison dedans, mais qu'il serait 
plus sûr de cacher l'étui dans une de ses chaussures. Il le fit se 
déchausser, et avec une aiguille et du fil, fit une bourse, dans la 
chaussure et la rendit ainsi à l'ermite, lui enjoignant de revenir 
le dimanche avant la Purification de la Vierge (28 janvier) pour 
prendre le poison et se rendre chez dame Marie, et d'apporter avec 
lui du parchemin et de l'encre pour écrire la lettre. L'ermite 
promit, mais ne vint pas ; il s'excusa par lettres jusqu'au mardi 
après la Purification. Pendant ce temps, il avait fait conduire une 
partie de ses biens à Trainel 2 et les y avait fait vendre par frère 
Pierre. Mais celui-ci alla le dénoncer à l'évêque. Guichard 
manda de nouveau Termite, qui vint à Aix le samedi suivant. — 
« Je vois bien que vous n'êtes pas franc avec moi, lui dit 
« Tévêque ; votre compagnon m'a dit hier que vous avez vendu 
« vos biens et que vous voulez vous sauver ». — L'ermite répon- 
dit qu'il n'avait pas l'intention de fuir, mais qu'il avait vendu 
ses biens parce qu'il ne savait pas quand il reviendrait d'où 
Tévêque voulait l'envoyer. Guichard ajouta qu'il avait fait sai- 



1. Louis le H u tin. 

2. Aube, arr. et c on de Xogent. 




•1, 



LES DÉPOSITIONS 89 

sir son cheval, qu'il ne voulait pas qu'il s'enfuît, que le lendemain, 
Regnaud se mettrait en route pour aller chez dame Marie ; et il 
demanda à Termite s'il avait toujours son étui. L'ermite dit que 
non, qu'il l'avait oublié dans sa malle à Villadin ; Guichard 
repartit qu'il l'enverrait chercher, mais que l'ermite ne se sau- 
verait pas et qu'il partirait dès le lendemain. 

Regnaud obtint pourtant de revenir le lundi suivant ; mais il 
dut laisser son bréviaire en gage à l'évêque. Par-devant le doyen 
de Yillemaur et d'autres personnes, dans la salle de son hôtel, 
Guichard lui dit qu'il devait s'amender pour avoir donné des 
bénédictions nuptiales à l'ermitage, et l'assigna pour le lundi 
suivant; il ordonna au doyen de retenir en gage le bréviaire de 
l'ermite et de lui faire jurer qu'il reviendrait au jour fixé. 

Mais Termite, ne voulant pas plus longtemps obéir à Tévêque, 
sortit du diocèse de Troyes et s'en vint à Sens où il se confessa 
secrètement de toutes ces choses ; puis, ayant pris conseil de 
personnes d'expérience, il révéla tout, sans confession, aux gens 
de monseigneur le roi; et jamais il ne revint plus chez Tévêque *. 

Après ces révélations, toute cette longue histoire que Termite 
racontait, pleine de souvenirs précis, mêlée de traits naïfs, de 
détails frappants et singuliers, il semblait qu'on ne pût douter 
que Tévêque fût coupable, et que la mort de la reine, si rapide, 
inexpliquée encore, eût été l'effet de ces maléfices enveloppés 
de mystère 2 . 

Les apparences du moins étaient contre Guichard. On avait 
vu la sorcière chez Tévêque, à Troyes et à Aix. Les rapports de 
Guichard avec Termite avaient été publics : Feliset, le valet de 
Termite, lui avait apporté trois fois des lettres closes de Tévêque 
et était allé trois fois à Aix avec Regnaud; le barbier de Tévêque 
avait vu environ huit fois, le chambellan, quatre ou cinq fois, 
Termite à Aix dans la maison épiscopale; enfin, le doyen de Vil- 

4. Regnaud de Langres. 

2. Il y a en somme très peu de contradictions absolues entre les témoins. 
Il est vrai qu'ils étaient peu nombreux et que Termite était le seul à témoi- 
gner de certains faits, les plus graves. Sa déposition reste par cela même 
très suspecte. L'accusation était fondée principalement sur elle. 



90 LES DÉPOSITIONS 

lemaur, pendant ces trois dernières années, avait bien cité trois 
fois par lui-même et deux fois par ses gens Termite devant Gui- 
chard; même, un jour qu'il était allé citer l'ermite, celui-ci, en 
pleurant, lui demanda pourquoi Tévêque le mandait ainsi, et, à 
mains jointes, le pria de lui dire s'il savait quelque chose des 
secrets de Tévêque, et s'il les savait, de les lui confier sur le péril 
de son âme, ajoutant qu'il confesserait volontiers ses péchés au 
doyen, et lui ouvrirait sa conscience : le doyen répondit qu'il ne 
savait rien *. Guichard, il est vrai, couvrait le vrai motif de ces 
entrevues ; devant le monde, il reprochait durement à Termite 
certains délits, des mariages clandestins à l'ermitage 2 ; et on 
avait entendu dire à Regnaud : — « Béni soit Dieu ! on me charge 
« de ce que je n'ai pas fait ! » Mais après, on les voyait se parler en 
secret ; une fois ils s'étaient enfermés seul à seul dans la cha- 
pelle, le temps de chanter le Miserere mei, Deus, sans qu'on sût 
ce qu'ils y faisaient 3 . Lorin les avait vus plusieurs fois se concer- 
ter dans la chambre et dans la chapelle de Tévêque, portes 
ouvertes. Guichard gardait même Termite à déjeuner ou à dîner 
avec ses chapelains, ses compagnons et ses familiers 4 . Le doyen 
de Villemaur, qui savait, par le prieur de Clairlieu, que Regnaud 
avait donné la bénédiction nuptiale à deux étrangers qui passaient 
chez lui, et qui le voyait, après plusieurs délits, venir ainsi à la 
maison de Tévêque, y manger, y boire, sans que Guichard levât 
sur lui d'amende ni l'eût jamais puni, s'en étonnait fort et se 
demandait pourquoi Tévêque agissait ainsi 5 ; et Lorin, comme lui, 
car Guichard n'avait pas Thabitude de faire manger avec lui les 
bonnes gens envers qui il était tenu 6 . 

Enfin, il semblait bien prouvé que Tévêque était allé secrète- 
ment à l'ermitage, la nuit. Pierre deGrancey croyait bien l'avoir 

1. Voy. les témoignages de tous ces personnages (Dépos., I). 

2. Regnaud de S. Lyé, Jacques, doyen de Villemaur, Lorin. 

3. Jacques, doyen de Villemaur. 

4. Regnaud, de S. Lyé. 

£>. Jacques, doyen de Villemaur. 
6. Lorin. 



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-t. 



92 LES DÉPOSITIONS 

ture de cet homme, Lorin le prenait pour Galeran, le messager 
de l'évêque, et il pensa alors qu'ils allaient faire quelque chose 
de mal. La deuxième fois que Guichard sortit ainsi, Lorin étant 
allé le lendemain à la tuilerie, la femme du tuilier lui dit que la 
veille, elle avait vu deux forestiers de l'évêque, qui, assez tard, 
à l'heure où tout le monde devait être couché, amenaient deux 
chevaux dans le jardin, les chevaux de Guillaume et de Garnier 
de Villemaur, deux frères, écuyers de l'évêque ; Lorin pensa que 
Guichard et frère Jean les avaient fait amener pour les monter 
cette nuit-là. La dernière fois, ayant accompagné l'évêque à la 
chambre du Jacobin, et s'apercevant que, par la porte laissée 
entrouverte, resté lui-même dans l'obscurité, il pouvait voir dans 
la chambre, Lorin regarda : il vit frère Jean qui tirait d'une 
valise deux habits rayés, qu'il posa sur son lit; puis deux boîtes, 
dont Tune était verte et aurait pu contenir deux livres de dra- 
gées. L'évêque demanda à frère Jean ce qu'il en voulait faire. 
— « Nous l'emporterons avec nous », répondit le Jacobin, et il la 
mit dans une autre petite valise. L'autre boîte, qui était plus 
petite, il la remit où il l'avait prise. Et, peu après, Lorin les vit 
encore, comme l'autre fois, dans la cour, puis dans le jardin, 
vêtus cette fois de leurs habits rayés : alors, il pensa de plus en 
plus que l'évêque et frère Jean allaient faire quelque chose de 
mal, mais il ne savait quoi *. 

Tous les témoins protestaient, selon la formule, qu'ils dépo- 
saient sans haine pour l'évêque; à Termite, celui qui le chargeait 
le plus, on demanda s'il voulait que l'évêque fût mis à mort : il 
répondit que non, mais qu'il aurait bien voulu qu'on sût la vérité 
de toutes ces choses. 

Selon leur dire, ils témoignaient librement la vérité, sans 
menaces ni tortures préalables. A la sorcière toutefois, pendant 
qu'elle était détenue, les gens du roi avaient dit que, si elle ne 
témoignait pas d'elle-même la vérité, on la lui ferait dire de 
force 2 ; et Lorin, le chambellan, avait été mis k la question 3 . 

1. Lorin. 

2. Margucronne. 

3. Au xiv e siècle, la question devint d'un usage général dans les 
affaires criminelles (Ad. Tardif, ouv. ci/., p. 150). 



LES DEPOSITIONS 



Arrêté à Saint-Hilaire, près de Pont-sur-S 
l'évèque avait été pris ', il avait été conduit 
sergents et mis aux fers dans la Tour du Roi : 
douze jours; le treizième jour, il avait été hii 
pieds et poings liés, avec Ilegnaud, le barbier 
gest, neveu du bailli de Sens, et mené par di: 
de Troyes à Sens dans la prison du roi près le 
là, il avait été mis aux fers dans une basse fo: 
le bailli l'en fit tirer; on l'amena sur la porte, ; 
son, et le bailli lui demanda s'il savait que 1' 
nuitdesa maison d'Aix ; I.orin répondit plusie 
y avait là Regnaud, l'ermite de Saint-Flavit. ■ 
Le bailli le fit dépouiller de ses vêtements e 
fit passer des cordes aux mains et aux pi 
cordes dans quatre anneaux scellés aux d 
de la plate-forme carrée qui était au-dessus d 
suspendit ainsi, de façon qu'il ne touchât pas 
souffrait beaucoup. Comme on le torturait, 
bailli voulait le faire plonger dans une cuve 
vait là. Ne pouvant supporter plus longtemj 
sans en mourir, il dit au bailli : — « Pour Di< 
« moi mettre hors de cette torture et je dirai 
« voudrez ! » Le bailli fit cesser la torture ; el 
dit qu'il avait vu l'évèque sortir de sa chambr 
fois, et revenir environ une lieue avant le jour 
frère Jean de Fay se trouvait dans la maison; 
rait partout où le voudrait le bailli ; qu'il ne 1 
n'avait été mis à la torture, mais qu'il craigna 
Le bailli lui fit jurer que les choses s'étaient 
l'avait dit. Environ quinze jours après, le bail) 
le fit monter encore sur la plate-forme au-dcssu 



... dîiit quod, die Assumptionis béate Marie ' 
ipse qui loquitur capUis fuit per génies régis 
prope Pontes super Seeanam, ubi captus fucr 



r s . • .^â ► •' » 



* -,' • ~-, £ ' *' 



94 POURSUITE DE L'INSTRUCTION SÉCULIÈRE 

présence de frère Regnaud et de plusieurs autres, lui dit qu'il en 
savait plus qu'il n'en avait déposé contre l'évêque, et qu'il devait 
avouer s'il ne voulait pas qu'on le fît tourmenter à nouveau : Lorin 
avoua par son serment qu'il avait vu l'évêque sortir de nuit de sa 
chambre deux autres fois encore; il ajouta que, bien qu'il eût 
été maltraité, il avait dit la vérité tout comme s'il n'avait pas été 
soumis à la question. 



CHAPITRE V 

POURSUITE DE L'INSTRUCTION SÉCULIÈRE 

Préparation des nouveaux articles : intervention de Nogaret 

et de Noffo Dei 

(octobre 1308-février 4309) 

On avait assigné l'évoque à comparaître à nouveau le 
23 décembre. Mais, le jour fixé pour la comparution, l'arche- 
vêque de Sens se trouva indisposé et l'évêque d'Orléans légiti- 
mement empêché, et l'on resta sans procéder jusqu'en février 
1309. Sans doute aussi, on attendait la préparation des nouveaux 
articles. 

L'accusation avait réservé son droit de proposer d'autres griefs. 
Pendant que Guillaume de Hangest communiquait aux commis- 
saires les premiers articles, que la justice ecclésiastique, 
encore surprise et troublée, établissait lentement son enquête, 
— derrière le bailli, dans l'officine royale, des clercs et des 
enquêteurs séculiers, secrètement, hâtivement, recrutaient les 
témoins, entassaient les preuves, et, donnant jeu à la perversité 
audacieuse de leur imagination, composaient les « crimes 
énormes » annoncés dans le rescrit pontifical, griefs prodigieux 



P0CRSU1TE DE L'INSTRUCTION SÉCULIÈRE 



93 



de fantaisie, qu'ils allaient, en vertu de la réserve du bailli, 
produire en de nouveaux articles. 

Comment fut préparée cette seconde série d 1 accusations, indé- 
pendante de la première, nous le savons par trois pièces, mêlées 
à celles de l'enquête ecclésiastique, mais émanées de person- 
nages étrangers, en principe, à l'information, et qui n'y devaient 
point figurer officiellement. 

C'est ici qu'on entrevoit le mieux les dessous de l'affaire, et 
qu'on peut reconnaître la cause intime, déjà lointaine et cachée, 
de ce grand procès. On s'aperçoit que l'enquête, sous sa gravité 
officielle, avec son air impartial, son allure prudente et solennelle, 
couvrait une action privée, violente et haineuse, des ennemis de 
Guichard. 

L'une de ces pièces 1 , sur papier, sans adresse, mais où le 

rédacteur laisse, à plusieurs fois, percer le ton personnel, porte 

au dos : 

Li article contre Vevesque de Troies. 

et plus bas : 

Les noviaus articles et la commission le pape contre Vevesque 
de Troies, que Von baillera monseigneur Guillaume de Nouguaret. 

La pièce est raturée par endroits, mais le double en existe au 
net sur parchemin 2 , avec im article ajouté, et seulement quelques 
variantes de texte insignifiantes, ou purement orthographiques. 






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ï 



CE SONT LBS ARTICLES QUI SERONT PROUVE SOUFFISAMMENT CONTRE 

l'evesque DE TROVES 

[1°] Premièrement, il est trouvé par un procès qui fu mené en la 
court l'evesque de Paris contre Cassien le Lombart, espicier, que le 
dit Cassien fist le venin ou poisons de quoi madame la reyne de 
Navarre et autres furent empoisonnez, a la requeste du dit evesque de 
Troyes et de Tenaille, neveu Mouchct, et que le dit Tenaille les bailla 
a celuy qui empoisonna la reyne ; et par le dit Tenaille sauroiz vous 3 

1. Archives Nat., J. 4-38, n° 9. 

2. Ibid., n° 5. 

3. Remarquer la forme personnelle. 



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96 POURSUITE DE l'iXSTRUCTION SÉCULIÈRE 

le commencement et la fin de la besoingne et assez d'autres mauvescs 
choses que il ha fait avecques le dit evesque et par son conseil; et ce 
sera prouvé par le dit procès et par les tcsmoinz contenuz el dit procès, 
lequel procès maistre Estiene, li auditeur des tesmoinz de la court 
F officiai de Paris, ha en garde. Et le dit Tenaille demoura a Paris par 
le commandement et requeste dou dit evesque, pour les dites poisons 
faire baillier. Et, tantost comme la dite reyne fu morte, le dit Tenaille 
envoia un messaige au dit evesque, quiala en un jour de Paris a Troyes 
et porta au dit evesque toute la manière comme la dite reyne estoit 
morte : dont le dit evesque fist grant joie en la présence de moût de 
bones genz, et dist : « — Or me sui je délivré du deable qui tout 
« le monde vouloit meitre a execucion! » et fist donner au dit vallet, 
qui les nouvelles li porta, cent solz et une robe. 

[2°] Item, il sera prouvé souffisamment contre le dit evesque que une 
nonnain hot un enfant de luy, et que le dit evesque l'envoia baptisier a 
un prestre qui demouroit près de Troyes aussi comme a trois liues* ; et 
ledit prestre le refusa a baptizier pourceu que on ne li vouloit dire le 
non du père : et pour tant senz plus le dit evesque a le fist tantost tuer 
et meitre a mort ; et ce sera prouvé par l'abbé dou Monstier la Celle 8 , 
et par pluseurs moines de la dite abbaye, et par le prieur de Neelle 4 
qui en set toute la vérité, et par la dame de Ruully 5 , et par messirc 
Jehan d'Orliens, prestre 6 , et par messire Guillaume Pastourel, de 
Troyes 7 , et par l'abbeesse de Nostre Dame de Troyes 8 , et par Jehanna 
(sic) de Courte vent, escuier, et par messire Girart la Courre, et par 
autres genz dignes de foy du pais et de la dyocese de Troyes. 

[3°] Item, il sera prouvé contre le dit evesque que il est usurier 
manifest ; et ce sera prouvé par les changeeurs et marcheanz de Cham- 
paingne a qui il ha preste et fait prester ses deniers. 

[4°] Item, il sera prouvé contre luy que, el temps que il estoit sires 
en Champaingne pour le roy, il occupa et estrainia terres, justices et 
moût d'autres choses dont il n'estoit fors que garde, et les apropria a 
luy et a ses amis, en granz damages et préjudice dou roy et ou profit 

i. Le curé de Laubresscl. 

2. J. 438, n° 9 : « qui adonc estoit abbés de Monstier la Celle ». 

3. Hulric, Horri ou Henri (1298-1319). 

4. Pierre. 

5. J. 438, n° 9 : Ruylly. — Rouilly-Sacey, c on de Piney, arr. de Troyes. 

6. Chanoine de Notre-Dame, à la cathédrale, ancien chapelain de Tévêque. 

7. Curé de Crespy, près Brienne. 

8. Isabeau de Saint- Phal 



POUHSLITE DE 1,'lNSTItDCTIO.N SÉCILIÈBE 97 

de luy et des siens ; et ce sera prouvé par ccus qui honl heu a gouver- 
ner la terre de Champaingne puis que le dit cvesquc en fu mis hors, et 
par la dame de Paregni, et par messire Love, son filz, et par pluseurs 
bourgois de Sésanc ( , de qui je s ne «ai pas a présent les nons. 

[5°] Item, que tout le cours de sa vie il ha esté soudomilc, et, pour 
soi couvrir de son peehié, il ha touz jourz maintenu une amie ; et ce 
sera prouvé par Svmon Mâchait, chanoine de Saint Kstiene de Troyes, 
le quel li a maintenu grant pièce, et par mestre Gille, lillaslre Guiot 
Chipré, le quel il ha maintenu jucques au jour que il Tu pris, et par 
messire Guillaume Pastourel, par Pierre de Villy * et par pluseurs 
autres de son hostel, cl par Aignelin de Senne la Vielle. 

[6°] Item, que il ha un tabellion qui demeure avecques li, qui a non 
Jehan Patriarche *, auquel il ha fait faire pluseurs faux inslrumenz, 
li quel hont esté en grant diJTamemcnt du roy et de madame la royne, 
que Dex absoille; et ce sera prouvé par un instrument que le dit 
evesque iïst faire au dit tabellion, lequel est faus; et l'a devers luy 
l'archedyacre de Vandosme 3 ; et par celui pourroiz trouver que il en 
ha fait assez d'autres. 

[7°] Item, il sera trouvé que il est parjures par pluseurs foiz; et ce 
sera prouvé par l'archedyacre de Vandosme, et par messire Bnguerran 
de Marregny, par dame Marie la petite, qui demeure avecques la 
contesse de Bourgoingne *, et par l'abbé de Monslier la Celle, et par 
la greigneur partie des chanoines de Troyes. 

[8°] Item, il sera trouvé que, ou temps que il esloit prieur de Saint 
Ayoul de Prou vins et que la ville de Prouvins fu en grant riole pour 
le fait de Guillaume Penthecousle de Prouvins, li bourgois widierent 
leur maisons et mistrent touz leur biens a garant dedanz la maison de 
Saint Ayoul, pour ce que il ne fussent degasté ; et lanlost l'evcsque 
les envoia ailleurs en sa force et sa sauve garde, et n'en sorent les diz 
bourgois noiant; et après ne demora guaires il : par son grant malice 
il iist meitre le feu en la dite prieurté de Saint Ayoul, a celle fin que 
il heust achoison de dire et soi couvrir que les diz biens que il havoit 

1. Sézanne, c™, Marne, arr. d'Épernay. 

2. Remarquer encore le ton personnel. 

3. Voy. p. 26, note 3. 

4. Voy. Beg. de Nicolas IV, n° 45B6 : Collation de l'office de tabellion à 
Jean Patriarche, sur la demande de plusieurs abbés et personnes ecclé- 
siastiques du diocèse de Troyes (15 mars 1291). 

5. Simon Festu. 

6. Mahaut, comtesse de Bourgogne et d'Artois (v. dépos., II, 22). 

Xim. u £°r. 4, VÉe. Ju CWui. 1 



98 POURSUITE DE i/iNSTRUCTICNS SÉCULIÈRE 

pris des diz bourgois en garde feussent periz par le dit feu avecques 
les biens de ladite prieurté ; et ainsi par sa très grant mauvestié des- 
roba il les diz bourgois. Et ce sera prouvé par Jehan de Launoy, par 
Minguot Mairesse', par Pierre Aimé, par Gautier de Durtan, bour- 
gois de Prouvins, par la dame de Paregny, par Jehan de Courtevent, 
escuier, par messire Guillaume de Morteri, chevalier 2 , et par moût 
d'autres bourgois de Prouvins et autres bones genz, et par les moines 
de Saint Ayoul qui estoient a cel temps. 

[9°J Item 3 , Jaques du Front, marcheant de Florance 4 , doit a 
nostre seigneur le roy xij mille livres tournoi s petiz, et les gardes des 
foires, par le commandement du roy, le firent meitre en la prison le 
roy a Troyes, pour ce que il ne poia : Tevesque de Troyes fist 
amonester les dites gardes pour le dit marcheant rendre; et, pour ceu 
que il ne le vodrent rendre, il les fist escumenier, et tant fist que il li 
fu renduz, et li rendirent les dites gardes chargié de la dite debte, et 
li enjoindrent de par le roy que il le tenissent bien tant que le roy 
f ust poiez ; et encore Guillaume de Saint Marcel le dist au dit evesque 
que cil le dcussent bien tenir, le dit evesque le lessa tantost aler pour 
granz deniers que il en hot : et s'en est alez le dit Lombart en son 
pais, et le roy ha encore a havoir son argent : de quoi li diz evesques 
li doit rendre. 

Et aus choses dessus dites ou a la greigneur partie ont esté consentent 
au faire : frère Jehan dTlles 5 , prieur des Jacobins de Troyes, le 
doyen de Saint Urbain de Troyes 6 , messire Erard, curé de Longue- 
ville 7 , fil monseigneur Mile Pioche, qui demore a Troyes el clox de 
Saint Denys 8 , Jehan Patriarche son tabellion; et sont ceus qui hont 

i. Mingot Merreice (Meresse, etc.), maire de Provins dans les dernières 
années du xm e siècle et les premières du xiv e (Voy. Cartulairc de la ville de 
Provins, f° 9 17, 117 v°, 140 v°, etc.). 

2. « Bailliz de Sezanne et de Biaufor.» 9 nov. 1299 (Lalore, Cartul. du 
Parnclet, p. 271). Il semble avoir été trésorier de la reine Blanche (v. Table 
de Robert Mignon, p. 40 : « Compotus dotalitii domine Blanche, regine 
Navarre, ... pro annis 1295 et 1296, per Guillelmum de Morteriaco »). 

3. Cet article ne se trouve pas dans J. 438, n° 9. 

4. C'était le capitaine des Lombards, celui qui veillait à leurs privilèges 
aux foires ( Bourquelot, Foires de Champagne, 1, 173). 

î>. Ou Jean de Tlsle (de Insu la). 

6. Regnaud, v. p. 30, note 4. 

7. C on de Méry-sur-Scinc (?) 

8. Saint-Denis était un bourg réuni à la ville de Troyes depuis le 
xjii siècle. 



•^ -V -. 



100 POURSUITE DE L'INSTRUCTION SÉCULIÈRE 

cher et à interroger des témoins, à réunir des preuves sur les 
faits de cette nouvelle accusation. Les articles sur lesquels ils 
informaient étaient précisément les mêmes que les précédents, 
ceux qui avaient dû être soumis k Guillaume de Nogaret. Les 
agents enquêteurs étaient monseigneur Denis, chanoine de Fare- 
moutiers en Brie 1 , M e Philippe, clerc du bailli de Sens, et Noffo 
Dei, de Florence. 

CE SONT LI ARTICLE CONTRE l'eSVEIQUE DE TROIES 2 

I. Premièrement, que dit Gassien Lombart, espicier, fist le venin 
dont madame la reyne de Navarre fu enpoisonnée, et est H procès qui 
en fu faiz contre lui par dever l'official de Paris : et se fist il a la 
requeste de l'esveique de Troies, et en doit savoir Tenailles le Lombart. 

II. Item, que, ou tamps qu'il estoit abbés de Monstier la Celle, une 
damoisellc de Laubruissel, qui estoit esconmeniée, ot un anfant mort, 
li quez fu portez au preste de Laubruissel pour enterrer : il le refusa. 
L'abbé de Monstier la Celle, qui orres est esveiques de Troies, Fan 
pria : et pour ce qu'il ne le vost faire, li diz esveiques le fist tuer par 
sa gent. 

III. Item, qui fist morir trois homes en la prison de Monstier la 
Celle de fain. 

IV. Item, qu'il estuseriers mannifès. 

VI. tem, que, ou tamps qu'il estoit mestres de Champaigne, il déshé- 
rita le roy en pluseurs leus et en pluseurs demaincs, et ap[r]opria 
a l'abaye de Monstier la Celle. 

VI. Item, qu'il est sodemites. 

VII. Item, qu'il est bougres et mescreans en la foy, quar, quant il 
chantoit la messe, il tenoit le cors Nostre Seigneur en sa bouche sanz 
user et gitoit jus. 

1. Arr. de Coulommiers, c on de Rozoy en Brie. 

2. Au dos, on lit : 

Informalio sécréta [contra Guichar]dum episcopum Trecensem* 
Nous donnons la concordance avec les articles des pièces n os 5 et 9, que 

nous indiquons en chiffres arabes : 
I (1); — Il (2) : l'accusation ne concorde pas : il s'agissait d'abord d'un 

enfant vivant à baptiser ; — III (néant) ; — IV (3) ; — V (4) ; — VI (5) ; — 

VII (néant); — VIII (6); - IX (7); — X (10); — XI (8). 



l02 POURSUITE DE L INSTRUCTION SÉCULIÈRE 

accusations portées contre l'évêque, à fournir aux juges les 
pièces du procès fâcheusement arrêté en 4301 et qu'il avait à ce 
moment devers lui 1 . En rencontrant ces deux hommes à cette 
heure, en retrouvant parmi les articles de cette accusation nou- 
velle les mêmes griefs dont l'évêque avait été chargé jadis au 
cours de l'affaire de Jean de Calais, on ne peut s'empêcher de 
soupçonner qu'ils étaient au fond les inspirateurs de cette série 
d'accusations, sinon les instigateurs du procès tout entier 2 . 



Sceau de Simon Festu, évoque de Meaui (1310) 
(Arch. N&t., J. 158, n° 8) 

Ainsi, c'étaient les vieilles haines, un temps comprimées, 
qui se ranimaient contre l'évêque : la mort de la reine de France 
n'avait été que l'occasion attendue, et le procès qui s'engageait 
allait être une reprise sur nouveau fonds des anciennes charges 
abandonnées. Mais, aujourd'hui l'accusation était plus grave et 
plus compliquée, elle était mieux conçue et devait être mieux 
soutenue. Ce n'était plus cette fois une intrigue de cour, simple 
question d'intérêts ou d'influence sourdement débattue entre 

1. Arch. Nat., J. 438, n» 4, dépos. de Pierre de Villy. 

2. Voy. plus loin, chap. VII. 



104 MEPRISE DE L'ENQUÊTE ECCLÉSIASTIQUE 

malgré tout l'appareil des charges, Guichard était plus menacé 
qu'atteint. Mais voici que les antécédents se découvrent et que 
l'évêque apparaît diffamé dès longtemps pour les crimes les plus 
divers, les plus graves et les plus honteux. Des témoins feront 
foi de toutes ces choses, de graves et discrètes personnes, entre 
autres des chanoines de Troyes, des gens de toute condition, et 
ceux qui approchaient l'évêque de plus près. Dès lors l'évêque 
est bien compromis. 



u de Simon Fcslu, évêque de Mes 



CHAPITRE VI 

REPRISE DE L'ENQUÊTE ECCLÉSIASTIQUE 



Raisons de droit proposées par le procureur de lévêqui 
(février 1309) 



Pendant que les ennemis de Guichard, profitant de la suspen- 
sion de la procédure, préparaient contre lui ces nouvelles accu- 
sations, — l'évêque, de son côté, avec la permission de ses juges, 
choisissait son conseil, et, le vendredi après Noël, donnait pro- 



!r*=fWï».-^r; 




106 REPRISE DE L'ENQUÊTE ECCLÉSIASTIQUE 

rescrit apostolique, — « qu'il avait commis beaucoup d'autres 
« crimes énormes pour l'offense de la majesté divine, le dan- 
« ger du mauvais exemple et le scandale du plus grand 
« nombre » ; et comme l'évêque avait demandé qu'on les lui 
expliquât, on lui présenta les nouveaux articles pour qu'il y 
répondît par son serment. 

Guichard, alors, par son procureur, Bernard de Pierrepont, fit, 
avant toute réponse, proposer aux prélats enquêteurs les raisons 
et protestations suivantes *. 

Elles portaient sur quatre points : 

1° D'abord, la diffamatio contre Févêque, qui avait été accep- 
tée sans contrôle par les juges d'Église, et qu'il fallait prouver 
avant de faire aucune enquête sur les crimes eux-mêmes 2 . 

Dans des cas aussi graves, il ne fallait pas, en effet, précipiter 
un procès, ni se fonder sur des preuves légères et tacites d\< infa- 
mie », mais sur des preuves criantes, qui rendissent le crime pour 
ainsi dire manifeste ; sur des témoignages venant, non de gens 
vils, malveillants et hostiles, d'intrigants marqués eux-mêmes 
d' « infamie », mais de bonnes et honnêtes personnes ; — k plus 
forte raison lorsqu'il s'agissait d'un prélat : il fallait alors que 
l'« infamie » parût tellement évidente qu'on ne pût sans scan- 
dale ne pas procéder à l'enquête ; et dans ce cas, c'était d'abord 
auprès du chapitre qu'on devait informer. ' 

Mais l'évêque n'avait pas été « diffamé », ou, s'il l'avait été, la 
diffamation était venue de gens malveillants et malhonnêtes, et 
il ne l'avait été que depuis son arrestation et sa captivité : il n'y 



1. Arch. Nat., J. 438, n° 7, copie insérée dans le processus. 

Nous donnons in extenso (pièces justif., n° XV) ces « raisons de droit » 
proposées par le procureur : elles furent la seule défense de l'évêque, et 
sont doublement intéressantes, en ce qu'elles nous montrent quelle était la 
procédure à suivre dans une accusation de cette sorte, et quelle fut celle 
qu'on suivit dans le cas de Guichard; comment les formes ordinaires furent 
outrepassées et la défense rendue matériellement impossible. 

2. Les témoins en effet ne pouvaient être reçus qu'autant que la di/fama- 
tio était prouvée. Voy. Tanon, ouv. cit., p. 286 ; Fournier, ouv. cit., p. 262 ; 
Ad. Tardif, ouv. cit., p. 138 et suiv. 



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108 REPRISE DE L'ENQUÊTE ECCLÉSIASTIQUE 

allaient être délivrés k l'évêque en vertu de la clause aposto- 
lique « et plura alla commiserat enormiaet nephanda » : l'évêque 
n'avait à répondre que sur les crimes expressément spéci- 
fiés dans le mandement du pontife, et non sur d'autres, car de 
telles commissions étaient « haineuses 1 ». De plus Yinquisitio 
était une forme extraordinaire de procédure que Ton devait res- 
treindre, surtout lorsqu'il s'agissait de prélats. Il n'était pas 
facile en effet de procéder contre eux ni d'établir des témoi- 
gnages; car, dans leur office, ils ne pouvaient plaire à tous, beau- 
coup les haïssaient, ils étaient exposés à toutes les calomnies. Il 
n'était pas non plus vraisemblable que le pape eût voulu pro- 
longer à Tinfini cette enquête, ce qui devait arriver si Ton se met- 
tait à proposer d'autres griefs et à procéder sur ces nouveaux 
crimes : il y aurait là absurdité et iniquité. Si le pape avait voulu 
que la procédure eût ce cours, il aurait spécifié les griefs ; puis- 
qu'ils n'avaient pas été exprimés, on devait les négliger. En tout 
cas, si l'on proposait à l'évêque de nouveaux articles, il ne serait 
pas tenu d'y répondre immédiatement ; on devrait les lui fournir 
et lui donner délai pour qu'il pût en délibérer avec son conseil ; 
et avant que l'évêque fût tenu d'y répondre, il faudrait que Ton 
eût fait, sur ces nouveaux griefs, la preuve de la diffamatio. 

Le procureur concluait en demandant qu'on admît ses raisons. 
Sinon il protestait que le procès était nul de plein droit, l'ordre 
judiciaire étant violé de tout point et la teneur du rescrit aposto- 
lique non observée; il protestait enfin, — au cas où Ton ne 
tiendrait pas compte de ses raisons, — contre les nouveaux 
témoins et contre leurs « dits ». 

L'intervention du procureur n'eut aucun effet. Ses « raisons de 
droit » d'ailleurs ne constituaient pas une défense : c'étaient de 
simples arguments juridiques, des considérations de diverse 
nature, remises in conclusione causae* et auxquels les com- 

1. Nous traduisons ainsi l'adj ec tif odiose ; le sens est évidemment : de 
telles commissions prêtent à des poursuites haineuses (puisque l'accusation 
peut accueillir tous les griefs). 

2. Guilniermoz, Enquêtes et Procès, p. 89. 



140 LES NOUVEAUX ARTICLES 

« A savoir : 

« I. Durant le mariage d'Agnès, la mère de l'évêque, avec feu 
Jean Guichard, son père, et avant que ladite Agnès ne conçût 
l'évêque, une certaine espèce de diable, — appelé en français 
neton { , en latin incubus ou succubus 2 , selon le sexe qu'il prend 
et la forme sous laquelle il opère, — infestait continuellement, 
de jour et de nuit 3 , de façon invisible 4 , ladite Agnès et tous 
ceux qui demeuraient avec elle, au point que personne ne pou- 
vait ni ne voulait rester dans la maison, et qu'aucune servante, 
aucun domestique ne voulait la servir. A la supplication d'Agnès 
et sur le commun bruit qu'elle était infestée, Nicolas, évêque de 
Troyes, se rendit à sa maison pour chasser le Démon. Ladite 
Agnès conçut l'évêque pendant qu'elle était ainsi infestée, et Jean 
Guichard, le mari de la demoiselle, connaissant comment l'en- 
fant était né, et sachant que sa femme était bonne, pure et de 
sainte conversation, ne voulut, de sa vie, voir l'évêque, et 
l'avait en abomination et en horreur. Ses camarades appelaient 
alors l'enfant « fils de neton », et il était par tous tenu pour 



1. Cf. n° 7 : a nuton ». — Lûton, nûton, et la forme plus usitée : nu Ion y 
sont encore en wallon, les formes de notre mot lutin. Les formes anciennes 
étaient : luiton, nuiion, et le mot s'appliquait à des démons ou diables 
déguisés, à des larves ou esprits volants, et plus spécialement, en pays 
wallon, à des nains qui apparaissaient dans les mines (Littré). — Notre texte 
éclaire à la fois le sens et l'étymologic, très discutée, de ce mot. Il s'agit 
bien de diables, d'incubes et de succubes, et le texte confirme ici les cita- 
tions de Littré. D'ap. le P. Sinistrari d'Ameno, leur apparition était fré- 
quente dans les mines. M. Gaston Paris, se fondant sur les formes ne/on, 
nclonnus, nctunnus, nelunus qui se trouvent employées concurremment dans 
notre texte avec les formes nuton, nutonnus, nous suggère une étymologie 
originale : neptunus, génie, esprit des eaux, qui nous semble plus vraisem- 
blable que les diverses étymologies, d'ailleurs très incertaines,' rapportées 
dans Littré. Le nom de neton s'est appliqué à des personnes. 

2. V. plus loin, p. 116 

3. Le neton se manifestant de jour comme de nuit, Tétymologie nuit 
semble devoir être écartée, et la forme nuiton serait une forme altérée et 
non primitive. 

4. D'ap. le P. Sinistrari d'Ameno, lorsque les incubes s'unissaient aux 
femmes, les femmes ne les voyaient pas, ou si elles les voyaient, c'était 
comme une ombre à peine sensible. 



LES NOtTVEAL'X ARTICLES 

a. révolte qui éclata à Provins lorsqu'il était prieur, et à 
de laquelle périrent le maire, Guillaume Pentecôte et 
mtres, se fit avec son assentiment et sur son conseil. 
\u moment de cette émeute, quantité de gens de Pro- 
nt à sa loyauté, déposèrent chez lui la plus grande par- 
ies biens et la plus précieuse, pour les garantir; 
paisée, il refusa de les rendre, disant que la maison 
par hasard, brûlée, et que les biens avaient péri, — 
réalité il avait fait incendier le bâtiment après avoir 

ailleurs les objets qu'il renfermait : ce fut là l'origine 
me. 

la même époque, Gui de Dampierre tua, de même 
autre homme, dans le prieuré de Sainte-Croix de Pro- 

rs ce temps encore, un courtier aux foires de Cham- 
î s'appelait Petingre, se réfugia en franchise, avec 
'ait, au prieuré de Saint- Ayoul ; puis, s' étant accordé 
qui le poursuivaient, il réclama ses biens au prieur, 
de les lui rendre. Le courtier fut désespéré : on le 
îtôt, tué, dans l'église même, prés d'un autel, par les 
rieur, 
bbé de Montier-la-Celle, il a fait des i 



.yant rencontré près de l'abbaye un pêcheur qui portait 
, il l'accusa de lui voler ses poissons, et, sans que le 
it avoué, sans qu'il fût convaincu ni condamné, le fit 

\. cette époque, il détenait deux hommes en prison pour 
re : ils avaient joué aux dés. Comme ils ne voulaient 
mer la somme qu'il exigeait d'eux, il les priva de nour- 

; et les fit mourir de faim. 



Irrité contre un curé, il en vint à un tel esprit de mal et 
ït le communiqua si bien à ses familiers et écuyers, 
l' eux, son « neveu », Perrinet de la Planche, alla frap- 



:'"JV. *-T" 



LES NOUVEAUX ARTICLES H 3 

per ce prêtre, qui était de bonne renommée et de mœurs hon- 
nêtes : le curé mourut peu de jours après, de ses nombreuses 
blessures. L'abbé, après ce meurtre, retint son familier, qu'il 
avait conseillé, le protégeant contre tous justiciers. 

« XV. Etant abbé de Montier-la-Celle et homme lige de feu 
noble seigneur Edmond, jadis comte de Champagne, il s'est appro- 
prié les droits et biens héréditaires du dit comté, manquant à 
son devoir de féal vassal et conseiller, et faisant un parjure. 

« XVI. Il a pratiqué l'usure en diverses manières, en prêtant de 
l'argent comme en vendant ses biens plus cher à terme; il a eu 
société avec des marchands des foires de Champagne et avec 
d'autres qui ont coutume de prêter de l'argent à usure auxdites 
foires, — et cela depuis un temps très long. Il passait publique- 
ment pour un usurier, pour un homme travaillé du vice d'incon- 
tinence, frauduleux et retors dans tous ses actes, et de mauvaise 
vie. 

« XVII. Il a, par corruption, présents et promesses de présents, 
amené des notaires jurés à faire de faux instruments, des témoins 
produits et jurés à proférer de faux témoignages, au préjudice et 
au scandale de nombre de gens. 

« XVIII. Evêque, il chargeait menteusement des gens de son 
diocèse du crime d'hérésie, d'autres du crime de sortilège, et les 
tenait en prison ; et, au lieu de procéder à une enquête pleine et 
soigneuse, d'absoudre ou de condamner les accusés, ou du 
moins de fixer les peines selon la gravité des soupçons et le 
rang des personnes, il faisait racheter ces crimes a prix d'argent. 

« XIX. Il a fabriqué de faux argent pour en faire des vases et 
de la monnaie, disant qu'il le faisait avec licence du roi. 

« XX. Après le meurtre commis par Gui de Dampierre, il béné- 
ficia ce Guiot dans le diocèse de Troyes, bien qu'il connût son 
crime. 

« XXI. C'est un simoniaque : il donnait souvent la tonsure à 
des gens qui ignoraient complètement leurs lettres, moyennant 
argent. 

Mèn, et doc. </• ÏÉc. des Chants. 8 



H 4 LÈS NOUVEAUX ARTICLES 

« XXII. Il a machiné la mort de Blanche, reine de Navarre, 
mère de la feue reine de France, Jeanne, en lui faisant donner 
un poison mortel dont elle mourut au bout de quelques jours ; il 
a employé à ce crime ses ressources, son conseil et son aide. Il 
poursuivait ladite reine de Navarre, de son vivant, d'une haine 
mortelle : en faits et en paroles, il a montré et déclaré qu'il dési- 
rait la voir promptement mourir, parce qu'il comptait avoir à la 
cour du roi une action plus libre après sa mort que pendant sa 
vie. Au messager qui lui rapporta en hâte, avant tous autres, la 
nouvelle de la mort de la reine, la façon cruelle dont elle était 
trépassée et l'heure, il fit des dons ; et, publiquement, en pré- 
sence de témoins nombreux et dignes de foi, il annonça que la 
reine était morte, et que non seulement il s'en réjouissait, mais 
qu'il s'en glorifiait, déclarant qu'elle s'était servie du diable pour 
essaver de le détruire, lui et tout le monde. 

« XXIII. Admis jadis au Conseil du roi, et tenu, pour ce, à gar- 
der par son serment la personne et l'honneur du roi, de la reine 
et de leurs enfants, le bon droit et l'honneur du royaume, il a été 
chassé avec ignominie du service du roi, comme ingrat, déméri- 
tant et non féal. 

<( XXIV. Jean de Beaune, chanoine de Saint-Etienne de Troyes, 
sur l'ordre de la reine de France, Jeanne, se rendait à la cour 
romaine, contre l'évêque ; l'évêque le sut, le fit devancer sur 
son chemin, et, au moyen d'argent, le fit tuer de mort violente 
et subite, dont il fit paraître grande joie. 

« XXV. Il est notoire qu'il a fait paraître la plus grande joie de la 
mort soudaine de la reine de France et qu'il a dit plusieurs fois : 
— « A présent, qu'ils me fassent honte, les héritiers de France ! 
« et qu'ils me ruinent après i qu'ils le fassent ! ils mourront 
« tous, comme la mère et comme la fille ! » 

« XXVI. C'est commune renommée qu'étant prieur de Saint- 
Ayoul, il avait à son service des frappeurs et des meurtriers, 
qu'il leur fit des faveurs et qu'il les entretint ; qu'il ne voulait 
payer à personne ce qu'il devait ; qu'il foula aux pieds tous ceux 



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Les nouveaux articles llo 

qu'il put et dépouilla tous ceux qui ne faisaient pas toute sa 
volonté, en leur faisant des menaces ; qu'il était un homme de 
mauvaise vie et de mauvaise conversation *. » 

L'imagination des clercs du roi avait travaillé : la seconde 
accusation était plus chargée, plus grave peut-être encore que la 
première. Nous en connaissions l'ébauche, préparée dès la 
seconde moitié de Fannée 1308 et soumise à Nogaret; nous en 
avions entrevu le travail intime, cette enquête ofiicieuse et secrète 
de Noffo Dei à Troyes, qui pouvait bien n'être qu'une tournée 
de marchandage, une sollicitation de témoins complaisants. 
Depuis le commencement de décembre, les charges s'étaient 
encore accumulées, grossies peu à peu par cette œuvre sourde : 
et maintenant pesait sur l'évêque une accusation monstrueuse, 
bizarrement mêlée des griefs les plus variés, les uns déjà 
anciens, d'autres plus récents, ceux-là précis et vraisemblables, 
ceux-ci vagues et étranges, amas informe où Ton sent pourtant 
l'arrangement d'une main savante, la marque d'un esprit retors, 
la plume et l'âme de ces légistes qui poursuivaient au même 
moment, avec les mêmes procédés, le même style, les cheva- 
liers du Temple et la mémoire de Boniface. 

Dans cette deuxième accusation se trouvaient introduits, for- 
mant comme un noyau, les griefs en préparation dans la seconde 
moitié de l'année 1308 ? . Mais sans doute parce qu'il eût été trop 
difficile de prouver, comme c'était d'abord l'intention, que 
l'évêque avait été sodomite, bougre, mécréant, et qu'il avait cra- 
ché l'hostie ; soit que le procédé risquât de perdre et de s'user à 

1. Arch. Nat., J. 438, n° 6. Cf. n° 7 (pièces justif., n° XVI). 

2. Voici la concordance entre ces articles et les propositions préparées 
l'année précédente (l'article des propositions est entre parenthèses) : 
I (néantj ; — II (néant) ; — III (néant) ; — IV (néant) ; — V (5 transformé) ; 

— VI (néant); — VII (néant); —VIII (8); — IX (néant); — X (néant); — 
XI (néant); —XII (néant); — XIII (néant); — XIV( 2); — XV (4); — 
XVI (3);— XVII (6); — XVIII (néant); — XIX (néant); — XX (néant); 

— XXI (néant); —XXII (1); — XXIII (néant); — XXIV (néant); — 
XXV (c'est la l re accusation); — XXVI (néant). — On voit combien d'ar- 
ticles nouveaux avaient été ajoutés, en tout 18. 



rx.î; 



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*C"-*i'" 



116 LES NOUVEAUX ARTICLES 

être ainsi renouvelé, on avait laissé tomber ces dernières charges, 
mais en les remplaçant par des crimes non moins irrémissibles 
devant Dieu, devant l'Eglise et devant le roi : d'avoir, par lui- 
même ou par ses gens, perpétré plusieurs homicides; d'avoir 
entretenu sans vergogne une concubine ; d'avoir excité, trente 
ans auparavant, la grande révolte de Provins; d'avoir été faux 
monnayeur, simoniaque et félon, et, finalement, un homme de 
mauvaise vie. 

Méthodiquement l'accusation avait repris tous les crimes dont 
l'évêque avait été chargé jadis au cours de l'affaire de Jean 
de Calais, les exactions et les meurtres; elle posait à nou- 
veau la question de la mort de la reine de Navarre ; elle relevait 
l'affaire même de Jean de Calais. Mais cette fois, tous les griefs, 
d'un bloc, étaient réunis sur l'évêque et l'accusation semblait 
mieux combinée. Il ne devait point suffire aux accusateurs que 
l'évêque fût flétri et réservé aux peines ordinaires : sans doute, on 
voulait obtenir que les juges d'Eglise, qui ne pouvaient con- 
damner à d'autres peines corporelles que la prison, renvoyassent 
le coupable au bras séculier. Et tous ces griefs, insinuants dans 
leur apparence désordonnée, n'avaient qu'un but : ils tendaient à 
faire naître, logique comme un corollaire, dans les âmes inquiètes 
et troublées de ces temps, cette conclusion naturelle que l'évêque, 
pour tant de noirceur, ne pouvait être qu'un démoniaque, un fils 
et un possédé du Diable. Cette raison, on l'avait émise longue- 
ment, habilement, en tête de l'accusation, comme un avant-pro- 
pos : elle expliquait tous les crimes qui suivaient; elle reliait 
en même temps cette série d'accusations à la première, qui repro- 
chait à l'évêque un crime diabolique entre tous, l'envoûtement 
de la reine de France x . 

L'évêque était fils d'un incube, d'un neton, d'un de ces esprits 
dont les docteurs, depuis saint Augustin jusqu'à saint Thomas, 

1. C'est la meilleure preuve, quoique toute morale, qu'une même pensée 
avait depuis le début concerté et poursuivi ce procès obscur : sans doute, 
au fond, derrière la procédure officielle, quelqu'un menait tout, dont nous 
sentons la main, sans le voir ouvertement agir. 



^v*^*?-" 



US LES NOUVEAUX ARTICLES 

le Diable, on commettait même offense envers la religion 1 . 
Ainsi, c'était commune renommée que l'évêque était né de cette 
œuvre diabolique, et Ton se souvenait encore au pays que jadis, 
l'évoque Nicolas, lui-même, était venu, à la prière de la mère, 
asperger les lieux d'eau bénite, pour chasser le démon ; on disait 
que le mari, sachant que Guichard était le fils de l'incube, 
n'avait jamais pu souffrir l'enfant. La vie de l'évêque enfin, son 
tempérament, ses crimes justifiaient tout ce qu'on savait de ces 
procréations monstrueuses. Comme les enfants nés des incubes et 
que Ton disait audacieux, robustes et méchants, excellents dans 
le vice comme dans la vertu, — tels Alexandre le Conquérant et 
l'enchanteur Merlin, ainsi devait naître encore l'Antéchrist, — 
Guichard était d'un sang fort, d'une humeur violente et superbe 
et qui voulait tout dompter. La fortune était aussi trop étrange 
de ce moine, fils de pauvres gens, qu'un jour on avait fait 
évêque, et que Ton voyait, riche, influent, se mêler à la cour, 
prétendre à servir, peut-être à dominer le roi; et l'on pensait 
qu'il fallait que ces hommes de basse condition fussent fous d'as- 
pirer à faire la loi aux nobles 2 , qu'ils fussent égarés par leur 
ambition, — à moins qu'ils ne fussent inspirés du Diable, et 
que, voués par naissance à l'Esprit mauvais, ils n'eussent 
grandi, comme celui-ci, dans l'œuvre occulte, par le maléfice et 
par le crime. On l'avait bien vu par Pierre de la Broce, cet 
homme de rien qui avait pu, on ne savait par quel artifice, domi- 

1. Sinistrari d'Àmeno, ibid., p. 134-136. — C'était bien aussi la théorie de 
l'accusation, puisqu'elle assimilait le neton à un diable (quoddam g en us dln- 
boli). — Le P. Sinistrari d'Ameno a d'ailleurs sur la nature des incubes et 
des succubes une théorie originale, qui veut que ces esprits soient des 
« créatures raisonnables, ayant comme l'homme un corps et une âme, 
naissant et mourant comme lui, rachetées par N. S. Jésus-Christ et capables 
de salut et de damnation ». 

2. C'est la réflexion de l'annaliste de Saint-Martial de Limoges (Flistor. de 
Fr. y XXI, 725) à propos d'Enguerrand de Marigny et de Pierre de la Brocc, 
qui tous deux, après une fortune extraordinaire, après avoir servi le roi en 
maîtres auxquels on ne refusait rien, furent pendus, soupçonnés de machi- 
nations ténébreuses contre le roi ou les royaux. La réflexion ne s'appliquait 
pas moins justement à ce parvenu orgueilleux qu'était l'évêque de Troyes. 



LES N0EVBA1 

ner le feu roi et faire toutes ses 
art encore voyaîU-on aujourd'bu 
l'esprit du roi Philippe et le coati 
et par art de démon ' ? 

Alors, au rappel de cette nai 
avait ri autrefois, l'évêque, da: 
ébranlé, vacilla : il avoua devaj 
avait, du moins, entendu dire qt 
avait, bien la moitié d'une annt 
père; mais pour le reste, il décl 

Il avoua encore qu'il avait t( 
Guiot, les assassins, mais qu'il 
avait su qu'on l'accusait du meui 
bénéficié, il lui avait commendé 
n'avait su que par ouï-dire que Gi 
confessa, mais en niant le motif i 
s'était tué dans l'église de Saint 
franchise au prieuré. Il avoua q 
un fait d'hérésie non pleinement 
quer de l'argent, mais qu'il lava 
avait bien coûté soixante livres 
valeur de cinq sous. Il nia qu'il ei 
de Navarre, affirmant qu'il avail 



1. On disait qu'Engucrrand du Mari) 
nièrcs années (te Philippe te Bel, avail 
l'on sait qu'il Unit sur une accusation d 
Si orent mainte geut créance 
Que ce par art de nîgromance 
Feit, qu'en ce monde faisoit; 
Et le plus de la gent créoit 
Que du deable houcc avoit, 
Par quoi tout quanque li plaisoit 

(G effroi de 
Guichard fut aussi accusé d'avoir eu 



120 LES NOUVEAUX ARTICLES 

que de la mort de toute autre femme. Il avoua enfin qu'il avait été 
chassé du Conseil du roi, mais en niant qu'il eût été à son égard 
félon ou déloval. 

Quand il eut fait ces réponses 1 , l'évêque protesta plusieurs 
fois encore que cette enquête était faite sans son consentement, 
et que, s'il répondait et avait déjà répondu aux articles qu'on lui 
soumettait, et auxquels il n'était pas tenu de répondre, si des 
témoins étaient ou avaient été produits, — ni ses réponses, ni 
les dépositions des témoins ne pouvaient lui causer préjudice 2 . 

Sans s'occuper de ces protestations de pure forme, les commis- 
saires commencèrent à produire les témoins qui devaient déposer 
sur les nouveaux articles : le jour même neuf furent entendus 
parmi lesquels messire Guillaume de Morteri, chevalier, ennemi 
personnel de Guichard, et l'un des plus hostiles dans l'affaire de 
Jean de Calais 3 . Le lendemain, vendredi, 14 février, on en fit 
avancer trente-cinq. 

Le 18 février, dix nouveaux articles furent présentés à 
l'évêque : ils renfermaient, sans ordre, des griefs variés de même 
tendance que les précédents : 

« I. Du vivant de la reine Blanche, l'évêque a prononcé les 
paroles suivantes ou de semblables : — « Madame m'a fait renvoyer 
« et chasser du Conseil du Roi et a dit qu'elle me ferait enlever ma 
« crosse pastorale : mais je serai bientôt vengé d'elle, s'il plaît 
« à Dieu, et cela ne tardera pas ! » Il lui avait déjà préparé le 
poison dont elle mourut en huit jours. 

« II. L'évêque a évoqué le Démon et Ta interrogé sur ce qui lui 
arriverait dans l'avenir : le Démon lui a répondu, à ce qu'on 
croit, « qu'on parlerait encore beaucoup de l'évêque, et plus que 
« de tout autre prélat du royaume de France. » 



i. C'étaient encore les réponses par crédit vel non crédit , servant à déter- 
miner les points sur lesquels devait porter l'enquête. 

2. Voy. les raisons de droit proposées par le procureur (p. justif., n<> XV). 

3. Voy. Dépos., II, 17, Curé de Corfélix (pièce en français). — Il ne reste 
point d'ailleurs de déposition de lui. 



•'- . . t . - f ^, __ 



122 LES NOUVEAUX ARTICLES 

L'évêque avoua qu'il s'était procuré par Jean de Trainel, curé 
de La Chapelle Godefroi 1 , les deux lettres écrites par Jean de 
Calais au roi et à la reine de France ; mais il nia que ces lettres 
fussent des faux et protesta qu'elles étaient authentiques. Sur 
l'article qui lui reprochait d'être diffamé, il répondit qu'il ne 
croyait pas qu'il en fût rien avant sa captivité. 

Quarante-trois témoins furent introduits le même jour, parmi 
lesquels Orri, abbé de Montier-la-Celle, Pierre de Villy, cha- 
noine de Saint-Etienne de Troyes, ancien clerc des comptes de 
la reine de Navarre, qui avait déjà été chargé, en 1302, d'une 
instruction contre Guichard. On exhiba encore, comme preuve 
contre l'évêque, un instrument public muni du seing de Jean 
Patriarche, notaire apostolique : c'était un vidimus des quatre 
pièces relatives à l'affaire de Jean de Calais et que l'accusation 
prétendait faussées par l'évêque. Guichard déclara qu'il avait eu 
les originaux et qu'il en avait fait faire par Jean Patriarche cet 
instrument public, muni du seing du tabellion; mais il dit qu'il 
n'avait pas cru fausses les lettres qu'il avait fait transcrire *. 

Les interrogatoires continuèrent à Paris, à Sainte-Geneviève, 
le vendredi suivant, 21 février (dix témoins); le lundi, 3 mars, 
treize témoins furent produits, entre lesquels Simon Festu, évêque 
de Meaux, l'ex-archidiacre de Vendôme et frère Durand de Fro- 
leyo, de l'ordre des Mineurs, ancien confesseur de la reine. Pour 
ce même jour on avait cité l'évêque de Béziers, Richard Leneveu, 
M p Hugue Morsel, messire Enguerrand de Marigny, M c Alain de 
Lamballe 3 , messire André Porcheron, messire Guillaume de Plai- 
sians, Even Phili k et M e Pierre Barrière : comme ils tardaient 
à venir, l'évêque consentit qu'ils jurassent et fussent reçus par 



1. C n8 dc Saint-Aubin, c on de Nogent-sur-Seine. 

2. Jean Patriarche déclara également, en déposant par devant le bailli, 
qu'il avait rédigé cet instrument et qu'il avait vu les originaux, mais qu'il 
ignorait s'ils étaient authentiques ou faux (J. 438, n° 4). 

3. Trésorier de l'église de Châlons, clerc du roi (Reg. de Clément V y 
n° 6720, 2 mars 1311). 

4. Notaire apostolique (v. p. suivante). 



i LES NOUVEAUX ARTICLES 

.péché, la procédure fut encore remise. Enfin, le lundi 14 avril, 
nquête fut transférée à Troyes. L'évêque avait d'abord répondu 
'il verrait s'il devait s'y transporter en personne ; mais il se 
;ida à ne pas comparaître et envoya son procureur en son 
m. En cinq jours, du lundi au vendredi, les enquêteurs exami- 
nent, à Troyes, soixante et onze témoins, au nombre desquels 
utier de la Porte, ancien prévôt, chargé eu 1302 d'informer 
ître Guichard, et Hermand de Vertus, curé de Bergères, qui 
lit été mêlé à l'évasion de Jean de Calais. Le lundi suivant, 

avril, les prélats étaient à Provins : en cinq séances, du 
idi au samedi, cinquante-quatre témoins furent produits, et 
'mi eux le curé de Barbonne, l'abbé de Nesle, Jacquette de 
îets, concubine de Guichard, M° Jean de la Tannerie, méde- 

de la reine de Navarre, M c Jacques de Bolay, son chape- 
a. 

Le 2 mai, à Sainte-Geneviève, on exhiba encore par devant 
'êque trois pièces : d'abord certaine lettre qui semblait avoir 

close, puis ouverte, scellée au dos d'un petit sceau qu'on 
ntra à Guichard sans ouvrir la lettre : il reconnut l'impression 
son propre contre-scel qu'il avait perdu depuis six ans envi- 
i ' ; puis deux autres lettres, scellées du sceau de Jean de 
ais : l'évêque avoua les avoir eues entre les mains, croyant 
elles étaient authentiques et que le contenu en était vrai •. 
..es commissaires, après avoir prévenu l'évêque qu'ils n'avaient 
s que deus témoins a produire, offrirent de lui fixer un jour 
ir répondre aux témoignages portés contre lui. Depuis près 
a siècle, la papauté, dans les causes d'hérésie, avait établi le 
ret de l'enquête 3 : pour que les témoins pussent déposer 
ement, sans crainte des vengeances, leur audition était 
[■ète ; l'inculpé lui-même n'y assistait pas. Toutefois les parties 

Il doit s'agir ici de la lettre adressée par Guichard n Cassinno, rsppor- 
p. il ; c'était en effet une lettre close, et elle porte encore au dos la 
e du contre-sceau. 

C'étaient les lettres au roi et à la reine rapportées pp. 37 et 38. 

Fournier, out>. cit., pp. 190-192. 



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126 LÈS DÉPOSITIONS 

dans la maison *. C'était commune renommée au pays. Guichard 
était né h Villemaur, dans une maison en face du prieuré de 
Saint-Flavit, lequel dépendait deMontier-la-Celle 2 : on appelait la 
maison de son père la maison du diable 3 ou la maison du 
neton 4 . A l'abbaye, quand il était moine, et, quand il était 
devenu prieur de Saint- Ay oui, à Provins, les moines racontaient 
que Guichard était fils de neton, qu'un neton avait fréquenté dans 
la maison de sa mère, avant et après sa naissance, que sa mère 
avait peine à trouver des domestiques, pour la crainte qu'ils 
avaient du diable ; sur cette publique renommée, Nicolas, alors 
évêque de Troyes, était venu à Villemaur, à la maison infestée, 
avec de l'eau bénite, pour en chasser le démon; on disait enfin 
que Jean Guichard, le mari, quand il vivait, ne pouvait pas voir 
l'enfant, bien que sa femme, Agnès, passât pour une honnête 
femme 5 . A Montier-la-Celle, ses camarades évitaient le jeune 
moine : on l'appelait « netonat », fils de neton 6 . Lui-même ne 
doutait point de toutes ces choses ; il les tenait de sa mère 7 , et 
maintes fois on les lui avait entendu raconter 8 : il disait que le 
neton, jour et nuit, infestait invisiblement sa mère et les autres 
habitants de la maison; il n'avouait point toutefois que ce fût 
avant sa naissance 9 ; et, loin de s'effrayer de son cas, il ajoutait 
complaisamment que les netons aimaient à fréquenter les femmes 
qui ont de belles tresses de cheveux, et que sa mère en avait 
de très belles 10 . Il fallait qu'il fût fils du diable, disaient les 



1. Agnès la Basine, d'ap. Geoffroy, curé de Maisoncelles, cousin germain 
de l'évoque, mort au moment du procès. 

2. Prieur de Nesle. 

3. Prieur de Pont-sur-Seine. 

4. Colin Quarrez. 

5. Prieur de S. Ayoul, Prieur de Nesle, Gui de Dampierre. 

6. Guillaume Pastourcl. 

7. Pierre de S. Nizier. 

8. Jacques Quarrez, Gui de Dampierre, Colin Quarrez, Guillaume Pastou- 
rcl. 

9. Jacques Quarrez. 

10. Colin Quarrez, Gui de Dampierre : « quod netoni libenter frequentare 
« consueverunt cum mulieribus que habent pulcras trecias capillorum, et 



deuxième série: ARTICLE 11 

de Montier-la-Celle quand il était p 
Ayoul 1 , car il avait abondance de richesses c 
v courtoisies » a plusieurs des principaux de 
croyait aussi à Provins, quand on le voyait, s: 
sa volonté en Champagne-. Enfin, on avait ente 
oncles de Guichard, deux frères de son père, 
ferait jamais le bien, qu'il avait été engendré pai 

II* ARTICLE 
Qu'il empoisonna Buretel, prieur de Sai 

(33 témoins) 

Vers 1273', Félix, abbé de Montier-la-Gelle, 
de Saint- Ayoul Regnaud dit Buretel. Vingt jour 
aujourd'hui prieur de Saint- Ayoul, se rendait d 
a Provins, mandé par le prieur, son cousin, qu 
instruire aux écoles : à Nogent, il rencontra un< 
duisait le corps du prieur décédé. Guichard 
Devant la voiture il y avait un moine de 1 
appelé Bernard, qui dit à Etienne : — « Tt 
» grande haine Guichard, qui marche derrière 
« lui qui a empoisonné ton cousin, le prieur de 

Guichard était alors cellerier de Saint- Ayoul B 
avait été nommé prieur, Guichard avait dit à 1': 
la-Celle qu'il aurait bien dû lui donner le priei 

« quod nctonus frequentaverat cum matre ipsiua episco 
1' cherrimas trecias ». 

1. Jean Dorin. 

2. Pierre Iloccpin : « quod dictus nune episeopus...ct 
« co quod ipse abbns faciebat volutitatcm sua m in Cam 

3. Jacques Quarrei. 

4. Les témoignages varient sur la date, 

5. Prieur de S. Ayoul. 

6. Philippe, prieur de llimiillv. — D'np. G. Pastou 
prieur de Sainle-Croii de Provins. 



•« •*?. v« 



128 LE3 DÉPOSITIONS 

avait répondu que Guichard était encore trop jeune, mais que, 
lorsqu'une autre occasion s'offrirait, il aurait ce prieuré *. Or le 
prieur était mort vingt jours après son élévation ; pendant qu'il 
était malade, comme il envoyait chercher à Troyes un médecin 
pour le visiter, on avait entendu Guichard qui disait : — « Il 
« envoie chercher un médecin..., mais ce sera un bon médecin 
« s'il peut le guérir 2 ! » On pensa alors qu'il Favait fait empoi- 
sonner 3 . Guichard lui succéda : quinze jours après il fut fait 
prieur 4 . 

III e ARTICLE 

Des démons qui, sous forme de cendres, sortirent de son 

capuchon et de ses cheveux 5 

(8 témoins) 

C'était entre la Toussaint et Noël de 1275, après souper, avant 
le couvre-feu. Guichard, alors prieur de Saint-Ayoul, accom- 
pagné d'un jeune moine de dix-sept ans, Pierre, aujourd'hui 
prieur de Nesle, quittait la salle pour aller dans sa chambre. 
Comme il en montait les degrés avec Jacquet de Villemaur, son 
clerc, il enleva son froc, et le petit moine allait le lui prendre des 
mains, mais, en regardant la tête du prieur, il vit tout autour un 
cercle : c'était comme du feu de cendre tout ardent et cela ressem- 

1. Prieur de S. Ayoul. — D'ap. G. Pastourel, c'est au moment d'une 
visite de l'abbé à Saint-Ayoul que Guichard, prieur de Sainte-Croix, lui aurait 
demandé de renvoyer Buretel, le prieur, et de lui conférer le prieuré : 
l'abbé lui aurait promis son élévation à la prochaine vacance. 

2. Prieur de Rumilly. 

3. Prieur de Saint-Ayoul, Guillaume Pastourel, Prieur de Rumilly. 

4. Prieur de Rumilly. 

Si. Ces visions de démons n'étaient point de pures fantaisies : elles 
étaient alors très fréquentes et les manifestations du diable étaient très 
variées ; les chroniqueurs ne se faisaient pas faute de les rapporter. Voy. 
Hislor. de Fr., XXI, 615-16; 628-29; 642 : Jean de Saint-Victor raconte qu'un 
convers des Vaux de Cernay qui chevauchait avec un domestique vit un 
démon sous cinq formes : le démon se sauva sur un signe de croix, mais il 
revint, et le convers resta enroué (le samedi av. Noël 1303), etc. 



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130 LES DÉPOSITIONS 

tout ce qu'il avait, mais Guichard lui avait promis de l'indemni- 
ser. Le prieur prit la lettre, monta les marches de sa chambre et 
dit à Robert : — « Suivez-moi, je vais vous payer. » Robert 
monta avec lui, mais peu après on le vit redescendre tout seul et 
qui disait en pleurant que le prieur avait déchiré ses lettres et 
les avait jetées au feu, et qu'il ne lui rendrait rien de son argent ! . 

Vers 1292-, Robert Tuebeuf, sans ressources, forcé de vendre 
tout ce qu'il avait, pressé par la faim et n'ayant pas de quoi vivre, 
était revenu plusieurs fois à Montier-la-Celle demander à l'abbé 
Guichard « de lui donner de son pain » . Guichard avait répondu : 
« — Va-t'en, mon bel ami, je ne peux pas payer une fois tout ce 
« que je dois 3 ! » 

On avait vu encore vers le même temps Marie, veuve de 
Colin Barbier de Troves, réclamer à l'abbé iO livres tournois et 
deux mesures de froment dont le couvent était obligé vis-à-vis du 
défunt par lettres scellées du sceau de Félix, prédécesseur de 
Guichard : comme elle les tendait au prieur pour les lui montrer, 
il les prit, les lut et dit : — « Madame la vieille sorcière, est-ce 
« que vous croyez que je vais payer avec votre sorcellerie les 
« vieilles dettes de mon prédécesseur? » Et il déchira les lettres, 
après en avoir détaché le sceau, et les mit en morceaux. La 
veuve se mit à crier; elle mourut dans les six mois*. 

V e ARTICLE 

De V adultère de Jacquet te de Vinels 

(99 témoins) 

On savait partout qu'il entretenait une concubine, publique- 
ment et sans vergogne, depuis le temps où il était prieur. Etant 
évêque, à l'époque de son emprisonnement, il l'avait encore 5 . 

1. Etienne l'Àumucicr. 

2. Jean Garnier le jeune. 

3. Jean Garnier le jeune, Pierre Tanneur. 

4. Jean Garnier le jeune, 

5. Girard de Vauchassis, Pierre de S. Nizier, Abbé de Montier-la-Celle, 
Garin l'Huilier. 



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132 



LES DÉPOSITIONS 






deux lieues *. Ceux qui servaient l'évêque la voyaient quelquefois 
demeurer la nuit dans sa maison, ce qui leur faisait soupçonner 
que, ces nuits-là, elle couchait avec lui 2 . Une fois, à Sapoy, un 
soir d'été, la nuit tombait, l'évêque était dans sa chambre, prêt à 
se coucher ; Guillaume Pastourel, qui était dans une pièce don- 
nant sur le jardin, vit Jacquette avec Perrot, le chambrier, qui 
traversait le jardin : elle allait à la chambre de Guichard pour 
passer la nuit avec lui 3 . Une autre fois, elle disait qu'elle vou- 
lait coucher dans une chambre à côté de. celle de l'évêque, et le 
lendemain matin, on la vit dans cette chambre, assise sur le lit 4 . 
La nuit quelquefois, quand elle était entrée dans la chambre de 
Guichard, refermant la porte sur elle, le clerc de l'évêque, Gui 
de Dampierre, allait écouter, et il lui semblait qu'il entendait 
l'évêque et Jacquette sur le lit en conversation charnelle 5 . Elle 
avait eu de lui, à ce qu'on disait, plusieurs enfants, des fils et des 
filles 6. 

Guichard cependant ne soufTrait point qu'on parlât de ce con- 
cubinage. A cause de cette femme des gens avaient été frappés et 
tués par ses familiers et sur son ordre : un certain Farsi, dont le 
père était alors prévôt de Provins, avait été tué par Gui de 
Dampierre, pour avoir mal parlé de Guichard et de Jacquette. 
Le meurtrier était rentré au prieuré, où il était resté en fran- 
chise; et, lorsqu'il était sorti de franchise, on l'avait vu, pendant 
plusieurs années, au service du prieur, ayant habits et chevaux 
à ses frais 7 . Guichard avait chargé deux Flamands de ses fami- 
liers, Jean Bazenier et Gautier de la Chambre, de rosser Thomas 
l'Apothicaire, un cousin de Jacquette, qui avait parlé de ses rela- 
tions avec elle; mais deux hommes de Provins, Nicolas de Châ- 
teaufort et Jacques le Boucher les en empêchèrent. Le prieur le 

1. Pierre de S. Nizier. 

2. Curé de Corfélix. 

3. Guillaume Pastourel. 

4. Colin Quarrcz. 

5. Gui de Dampierre. 

6. Jean Patriarche. 

7. Girard de Vauchassis. 






DEUXIÈME SE 

voyait, près de la cuisine du 
ment incendié. Environ un ai 
demander au prieur de leur ren 
chez lui au moment des trout 
« biens, qu'on avait mis dans 
« qu'il avait perdu plus qu'eu 
bâtiment n'était pas assez grj 
avait apporté au prieuré ; de 
endroits plus forts et plus surs 
Plus tard, quand Guichard a 
40.000 livres pour le fait de J 
vins que l'évêque pouvait biei 
qu'il avait retenu des biens dép< 
vins au moment de la sédition : 
le commencement et le fondeur 



D'un autre homicide con 

(33 ti 

Un homme avait encore été ti 
jour, par-devant témoins, à Prc 
Sainte-Croix 5 : il s'appelait Gi 
La Guette c . Gui l'avait frapj 



1. Girard de Vauchassis. 

2. Bernardin l'Allemand : a ... cum 

■ vere, sicut dicebatur, regine Fran 

■ sione factï Johannis de Calcsio... 

3. Bernardin l'Allemand. Ce lé moi 
tefois qu'il n'a jamais entendu de ge 
retenu quelque chose, et qu'il en a 
prieuré. 

4. Prieur de Ponts, Raoul de Sup[ 
9. Jean Bouteiller, Girard de Belle 
6. Jean Bouteiller. 



f -W5?r ys-.swjir' :-. 



LGS DÉPOSITIONS 

Bandoret 1 , que Guichard accusait d'avoir joué aux dés 3 , 
imena devant l'abbé, a Montier-la-Celle. Guichard leur 
« Est-ce que je ne vous avais pas défendu de jouer aux 
■) Ils l'avouèrent. — « Vous êtes des dépravés et des lar- 

•>dit l'abbé. « Par saint Ayoul, vous n'aurez plus désir de 
ijuand vous sortirez de mes mains ! Mettez les aval au fond 
fosse ! » Et il les lit jeter dans une prison souterraine de 
• 3 : c'était, disait-on, une basse fosse dans une tourelle 

4 , un nouveau cachot, et l'abbé avait dit « qu'il vou- 
air ce que savait faire sa nouvelle prison -•. » La mère ou 
ie de l'un des deux hommes et le père de l'autre vinrent 

l'abbé, et, voyant qu'on ne reprochait que le jeu aux 
iers, offrirent de payer une amende pour les libérer 6 . Gui- 
îfusa : — « Ne me parlez pas de cela plus longtemps : 

châtierai de telle façon qu'ils ne joueront plus! » Il 

tous ceux, grands ou petits, qui lui parleraient encore 
iélivrer, de les jeter en prison avec eux 7 ; et, comme il 
l'abbaye, il ferma la porte de la prison et emporta la clef 
. Quand on ouvrit la porte, à son retour, au bout de 
s jours, on trouva les deux hommes suffoqués, morts de 
qui se tenaient embrassés 8 . A l'abbaye, dans l'entourage 
hard, on disait qu'ils étaient morts par sa faute, de la 
e la prison, du manque d'air et de nourriture 9 . D'aucuns 
encore qu'après les avoir laissés longtemps au pain et h 
uichard les avait fait tirer de la basse-fosse et leur avait 
ner à manger beaucoup de bonnes choses, à boire du bon 

. 438, n" 4, Peiraut Blanchart : l'un d'eux était son père, Jchan- 
ergnat, l'autre son beau-frère, Jchannot la Tannoïse. 
ent de Ruvigny. D'aucuns pourtant disent que les deux hommes 
lupçonnés de vols. 

•ent de Ruvigny. 
Quarrez, Jacquelte de Viuels. 
ent de Ruvigny, Henri Forrez. 
ent de Ruvigny. Cf.J. 438, u" 4, Jean Dorin. 
re de Villy, Laurent de Ruvigny. 
uette de Vinets, Lauréat de Ruvigny. 



LES DÉPOSITIOSS 

icliard avait eu cet enfant d'une nonne de Foîcy, et que le 
é n'avait pas voulu le baptiser si on ne lui nommait le père et 
nère '. Un greffier, au moment de l'enquête, entendit quatre 
nmes de Moussey déposer que l'abbé avait fait des menaces 
chapelain et lui avait dit : — « Vous n'avez pas voulu bapti- 
er (ou inhumer} l'enfant à ma requête : en vérité, vous vous en 
epentirez et me le paierez d'ici peu 3 ! » Tout en colère, il dît à 
•rinet de la Planche et à ses familiers, « qu'il arriverait mal 

ceux qui mangeaient de son pain s'ils ne le vengeaient du 
uré 3 ! » Le curé fut tué quelques jours après, la veille des 
m eaux *, Un homme qui allait au marché de Bar-sur-Aube 
it rencontré sur la route, entre Troyes et Laubressel, Perri- 

de la Planche et Becart à cheval avec deux valets à pied h : 
étaient armés, et avaient leurs épées sous leurs surcots. Ils 
rèrent dans une taverne, chez Herbelaut, et se firent servir à 
re 6 . Le fils du cabaretier les aperçut qui buvaient dans 
maison de son père : ils semblaient être des écuyers de la 
înée de l'abbé et ils avaient ses robes. Peu après, comme il 
endait crier dans Laubressel, on lui dit qu'ils étaient sortis, 
ils étaient allés chez le curé et qu'ils l'avaient tué 7 . 
j» maison du curé était pldne de monde : on pouvait le 
r, les jambes et les bras coupés et la tète fendue ; à ceux 

lui demandaient qui lui avait fait cela, il déclara, « sur le 
éril de son âme, que c'étaient Perrinet de la Planche et 
(écart, les « neveux >> de l'abbé, ses familiers, et Pierre 

Curé de Cor félût. (Foicy, c" de S. -Parre-1 es-Tertres, bit. de Troyes.) 
. Robin Didier. D'ap. lui, l'enqu£te de Pierre de Villy et de Gautier de la 
te aurait eu lieu en 1300, 
. Curé de Corfélii, Girard de Vauehassis. 
. Jean de Saintes Vertus. 

. Jean Garnier l'aîné. Cf. Robin Didier : le maire de Laubressel recon- 
Perrinet et Gui dit Quatre Sols, écuyers el familiers de l'abbé. Cf. J. 
. n" 4, dépos. de Jean Trivalle, qui dit que le curé fui tué par Perrinet 
a Planche, et par le Roussel, écuyer de l'abbé. 
. J. 438, n° 4, Constant de Laubressel. 

. Jeannet Herbelet; cf. Constant de Laubressel : selon lui, le curé 
lit refusé de rien dire qu'en confession. 



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142 LES DÉPOSITIONS 

l'abbaye, sinon « il le ferait excommunier en telle manière que les 
« chiens ne voudraient pas manger de lui. » Et comme l'abbé était 
conseiller et quasi le premier des conseillers du comte *, Garnot 
dit à l'abbé : — « Messire, vous êtes si puissant que je ne pour- 
« rais pas me défendre contre vous : je vous les laisse, mais 
« prenez garde à votre conscience ! » M c Jean n'avait pas ouï 
dire que l'abbé lui eût jamais rendu son droit. Il avait pourtant 
vu pendant deux ans Garnot percevoir ces mesures d'avoine 
dans une grange à champarts de l'Epine, et il avait lu certaines 
lettres contenant que le père de Garnot avait acheté les deux 
mesures en mouvance du comte de Champagne *. 

XVP ARTICLE 

Des usures qu'il exerçait depuis quil avait été prieur 

(102 témoins) 

Guichard était usurier, soit qu'il vendît ses biens plus cher à 
terme, soit qu'il eût de l'argent chez les changeurs des foires. Il 
vendait son blé à terme aux Garnier 3 : étant abbé, il en avait 
ainsi vendu à Jean Garnier pendant six ans, pour la somme totale 
de six mille livres ; Garnier pavait le setier à l'abbé trois ou 
quatre sous plus cher qu'il ne valait au marché en argent comp- 
tant. A chaque marché, Guichard lui promettait, sur parole de 
prêtre et la main sur la poitrine, que s'il perdait en revendant 
son blé, il lui rendrait la moitié de ce qu'il perdrait : mais bien 
que Garnier eût perdu, en tout, bien six cents livres, et 
qu'il eût réclamé plusieurs fois l'indemnité promise, jamais 
Guichard ne la lui avait payée. Il fit avec d'autres des con- 

4. « Consiliarius et quasi major omnium consiliariorum dicti comitis. » 

2. M e Jean de Gié. — Pierre de Villy déposa encore à l'instruction 
(J. 438, n° 4) que l'abbé s'était approprié, au nom de son couvent, une 
ruelle qui allait à Chichère, avec la rivière et la pêcherie bordant ladite 
ruelle. Tout le pays s'en plaignait (Cf. ibid., Jean Villede). 

3. Prieur de la Celle. 






DEUXIÈME SÉRIE : ARTICLE XVI 143 

trats semblables, vendant ses blés plus cher qu'ils ne valaient 1 : 
M e Etienne, son prévôt à Méry, vendit ainsi pendant plusieurs 
années les blés de l'évêque à ses amodiateurs 2 . 

Guichard avait de grandes sommes d'argent chez les sociétés 
de changeurs et de marchands aux foires de Champagne 3 , les 
Buonsignori 4 , les Cavassolle 5 , les Pulci 6 . Au moment des foires, 
on pouvait voir les Lombards entrer chez lui avec leurs papiers 7 ; 
ces marchands et ces changeurs faisaient valoir son argent en le 
prêtant aux foires, et l'évêque, sur ce prêt, recevait sa part de 
lucre 8 : il retirait de grands profits de ces opérations 9 . Vers 
1300, Bianco Baldoyni, de Florence, demeurant à Trainel 10 , se 
trouvait à Marigny H au moment où les marchands se rendaient à 
la foire de Saint-Ayoul ; il entendit dire à table à Bonseigneur, 
de la « Grande Table i? », que l'évêque de Troyes était un homme 

1. Jean Garnier. 

2. Jean Ferron. 

3. Sur les Lombards et leurs sociétés, v. C. Piton, Les Lombards en 
France et à Paris ; — F. Bourquelot, Les foires de Champagne ; — P. Berti, 
Documenli riguardanti il commercio dei Fiorentini in Francia... (v. plus 
haut, p. 24.) — Les Lombards avaient été attirés en France par Phi- 
lippe III qui avait, en 1278, passé des conventions avec les républiques 
italiennes (Langlois, Le règne de Philippe III le Hardi, p. 345), et par 
Philippe le Bel (Arch. Nat., K. 36, n° 32). 

4. La Société des Buonsignori était siennoise. 

5. La Société Gui Cavassolle était plaisantine ; c'était l'une des plus impor- 
tantes. Voy. Bibl. Nat., ms. lat. 9783, fol. 78 et passim. Cf. la taille de Paris 
(1299-1300) : Guy Cavcssole, Mathe le Lombart et leurs compaignons (rue 
Saint-Merri). 

6. Les Pulci, en français les Puches, étaient une société florentine 
(Societas Pulicum et Bibiinorum de Florentia) ramifiée en France, et dont 
Ranieri Jacohi, établi en Champagne, semble avoir été un des principaux 
actionnaires (Reg. de Boni face VIII, n° 2643). 

7. Curé de Corfélix. 

8. Raoul de Suppe, P. de Saint-Nizier, Guill. Pèlerin, 

9. Rico Jacobi. 

10. Aube, arr. et c oa de Nogent. 

11. Marigny-le-Châtel, arr. de Nogent, c 0B de Marcilly-le-Hayer. 

42. Les comptoirs des changeurs se composaient essentiellement d'une 
table avec tapis (mensa), avec un banc et des balances, dans une loge 
ouverte sur la place ou sur la rue (F. Bourquelot, ouv. cit., I, 130). — La 
« Grande Table » était de Sienne. Cf. Reg. de Clément V, n° 7. 



144 LES DÉPOSITIONS 

très riche, et que lui et sa société lui devaient une grosse somme 
d'argent dont ils lui donnaient d'intérêt soixante sous pour cent 
livres à la fin de chaque foire : or il y en avait sept tous les ans 
en Champagne 1 . Au lieu d'un intérêt en argent, il recevait 
quelquefois des changeurs des « courtoisies 2 » : ainsi, Lotier 
Bonenfant lui avait donné un cheval et une courtepointe qui 
valaient bien deux cents florins d'or 3 . L'argent qu'on lui devait, 
il le faisait souvent verser directement chez ses banquiers 4 : 
étant abbé, il avait loué pour plusieurs années un cellier; il fit 
donner les arrhes, quarante livres tournois, aux marchands de 
la Grande Table de la foire de Saint- Ayoul 5 . Jean Quarrez payait 
à des marchands aux foires de Champagne l'argent qu'il devait 
à l'évêque pour ses achats de vin et de blé; quand il n'avait pas 
d'argent prêt pour le terme, les marchands lui accordaient un 
délai, et il leur donnait d'usure douze deniers par livre pour deux 
mois : c'était F usure de Févêque 6 . D'autres fois, Guichard rece- 
vait lui-même l'argent dû à ses banquiers : Jeanne, dame de 
Romilly 7 , s'étant obligée de trois cents livres vis-à-vis des 
Cavassolle, son mari donna à l'abbé l'usufruit d'une maison 
pour les trois cents livres que les marchands lui avaient em- 
pruntées 8 . 

Après les foires, Guichard réglait ses comptes avec les 
changeurs. Pendant sept ans qu'il avait servi Févêque, Lorin, 
son chambellan, avait vu des marchands des foires de Cham- 
pagne venir, quatre fois et plus chaque année, trouver Févêque 
chez lui ; ils le prenaient à part et se concertaient avec lui : en 
passant à côté d'eux, quelquefois, Lorin les entendait dire à 

1. Bianco Baldoyni. — En 13H, l'intérêt de l'argent aux foires était fixé h 
50 sous pour 100 livres, à 2 1/2 pour deux mois, ce qui était déjà fort cher. 

2. Raoul de Suppe. 

3. Rico Jacobi. 

4. Prieur de la Celle. 

5. Gautier Brolez. 

6. Jean Quarrez. 

7. Romilly-sur-Seine, arr. de Xogont. 

8. Jeanne, dame de Romilly. 



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DEUXIÈME SÉRIE .* ARTICLE XVI 145 

l'évêque qu'ils lui devaient certaines sommes et qu'ils vou- 
laient faire de nouvelles lettres à ce sujet 1 . Pierre de Saint- 
Nizier avait vu Bonifacio de Laudo, changeur aux foires, et 
plusieurs autres Lombards de sa société, venir chez l'évêque sur 
la fin des foires et rester longtemps seuls avec lui : on disait dans 
l'hôtel qu'ils comptaient les gains qu'ils avaient faits avec l'argent 
de l'évêque 2 . Quand ils étaient au service de Guichard, Perrot 
de la Chambre et Guillaume Pastourel avaient vu également plu- 
sieurs clercs des changeurs, aussi bien de la société des Cavassolle 
que de celle de « l'Épine » 3 , entrer dans la chambre de l'évêque 
et demeurer avec lui le temps de compter de grandes sommes 4 ; 
une fois en passant, Guillaume entendit Guichard qui disait 
aux clercs : — « Combien ont valu les deniers ces foires-ci? 
« Ont-ils été plus chers qu'aux autres ? », et d'autres fois : — 
« Puisque les deniers ont été plus chers ces foires-ci qu'aux 
« autres, ils devraient m'avoir rapporté plus », ce qui faisait 
soupçonner que l'évêque avait de l'argent courant engagé dans 
l'usure 5 . D'ailleurs Guichard avait envoyé plusieurs fois Jean de 
Trainel et Pierre de Saint-Nizier chez les Lombards pour y tou- 
cher des sommes d'argent qui étaient le produit des usures 6 ; et, 
un jour que l'évêque faisait donner par son chambellan plu- 
sieurs sacs d'argent à deux Lombards de la société Ranieri 
Regnaudi, de Sienne, Jean de Hancy , qui se trouvait là, s'adressa, 
sans le savoir, à quelqu'un de cette société, demandant si Gui- 
chard leur devait cet argent ; on lui répondit que non, bien au 

4. Lorin. 

2. Pierre de S. Nizier. 

3. La société de l'Épine ou des Spini (Societas Spinorum de Florentia) 
avait son siège à Florence {Reg. de Boni face VIII, n 08 2648, 2656, 3186, et 
passim). Le pape en appelle les sociétaires « mercatores camere nostre. » 
(Ibid., n°» 3190, 3219, 3344; cf. Reg. de Clément V, n° 1152.) 

4. Guillaume Pastourel. Cf. J. 438, n° 4, Perrot de la Chambre : leur 
compte allait une fois à 3.000 livres. Le chambrier faisait l'arrêt des 
comptes de l'évêque; mais il ne savait si c'étaient « les chatez ou les 
usures ». 

5. Guill. Pastourel. 

6. Pierre de S. Nizier. 

Mtm. et doc. de l'Ér. des Chartes. 10 



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146 



LES DÉPOSITIONS 



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contraire, qu'il donnait cet argent aux Lombards pour en faire 
usure, et qu'il en retirait grand profit *. Il ne rougissait pas de 
ses relations avec ces usuriers. Jacquette de Vinets avait dit une 
fois à son chambrier : — « Cet homme se honnira pour donner 
« ses deniers à de telles gens 2 ! » Quand on l'avait arrêté, l'évêque 
avait bien deux mille deux cents livres au seul comptoir des 
Cavassolle 3 . 

XVII e ARTICLE 

Des témoins qu'il a corrompus et des pièces quil a faussées 

(41 témoins) 

Guichard, étant prieur de Saint- Ay oui, avait voulu faire 
témoigner à Jean li Forneraz qu'il avait vu certain garde de la 
Tour de Provins prendre la femme de Félix Mignot et la con- 
naître charnellement, bien quelle fût mariée ; le prieur promet- 
tait à Jean de le faire sergent de la commune de Provins. Jean 
refusa, disant qu'il n'en savait rien : Guichard le fit mettre à la 
Tour du Roi à Provins par le sergent du bailli, et l'y fit rester 
vingt-deux semaines, pour avoir refusé de porter faux témoi- 
gnage 4 . 

Vers Pâques 1302 (22 avril), Pierre de Saint-Nizier, qui était 
alors clerc de l'évêque, avait fait certaines lettres relatives à une 
mutation de revenus entre l'évêque, d'une part, l'abbé et . le 
couvent de Montier-la-Celle d'autre part ; il avait écrit à un 
endroit les mots : decimam de Gillanis, et, à la suite, un certain 
chiffre de revenus que l'abbaye donnait à l'évêque. L'abbé avait 

4. Jean de Hancy. 

2. Prieur de S. Winebaud. Cf. J. 438, n° 4, dépos. de François Bigoly : 
L'évêque avait eu chez les Cavassolle jusqu'à 6.000 livres de faible monnaie. 
La société lui achetait des chevaux, des mulets, et d'autres choses dont il 
avait besoin pour le service de son hôtel, et l'évêque en rabattait la valeur 
sur la somme que les marchands lui devaient. Il trouvait qu'ainsi ses 
deniers étaient plus en sûreté et ses payements plus faciles. 

3. J. 438, n° 4, Perrot de la Chambre. 

4. Jean li Forneraz. 




DEUXIÈME SÉRIE : ARTICLE XVII 

vu les lettres et dît qu'elles étaient bien faites, qu'il les s 
rait de son sceau et les ferait sceller du sceau de l'abbaye, 
le jour où les lettres devaient être scellées, l'évèque se troi 
seul daus la chapelle de l'abbaye avec Pierre, et ayant les 1 
à la main, lui ordonna de gratter les mots : de Gillanis 
mettre à la place, en allongeant l'écriture, le mot : Item. 1 
repartit que ce serait changer la substance des lettres. — « C 
« tu à foire de cela? » dit l'évèque. « Fais ce que je te dis ! » 
clerc le fît. Mais peu après, avant que les lettres ne fu 
scellées, en l'absence de l'évèque, il dit à Pierre Marin, 
conseiller de l'abbé et du couvent : — « Voyez bien ces 1 
« avant qu'elles ne soient scellées en chapitre ». Si elles a> 
été scellées et données a l'évèque ainsi modifiées, il y aur 
préjudice pour l'abbaye, car il aurait été donné à compr 
que l'évèque avait la dîme de plusieurs autres lieux cités 
les lettres ' . 

L'affaire de Jean de Calais - montrait comment, pour se 
biliter, il avait tout essayé, la corruption, la fraude, af 
retourner les témoignages produits contre lui par les 
reines : îl s'était acharné à cette contre-preuve, cherch 
démontrer qu'il avait lui-même été victime d'une machim 
il y avait employé ses familiers, ses obligés, ses complices, 
qu'il s'était liés par l'intérêt ou par le crime ; il avait essaj 
engager, en les achetant, des gens indécis, mal convai 
d'anciens témoins peu scrupuleux, que l'offre d'une pré 
suffisait à faire revenir sur leur première déposition. Ainsi 
la Saint-Martin d'hiver 1302 8 , il envoya frère Jean d( 
chercher un certain Jean de Trainel *, qui avait été en pri 
Paris avec Jean de Calais et Noffo Dei ; et quand le prieur 

1. Pierre de Saint-Nizier. 

2. Elle fut pour ainsi dire reprise tout entière dans le procès : c't 
qui remplit tout le xvn* article, et les dépositions des témoins, qu 
avons écourtées et fondues, sont d'une longueur considérable. 

3. 11 novembre. 

4. Jean de Trainel était en 1308 curé de la Chapelle -Godef roi 
Nogent, c" de S. Aubin). 



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LES DÉPOSITIONS 



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amené à Troyes : — « Tu as été en prison avec Jean de Calais 
« et Noffo Dei, lui dit l'évêque : tu dois savoir ce qui en est d'eux 
« et s'ils ont produit des témoins contre moi ? » Et comme Jean 
disait qu'il n'en savait rien, Guichard reprit : — « Tu vas aller 
« pour moi outre monts et tu feras venir pour me parler ton père 
« Henri, qui a témoigné contre moi pour la reine; je te ferai du 
« bien. » A la Sainte-Catherine *, Jean de Trainel amena son 
père à l'évêque. Guichard dit à Henri : — « Vous et d'autres, 
« avez témoigné contre moi pour la reine ; si vous voulez dire que 
« vous avez témoigné ainsi pour délivrer votre fils qui est ici, et 
« que vous ne saviez rien de ce que vous avez déposé, je vous 
« ferai riches tous les deux, et je lui donnerai, à lui, une bonne 
« prébende. » Henri répondit à l'évêque qu'il fît ce qu'il pourrait 
pour lui. Alors frère Jean de Fay, qui se trouvait là, écrivit des 
lettres où l'évêque promettait de conférer à Jean de Trainel la 
première prébende qui vaquerait dans les églises de Villemaur 
et de Pougy 2 : Guichard les scella de son petit sceau et les 
donna à Jean qu'il ne connaissait pas autrement. 

Il voulait, par de faux témoignages, prouver que l'action 
intentée contre lui était toute de haine et de calomnie, que ses 
accusateurs, et Noffo Dei en particulier, avaient agi et témoigné 
sous la menace, par la peur. 

Vers l'Assomption de 1302, se trouvant à Saint-Lyé avec ses 
familiers, Manessier, son chapelain, maintenant curé de Corfélix 3 , 
Gui, curé de Dampierre 4 , Félix, prieur de Payns 5 , Thomas, 
curé de Palis 6 , et Pierre de Saint-Nizier, alors notaire public, 
Guichard leur dit : — « Beaux sires, vous avez été avec moi à Paris 
« dans la maison du doyen tel jour (qu'il leur indiqua) : vous savez 
« bien que vous y avez été et que vous m'avez entendu dire 
« à Noffo Dei : — « Beau sire, vous m'avez mis mal avec 

i. 25 novembre. 

2. Arr. d'Arcis, c on de Ramerupt. 

3. Près Sézanne (Marne). 

4. Ait. d'Arcis, c on de Ramerupt. 

5. G on de Troyes. 

6. Arr. de Nogent, c on de Marcilly-le-Hayer. 




DEUXIÈME SÉRIE : ARTICLE XVII 149 

<c les gens de la reine J , et vous avez dit que j'ai reçu des présents 
« pour laisser Jean de Calais sortir de prison : c'a été mensonge » ; 
« que Noffo m'a répondu : — « Que Dieu m'aide, messire, il a fallu 
« que je le fisse pour sortir de la prison où j'étais : mais en vérité, 
ci je n'ai jamais rien su de ce que j'ai déposé 2 . » Ce disant, 
Tévêque donna à chacun de ses familiers une cédule où était 
écrit ce qu'il leur demandait 3 : 

L'an mil CCC et II, le jour que les processions de Paris alerent au 
Val des Escoliers *, et disna ou dut disner cet meismes jour madame la 
rayne a Saint Antoine, si comme on disoit communément aval Paris, 
vint très bien matin Noffe Dieu parler a monseigneur de Troies a 
Tostel de Ocans 3 : et ne estoit pas enquores messires levez. Et ende- 
mentiers vint Guiz Gavassole : et lors les traist messires a une part en 
la chapelle dou dit ostel ; et estoient tuit troi en estant, messires en son 
siège qui esteit faiz par devers les fenestres dessus la voie, tournen 
son visaige devers Tuys de la chapelle, et li diz G[avassole] et N[offe] 
avoient les dos tournez devers l'uys. Et lors dist messires a Noffe ces 
paroles ou les samblables : — « Je me mervoil plus que de riens com- 
« ment tu quiers et pourchaces, as quis et pourchacié tele deleauté, 
« telle fausseté et telle traison envers moi et contre moi : car je suis cer- 
« tains que tu meismes sez de vérité que je n'i ai coulpes, et tout ce as 
« tu quis et pourchacié a prouver contre faussement et desleaument. » 

Leurs 6 respondi Noffe : — « Vraiement, sire, je la quis et pour- 

1. « Vos me posuistis maie de gentibus domine régi ne... » 

2. « Si me Deus adjuvet, domine, oportuit me hoc facere ut exirem a 
« prisione in qua eram ; sed in ve ri ta te ego nunquam aliquid scivi de hoc 
« quod ego deposui ». 

3. Nous pensons que cette cédule, rapportée dans la déposition du curé 
de Corfélix, est bien celle à laquelle Pierre de S. Nizier fait allusion, bien 
que ces deux témoignages offrent une divergence Sur la date (Pierre de 
S. Nizier : Assomption 1302; — Curé de Corfélix : Carême 1302?) — et sur 
les personnes à qui la cédule fut remise : le fait rapporté par les deux 
témoins est trop précis et trop particulier pour qu'il n'y ait pas identité. 

4. Le couvent de Sainte-Catherine du Val des Escoliers était hors les 
murs, près la porte Saint-Antoine ; la maison avait été fondée par saint 
Louis, en 1239 (Dom Felibien, Hist. de Paris, I, 280-82). 

5. Le texte de cette pièce, insérée dans les dépositions, est une copie 
vraisemblablement peu sûre de la pièce originale. Peut-être faut-il lire : 
Deans pour Ocans, et s'agit-il de la maison où logeait à Paris le doyen de 
Saint-Urbain. 

6. Pour ; lors. 



150 LES DÉPOSITIONS 

« chacie * : et sai bien que ce est a tort et a pechié, et que vous n'i avez 
« nulle colpe ; mais je l'ai pour ce que je estoie autrement perduz et 
« morz en prison perpétuel d'où je ne povoie achaper autrement. » 

Et lors li redist messires : — « Or me di, foi que tu doiz Dieu, qui 
« te esmut a ce, et par cui tu i as esté esmeuz, et qui t'an mist en voie, 
« et par qui tu as ce fait, et qui te fist ce faire : quar ce ne peut avoir 
« esté fait par toi seul sanz esmeuvement d'autrui. » 

Et Noffe li respondi : — « Ce m'a fait faire messires Guillaumes de 
« Mortiri a , chevaliers, et Guillaumes Vaffoz (?) a , qui promistrent que, 
« se je pourchacoe ceste chose contre vous, il pourchaceroient que je 
« seroie mis hors et délivrez de la prison ou je estoie : et de ce m'ont il 
« bien tenu convenant, Dieux merci, si comme il apert; et, avec ce, il 
« me promistrent que, tant pour les tesmoinz traire et amenez, pour 
a leur despens et pour leur saillaires que pour mes travaux, il me fai- 
« roient avoir la quinte partie de tout ce que je pourroie faire avoir et 
« traire de vous ; et me baillèrent et ont touzjours plus baillié et admi- 
« nistré la matière. Si ne vous devez pas merveiller, sire, ne vous ne 
« autres, si je ai ce fait, quis et pourchacié contre vous pour eschiver 
« prison perpétuel et péril de mort : quar soiez certains que je en feisse 
« et faroie encore demain autant contre le père qui me engendra et 
« contre la mère qui me porta, pour eschiver si grant péril, con je en ai 
« fait contre vous. » 

Et leurs dist Guiz Cavassole a monseigneur : — « Sire, soiez certains 
« que il m' an a dit autant et plus sanz vous com il en a dit devant 
« vous et devant moi. » 

Et nous, qui les veions et oions, estions en la chambre delez une 
fenestre par laquelle on voit de la chambre en la chapelle et a l'autel. 
Et estoit messires Felis cachiez delez la fenestre de la partie delez 
le lit, et messires Guiz de Dampierre delez luy, messires Michiaus, 
curez de Saint Martin de Ghasnetront 4 et m. de l'autre part de la 
fenestre par devers l'uis de la chapelle 5 . 

1 . Le texte est sans doute fautif, pour : je Vax quis et pourchacié. — De 
même, deux lignes plus bas, il faut suppléer : fait, après : mais je l'ai. 

2. Voy. p. 98, note 2. 

3. Nous ne connaissons pas ce personnage. 

4. S. Martin Chennetron (Cassini : S. M. de Chenestron), Seine-et-Marne, 
arr. de Provins, c on de Villiers- Saint-Georges. 

5. Curé de Corfélix. — L'évêque avait fait faire des copies de cette 
cédule à son chapelain pour que les personnages y nommés pussent 
en apprendre et en témoigner le contenu, 



LES DÉPOSITIONS 

rnée, entré à Paris pour déjeuner, il en était sorti et était allé 
'illeneuve-Saint-Georges. Quand ce fut fait, l'évêque dit à 
nessier : — « On a témoigné contre moi que, le lundi après 
'Ascension 1300, j'ai été à Paris, dans la maison de maître 
vlartin de Bat Chambre, à la Mortellerie, et que, dans cette 
naison, j'ai reçu d'un marchand une grande somme d'argent 
jour la délivrance de Jean de Calais ' . Écris une cédule où il soit 
lit que le jour où j'étais à Paris, je n'ai fait que passer dans la 
dlle, que je ne suis entré dans aucune autre maison que celle 
le messire Guillaume de la Chapelle, et que toi, Félix le Boi- 
;eux, messire Michel et Gui, vous étiez avec moi et que vous le 
savez. » « A grand meschef de cœur », le chapelain écrivit la 
Iule et en fît trois copies; il les distribua aux prétendus 
noins, qui déclarèrent à l'évêque qu'ils en témoigneraient 
Ion tiers i . 

Pour mieux assurer le succès de sa tentative, il multipliait et 
riait les faux témoignages avec une rare souplesse d'imagination : 
rs le même temps, il dit a Manessier : — « Je te demande de 
témoigner par ton serment, avec frère Nicolas de Villenauxe, 
Chandelier et d'autres, que j'aurai prêts pour cela quand je le 



I. « Testificatum est contra me quod ego die lune post Ascens 
Domini, anno M"CCO, fui Psrisius in domo m a gis tri Martini de Bat 
Chambre in Morlelaria, et quod in illa domo ego recepi a quodam merca- 
ore quandam magnam su m ma m pecunie pro liberatione Johannis de 

i. Curé de Corfélix. Cf. J. 438, n° 4 : Des gens de l'évêque avaient dit à 
issire Guillaume le Diablat « que l'évêque voulait changer le livre et les 
irnées des lieux où il avait été, auquel livre étaient écrits les dépens de 
acun jour qu'il faisait en son hôtel » (Guillaume le Diablat.) — L'évêque 
int un jour avec Jean de Fay à Saint-Lyé dans sa chapelle, Perrot, son 
ambrier, entendit qu'ils parlaient des journées où l'évêque avait élés. 
ris, Pontoise et autres lieu* au temps où il était collecteur du cinquan- 
me. Perrot alla consulter le registre et vit <i qu'ils disaient mal ». II dit a 
vêque : — « Sire, vous mesprenez de vos journées. » L'évêque lui dit : 
« Tais-toi et ce souffre : mais fais ton écrit et change les journées, et dis 
e je fus là tant, et là tant. » Perrot dut s'exécuter. [Ibid. t Perrot de la 
lambre.) 



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DEUXIÈME SÉRIE : ARTICLE XVII 



153 



«f voudrai, que te trouvant chez la reine de Navarre, à Lesches 1 , 
« dans sa chambre, près de la chapelle haute, le mercredi après 
« la Nativité de la Vierge 1 301 ? , tu as entendu François Ferra ton 3 
« dire devant la reine qu'il m'avait injustement et sans cause 
« accusé d'avoir eu de l'argent pour délivrer de prison Jean de 
ce Calais, qu'il ne m'avait jamais donné d'argent pour cela et qu'il 
« n'avait jamais eu d'argent pour moi dans ce but. » Le chape- 
lain refusa, protestant qu'il n'avait pas assisté à cette scène ; et 
comme l'évêque lui disait qu'il pouvait bien le faire, que lui- 
même l'en absoudrait : — « Je ne demanderai jamais à en être 
« absous, répondit Manessier 4 , ni par vous, ni par d'autres ! ». 

Environ six mois après, Manessier étant seul avec l'évêque 
à Sapoy, Guichard lui demanda de témoigner qu'il s'était trouvé 
avec messire Michel, curé de Saint-Martin de Bossenay 5 , frère 
Félix de Troyes, le Boiteux, frère Félix de Villemaur et messire 
Guide Dampierre, à la cour archiépiscopale de Sens, quand on fai- 
fait l'enquête contre l'évêque sur le fait de Jean de Calais 6 ; et 
que là, il avait entendu Pierre Morel de Senlis 7 , avant de prê- 
ter serment et de témoigner pour la reine, dire à un prêtre qui 
se plaignait de l'évêque : — « Hor ne chaut, prêtres 8 ; tu seras 
« bien vengé de lui si je ne meurs pas, car il m'a fait grand dom- 
« mage à moi et à mes amis : et, certes, s'il devait être pendu, et 
« qu'il n'y eût personne qui voulût le faire, je le pendrais de ma 
« main avant qu'il ne se sauvât ; et, en vérité, je lui nuirai autant 
« que je le pourrai. » Manessier répondit à l'évêque qu'il ne témoi- 
gnerait pas cela, attendu qu'il n'en savait rien. L'évêque lui 

4. Lecheyum, sans doute Lesches (Seine-et-Marne, arrond. de Meaux. 
c 0B de Lagny). 

2. 13 septembre. 

3. Voy. plus bas : c'était un marchand florentin. 

4. Curé de Corfélix. Cf. Perrot de la Chambre. 

5. Ait. de Nogent, c on de Romilly. 

6. « ...Senonis in aula archiepiscopali dum inquireretur contra ipsum 
« episcopum super facto Johannis de Calesio ». 

7. Voy. p. justif., n° V, un compte de régale de Pierre Morel, de la Ferté 
Milon : serait-ce le même personnage? 

8. En français dans le texte. 



154 LES DÉPOSITIONS 

demanda d'écrire an moins trois ou quatre cédules pour les 
donner aux autres, qu'il produirait comme témoins sur ce fait " 
le chapelain les écrivit et les leur transmit secrètement ; Michel, 
Félix le Boiteux et Gui lui dirent, à Sapoy, qu'ils en témoigne- 
raient volontiers * . 

En même temps qu'il essayait par de pareils moyens de para- 
lyser ou de détruire les témoignages qu'on lui opposait, — usant 
d'audace, l'évêque provoquait et payait des démarches spontanées 
en apparence, confessions et rétractations secrètes de témoins, 
lettres de décharge, qui devaient faire tomber l'accusation. 

Jean de Trainel et son père, après l'engagement pris par Gui- 
chard à leur égard, étaient allés à Poissy où se trouvait le roi : 
là, Jean de Trainel avait vu Nicolas, le confesseur du roi 2 , et 
lui avait dit qu'il croyait que les dépositions faites contre 
l'évêque étaient fausses. Quant à Henri, son père, il conta à Gui- 
chard, au retour, qu'il n'avait pu avoir accès auprès du confesseur. 

Une fois qu'il se trouvait à Paris dans la maison de Michel 
Maqucel, l'évêque, après déjeuner, dit à son chapelain, Manes- 
sier, et à Félix de Villemaur : — « Un témoin a déposé contre 
« moi que j'ai été dans la maison de M e Martin de Bat Chambre le 
a lundi après l'Ascension 1 300 ; frère Durand, le confesseur de la 
« reine, doit venir tôt ici, et je lui ai promis que je lui ferais témoi- 
« gner par deux prêtres que, ce jour-là, j'étais ailleurs. Je vous 
« demande de m'aider et de témoigner que j'ai passé par Paris, 
« mais que je ne suis entré que dans la maison de Guillaume de la 
« Chapelle où j'ai déjeuné. » Les deux prêtres se consultèrent, 
et, revenant vers l'évêque, lui dirent qu'ils répéteraient tout ce 
qu'il voulait, mais que s'il leur fallait jurer, jamais ils ne témoi- 
gneraient par leur serment que la vérité, et qu'en vérité l'évêque, 
ce jour-là, avait été dans la maison de M e Martin. Alors Gui- 
chard, bouleversé, se frappant le front : — « Haa ! je perds, par 
(c votre faute, quarante trois mille livres ! vos habetis valdejustam 



i. Curé de Corfélix. 
2, Nicolas de Gorran, 



DEUXIÈME SÉRIE : à 

* punctam ! » Frère Durand étant 
parla d'autre chose '. 

Un matin du carême de 1303, à î 
trouvait chez l'évéque avec ses fan 
« Il faut que tu ailles pour moi à I 
« Vanne Nicolas ; tu lui porteras d' 
« diras : — On a témoigné contre 
« lui avez donné à Pontoise une s 
« Jean de Calais de sa prison 3 : l'év 
« gner que ce fut faux ; car vous sa v 
« donné d'argent à ce sujet, a Jean 
fit rédiger deux lettres : dans l'une 
à prendre chaque année sur sa bour 
qu'il fût pourvu d'une prébende; 
Henri, son père, dix livres de pens 
terme. Henri promit à l'évéque de 
pour lui. Jean se rendit avec de 
Quand celui-ci les eut lues, il dit 
« écrire une bonne lettre par un 
en alla trouver un, lui donna > 
Vanne refusa de parler devant lui, 1 
sien cousin devant qui il parlerait, < 
aurait neuf florins. Jean les donna 
Vanne confessa ce qu'on lui demain 
en fit un instrument public. Jean [ 
fessé une chose fausse, parce qu'il 
que son cousin n'avait pas eu les 
Pistoie apposa son sceau à l'acte c 
par son valet 1 . 

L'évéque ne s'en était point tenu 1 

t. Curé de Corfélii. 

2. ce Testificatum est contra episcopum 
« apud Pootisaram episcopo Treceuei p< 
h pro liberando eum a prisiooe... » 

3, Jean de Train cl, 



.- £i 



156 LES DÉPOSITIONS 

de Meaux, son ami, il avait, pour se réhabiliter, concerté une 
intrigue qui devait être décisive. 

Dans l'hiver de 1302-1303, Pierre de Saint-Nizier, au nom de 
Guichard, vint à Paris trouver dans la prison épiscopale un 
clerc, Pierre Barrière, qui avait été produit comme témoin par 
les agents de la reine sur le fait de Jean de Calais, pour le 
requérir de révoquer le témoignage qu'il avait porté contre 
l'évêque, et d'amener d'autres témoins à en faire autant. Pierre 
Barrière avait déjà parlé de cette affaire avec M e Hugue Morsel : 
tous deux avaient vu là une occasion de tirer de bons gains de 
l'évêque de Troyes; ils étaient convenus que Hugue irait chez 
l'évêque pour en traiter avec lui. Mais d'abord, pour aider le 
procureur « à faire que toute la cause de la reine fût rappelée et 
renversée », Pierre Barrière demandait qu'on s'occupât de le tirer 
de sa prison : après, il s'entremettrait volontiers 1 . Le procureur 
de l'évêque, Pierre de Saint-Nizier, conduisit M e Hugue auprès 
du confesseur du roi, dans la maison des frères Prêcheurs de 
Paris; le confesseur leur répondit qu'il leur procurerait l'accès 
du roi pour cette affaire quand les témoins auraient fait leur 
rétractation. Comme l'évêque tardait à mener les choses, sur le 
conseil de Pierre Barrière, M e Hugue alla à Troyes 2 . 

Les conventions, négociées préalablement à Paris 3 , furent 
réglées à Montier-la-Celle, le lendemain de Pâques 1303. 
L'évêque promit à M e Hugue de lui tenir parole, et lui offrit 
d'abord de déposer la somme convenue chez un marchand de 
Troyes, à son nom; puis, songeant que si la reine savait où l'ar- 
gent était déposé, elle chercherait à l'avoir, il trouva plus sûr de 
faire des lettres d'obligation 4 . Il les fit écrire à Pierre de Saint- 
Nizier, dans la grande salle de l'abbaye : il y avait là, avec 
l'évêque, frère Jean de Fay, prieur des frères Prêcheurs de 

\ . Pierre Barrière. 

2. Hugue Morsel. L'incertitude des dates rend très difficile à établir la 
concordance des témoignages et Tordre des faits dans toute cette intrigue. 

3. Par le prieur de Provins. 

4. Hugue Morsel, Prieur de S. Nizier, 



DEUXIÈME SÉRIE t ARTICLE XVH 457 

Troyes, Regnaud, doyen de Saint-Urbain, et M e Barthélemi, scel- 
leur de la cour de Troyes. Dans les lettres, l'évêque déclarait 
avoir reçu en dépôt et garde de M e Hugue et de Pierre Barrière, 
de Périgueux, 2.000 livres tournois, et s'engageait, sous obliga- 
tion de tous ses biens et de son évêché, à leur délivrer cette 
somme à leur volonté, un mois après réquisition : le sceau de 
l'évêque, celui de l'abbaye, celui de l'official, et celui de Pierre de 
Saint-Nizier, alors notaire impérial, furent apposés à l'acte. Gui- 
chard fit encore écrire d'autres lettres, scellées de son sceau, par 
lesquelles il s'obligeait à donner à M e Hugue, chaque année, 
40 livres tournois, jusqu'à ce qu'il l'eût pourvu dans le diocèse 
de Troyes d'un bénéfice ou d'une cure d'un égal revenu 1 . Le 
même jour, entre nones et vêpres, l'évêque, ayant les deux lettres 
à la main, dit à M e Hugue : — « M e Hugue, voici vos lettres, 
« que je vous ai préparées. Faites que Henri de Trainel, Ferraton, 
« Gui de Cas (et trois ou quatre autres qu'il nomma), qui ont 
c porté témoignage contre moi pour la reine, aillent à Paris 
« trouver l'évêque de Meaux et lui confessent qu'ils ont porté 
« devant lui faux témoignage : en sorte que l'évêque de Meaux les 
<( mène à la reine avec un sauf-conduit et que ces témoins parlent 
« à frère Durand, son confesseur ». M c Hugue le promit. L'évêque 
lui fit délivrer par Lorin, son chambellan, 40 livres pour ses 
frais, en disant que Jean de Fay et le doyen de Saint-Urbain 
iraient à Paris derrière M e Hugue, et qu'ils lui délivreraient les 
lettres quand il aurait tenu sa promesse 2 . 

Hugue revint alors à Paris, où le prieur de Provins, qui avait 
négocié l'arrangement, devait le retrouver quelques jours après 3 . 

1. La déposition de Pierre Barrière offre une divergence au sujet de l'ar- 
rangement conclu entre l'évêque et M Hugue. D'après lui, l'évêque devait 
donner à M e Hugue 2.000 liv. par., qui seraient partagées par tiers entre 
Gui de Cas, M* Hugue et Pierre Barrière : avec cela, M Hugue aurait 
iOO liv. de pension annuelle à vie s'il faisait que les témoins qui avaient 
déposé contre l'évêque avouassent au confesseur qu'ils avaient faussement 
témoigné. 

2. Pierre de S. Nizier. 

3. Hugue Morsel. — Le prieur de Provins est sans doute le prieur de 
Saint- Ayoul . 



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>•:.«; ^.?fç* , :"îl 



458 LES DÉPOSITIONS 

Le jeudi suivant, Guichard donna à son procureur les lettres et 
trois cents florins d'or pour acquitter, quand il en aurait Tordre, 
les deux milles livres, et Pierre de Saint-Nizier partit pour Paris 
avec frère Jean et le doyen '. Ils avaient des lettres du prieur de 
Provins pour le confesseur du roi, à qui Hugue les présenta 2 . Dès 
la première semaine après Pâques, les pourparlers étaient enta- 
més : M e Hugue et Pierre Barrière s'abouchaient avec le doyen 
de Saint-Urbain dans une maison de la Grand Rue, près de celle 
de Févêque de Meaux 3 ; et comme Pierre Barrière demandait au 
doyen et au procureur pourquoi ils s'étaient logés dans une rue si 
fréquentée, — disant qu'il craignait que l'archidiacre de Vendôme 
et Noffo Dei, qui avaient conduit l'affaire de la reine 4 , ne 
vinssent à le savoir et n'eussent quelque soupçon contre eux 
s'ils les voyaient causer ensemble, aller et venir en cet endroit, 
— le doyen et le procureur répondirent qu'ils l'avaient fait pour 
être voisins de l'évêque de Meaux, pour pouvoir traiter de cette 
affaire avec lui plus rapidement et plus souvent, qu'il était l'ami 
de Févêque de Troyes dans cette affaire et dans d'autres 5 . Après 
un long entretien, M 6 Hugue leur demanda de lui donner garan- 
tie des promesses de Févêque ; ils lui dirent qu'ils en avaient de 
bonnes, qu'ils avaient les deux lettres d'obligation, et ils 
promirent de lui donner ces lettres quand les témoins auraient 
fait leur confession et rétractation. M e Hugue et Pierre n'en 
requirent pas moins le prieur et le doyen de leur délivrer la 
somme : ils voulaient avoir l'argent avant que de parler ; autre- 
ment, ils ne diraient rien et n'iraient pas devant Févêque de 
Meaux. Frère Jean et le doyen leur tirent donner par le procu- 

1 . Pierre de S. Nizier. 

2. Hugue Morsel. 

3. Pierre de S. Nizier précise : entre le Petit Pont et la maison des 
frères Prêcheurs, près de la maison de Mortemer. C'est aujourd'hui une 
partie de la rue Saint-Jacques. (Voy. Géraud, Paris sous Philippe le Bel.) 

4. ... « Archidiaconus Vindocinensis, qui tune erat, et Noffus, qui prose- 
« quti fuerant negocium dicte regine... » 

5 « quem dicebant esse amicum dicti Trecensis episcopi in dicto 

« negotio et aliis... » 



LES DÉPOSITIONS 

n viendrait à sa fin, que Dieu le voulût, ou le diable '. » Pierre 
rière et le doyen retournèrent auprès de l'évêque de Meaux, 

les écouta volontiers et leur dît « qu'il ferait tout son pos- 
îble pour que Pierre et les autres témoins qui voudraient se 
étracter eussent leur sûreté de la reine pour le faire et qu'ils 
issent entendus en secret. » Ils montrèrent à l'évêque une lettre 
la main de Noffo Dei : l'évêque la garda et dit qu'il la ferait 
• à la reine. 

Cependant, le doyen et le procureur confiaient è Pierre Bar- 
e que l'évêque de Troyes avait d'autres grands seigneurs à 
cour du roi, qui pousseraient l'affaire quand elle serait en 
n' 2 ; Pierre Barrière leur dit que, pour la bien conduire, — 
ime elle était de la plus grande importance et qu'elle présen- 

du danger, touchant à la personne de la reine, — il fallait 
ix choses : d'abord avoir pour soi à la cour du roi de hauts 
sonnages qui fussent amis de l'évêque de Troyes; ensuite en 
rcher d'autres qui fussent ennemis de Noffo Dei pour les 
er s , en sorte que leur action fût concertée ; il fallait encore que 

êque, le doyen et le procureur eussent les mains larges, et 
! l'affaire fût menée sans bruit, par gens de secret et par con- 
teurs. Us répondirent qu'ils étaient pourvus de tels person- 
nes, et que l'évêque de Troyes ne regarderait pas à ce qu'il 
>enserait dans cette affaire, pourvu qu'il en vînt à la fin qu'il 
limitait 4 . 
?ierre Barrière s'aboucha alors avec Adam Bolard et Francesco 

. Pierre de Saint-Nizicr. Cf. Pierre Barrière. Ici encore, le manque de 
;s précises peut faire croire à une contradiction : tandis que Pierre de 
ut-Nizier déclare que les agents de Guichard furent mal reçus par 
êque de Meaux, d'après Pierre Barrière, ils reçurent un bon accueil. Il 
: sans doute penser (Guichard ne s'élant pas décourage que P. Barri t-re 
le d'une deuxième entrevue. 

. « ... dictus episcopus Trecensis habebal alios ma £ nos dominos in 
uria régis qui sustinerent dictum ncgoliuni ex quo esset inceptum. » 
. » ... et alios qui casent inimiei dicti Nofti requircrent ut juvarent 

. » ... quod de talibus personis benc erant fundati et munit i, et qtioddîc- 
is episcopus Trecensis non curabat quantum expenderet in isto facto 
um ta me a veniret ad finem optatuin » (Pierre Barrière). 



DEUXIÈME SÉRIE : ARflCLE XVlI l6i 

Ferratoni. Hugue Morsel vit un des témoins de la reine causer 
avec le cardinal qui était alors en France, en présence de l'é vêque 
de Meaux et du doven *. Mais la tentative vint aux oreilles de la 
reine. Pierre Barrière, soupçonné, fut saisi par ordre de Tofficial 
de 'Paris; le doyen et le procureur, voyant qu'ils ne pouvaient 
rien faire, ou comprenant que l'é vêque les avait trompés, quit- 
tèrent Paris : mais, poursuivis par six sergents du Châtelet, ils 
furent arrêtés dans les bois de Tournan 2 et conduits dans la pri- 
son de l'évêque de Paris 3 . Des auditeurs désignés par le roi et sié- 
geant en la cour de l'official 4 reçurent les aveux des témoins que 
l'évêque avait tenté de suborner : Gui de Cas et plusieurs 
autres déclarèrent que l'évêque de Troyes leur avait fait des pro- 
messes et des présents pour les faire revenir sur leur premier 
témoignage. Pierre Barrière avoua qu'il était convenu avec Gui- 
chard de mener l'affaire, à condition que des personnages de la 
cour du roi voulussent s'entremettre pour l'évêque ; qu'on lui en 
avait nommé quelques-uns, mais qu'il ne les avait pas trouvés 
suffisants ; on lui en avait nommé d'autres : alors, il s'était 
engagé, s'ils voulaient l'entreprendre, à poursuivre la négocia- 
tion avec ferme espoir de la faire aboutir 5 . Toutefois, Pierre 
disait qu'il avait été abusé, et qu'il n'avait su qu'à la fin 
que l'évêque payait les témoins qu'il voulait amener à rétracta- 
tion 6 . Noffo Dei lui-même vint déclarer que Guichard avait 

1. Hugue Morsel. — Il s'agit du cardinal Lemoine. 

2. Ait. de Melun (S.-et-M.). 

3. Pierre Barrière, F e Durand, Pierre de S. Nizier. 

4. « Bene sunt quinque anni vel circiter, coram ipso qui loquitur [epis- 
« copo Biterrensi] et coram cpiscopo Autisiodorensi qui nunc est, tune 
« cantore Parisiensi, episcopo Ambianensi qui nunc est, tune canonico 
« Ambianensi, Helia de Malomonte et Andréa Pocheron, Guillelmo de 
« Plaisiano, auditoribus ad hoc de mandato régis deputatis... Parisius in 
« domo episcopali in magna aula.... » Cf. André Porcheron, chanoine 
d'Arras, qui fut, avec Pierre, plus tard év. d'Auxerre, commissaire de Tar- 
chev. de Sens « ad cognoscendum et terminandum de causa quam... regina 
movebat seumovereintendebat contra.,, episcopum » : d'ap. lui, Raoul Gros- 
parmi, plus tardév. d'Orléans, était également auditeur; le greffier était 
Jean d'Orléans, notaire en Tofûcialité de Paris. 

5. Richard, évêque de Béziers. 

6. Pierre Barrière. 

Mêm. et doc. de l'École des Chartes. 11 



i LES DÉPOSITIONS 

ave de le corrompre pour lui faire dire qu'il avait porté faux 
noignage '. Ou exhiba les lettres par lesquelles l'évèque 
bligeait de deux mille livres envers M" Hugue Morsel pour 
ise d'emprunt : Pierre Barrière avoua que c'était un faux 
tif ''. Le doyen de Saint-Urbain s'excusa devant la reine, 
ant qu'il n'avait rien su de cette subornation 3 . 
Le dénouement de cette intrigue hardie, et dangereuse ne fit 
accroître l'obstination haineuse de l'évèque. Pendant l'été de 
)3, comme il se trouvait à Macey 4 , attendant avec anxiété 
Fet de ses machinations, il manda chez lui Guillaume Pastou- 
, son maître d'hôtel b , qui revenait de Paris ; et, dans l'église, 
ant l'autel, en présence de Jean d'Orléans, chapelain de 
'êque 6 , et de plusieurs autres, Guichard lui demanda : — 
teau sire, vous qui venez de Paris et de la cour du roi, qu'est- 
e qu'on y dit de moi? — Je suis allé au bois de Vincennes, 
épondit Guillaume, et la, dans la chapelle des Ermites, j'ai 
n tendu dire à la reine qu'elle était très irritée contre vous 
jarce que vous vouliez réprouver ses témoins; que c'était 
m déshonneur pour elle et pour son conseil, et que, si vous ne 
ous en départiez, elle vous remettrait dans l'état où elle vous 
vait pris, et, d'un riche évêque, ferait de vous un pauvre 
1ère '•. » Guichard alors lui demanda ce qu'il en pensait hu- 
me ; et. comme Guillaume lui conseillait de se tenir tranquille, 



Frère Durand. 
Richard, cvèque de Béliers. 
Frère Durand. 
C 00 de Troyes. 

H fut son maître d'hôtel, de 1301k 1303; plus tard, au moment du nro- 
il était curé de Crespy, prés Brienne. 
Il était, à l'époque du procès, chanoine de Notre-Dame à la catlié- 

.... « Quoil ipsa crut multum irata de reprobatione quam diclus epis- 
ipus volebat facere contra testes ipsius regine, el quod erat dedecus ipsi 
■ginc el toli ejus consilio, et quod, nisi ipse episcopus ab hoc cessarct, 
sa reponcret eum in statu in quo eum aeceperat, et faceret de ipso 
ivîtc episcopo pauperem clericum », 



"*"> j^m . 



164 LES DÉPOSITIONS 

Jean de Trainel apporta cet instrument à l'évêque à la Saint- 
Rémi (1 er octobre). Cinq jours après, Guichard lui dit : — «11 
« faut que tu te rendes auprès de Jean de Calais et que tu lui 
« portes certaines lettres de Jean Trivalle, son ami 1 , pour qui 
« il fera comme je crois. Et tu diras à Jean de Calais que, 
« pour sûr, je ferai ce que lui mande Jean Trivalle. Tu porte- 
« ras aussi d'autres lettres à Thierry de Dammartin. » L'évêque 
offrait 5.000 livres au chanoine pour qu'il allât, soit à Metz, 
soit à Besançon, confesser devant l'évêque ou l'archevêque, en 
présence d'un notaire, qu'il avait porté faux témoignage contre 
Guichard 2 . 

Jean de Trainel retourna à la cour romaine, revit Jean de 
Calais et lui donna les lettres : celui-ci répondit qu'il n'en ferait 
rien pour le moment; mais il déclara à Jean de Hancy, son 
écuyer, qu'il ne ferait en aucune façon ce qu'on lui demandait et 
qu'il aimait mieux que l'évêque fût pendu que de faire pareille 
chose ; car, en vérité, il avait porté un bon et vrai témoignage 



socictaic Pulicum de Florcniia, quesivit diligenter ab eisdem me rcato ri- 
bus si ipsi vel Bertus Symoneti, olim eorum socius, nunc defunctus, 
habuerint vel habeut, nominc Johannis de Calais, canonici Sancti Stephani 
Trecensis, quadringentos Ûorenos auri, quos, ut dicebatur, idem Johann es 
per manus dicti Berti dare et solvere debebat venerabili in Christo patri 
domino G., episcopo Trecensi, ad hoc quod idem episcopus prefatum 
Johannem relaxaret et liberaret a prisione seu carcere quo idem episco- 
pus predictum Johannem tenere dicebatur astrictum : qui mercatores 
responderunt eidem magistro Thierrico et michi notario infrascripto, de hoc 
diligenter pctenti, tanquam perso ne publiée, quod de dictis quadringentis 
florenis sic prcmissis nichil sciebantnec audiverant, et quod in eorum libris 
sive cirographis, licet diu quesicrint et diligenter, nichil invenerunt nec 
potuerunt invenire. Actum Anagnie, in fundaco dictorum mercatorum, 
presentibus discretis viris donno Johannede Estancia, canonico Virdunensi, 
magistro Johanne de Baya, notario, Boccatino Paganelli, cive et mercatore 
Florentino, de societate Cangianorum de Florentia, tes ti bus ad predicta 
vocatis specialiter et rogatis. Et ego Johannes Leonis de Guartina(?), 
imperiali auctoritate notarius publicus, predictis omnibus interfui rogatus, 
scripsi et publicavi, meoque signo consueto signavi. » 

1. M c Jean Trivalle était sous-chantre de Saint-Etienne. 

2. D'après Jean de Hancy, cette démarche de l'évêque daterait du com- 
mencement du Carême. Cf. Jean de Trainel. 



166 LES DÉPOSITIONS 

Peu après, Jean de Trainel montra ces lettres à Jean de 
Langres, appelé Dandin, procureur de lévêque en cour de 
Rome, qui lui dit que l'instrument lui paraissait suspect 1 . Jean 
l'apporta à l'évêque et lui raconta tout ce qu'il avait fait et vu. 
Guichard répondit : — « Ne te tourmente pas, il n'y a pas de 
danger : avec cela, je pourrai avoir ma paix. » 

Jean de Trainel confia alors à l'évêque que Jean de 
Hancy, l'écuyer de Jean de Calais, pouvait lui procurer une 
bonne affaire si Guichard voulait faire plus de cas de lui 2 : 
l'évêque renvoya Jean de Trainel en Italie 3 . Vers le cinquième 
jour de Carême, Jean de Trainel demanda à l'écuyer de vou- 
loir bien lui sceller du sceau de son maître certaines lettres 
qu'il écrirait après coup, et où le chanoine signifierait à l'évêque 
que Jean de Trainel était resté longtemps à la cour romaine. 
L'écuyer répondit à Jean de Trainel qu'il écrivît ces lettres, et 
que, si Jean de Calais ne voulait pas les sceller, lui-même les 
scellerait quand le chanoine serait hors de sa chambre. Un soir, 
Jean de Trainel lui apporta des lettres closes qui portaient au bas : 



dictum episcopum pcrhibuit, et penitentia ductus, confessus fuit super hoc 
cuidam confessori domini pape penitenciario, qui eidem injunxit quod veri- 
tatem in omnibus revelaret, dictum domiuum episcopum super premissis 
non fuisse culpabilcm, sed penitus innocentem. Actum Home, in Campo 
Fioris, in domo Pétri de Bolonia, coram domino Pontto de Herbato, 
canonico ecclcsie de Cella prope Cantummerulam, Erardo de Pernayo, 
armigero, Tullcnsis diocesis, Johanne de Hanxi, Cameracensis diocesis, 
famulo predicti Johannis de Calesio, Francisco de Flammis, de Luca 
mercatore, et Alnuldo de Alemania, etc., anuo Domini M CCO quarto, 
die XXIIII* januarii, indictionc secunda. Et ego Accursus Laufredi de 
Verona, etc. » 

i. Cf. Dépos., III, 6. — Jean de Trainel les aurait également montrées à 
l'écuyer de Jean de Calais, Jean de Hancy, qui en parla à son maître : Jean 
de Calais déclara que c'était un faux instrument, qu'il n'avait jamais con- 
fessé cela. 

2. Il y a beaucoup d'obscurité dans toute cette histoire. Jean de Trainel 
et Jean de Hancy, chacun de leur côté, cherchent dans leurs dépositions à 
atténuer leur rôle, et Ton ne peut dire si Jean de Hancy laissa surprendre 
sa confiance ou s'il se laissa acheter. Leurs témoignages prouvent au moins 
qu'il y avait du vrai dans cette histoire louche. 

3. Jean de Trainel. 



LES DÉPOSITIONS 

il lui révéla tout et lui demanda son pardon : le chanoine 
corda et protesta encore une fois qu'il n'avait dit que la 
t déposant contre l'évêque, ajoutant que son sceau ne 
guère à Guichard, parce qu'il n'était pas authentique '. 
dant Jean de Trainel était rentré en France : il remît 
es a l'évoque, àTroyes, Guichard envoya chercher frère 
Fay, et, trois jours après la Pentecôte, dans un soher où 
ttait les coffres des chevaux sommiers de l'évêque, il 
• à Jean de Trainel , sur les deux feuilles blanches scellées, 
très écrites sur deux feuilles de papier que tenait frère 
Fay : c'était l'écriture du Jacobin. Comme le clerc 
: — « Je veux que tu le fasses, dit l'évêque, et je ne 
jus qu'on le sache. Si tu n'y consens pas, je ferai si bien 
seras fâché ! » Enfin Jean se prêta et transcrivit mot à mot 
;ais sur les cédules ce qui était sur les deux feuilles de 
^'étaient les lettres au roi et à la reine de France 3 . 
, la mort de Jean de Calais, l'évêque avait encore 
à corroborer ces fausses lettres en marchandant de nou- 
étractntions de témoins, en provoquant de nouvelles 
les ; même après l'accord avec la reine, il s'était acharné 
tre -preuve. 

4ancy prétend qu'elles lui furent arrachées : l'excuse n'est guère 
ute. — Sur les _ rapports de Jean de Hancy avec l'évêque, v. pi. 

i de Haucy. — Richard Potier, clerc, procureur en l'ofûcialilé de 
lépose qu'entre Noël et le Carême, comme il se trouvait à Pérouse 
Dur romaine, Jean de Trainel lui montra une cédule de parchemin 
gue et assez large, qui ne portait rien d'écrit, mais était scellée, 
ne lettre pendante, d'un sceau de cire rouge : sur le sceau était 
! une figure aux genoux plies, comme celle de Saint-Étienne. 
dit qu'il avait fait ce que l'évêque n'avait pu faire faire à nul 
e ce sceau était celui de Jean de Calais, et que sur cotte cédule 
it écrire tout ce que voudrait l'évêque. Richard reconnut bien le 
Jean de Calais qu'il avait déjà vu, car il avait été en rapports avec 
ne quand celui-ci était receveur des revenus de la reine de Navarre 
i pagne. 

i de Trainel. — Félix, prieur de Paras, Pierre de Saïnt-Niiier et 
ic Pastourcl affirmèrent que les deux lettres étaient indubitable- 
la main de Jean de Trainel dont ils connaissaient l'écriture. 



LES DEPOSITIONS 

pour te conduire, a Ils allèrent trouver l'archevêque de 
lly ', vers l'Ascension s . Michelet lui dit : — « Messire, 
e neveu de défunt Jean de Calais, qui est mort à la 
mine d'où je viens : je veux décharger mon âme et la 
Lui et moi avons porté faux témoignage contre 

de Troyes, et mon oncle lui-même l'a confessé en 
. Je vous prie, pour Dieu, de vouloir l'annoncer à la 
-oi. » Là-dessus, Us revinrent à Troyes 3 . 
ours après, l'aumônier de la reine vint à Troyes. 
ppela Michelet et Jean de Hancy, leur dit de chan- 
ts, d'aller trouver l'aumônier et de lui dire qu'ils 
rectement de la cour romaine, qu'ils ne voulaient pas 
1e sût qu'ils étaient à Troyes, que Jean de Calais, en 
vait rétracté son témoignage. Ils allèrent à la maison 

Écoliers où était l'aumônier, mais celui-ci répondit a 
— k Beau frère, je ne me suis jamais entremis pour 
ire. Parlez-en à qui vous voudrez * ! » 
1rs après, l'évêque demanda à Jean de Hancy, à 
. à Jean de Trainel d'aller à Reims chez le curé de 
mi avait déposé contre lui avec Michelet, et de lui 
;an de Calais, en mourant, avait confessé qu'il avait 

témoigné contre Guichard, que l'évêque le priait 
■sser à son tour : il lui donnerait 200 livres. Ils y 
:c frère Jean de Fay, et trouvèrent le prêtre, qui était 
; la maison des Mineurs : mais il leur répondit qu'il 

bon témoignage, qu'il ne confesserait que ce qu'il 
é, et qu'il ne se souciait pas de l'argent de l'évêque 5 . 
Trainel, envoyé à Pont-sur- Yonne auprès de Ranierî 
r faire même demande de la part de l'évêque, avait 
iil refus. L'évêque voulut l'envoyer encore auprès 



les ȃPOsrno>'s 

aller à Lyon, trouver deux cardinaux, Jean Lemoine 
[■nol, et leur déclarer ce qu'ils avaient dit à l'arehe- 
>ens : Jean de Hancv refusa, et lui répondit que ce 
t lui faire dire aux cardinaux était faux. Deux jours 
îitta définitivement la maison de l'évoque, n'ayant 
eçu de Lui, à son dire, que cent sous tournois de 
■ iiro ii te ' . 

it, l'intrigue réussissait auprès de quelques témoins 
parvenait à enregistrer un certain nombre de rétracta- 
témoins qui l'avaient abandonné quand ses menées 
découvertes, revenaient à lui ; Pierre Barrière, Fran- 
itoni, vinrent trouver frère Jean de l'Isle à la maison 
rêcheurs de Paris, et lui dirent, connaissant ses rela- 
ruichard, qu'ils savaient bien qu'on avait fait un pro- 
à l'évèque de Troyes , et qu'ils l'aideraient à mener 
ais que l'évèque avait son argent « moins cher » 
Is demandèrent à frère Jean d'en parlera l'évèque. 11 le 
ois après, Francesco Ferratoni vint à Saint-Lyé, et, 
nt devant Guichard, lui dit: — « Messire, je vous prie 
irdonner d'avoir mal agi contre vous. >i Et l'évèque 
« Comment pourrais-je te pardonner ce que tu as 
mal contre moi? » Francesco lui expliqua les motifs 
t fait agir. Pierre Barrière vint au même moment : 
gnèrent l'évèque à Troyes et y restèrent un ou deux 
id ils partirent, Guichard leur fit donner dix livres 
ur leurs frais de voyage '-. 

temps après, le 24 ou le 25 janvier 1 305 3 , sur l'ordre 
, un tabellion, Jean Larmurier, se rendit au couvent 
rêcheurs de Troyes : là, Francesco Ferratoni jura qu'il 
faux témoignage contre l'évèque et en fit rédiger 
eut pour Guichard*. Pendant quinze jours, il resta 
ï, mangeant à la table de l'évèque*. Au mois 



174 LES DÉPOSITIONS 

tement à Tévêque. Quinze jours après, le prieur prêta à Noffo 
Dei, sur la caisse de l'évêque, trente livres tournois de faible 
monnaie à la condition suivante : si Noffo ne rendait pas les 
trente livres à l'évêque quinze jours après réclamation, Jean de 
l'Isle remettrait l'instrument à Guichard, et Noffo serait quitte 
de ses trente livres ; s'il les rendait, l'instrument resterait aux 
mains du prieur pour être remis à Noffo quand celui-ci le récla- 
merait. Six mois après, l'évêque avant réclamé son argent, 
Noffo Dei le lui rendit, sans se faire restituer l'instrument, qui 
resta entre les mains du prieur *. 

Cependant, Guichard en avait fait faire un double par le 
notaire. Un an après, comme Jean Larmurier était malade, 
l'évêque le fit avertir sous peine d'excommunication d'avoir à 
lui remettre ce double : le notaire s'y refusant, messire Guil- 
laume le Diablat, chapelain de Guichard, brisa l'écrin où se 
trouvait l'instrument, le prit et l'emporta. La chose vint aux 
oreilles de Noffo Dei, mais il pria Jean Larmurier de n'en rien 
déposer : et, comme le notaire répondait qu'il ne lui souvenait 
pas de la vérité, Noffo Dei lui dit qu'il saurait bien prouver, par 
des lettres de frère Jean de l'Isle, comment le prieur l'avait 
amené à faire faire cet instrument 2 . 

XVIII" ARTICLE 

Comment, étant évêquc, il chargeait menteusement des gens du 
crime d 'hérésie ou de sorcellerie, et les emprisonnait jusqu à ce 

qu'ils se fussent rachetés 

(37 témoins) 

Dans un plaid tenu à Aix vers la Saint- Rémi 1307, Guichard 
accusa Garnier Haymer, de Charmoy, d'avoir dit que le pain de 
la huche était aussi digne que le pain consacré sur l'autel ; qu'il 
ne croyait pas plus au sacrement de l'autel qu'à une branche de 
noyer 3 ; qu'il était meilleur de se confesser à un tronc d'arbre 

1 . Frère Jean de l'Isle. 

2. Jean Larmurier. 

3. Jean du Tremblay. 



< ».« •-> . 



wv 9mffgmr 



LES DÉPOSITIONS 

ire ! — Ne vous en mettez pas en peine, repartît l'évêque, 
moi et lui, nous nous sommes bien accordés tous deux ' ! » 
s le même temps, Guichard avait accusé de sortilèges la 
l*un homme de Bercenay, l'avait emprisonnée et l'on 
t pu la tirer de prison qu'en donnant à l'évêque 25 ou 
•es '-. 

Allemand avant été tué par un clerc, fils d'un huilier 
jyes, le clerc fut pris par la justice séculière et livré à l'offi- 
lais peu après, délivré par les soins de l'évêque de Troyes, 
çut 300 livres de l'oncle du clerc 3 . 

frère du curé de Barbonne était accusé d'avoir enlevé une 
: couchée dans son lit à cùté de son mari. Jean Patriarche, 
e tabellion, avait, sur l'ordre de l'évêque, commencé 
notion de l'affaire; il avait déjà examiné un témoin, et le 
'inblait bien prouvé quand l'évêque lui ordonna d'arrêter 
ête : Guichard avait composé avec les amis de l'accusé *. 
fils de Henri d'Aunay avait enlevé une femme mariée de 
ecourt : pour ce rapt, il fut mis en prison. Mais il fut 
é sans enquête sur l'ordre de l'évêque qui reçut 400 

clerc, B'mdus Bartholomei, de Sienne, avait été enipri- 
par l'évêque comme sodomitc ; il resta détenu six se- 
s. L'oncle du prisonnier le réclama : — » Messire, dit-il à 
chard.voua demandez 200 florins pour délivrer mon neveu de 
re prison '. pour Dieu, restreignez vous à moins, car sa for- 
e ne va pas jusque là. — Vous me donnerez cela, dit 
êque, ou bien vous ne l'aurez pas. Bien plus, je le ferai 
tre en tel lieu qu'il mourra bientôt et que vous ne le rêver; 
plus. — Je vous paierai cela du mien, repartit l'oncle, puis- 



ierrc Gaulez. 

irait! do Vauchassis. — Bercenay en Othe, arr. Troyes, c™ Estissac. 

■an Patriarche. 

■an Patriarche, 

I. — Bruillecourt, c 00 de Iiumerupt. 



LES DÉPOSITIONS 

'. A VUlemaur et à Aix, on avait vu des orfèvres qui 
. qu'ils produisaient de l'argent pour en faire de la mon- 
Vers 1300, deux hommes que l'on disait orfèvres étaient 
stés trois semaines dans la maison d'Aïx ; 1 evéque les 
ravailler. Us fabriquaient une matière dont ils firent deux 
mais un orfèvre de Troyes déclara que ces vases n'étaient 
bon aloi. Pour couvrir sa fraude, l'évêque disait qu'il 
rmission du roi de faire de l'argent a . 

XX* ARTICLE 

De Gui de Dampierre 

|35 témoins) 

que Guichard eût su qu'il était l'auteur du meurtre, 
qu'a ce moment Guiot était clerc du prieur, il l'avait 
son service, puis fait curé de Dampierre, nommé enfin, 

it deux ans, doyen rural du diocèse de Troyes (doyenné 

. où l'institution et la destitution du titulaire appartenait 

ue 4 ). 

XXI* ARTICLE 

la simonie qu'il commettait en donnant la tonsure 

(59 témoins) 

vait dans le diocèse qu'il faisait des tonsures ecclésias- 
>ourde l'argent. Les prix variaient : dix livres suffisaient 



re de S. Ni/icr. 

ré Clmilex, Jean Monlaulafn. 

rot de la Chambre. — 11 est intéressant de rappeler ici qu'en 1308 

lonna nu bailli de Troyes de faire abattre incessamment les four- 

nslruils dans des lieux secrets où les Lombards faisaient fondre 

. iM. Sémilliard, Notes de J. B. Dreijer... Troyes, 185*, p.8). 

)0 <lc Montier-la-Cellc, curé de Corfélix. 



WP 



LES DÉPOSITIONS 

ignés. II offrait une cure pour soixante livres '. Il v avait 
s l'église cathédrale de Troyes quatre charges de marguilliers 
collation de l'évêque, qui jusque là n'avaient été conférées 
\ de dignes personnes : Guichard en vendit deux qui étaient 
intes ! . 

n chanoine de Villemaur, Gilon Mercier, était illettré a tel 
it qu'il ne savait chanter, ni lire, ni même dire son Confîteor, 
épître de la Vierge, ni accompagner le prêtre pour chanter 
ice des morts, ni servir la messe. A la demande de l'évêque, 
signa son canonicat, et Guichard lui conféra l'église parois- 
> de Corfélix, qui comptait bien cent vingt feux, et l'ordonna 
re 3 . 

déposa le doyen de Sézanne, une discrète personne et de 
ne renommée, pour lui substituer un prêtre de mauvais 
•m, Guillaume, curé de Baroville *. 

nfin, il faisait vendre par son scelleur les bans de mariage, 
)s laissait publier pour de l'argent &. 

XXII" ARTICLE 

De la mort de Madame la reine de Navarre, mère de feue 
Madame la reine de France 

(86 (('■moins; 

es présomptions les plus graves pesaient sur l'évêque. 
)ord, il avait des raisons personnelles de haine contre la 
e de Navarre : il la haïssait parce qu'elle le poursuivait pour 
it de Jean de Calais et qu'elle l'avait fait chasser du conseil 
oi u ; il était en procès avec cil». Peu avant qu'elle ne mou- 
i conseillait à l'évêque de se soumettre à la volonté 



Curé de Corfélii. — Trois charges, d'ap. G. Pastourcl, furent vendues 

evêque. Cf. p. 19. 

Curé de Corfélix. 

/(/. — Horoville, c™ de Bar-sur-Aube. 

Thibaut, curé de Buxis. 

Hermand de Vertus. 



182 LES DÉPOSITIONS 

Ce même jour, à Senlis, la reine avait dit à madame Blanche 
de Bretagne { et à la comtesse de Bourgogne 2 : — « L'évêque 
« deTroyes s'est vanté que je n'aurai rien de son argent, et 
« que, si je l'ai fait chasser du Conseil du roi, je ne lui enlèverai 
t< pas pour cela son évêché, que je perdrai mon comté avant 
« qu'il ne perde son évêché. » Et depuis ce temps jusqu'à sa 
mort, à plusieurs reprises, on lui avait entendu dire qu'elle crai- 
gnait que l'évêque ne la fît empoisonner 3 . 

Mais il n'avait pas agi seul. Il était en rapports intimes et fré- 
quents 4 avec un Italien, Tenaille, fils d'un chevalier florentin, 
Simon de' Bardi 5 , et neveu de messeigneurs Biche et Mouche 6 . Ce 
Tenaille avait été receveur de Champagne; comme Guichard, 
il était l'ennemi irréconciliable de la reine de Navarre qui 
le persécutait et avait fait saisir tout ce qu'il avait 7 . Dans 
l'hiver de 1301, Tenaille se trouvait à sa maison de la Fon- 
de Bernard Saisset ( v. p. 20). La reine y avait également suivi le roi; elle 
resta à Senlis du 20 octobre au 6 novembre 4301J(Tabl. de Jean de S. Just, 
Histor. de Fr., XXII, 522-24). La disgrâce de Guichard était encore toute 
récente, et la rencontre des deux reines avec leur ancien favori avait dû 
échauffer les esprits. 

1. Blanche de Bretagne, fille de Jean, duc de Bretagne, mariée à Philippe 
d'Artois, fils de Robert II, comte d'Artois, mort en 4298. 

2. Mahaut, fille de Robert II, comte d'Artois, femme d'Othon IV, comte 
de Bourgogne, comtesse d'Artois en 1302, veuve en 1303, morte le 
27 octobre 1329. C'était la belle-sœur de Blanche de Bretagne. Voy. 
J.-M. Richard, Mahaut, comtesse d'Artois et de Bourgogne. Paris, 1887. 

3. Hermand de Vertus : « Episcopus Trecensis se jactavit quod ego 
« nichil habebo de pecunia sua, et quod si ego feci expelli a consilio régis, 
<( propter hoc ego non tollam ci episcopatum suum, et quod ego perd a m 
« comitatum meum antequamipse perdat suum episcopatum. » 

4. Niccolo de San-Miniato. 

5. Rico Jacobi. 

6. Gentile de Ficeclo. Tenaille demeurait près de chez Mouche, à deux ou 
trois maisons (Niccolo de San-Miniato). — Sur Biche et Mouche, v. p. 27, 
note 4. 

7. Rico Jacobi, en 1302, fréquentait à Florence chez Simon de' Bardi, de 
la famille de sa femme : « Plures littere dclate fuerunt ad... dominum 
« Symonem, ex parte dicti Tenaille, in Francia commorantis, filii dicti 
« domini Symouis, in quibus continebatur... quod dictus T. inter cetera 
« significabat dicto domino Symoni quod regina Navarre ipsum Tenaille 
« multum gravabat et saisiverat omnta que habebat idem Tenaille et ejus 
« uxor ». 






184 LES DÉPOSITIONS 

« au contraire, ce sera une aumône, car après, elle ne fera plus 
« de mal! » — « Ne me parlez pas plus longtemps de cela », 
répondit Jacques, « je ne ferai rien. » 

Aux foires de Lagny * qui suivirent, Tenaille le ta ta encore : 
— « Jacques, pourquoi ne fais-tu pas ce que veut Tévêque de 
« Troyes? tu ferais bien pourtant... » Il répondit encore qu'il 
ne voulait pas. Trois semaines après, Tenaille lui dit : ' — 
« Tu ne veux rien faire pour Tévêque de Troyes? Eh bien, je lui 
« ai envoyé Cassiano Pétri qui sait bien faire du poison, et je Fai 
« mis en rapport avec un Anglais qui est écuyer de la reine de 
« Navarre 2 . » 

Ce Cassiano, un Florentin, avait été apothicaire; il était alors 
« écrivain » à Paris, chez Biche et Mouche, dans la rue aux 
Bourdenais 3 . Un peu après Pâques 1302 (fin avril) on le vit, un 
soir, vers la tombée de la nuit, qui fabriquait le poison, chez 
Biche : il était assis dans une chambre, près d'une fenêtre ; 
une chandelle de suif brûlait devant lui ; il avait, dans 
une main, deux petites pierres, des diamants, et une mesure de 
sang; de l'autre, il tenait un marteau de fer. Il mit les diamants 
et le sang coagulé sur une pierre large, et il écrasa au marteau 
les petites pierres sur le sang, les pilant jusqu'à ce qu'elles 
fussent devenues comme une cendre ; puis il mélangea avec une 
poussière couleur de safran, et mit le mélange dans une petite 
boîte, qu'il ferma 4 . Il y avait là plusieurs Italiens qui le regar- 
daient faire : l'un d'eux lui demanda ce que c'était : — « Je vais 
« donner cela de la part de l'évêque de Troyes à un Anglais, 
« écuyer de la reine de Navarre, qui la sert à table : s'il fait 

i. Ces foires se tenaient au commencement de Tannée. 

2. Giacopo Aringi. 

3. Bianco Baldoyni : « eu m esset Parisius in hospicio domino ru m Bichii 
et Mocheti, Lombardorum, in vico aus Bourdenais ». Cf. Jean Margot. Voy. 
Hist. gêner, de Paris, Paris en 1380, p. 62. La rue existe encore dans le 
quartier des Halles :1a rue des Bourdonnais. Elle tirait son nom de la famille 
Bourdon, très nombreuse, qui l'habitait alors. 

4. Jean Margot. 



LES DÉPOSITIONS 

iladie avait la reine, le médecin répandit qu'elle 
tisonnée et qu'elle en mourrait sans qu'on pût y 
. Et comme le chapelain demandait comment cela 
' Jean dit « qu'il croyait que c'était l'évéque de 
l'avait fait empoisonner. Le dimanche au soir, la 
mangé une purée : le poison avait dû être mis 
Ah! Sainte Marie! qui a pu le faire? » s'écria le 
« Garnier, le neveu de l'évéque, qui a été autrefois 
son et a la livrée de la reine : toute la semaine il a 
ville; tous les jours il était ici, et cela ne me plai- 
soupconne qu'il a été de connivence pour empoi- 
gne '. » 

t deux jours après -, Ses deux chapelains, qui la 
rs de sa maladie et qui furent à ses derniers 
ent convaincus qu'elle mourait empoisonnée : elle 
mourant, et son visage fut, en plusieurs endroits, 
vasses J . Autour d'elle, on disaitque c'était l'évéque 
i l'avait fait mourir parce qu'elle le poursuivait 
e Jean de Calais et qu'elle l'avait fait chasser du 
. D'ailleurs il n'y avait que lui qui la haïssait *. 
ait passé trois semaines à Paris vers Pâques : le 
éjà que la reine était malade quand il était rentré 
»se. Il avait laissé a Paris un valet de Tenaille qui 
>orter des nouvelles de la maladie b . Aussitôt la 
; messager partit. Gomme il sortait, au matin, de 
Biche et de Mouche, à cheval, avec une bannière, 
aut, un Lombard le rencontra qui le questionna : il 
s de la part de Tenaille apprendre à l'évéque la 
ne; il ajouta qu'il serait à Troyes le jour même. 



la Tannerie. — Cf. Guillaume de ilolay, Hermand de Ver- 
Iholomei, Guill. Pastourel. 



188 LES DÉPOSITIONS 

« sons bonne fête, la reine de Navarre est morte ' !» et : — 
« Voilà, une de mes ennemies de morte, meurent ainsi tous les 
u autres - ! » 

Pourtant, au milieu de cette joie, les bruits d'empoisonnement 
qui couraient ne laissaient pas de lui causer quelque appréhen- 
sion. Il manda près de lui, à Auzon 3 , M* Jean, le médecin de la 
reine : — « Madame est morte, lui dit-il ; j'en suis fâché. Dit-on 
« qu'elle a été empoisonnée? » L'évêque était assis ; le médecin, 
mettant genou en terre devant lui, répondit qu'on le disait à 
Paris. G nie ha rd lui dit qu'il l'avait mandé pour le garder, comme 
médecin. Deux jours après, à Troyes, il le prit en secret : — 
« M' Jean, on m'a raconté que vous aviez dit que la reine avait 
« été empoisonnée et que c'était moi qui l'avait fait. » Le méde- 
cin répondit que non. L'évêque ajouta : — » Comment l'aurais-je 
« pu faire, étant si loin d'elle? Je ne ferais rien de tel, quoi 
qu'elle m'ait fait. * » 

Tenaille n'était pas moins soulagé que lui : sa grande ennemie 
était morte II lit grande chère. — « Grâce à Dieu et à Cassiano, 
u s'écria-t-il, elle est morte ! Elle ne me fera plus de mal ! b » 



Contre 



a do Blanche d'Artois 



I. Angelo Barthohmei. 

3. Auzon, arr. de Troyes, c°° do Piney. 

4. M- Jean de la Tannerie. 

5. Niccolo de San-Miniato, Giacopo Aringi. 



DEUXIÈME SÉR11 

Pour sa besogne, l'écuyer an 
son ', reçut des mains de Frai: 
l'évéque 2 . 

XXIII 

Comment il fut cki 

(32 t 

La chose s'était passée en tv 
des témoins fussent renseigné: 
l'accusation connaissait d'aillé 
deux témoins cependant furei 
dépositions vagues : ils savaie 
l'évéque avait été chassé du G 
l'occasion de Jean de Calais. 



De la mort de 

{■>! t 

Entre la Nativité de la Vier] 
l 8r octobre) 1302, un soir, apr 
clerc, procureur en la cour de 
avec sa femme, quand Thibai 
vint le mander de la part de ' 

1. Raoul, bouteiller de la reine, 
après, à Guillaume de Bolay, qu'il 
barîllicr de la reine de France, <jui i 

2. Rico Jttcobi. — Les Lombards 
mis avec Tenaille, leur neveu, dans 
Jacobi rapporte que, la reine morte 
renec, que Simon de' Bardi s'en ri 
avait apporte la nouvelle une lotir 
« Bichio de Franciscis, fralro domin 
■ Estagium». 



LES DÉPOSITIONS 

trouva couché, dans son lit. — « Il faut que tu ailles à Rome 
pour moi, lui dil Guichard : je te donnerai pour cela dix 
livres. Je te ferai donner tout de suite cent sous, tu auras 
les cent autres au retour : et avec cela, je ferai donner vingt 
sousà ta femme. Tu iras à Ivrée, en Lombardie, et, de là, à la 
cour romaine. Tu te dépêcheras d'aller à Ivrée pour y être 
avant certain « garçon ' », appelé Jean de Beaune, chanoine 
de Saint-Etienne, qui va à la cour romaine contre moi pour 
la reine de France ». Et, lui montrant un petit sac de toile 
ée, fermé et scellé du sceau de l'évêque (une petite cédule de 
rchemin y était attachée, sur laquelle on lisait : A Martino 
la Campane), l'évêque ajouta : — « Tu donneras à Martin de la 
Campane, à Ivrée, ce sac, où sont deux lettres : l'une pour 
Martin, où il y a (iO florins de Florence ; et l'autre pour M* Jean 
d'Amilli 2 , mon procureur en cour de Rome; et tu diras 
à Martin qu'il fasse ce que je lui mande dans le temps indi- 
qué ». Richard jura de le faire; et l'évêque, à son tour, jura 
? les saints Évangiles que, quand le clerc reviendrait, « i! lui 
donnerait son pain cuit en quelque bon lieu ». 
Richard se hâta tant qu'il put : en huit jours il fut à Ivrée, à 
ntrée de la Lombardie. Il trouva Martin, qui ouvrit le sac, 
it l'argent et la lettre qu'on lui adressait et remit l'autre 
porteur en disant qu'il ferait ce que l'évêque lui mandait. 
>mme Richard sortait de' la maison, il rencontra Jean de 
aune ; ils se saluèrent ; Jean lui demanda où il allait : Richard 
>oiidit qu'il allait à la cour romaine pour l'évêque ; Jean repar- 
qu'il y allait lui-même contre Guichard. 

Au milieu de la nuit, un valet de la maison où Richard était 
aché, le réveilla : Martin était venu dire que, s'il y avait dans 
maison des gens de France, ils ne partissent qu'au matin, 
il était mort chez lui un chanoine de Saint-Etienne de Troyes. 
i matin, Richard y alla avec Jean de Brienne, près Troyes, 
i logait avec lui : et il vit Jean de Beaune sur un Ht mor- 

. Le sens de ce root était alors injurieux comme l'est aujourd'hui son 

!■ M" Jean Je Langrcs ou d'Amilly, ditDandin. 



LES DÉPOSITIONS 



Du brait qui courait sur lui depuis longtemps à propos de U 
mort de la reine de France 



Sceau de Jeanne de Navarre, reine de France (1284) 
(Arch.Nat., J. 613, n» 20) 

La mort de la reine de Navarre n'avait servi ni l'évèque, ni 
Tenaille : la reine de France avait àprement poursuivi les reven- 
dications de sa mère ; et la haine des deux complices s'était encore 



LES DÉPOSITIONS 

que qui l'avait fait empoisonner, frère Durand, le confesseur 
reine de France, lui avait fait part des bruits qui couraient 
•■ la crainte qu'il avait, si la reine poursuivait l'affaire, que 
que ne lui fît comme il avait fait à sa mère *. 
i semaine après les Brandons * qui précéda la mort de la 
: 3 , Girard de Vauchassis, revenant de Paris, passait à Aix 
nt la maison de l'évêque. Guichard l'interrogea : — « Dit-on 
e la reine est malade? Sais-tu quelle maladie elle a? — 
irtes non, répondit Girard ; mais elle est gravement malade, 
îe que m'ont raconté Gilet de Sergines et Bracher, le cuisi- 
:r de la reine. i> L'évêque ajouta : — « On m'a dit qu'elle 
tourmente fort dans sa maladie; est-ce vrai? — Certes, 
. faut les croire : elle rejette le sang par en bas et par en 
ut, et l'on pense qu'elle ne pourra durer longtemps si cette 
iladie continue. — Dieu en soit adoré! répondit l'évêque. 
présent, elle sait, l'infidèle, ce qu'elle m'a fait. J'aimerais 
eux être juif que de ne pas me voir vengé d'elle avant de 
>urir ! Dieu m'aidera ! . . . Je voudrais bien que tu ailles immé- 
îtement à Paris et que tu me rapportes ce qui en est de la 
.ne. » Girard refusa : en entendant l'évêque, il soupçonna 
Guichard avait fait empoisonner ou envoûter la reine ; car 
lit entendu dire que l'évêque avait eu récemment les livres 
9 Jean de Gié, où étaient écrites, à ce qu'on disait, les pra- 
s de l'envoûtement 4 , 

reine était à peine morte que l'évêque dit à son entourage : 
Messires, voulez-vous savoir du nouveau? La reine est 
irte, ou elle mourra d'ici vêpres ! » Quelques-uns lui dirent : 
Mais, messire, comment pouvez-vous le savoir, puisqu'elle 

)épos., II, 22, Frère Durand. 

-14 mars 130S. 

,a reine mourut le 2 avril. 

iirard de Vauchassis : « Audiverat dici quod nuper babuerat libros 

;istri Johannis de Giiaco, in quibusdicebantur esse scripte diwulta- 

es h, Cf. Arch. Nal., J. 438, n° 4, la déposition de M° Jean de Gié. de 

ir-Aube : l'évêque l'avait fait mettre on prison et lui avait enlevé tous 

res, « de quoi il desroboit les gens, comme il disoit. » 



LES DÉPOSITIONS 



Que l'évêque fut un homme <■ 
(47 témoins) 



vicieux > 



.part des témoins déposent, dans les mêmes termes, que 
était diffamé pour vice d'incontinence, d'usure, de 
pour ses exactions et ses violences. C'est comme 
>itulation de ses crimes ; les témoins répètent des faits 
wrtés ailleurs par eux-mêmes. La plus intéressante de 
ùtions est celle de Jean Garnier. 

vie, l'évêque ne voulut payera personne ce qu'il devait; 
t ceux qui lui plaisaient et dommagea ceux qui ne 
, pas faire sa volonté ; il fut un homme de mauvaise 
; relations malhonnêtes. Beaucoup de ses créanciers 
it dans la misère parce qu'il ne voulait pas les payer. Il 
nq ans vers Pâques, Jean Garnier était à Saint-Lyé dans 
lie; aussitôt après la messe chantée, l'évêque, par 
ïarnier et M" Milon de Gondrecourt, mettant la main 
el, dit : — « M p Milon, par le corps du Christ qui est 
sacré, sans compter 7.000 livres que la reine a eues de 
; n'ai pas en biens mobiliers, avec mes chevaux, 300 

semaines après, monseigneur Enguerrand de Marigny 
'a, en biens mobiliers et en argent comptant, tant 
l'or et d'argent que de monnaie noire, à Troyes, chez 
ir, à Aix et à Sapoy, ainsi que chez les marchands des 
îsqu'à 17.000 livres 1 . L'évêque avait donc fait un 

mit ans, il avait promis, sur parole de prêtre, de don 
n Garnier la première marguillerie vacante : il y en eut 
1 vendit. 

niiius Anjorrandus de Marrcigniaco... invenit de bonis dicti 
mobilibus in pecuuia numcrata tam in denariis aureis quam. 
i, quam in moncta nigra, in doroibus dicti episcopî tam Trecis, 
illalorum, quam apud Aquas, quam apud Cepeyum, quam pênes 
es iiuiidinarum, usejue ad decem et septem millia libraram. » 



TROISIÈME SÉRIE .' ARTICLE 11 197 



Troisième série : I er article 

Que l'évêque se réjouit de la mort de la reine de Navarre 

(3 témoins) 

L'un d'eux, Guillaume Pastourel, ne savait que ce qu'il avait 
déjà dit *. 

II e ARTICLE 

Que le démon a dit « qiïon parlerait de lui plus que de tout 

autre » 

(27 témoins) 

L'évêque était en relations ordinaires avec le diable. Il avait, 
dans une fiole de verre 2 , — on le disait déjà quand il était 
prieur de Saint- Ayoul 3 , — un démon privé, avec qui il parlait 
quand il voulait. Sa concubine avait entendu dire à demoiselle 
Gile, femme de Mathieu Dubois, cousin de Guichard, qu'il avait 
un démon privé dans la corne de son capuchon 4 . 

Vers la Toussaint de 1300, M e Jean le Chirurgien se trouvait 
dans la prison de l'évêque à Troyes : étant aux latrines avec 
Robinet Maréchal, qui était détenu avec lui, il lui dit, en parlant 
de Guichard : — « Je n'ose rien dire de ce méchant camus qui 
« nous tient en prison, parce que j'ai entendu conter, il y a 
« longtemps, qu'il a un démon privé : et si je parlais de lui, 
« le démon irait aussitôt le lui rapporter ». Au même moment, 

1. Cf. Dépos., II, 22. — On se demande pourquoi l'accusation reprenait 
une seconde fois la question de la mort de la reine de Navarre après en 
avoir fait un article spécial dans la précédente série (art. 22) : on délayait, 
on décomposait les accusations, sans doute pour faire masse : les témoins 
ne pouvaient que se répéter. 

2. Lorsqu'on avait passé contrat avec le démon, celui-ci, en retour de 
Thommage prêté, ne pouvait se soustraire aux invocations : il se laissait 
enfermer dans des anneaux, des fioles de verre, etc. 

3. Guillaume Pastourel. 

4. Jacquette de Vinets. 



198 LES DÉPOSITIONS 

— il n'aurait pas eu le temps de dire deux fois le Miserere mei, 

— l'évêque l'envoya chercher par Robin, le portier. Quand il 
fut devant lui, dans la salle haute : — « Sale ribaud! » cria 
Guichard, « qui est-ce qui vous pousse à dire des vilenies de 
« quelqu'un qui ne vous aime guère ? — Qu'ai-je dit? » repartit 
le prisonnier. — « Tu as dit que j'ai un démon privé ! » Alors 
M e Jean, étonné : — « C'est vrai, je l'ai dit ; et je vois bien 
« que c'est vérité, car vous n'auriez pas pu savoir que je l'ai 
« dit si ce démon ne vous l'avait pas révélé. » L'évêque, en 
colère, le fit mettre aux fers *. 

Une autre fois, c'était à Aix, vers l'Assomption de 1302, 
entre nones et vêpres ; un juif de Troyes, Hagin, et frère Jean 
de Fay, prieur des Jacobins, venaient de sortir de la chambre de 
l'évêque. Pierre de Saint-Nizier entra, croyant trouver Guichard. 
A côté de cette chambre, dans une tournelle par où on accé- 
dait à la chambre et aux latrines et par où l'on pouvait aller 
sur les murs de la maison, se trouvait une garde-robe. Pierre 
entendit l'évêque, qu'il reconnaissait à la voix, qui disait : — 
« Qu'est cela? tu m'as déçu : je ne vois rien encore de ce que 
« tu as mandé! Dis-moi à quelle fin je puis venir de l'affaire que 
« j'ai contre la reine ? » Et Pierre entendit aussitôt une voix qui 
semblait sortir d'un endroit creux qui répondait : — « Ne te tour- 
« mente pas, car tu seras en tel état qu'on parlera de toi plus 
« que de tout autre prélat qui soit au royaume de France ! » 

Pierre soupçonna que c'était une réponse du diable, et, très 
effrayé, il se sauva en courant ; il ouvrit la porte de la chambre 
qui donnait sur la salle, et la ferma si violemment derrière lui 
que l'évêque entendit de la garde-robe. Et comme Pierre était 
dans la salle, seul, assis sur un siège, l'évêque parut à la porte 
de la chambre : il avait son vêtement noir avec sa chape, le capu- 
chon en arrière ; ses cheveux étaient hirsutes et hérissés, et, de sa 
tête, sortait comme une fumée de sueur. Troublé, il demanda à 
Pierre ce qu'il était venu chercher dans la chambre ; Pierre répon- 

1. M* Jean le Chirurgien. 



TROISIÈME SÉR 

dit qu'il voulait lui demander d 
rentra dans sa chambre et s'y i 
Pierre y entra, mais n'y vit pej 
la garde-robe, de peur que le rîi 
davantage encore que la voix qi 
diable qui causait avec l'évêque 
Quinze jours après, Pierre vit 
qui lui dit, tout effrayé, qu'un 
Guîcbard, mais qu'il n'avait pu 
à cause du diable qu'il croyait 
raser l'évêque une autre fois •. 
Un matin, à Sapoy, dans la 
Pastourel, croyant Guichard enc 
chambre, y entra ; ne le trouvai 
d'une tournelle qui donnait sur 1 
de ce côté, et passa la tête dans 
l'évéque,mais il entendit des sot 
qui sortaient d'endroits creux et 
comprit pas les paroles. Très ef 
c'étaient les voix de l'évêque et > 
Un jour, l'évêque étant à Sapt 
à Nogent acheter du poisson ; il 
de Poioise avec Galeran, le me 
dait à Troyes. Jean demanda < 
répondit qu'il n'était venu perso: 
« sera pour madame Jacquette » 
« n'est pas avec lui? » Pierre 
Sapoy, si rapidement que pers' 
L'évêque lui demanda s'il avait b 
et lui répéta ce qu'ils avaient dit, 
pensa que c'était le démon qui 
« Qui diable vous a dit cela ?» I 

1. Pierre de Sainl-Niiier. 



200 LES DÉPOSITIONS 

Frère Durand, le confesseur de la reine, avait entendu dire 
vers 1303, par Enguerrand de Marigny lui-même, que 1 evêque 
avait envoyé à un juif qui était hors du royaume, pour que ce juif 
fît qu'un diable, la nuit, pendant que la reine dormirait, lui appa- 
rût en songe et lui fît entendre qu'elle était dans les peines et 
les tourments à cause de l'affaire qu'elle poursuivait contre 
l'évêque, et qu'elle cessât de poursuivre cette affaire. Enguerrand 
en avait averti la reine *. 

Un juif était venu plusieurs fois chez l'évêque vers cette 
époque, et, chaque fois, il parlait en secret avec Guichard. Un 
jour qu'ils se quittaient, Tévêque ordonna à son chambellan de 
faire ce que le juif lui dirait. Le juif envoya Lorin chercher cinq 
quarterons de cire, et lui enjoignit de les faire peser séparément, 
de les faire chauffer à part dans de l'eau chaude, de les lui 
apporter dans la chambre de l'évêque en cinq parts égales et d'y 
faire en même temps apporter du feu pour travailler la cire. 
Lorin le fit. Alors le juif, avec l'un des quarterons, se mit à 
faire une figure; et, comme il ne savait pas la faire et que Lorin 
lui demandait à quoi il voulait en venir, le juif lui dit de lui 
donner un lumignon d'étoupe, et fit un cierge avec deux des 
quarterons de cire. Lorin acheva le cierge et demanda ce qu'on 
en ferait; le juif répondit qu'on l'allumerait chaque nuit ; et, le 
chambellan voulant savoir s'il n'en ferait pas autre chose, le juif 
ajouta qu'il en parlerait à l'évêque. Pendant les six nuits qui sui- 
virent, le cierge fut allumé dans la chambre de l'évêque : le juif 
venait et parlait en secret avec Guichard. La troisième nuit, le 
juif s'était retiré, Lorin l'avait accompagné et rentrait dans la 
chambre où l'évêque était resté seul : il entendit Guichard qui 
disait : — « Je pensais que mon affaire serait mieux faite qu'elle 
« ne l'est. Je suis déshonoré et j'ai perdu tout ce que j'avais! » 
Puis il entendit comme une autre personne qui disait : — « Ne 

1. Dépos., II, 26, Frère Durand. — Enguerrand de Marigny était sans 
doute de bonne foi, puisqu'il avait lui-même un démon privé qu'il consul- 
tait (Jean de Saint-Victor, Histor. de Fr., XXI, 661). Cf. Geffroi de Paris, 
Chron, rimée, ibid., XXII, 157, 



taf» • - ■■- ,- -i.ij.- i-«'--tï.;'y/'.r,î«wîpyœj 



202 LES DÉPOSITIONS 

y avait donc bigamie ! . Néanmoins, quand sa femme fut morte, 
il y a huit ans, Pierre entra au service de l'évêque, qui le béné- 
ficia en lui donnant, un an plus tard, l'église de More -, au dio- 
cèse de Troyes, et l'ordonna 3 . C'était à Saint-Flavit de Ville- 
maur que se passait la cérémonie ; le tabellion, Jean d'Orléans 4 , 
inscrivait sur un registre ceux qui allaient recevoir les ordres^ 
Pierre s'approcha et voulut se faire inscrire comme sous-diacre. 

— « Vous savez bien, lui dit le tabellion, que vous êtes bigame : 
« il y aurait danger pour vous et pour Monseigneur à vous con- 
« férer les ordres sacrés. Je ne vous inscrirai pas sans Tordre de 
« l'évêque. » Le prieur de Payns, à la demande de Jean 
d'Orléans, alla trouver l'évêque et lui dit en particulier qu'il se 
gardât d'ordonner Pierre, qu'il était bigame. Guichard répondit : 

— « Quand viendront ceux qui sont pour se faire ordonner sous- 
« diacres, nous défendrons à tous en général, sous peine d'excom- 
« munication, que les bigames se fassent conférer les ordres : 
« il l'entendra ; après, qu'il prenne garde à sa conscience s'il le 
« veut ! » Et Guichard le fit sous-diacre 5 . 

IV e article 

Quil fit mourir en prison un clerc qui n avait pu lui payer 

cent sous 

(3 témoins) 

Il y avait quinze ans, il avait fait saisir et emprisonner un 
clerc appelé Rainaud, qui avait tué un certain Egon, dit le 
Bœuf. L'évêque lui réclamait cent sous d'amende : le clerc, ne 
pouvant les payer, mourut en prison, et l'évêque eut ses biens 
meubles 6 . 

1. Au sens juridique du moyen âge. 

2. Hameau, c n « de Celles, c on de Mussy-sur-Seine, arr. de Bar-sur-Seine. 

3. Jean d'Orléans. 

4. Alors chapelain de l'évêque : il avait été notaire en Tofficialité de 
Troyes avec Pierre de Saint-Nizier (Prieur de Payns). 

5. Jean d'Orléans, Prieur de Payns. 

6. Prieur de S. Winebaud, Jean Cayphe, 



04 les dépositions 

vi* article 
Qu'il a porté les mains sur des personnes ecclésiastiques 

(40 témoins) 

La brutalité était comme une habitude de l'évêque : son tem- 
érament, son caractère entier le portaient facilement aux vio- 
mces ; et, pas plus que les laïques, il n'épargnait les clercs, 
rime grave. 

Un jour, du temps où il était sous-diacre à Saînt-Ayoul, Gui 
e Dampierre faisait quelque reproche à Garnier, un sergent du 
rieur ; Guichard, en colère, le saisit par ses habits et se mit à le 
ousculer ' . 

Lorsqu'il était abbé, ou l'avait vu, dans sa maison de Gra- 
ian -, réprimander son bouteiller, Jean de Courcelles, un 
rêtre, se jeter sur lui et le frapper si violemment au visage, que 
: prêtre en chancela et pensa tomber par terre 3 . 

Toute opposition le mettait hors de lui. Un peu après Noël 
300, dans sa chapelle de Troyes, Jean, curé de Montieramey, 
li disait qu'il faisait mal de soutenir l'abbé contre les bonnes 
ens de Montieramey : l'abbé se jeta sur lui en colère et le 
lalmena, puis le fit mettre en prison *, Il lit emprisonner un 
1ère qui s'était plaint de lui aux enquêteurs. Les clercs qui vou- 
lient en appeler de lui étaient chassés et malmenés 5 . Il y avait 

î l'abbé confessèrent devant les gardes des foires de Champagne qu'ils 
îvaientà la société des Cavassole, changeurs aux foires, 800 livres « ex 
causa mutui de débita dceorpore nundinamm que tune erant ». Leslettres 
■<li£«es, Adam Villaumc les porta aux changeurs : ils lui rendirent seul fi- 
ent 200 liv. ; Adam leur dit qu'ils répondraient des 1100 autres à l'évêque. 
solda les H0O livres en deux fois: d'abord 400 livres ; et pour le reste 
se fit débiteur de 452 livres, tant pour le principal que pour les usures 
.dam Villaumel. 

1. Guide Dampierre. 

2. Le texte porte Graviani ou Graciant. Nous n'avons pu retrouver celte 

3. Laurent de Ruvigny. 

4. Robin Didier. 

5. Abbé de Montier-la-Celle. Pierre de 5. Nizier. 



■v - w>sv» *< * Asr* «wn 



206 LES DÉPOSITIONS 

— « Messire, disait Erard, vous faites mal, car je me suis mis 
« sous la protection du siège apostolique ». Guichard était tout 
rouge de colère 1 . 

Il se laissait aller parfois aux dernières violences. Pendant le 
Carême de 4302, un écolier de Paris, Jean Brûlefoin, se pré- 
sentait à lui dans la petite salle, portant la tonsure et le 
capuchon en arrière. — « C'est toi », lui dit-il, « c'est toi le clerc 
« qui as apporté dans mon évêché des lettres de l'Université? » 
L'écolier répondit que oui. — « Prends garde de ne plus 
« apporter de pareilles lettres ! » reprit Guichard : c'étaient des 
lettres de l'Université contre des sujets de l'évêque. Le clerc 
répliqua qu'il en apporterait encore si ses maîtres l'envoyaient ; 
l'évêque irrité, la face enflammée, se jeta sur lui furieusement, le 
saisit à la poitrine, par ses habits, qu'il déchira, puis par le capu- 
chon, et lui serra la gorge au point que le sang lui sortait par le 
nez et par la bouche ; ensuite, Guichard l'envoya en prison 2 . 

Le lundi ou le mardi après l'octave de la Pentecôte 1308, 
M c Bertaud, médecin, clerc tonsuré, cité devant l'évêque à 
Troyes, vint lui demander : — « Messire, vous m'avez fait citer 
« devant vous : dites-moi, s'il vous plaît, pourquoi 3 ? » Sur ces 
mots, l'évêque le saisit d'une main à la poitrine, de l'autre par 
la tête et le traîna ainsi, en lui disant : — « Ribaud! voleur ! ta 
« fin est arrivée ! tu vas mourir ! tu me resteras ! je saurai si tu es 
« venu en armes ! » Guillaume leDiablat arriva, le dépouilla, jus- 
qu'à la cheveçaille 4 , d'une housse ou robe longue qu'il portait, le 
frappa du poing et lui serra la gorge : le médecin n'avait pas 
d'armes. Pendant ce temps là, l'évêque disait : — « C'est moi qui 
« te fais faire cela ! » Le médecin ignorait pourquoi on le traitait 
ainsi : le prieur de Payns avait dit simplement à Guichard que 
M 6 Bertaud avait mal parlé de lui 5 . 



1. Pierre de S. Nizier. 

2. Robin, portier de l'évêque, Jean de S l « Syre. 

3. Prieur de Payns. 

4. C'était une sorte de coiffure qui entourait le cou. 

5. Prieur de Payns, M e Bertaud. 



TROISIÈME SÉRIE : ARTICLE VII 

Enfin, l'affaire de Barbonne dont le dénouement a n 
public *, était connue de tous. C'était à l'Exaltation de U 
Croix de l'année 1300. Guichard, avec sa suite,' entra 
demeure du curé, qui était sous le patronage et la juridk 
chapitre de la cathédrale, et exempte de la juridiction de 1" 
Il entra malgré le curé et dit qu'il voulait déjeuner, bi 
n'eut pas droit de procuration et que le curé fût monté è 
pour signifier le fait au chapitre. M* Jean, curé de Cel 
Pierre Bernard de Navarre, familiers de l'évêque, prirent 
dans le cimetière, le jetèrent à bas de cheval, le traîner 
le cimetière en lui donnant des coups de poing et en lui 
la gorge ; le sang lui sortait par le nez et la bouche : il < 
plein les mains ; et les autres disaient qu'ils le malti 
ainsi sur l'ordre de l'évêque. Us lui enlevèrent son cl 
l'emmenèrent dans la maison de Jean Quarrez avec les che 
l'évêque, qui déjeunait chez ce dernier. Le curé entra, 
les familiers de Guichard ; il trouva l'évêque dans une i 
et lui raconta tout ce qu'on lui avait fait et dit : — « Maie 
« leur arrive, répondit Guichard, puisqu'ils ne vous ont p. 
*< bras et jambes de telle façon que vous ne puissiez ven 
« trapper ici ! » Le curé demanda à l'évêque de lui ren 
cheval et de lui faire amender cette injure. Guichard ne 
dit rien, et lui dit qu'il ne s'en occuperait pas 8 , 



Qu'il fit faire un faux instrument sous le seing de Jeai 

|8 témoins) 

Vers la fête de la Purification de la Vierge qui précéda 
de Benoit Xi h , M* Jean de Langres se trouvant à Rom 

1. Voy. pp. 18 et 46. 

2. C M de Muasy-sur-Seine, arr. de Bar-sur-Seine. 

3. Curé de Barbonne. 

4. Voy. pp. 163-64. 

5. 2 février 1304. 



" V -*nr***-^- 7"S7*?£1 



208 LES DÉPOSITIONS 

était allé pour l'évêque et plusieurs autres, un clerc, Jean de 
Trainel, alors en habit laïque, vint le trouver et lui dire qu'il 
était depuis longtemps à Rome et en Lombardie, pour 
l'évêque, le priant d'aller chez Jean de Calais, de lui parler des 
affaires de l'évêque, et de l'engager à aller trouver le cardinal 
Jean Lemoine pour lui confesser qu'il avait prêté faux témoi- 
gnage contre Guichard. Ils allèrent ensemble chez Jean de 
Calais, rue du Champ-de-Flore, et Jean de Langres dit au cha- 
noine : — « Messire, vous êtes homme à avoir conscience. Vous 
« avez porté témoignage pour la reine de Navarre contre 
« l'évêque de Troyes, ce qui fait grand dommage à celui-ci, vous 
« le savez : pour Dieu, si vous avez dit en cela quelque chose 
« que vous ne saviez pas, veuillez venir chez monseigneur Jean 
« Lemoine et lui dire la vérité : le cardinal écrira à Madame la 
« reine, qui se fie beaucoup en lui. » Jean de Calais répondit : 
— « Je n'irai jamais : je ne dirai pas autre chose que ce que j'ai 
« dit. Je suis fâché du dommage de l'évêque ». Et comme Jean 
de Langres le pressait de nouveau : — « J'aimerais mieux, reprit 
« Jean de Calais, qu'on m'arrachât les dents l'une après l'autre, 
« que de dire devant le cardinal autre chose que ce que j'ai 
(( témoigné ». Quinze jours après, Jean de Langres étant pour 
rentrer en France, Jean de Trainel le chargea de dire à l'évêque 
qu'il avait fait ce qu'il avait pu pour lui, et il montra à Jean de 
Langres un instrument public portant un seing de tabellion, en 
disant qu'il avait tant fait que Jean de Calais avait confessé ce 
qui était dedans, à savoir qu'il avait porté faux témoignage. — 
« Laisse-moi la paix », lui dit Jean de Langres, « je tiens cet 
« instrument pour suspect. » Six mois après, à Troyes, il revit 
Jean de Trainel chez l'évêque : — « Messire », demanda -t- il à 
Guichard, « Jean de Trainel que j'ai vu ici vous a-t-il apporté 
« des lettres? » L'évêque se taisait. Alors Jean de Langres 
reprit : — « Il pourrait bien vous avoir apporté des lettres qui 
« ne seraient pas bonnes et vraies... » Guichard ne répondit 
pas { . 

1. M c Jean de Langres. 



'*■' - 



TROISIÈME SÉRIE : ARTICLE VIU 209 

VIII e ARTICLE 

Qiïil fit faire un autre instrument sous le seing cTAccurse { 

Six témoins déposent ce qu'ils ont témoigné ailleurs ou ne 
savent rien que par ouï-dire. 

IX e ARTICLE 

Des deux faux instruments adressés au roi et à la reine 

Huit témoins répètent ce qu'ils ont déposé ailleurs ou ne con- 
naissent le fait que par ouï-dire. 

X e ARTICLE 

Que Vévêque est diffamé sur tous les faits ci-dessus 

46 témoins sont encore produits, et viennent, comme pour une 
conclusion, déclarer l'évêque diffamé sur tous les faits dont on 
F accuse. C'est un vicieux, un homme sans foi et de mau- 
vaise vie, de relations déshonnêtes, un extorqueur d'argent vis- 
à-vis des clercs comme des laïques, un incontinent, un meur- 
trier, un usurier, qui ne s'occupe pas d'où lui vient l'argent, 
pourvu qu'il en ait 2 . 



Plus de 200 témoins avaient été interrogés 3 ; une masse 
énorme de témoignages avait été recueillie : elle emplit presque 
à elle seule un rouleau de cinquante trois mètres de longueur. 

Tandis que sur la première série d'accusations, d'une nature 
toute particulière (empoisonnement et envoûtement), on n'avait 

4. V. p. 165. 

2. Robin Didier. 

3. Nous en donnons la liste en appendice. 

AJem. et doc. de l'Ée. des Chartes. 14 



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t 



n 

£ 



210 LES DÉPOSITIONS 

produit que huit témoins dont les dépositions, au moins les 
principales, étaient fort longues, — sur les deux autres séries de 
charges, comprenant trente-six articles, on avait multiplié les 
témoignages : la vie et les mœurs des prélats du temps, leur 
situation donnant prise à maints griefs, il avait été facile de trou- 
ver des témoins comme de produire les accusations. 

Parmi ces témoins, une grande part était naturellement com- 
£*' posée de personnes ecclésiastiques, les enquêtes commençant par 

l'entourage de l'accusé, et la diffamatio contre un évêque devant 
sortir d'abord de son église. Le clergé de Troyes, du diocèse 
t et de la région était largement représenté : vingt-cinq chanoines, 

% dont treize de la cathédrale, cinq de Saint-Etienne, deux de 

;•." Saint-Loup, et trois de Saint-Quiriace de Provins; — trois archi- 

• diacres, les doyens de chrétienté de Sézanne, d'Arcis, de Ville- 

r maur, de Nogent-sur-Seine ; — les abbés de Montier-la-Celle et 

de Nesle-la-Reposte ; — quatorze prieurs ; — treize curés ou 
chapelains, des moines, la plupart de Montier-la-Celle ; des 
notaires, gradués, clercs de l'officialité de Troyes. 

De l'entourage immédiat de l'évêque, sans parler de ses fami- 
liers 1 , on avait produit son chambellan actuel, Lorin, un ancien 
chambellan, Perrot, son cuisinier, son portier, son barbier, ses 
chapelains et sa concubine. 

Des autres témoins, la plupart étaient du pays, et le plus 
grand nombre de Troyes et de Provins ; il y avait un ex-prévôt 
de Troyes, un garde du scel de la prévôté, un chevalier, quatre 
médecins, un chirurgien, une douzaine de bourgeois de Troyes, 
des commerçants et des petites gens, deux sergents des foires 
de Champagne, un sergent de la baillie de Melun ; des Lom- 
bards, représentants des banques italiennes de Plaisance, de 
Florence et de Sienne, établis à Troyes et jusque dans des bourgs 
comme Trainel 2 ; — enfin quelques personnages étrangers au 

1. Félix de Villemaur, Gui de Dampierre, Guillaume le Diablat, Guil- 
laume Pastourel, Jacques de Bâçon, Jean d'Orléans, Jean de Trainel, 
Manessier, Pierre de Saint-Nizier, Pierre de Molay. 

2. Arrond. de Notent. 






212 



LES DÉPOSITIONS 



t 






<♦» 



somme très restreinte 1 . Les charges les plus accablantes pour 
l'évêque viennent d'une vingtaine de personnes à peine, parmi 
lesquelles figurent six Lombards, et portent sur certains articles 
d'une gravité particulière, l'envoûtement de la reine de France, 
l'empoisonnement de la reine de Navarre et l'affaire de Jean de 
Calais. On ne connaît pas assez les témoins, ni quelles furent 
leurs relations avec l'évêque, pour juger de la valeur de leurs 
dépositions : mais il y en a de fort suspectes, particulièrement 
celles des Italiens 2 ; et certains de ces témoignages à tendance 
hostile ne sont pas toujours en accord les uns avec les autres 3 . 
Toutefois, si des témoins furent achetés, on ne saurait dire, 
— quoi que la suite dût prouver, — que les accusations portées 
contre l'évêque fussent de pure tendance, qu'elles ne fussent 
point fondées. Dans les dépositions même les plus suspectes, on 
trouve des traits naïfs, des longueurs, des détails, une allure du 
récit qui donne aux faits rapportés toute la saveur de la véracité, 
et fait croire que les faits purent être exagérés, dénaturés, 
faussés par la complaisance ou par la haine, mais qu'au fond, 
l'évêque avait donné prise à presque tous ces griefs. 



1 . Voici les témoins qui chargent le plus gravement : Angelo Bartholo- 
mei, Bianco Baldoyni, Giacopo Aringi, Jean de Trainel, Guillaume Pastou- 
rel, Girard de Vauchassis, Jean Margot, Manessier, curé de Corfélix, Etienne, 
prieur de S. Ayoul, Jean Garnier le jeune, Pierre de S. Nizier, Renier 
Jean, Pierre Barrière, Niccolo de San Miniato, Gentile de Ficeclo (ou Phis- 
seclo). 

' 2. Bianco Baldoyni, Giacopo Aringi, Jean Margot, Gentile de Ficeclo, Nic- 
colo de San Miniato. 

3. Voy. particulièrement les dépositions des Italiens relatives à l'empoi- 
sonnement de la reine de Navarre (Dépos.,II, 22). — Le rôle des Lombards 
dans l'histoire de Guichard reste fort obscur. On les rencontre partout : 
ils sont tantôt ses amis secrets, tantôt ses adversaires déclarés. Des indi- 
vidus comme Tenaille, des sociétés comme les Pulci sont compromis avec 
l'évêque dans l'affaire de Jean de Calais ; d'autre part c'est par eux que 
Guichard est le plus gravement chargé. Ces gens d'affaires, ces financiers, 
dont quelques-uns, comme messeigneurs Biche et Mouche, étaient de 
grands personnages qui obligeaient le roi, étaient en somme suspects, et 
Ton sait qu'en 1311, tous les Lombards du royaume furent arrêtés. 



fek 



' f 



214 FIN DE L'ENQUÊT£ ET DÉNOUEMENT DU PROCÈS 

tions, protestant pour leur part qu'il ne tenait pas à eux qu'on 
ne procédât en cette affaire. Avec le consentement du procureur 
et sur sa demande, ils assignèrent l'évêque à comparaître devant 
eux à Paris pour le mercredi 3 décembre, afin de répondre, en 
second lieu et sans délai, aux dépositions des témoins : après, on 
procéderait définitivement selon que droit serait. 

Le 3 décembre, l'évêque comparut à Sainte-Geneviève, mais 
l'évêque d'Orléans étant malade, la procédure fut reportée au 
12 décembre, puis au 13. Ce jour-là, l'évêque comparut en per- 
sonne avec ses avocats et son procureur. Il fit exposer par ses 
conseillers que, du jour où il avait été pris, il avait été dépouillé 
par Guillaume de Hangest, bailli de Sens, et se trouvait encore 
privé de tous ses biens temporels et de la majeure partie de 
ses biens mobiliers * : qu'en conséquence il n'avait pas de quoi se 
défendre et ne pouvait faire avancer ce qu'il voulait contre les 
témoins 2 ; — que, dans le cas où il voudrait avancer quoi que ce 
fût, il ne pourrait trouver de témoins qui osassent déposer pour 
lui la vérité. Il fit ajouter que, même s'il avait la faculté de 
répondre aux témoins, néanmoins, attendu qu'il ne pouvait 
avoir copie de leurs dépositions, il ne voulait rien avancer contre 
eux. Il supplia les évêques de lui faire, s'ils le pouvaient, resti- 
tuer ses biens et de lui fournir la copie des dépositions. Les 
prélats lui demandèrent s'il avait été privé de ses biens avant 
le jour à lui assigné pour répondre aux témoins : il l'affirma, 
et dit qu'il s'en trouvait encore dépouillé à cette heure. Il 
demanda enfin aux commissaires de faire remettre l'enquête au 
pape avec ses protestations, déclarant une dernière fois que 

1. « ... Ipse episcopus, a tempore captionis ipsius episcopi, nudatus 
a fuerat et adhuc erat omnibus bonis suis temporalibus et majori parte 
« bonorum suorum mobilium per Guillelmum de Hangesto, baillivum 
« Senonensem, ita quod ipse episcopus non haberet unde posset se deffen- 
« dere nec proponi facere ea que vellet dicere contra dictos testes, ac si 
« aliquid proponeret, non posset habere aliquos testes qui ausi es sent 
« deponere veritatem pro dicto episcopo ad reprobationem dictorum 
« testium contra ipsum episcopum productorum ». Cf. p. justif., n° XV. 

2. Cf. Dupuy, ouv. ci7., p. 651, les protestations de Bernard Saissèt. 



FIN DE LENQIJÈTE ET 

lorsqu'il aurait la copie des dt 
le juge qui les lui aurait fourn 
oe pouvait les lui communiqii' 
lui assigné pour répondre, il 
l'avenir. Une dernière fois on 1 
aurait à dire contre les témoins 
une enquête plus complète 1 . 
L'enquête était close : elle e 
Cependant l'évêque restait i 
du Louvre, contre le privilège 
comme garde de sa personne, si 
du droit et pour atténuer la 
siastique. M Denis, doyen de 
le doyen qui, à chaque citatioi 
prélats enquêteurs. 

Le roi, par la mainmise sui 
privé Guichard de ses revenus 
sonné, n'en gardait pas moins 
spirituel : il restait en commui 
affaires ecclésiastiques. Le 5 av 
paroisse de Pel-et-Der 4 ; le 4 ju 

1. Tous ces renseignements sont 
n°7. 

2. H* Denis, doyen de Sens, appelé 
pelain, il fut pourvu, après la résigm 
évèque de Mcaux. du doyenné de 
Thomas rfe Vareêio, chanoine de Se 
Clément V en considération du roi 
n°45il). Le 7 sept. 1311, le pape l'a u 
son doyenné et les prébendes canon 
de Reims et d'Auxerre {ihid., n" 73: 
signalé comme faisant partie du 
(Ch. V. Langlois, Textes relatifs k Vh 
siégeant aux Grands Jours de Tro 
testamentaire du roi (déc. 1314) ; moi 

3. Voy. plus haut, p. 60, et p. justi 

4. Arch. départ. Aube, G. 776 (p. 
B rien ne-le -Chat e a u . 



216 FIN DE L ? £NQUÊTE ET DÉNOUEMENT DU PROCÈS 

les chapelains de Notre-Dame-aux-Nonnains à remplir leur 
office 1 ; le 15 juillet 1311, l'évéque de Chartres lui mandait de 
la part de l'archevêque de Sens de convoquer les chapitres, abbés 
et prieurs de son diocèse pour un concile provincial qui devait 
être tenu à Paris à l'Assomption 2 ; enfin, Guichard encourut 
l'excommunication de son métropolitain, l'archevêque de Sens, 
pour ne s'être point rendu au concile 3 . Il semble qu'on ait 
quelque temps privé l'évéque de son sceau : il ne pouvait en 
Caire usage quand il nomma, le 5 avril 1310, un curé à la 
paroisse de Pel-et-Der, et dut faire mettre aux lettres de nomi- 
nation le sceau de l'official de Paris 4 . Mais cette faculté lui fut 
bientôt rendue, car l'acte du 4 juin suivant est donné sous son 
sceau 5 . 

L'enquête était achevée depuis six mois et l'année 1310 était 
à moitié écoulée : l'affaire restait pendante. Le pape, à qui reve- 
nait de droit le jugement du procès, inquiet de la lenteur de 
cette procédure, intervint. Le 18 juillet 1310, il adressait du 
prieuré de Groseau une lettre aux prélats enquêteurs. 

« L'information par vous faite étant depuis longtemps close, à 
ce que l'on dit, nous mandons à Votre Fraternité de nous envoyer 
l'évéque de Troyes, et, avec lui, ladite enquête, enfermée sous 
vos sceaux, si elle est achevée ; de nous faire parvenir l'évéque 
sous bonne garde pour le recevoir selon qu'il le mérite ; et, s'il 
était nécessaire, nous vous enjoignons d'aller trouver notre très 
cher fils en Christ, Philippe, roi de France, pour lui parler à ce 
sujet 6 ... » 

Que se passait-il à Paris ? Le roi, ne voulant pas se dessaisir 



1. Lalore, Documenta relatifs à V abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains , 
pp. 139-140. La lettre de l'évéque est adressée à Me Barthélémy, « sigillifero 
nostro curie nostre Trecensis. » 

2. Lebeuf, Hist. d'Auxerre, II, 295, col. 2. — Bréquigny, Table chronol. 
des diplômes, VIII, 197. 

3. Reg. de Clément V, n° 9154. 

4. Arch. départ. Aube, G. 776 (p. justif., n° XIX). 

5. Lalore, ouv. cit., p. 140. 

6. Reg. de Clément V, n° 5509. 




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FIN DE L'ENQUÊTE ET DÉNOUEMENT DU PROCÈS 217 

de son prisonnier, pesait-il sur les prélats pour faire envoyer au 
pape une réponse dilatoire? Il fut répondu à Clément V que 
l'enquête n'était pas encore terminée *. 

Cependant deux cardinaux qui étaient alors en France, dont 
l'un Nicolas Normand, de Tordre des frères Prêcheurs, avait été 
autrefois le confesseur du roi 2 . avaient commission de s'occuper 
de l'affaire des Templiers et de celle de Guichard : les deux 
questions furent réservées à la détermination du concile général 
qui devait bientôt s'ouvrir 3 . Aussi, le pape, par une nouvelle 
lettre aux prélats, les pressa-t-il de lui envoyer l'enquête, leur 
reprochant vivement leur lenteur. 

« Vous n'avez pas encore, à ce qu'on dit, terminé l'enquête : 
« on peut vous en blâmer à bon droit. Pour racheter vos 
« retards et nous satisfaire en ce point par une information 
« rapide, nous vous mandons de procéder en cette affaire, pour 
« savoir la pleine vérité, selon que le droit réclame, et de nous 
« envoyer l'enquête, avec Tévêque, si elle est terminée ; si elle 
« ne l'est pas, de l'achever dans les trois mois qui suivront la 
« réception des présentes 4 ... » (Avignon, 9 février 1311). 

i. Voy. l'extrait de la bulle que nous donnons plus bas. 

2. M Nicolas Normand ou de Fréauville, de l'ordre des Prêcheurs, con- 
fesseur du roi après Nicolas de Gorran, cousin d'Enguerrand de Marigny, 
avait été fait, en 1305, cardinal-prêtre du titre de S. Eusèbe; après avoir 
été en 1310 délégué par le pape pour examiner les témoins dans le procès 
de Boniface VIII, c'est lui qui fut, en 1313, chargé de régler le sort des 
derniers Templiers. Il fit prendre la croix au roi, à ses frères et à ses fils 
à Paris, à la Pentecôte de la même année. Il mourut à Lyon le 14 février 
1323 (Baluze, Vitœ papar. Aven.,l, 636-37; Reg. de Clément V, n°» 6471, 
8971, 9649 ; Hist. liii., XXIV, 36 ; XXVI, 439). 

3. Jean de S. Victor (Histor. de France, XXI, 655) : « Tune erant duo 
« cardinales in Francia, frater Nicolaus Normannus, quondam régis 
« Franciae confessor, et quidam alius, qui de quibusdam negotiis, puta de 
« Templariis et de episcopo Trecensi, de quo supra, aliquantulum tracta- 
« verunt. Sedhaec et alia sunt determinationi generalis concilii reservata. » 
Le concile général de Vienne, convoqué d'abord pour le 1 er octobre 1310, 
avait été prorogé, par une bulle du 4 avril 1310 (Reg. de Clément V, 
n* 6293), au 1" octobre 1311 (Hardouin, ConciL, VII, 1334). 

4. Reg. de Clément V,n° 6591. — Peu après, le 18 juin, le pape renouve- 
lait auprès de l'archevêque de Sens une instance du même genre pour qu'il 
se pressât, à l'approche du concile, de lui envoyer l'enquête contre les 
Templiers (Reg. de Clément V, n°7157). 



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218 FIN DE L'ENQUÊTE ET DÉNOUEMENT DU PROCÈS 

Les prélats se hâtèrent de faire rédiger les pièces du procès : 
ils firent faire la grosse, puis la collation du processus et des 
dépositions par Jean de Gray et Adam de Montléon 1 , notaires 
apostoliques, qui avaient, dès le commencement du procès, 
assisté à l'enquête comme greffiers. Les pièces furent enfin 
adressées au pape avec l'assentiment de Tévéque (26 mars- 
l CT avriH311*). 

Il est probable que Tévêque fut alors remis à l'archevêque de 
Sens par le roi, pour être ensuite envoyé au pape 3 : pourtant 
rien n'est certain sur la manière ni sur la date de la translation 
de Guichard à la cour d'Avignon. 

Le concile de Vienne s'ouvrit enfin, le 13 octobre 1311, et 
dura jusqu'au 6 mai de l'année 1312. Le roi de France et son fils 
aine, le roi de Navarre, assistèrent à la deuxième session de l'as- 
semblée, mais on ne voit point que l'affaire de Guichard de 
Troyes ait été soumise à ses délibérations. L'importance des 

1. Adam de Mon tléon, clerc de Tofficial de Sens, 22 mars 1300 (Lalore, 
Cartul. du Paraclet, p. 272). 

2. Arch. Nat., J. 438, n° 7 : « Acta sunt hec annis, indictionibus, mensi- 
« bus et die bu s predictis in dicto processu contentis , exceptifs] colla tione 
« processus et depositionum et transmissione, que fuerunt facte per nos 
« Aurelianensem et Autissîodorensem episcopos predictos tam apud Mag- 
ic dinum quam apud Sanctum Argillum, Aurelianensis diocesis, anno 
« Domini M CCO decimo secundum morem patrie, indictione décima, 
« mense aprilis, diebus veneris, dominica, lune, martis, mercurii et jovis 
« post festum Annonciationis dominice, — présente nobiscum Adam de 
» Monteleone, qui predictis omnibus signum suum apposuit, dicto Johanne 
<( de Grayaco, publico notario, qui predictis omnibus processibus et exa- 
c minationi dictorum testium interfuerat, tempore colla tionîs et transmis- 
« sionis in remotis partibus, sicut intelleximus, agente, propter quod 
a signum suum non est predictis appositum, liect in dictis processu et 
« attestationibus appareant loca vacua in quibus posuisset signum suum si 
« presens in collatione et transmissione fuisset. — Deus Ecclesie sue, 
« Pater sanctissime, Sanctitatem Vestram sanam et incolumem conservet 
« per tempo ra longiora. » 

Le rouleau du processus (J. 438, n° 7) porte en tête : « Facienda est col- 
« latio, et expedit quod fiât per Adam de Monteleonis, vel présente ipso. » 

Cf. la lettre de Jean de Gray au pape pour excuser l'absence de son sceau 
sur les pièces (Arch. Nat., J. 438, n° 12 ; p. justif., n° XV). 

3. Voy. plus loin, p. 233, 






220 FIN DE L'ENQUÊTE ET DÉNOUEMENT DU PROCÈS 

répondit à l'archevêque « qu'il ne s'étonnait pas peu d'une 
« pareille sentence, que l'archevêque n'ignorait pas que l'évêque 
« de Troyes était, de l'ordre même du pontife, détenu à la cour 
c< d'Avignon ; il lui mandait donc d'avoir à faire cesser l'effet de 
« cette sentence et de révoquer tout procès fait à l'évêque en cette 
« occasion, en sorte que l'évêque n'eût plus à se plaindre par la 
« suite et que lui-même ne fût point obligé d'en récrire. » 
(19 avril 1313»). 

1. Pièce justif., n° XXI (Reg. Vatican, n° 60, fol. 77, cap. 236). 



222 DERNIÈRES ANNÉES DE l'ÉVÊQUE 

retour 1 . On chercha à lui faire résigner son évêché, mais Gui- 
chard s'obstina, 

N' oncques son anel ne vault rendre s . 

A la demande d'Enguerrand de Marigny 3 , le pape le transféra 
à un autre siège pendant qu'il nommait à l'évêché de Troyes, 
sur la prière du roi de France, Jean d'Auxois, chantre d'Or- 
léans 4 . Le chroniqueur ne dit point que l'instance d'Enguer- 
rand fût favorable à Guichard. Il semblerait plutôt qu'Enguer- 
rand, — qui avait procédé pour la reine à l'inventaire des biens 



1 . Après la mort de Jeanne de Navarre, la Champagne avait été de nou- 
veau détachée de la couronne, comme héritage de son fils aîné, Louis le 
Hutin, celui qui avait poursuivi l'évêque. Le roi de Navarre avait un carac- 
tère jeune et même enfantin (admodum puerilis : Contin. de Girard de Fra- 
chet, Histor. de Fr.> XXI, 35); il était aussi, comme son père, trop enclin à 
écouter ses conseillers : 

Car trop légèrement il crut... 

(Geffroi de Paris, Histor. de Fr., XXII, 164). 

2. Voy. p. 234. 

3. Jean de S. Victor (ibid., XXI, 644). « ... per papam translatus est ad 
« aliam sedem ad instantiam Enjorenni. » Enguerrand passait pour très 
puissant auprès du pape, si Ton en croit Geffroi de Paris, et Clément V 
l'avait comblé de faveurs : 

Arcevesques, évesques fist 
Qui po avoient de science, 
Car il avait en s'ordenance 
Roys et royaus et apostoille, etc. 

{Ibid., XXII, 143). 
Et plus loin, XXII, 150 : 

Ce fu cil qui fist cardonnaus. 
Et si le pape tint en ses las 
Que de petitz clercs fist prélas. 

Cf. Reg. de Clément V, passim, et partie, à Tannée 1309, les nombreuses 
faveurs accordées par le pape à Enguerrand et aux siens (n°* 4537 et suiv.) 
Cf. encore aux années 1312-1313. 

4. Jean d'Auxois, chantre d'Orléans, chanoine d'Autun et d'Airxerre 
(GalL christ., XII, 510; Reg. de Clément V,n° 2851), avait été en 1308 élu, 
concurremment avec Pierre de Grès, évêque d'Auxerre ; mais Clément V 
avait cassé l'élection. C'était un clerc du roi et sa nomination à l'évêché de 
Troyes fut faite cette fois par provision pontificale (14 mars 1314). Voy. la 
suite. 



224 DERNIÈRES ANNÉES DE l'ÉVÊQUE 

L'église de Bosnie, qui avait pour siège Diakovar, était suffra- 
gante de l'archevêché de Colocza *, et dans la dépendance du 
royaume de Hongrie ; mais la Bosnie était en quelque sorte indé- 
pendante avec des « bans » ou chefs militaires à sa tête 2 : elle 
n'en était que plus troublée, et la situation des chrétiens dans ce 
pays était au moins précaire. Une lettre de Jean XXII au roi de 
Hongrie montre qu'il n'y avait guère alors de sécurité dans ce 
royaume pour les églises et le clergé 3 . Le pays était à peine 
chrétien. Le même pape, écrivant le 18 juillet 1319 à Mladin, 
ban de Croatie et de Bosnie 4 , pour qu'il réprimât les hérétiques 
de Bosnie, disait 5 : « Nous n'avons pas sans grande douleur appris 

qu'était devenu Guichard à la suite de son procès. Jean de S. Victor dit 
seulement qu on le transféra sur un autre siège, et les historiens troyens 
rapportaient, sans doute par une fausse interprétation du texte du Ga//ia, 
qu'il était mort et qu'il avait été enterré dans la ville de Bône ou de 
Beaune. Guichard ne fut d'ailleurs pas enterré en Bosnie, s'il y mourut. Voy. 
p. 234. 

La nomination de Jean d'Auxois au siège de Troyes « par provision » 
montre que Guichard se trouvait à la cour pontificale quand la vacance fut 
déclarée. 

1. Theiner, Vetera monum. historica Hungariam sacram illustrantia, I, 
451 (n°DCLXXXVIII). — Diakovar est aujourd'hui une petite ville entre 
Drave et Save, à une cinquantaine de kilomètres du confluent de la Drave 
et du Danube, à 40 kilomètres environ d'Eszek (Osjek). 

2. Schwandtner, Scriptores rerum Hungaricarum, III, 412. 

3. Theiner, ibid., p. 457. « Ecclesias et personas ecclesiasticas regni tui 
<( habebis, ut condecet, in honore, ab eorum gravaminibus et oppressioni- 
« bus quibus in partibus illis multipliciter impeti et enormiter molestari 
« feruntur, nedum penitus temporalibus, quin etiam eis adversus quoslibet 
« opprimentes et gravantes easdem in libertatibus suis et juribus, efficaci 
« presidio régie tuicionis assistes, ac illas in suis bonis, possessionibus, 
« rébus et juribus manutenere curabis. » (7 juillet 1317). 

4. Schwandtner, ibid., liv. IV, ch. 13. Mladin était lui-même un protec- 
teur des hérétiques (Schmidt, ouv. cit., I, 125), et la Bosnie avait été au 
xm e siècle un des foyers du catharisme. Boniface VIII y avait porté l'in- 
quisition en 1299. 

5. Theiner, ibid., p. 463 « Sepe namque non absque gravi turbatione men- 
tis relatione ûde digna percepimus quod terra Bosnensis ejusque patria, 
hereticorum ob rectorum negligentiam longo tempore ibidem degentium 
tanta sit infidelitatis labe poilu ta, quod ibi desolentur ecclesie, clérical i s 
ordo sit extirpatus radicitus et Christi sacra irrisione pestifera con- 
culcentur, non ibi crucis reverentia... non viviûci sacramenti commu- 
nie», ipsius etiam baptismi nomen in plerisque partibus ignoretur a genti- 
bus.... » 



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DERNIÈRES ANNÉES DE l'ÉVÈQUE 225 

que la terre de Bosnie, par la négligence des prêtres hérésiarques 
qui y sont installés depuis longtemps, est à ce point souillée de 
la peste infidèle, qu'on y voit les églises désolées, Tordre du 
clergé entièrement déraciné : les choses sacrées du Christ y sont 
l'objet d'une dérision sacrilège, on n'y respecte plus la croix, on 
n'y croit plus au vivifiant sacrement de la communion, et le nom 
même du baptême est presque partout ignoré des peuples *. » 

Le clergé lui-même, dans ce milieu d'inconvertis et d'héré- 
tiques, laissait tomber sa foi et son orthodoxie 2 . 

C'est là que fut transféré Guichard : il est difficile de croire que 
la requête de Marigny lui fût favorable. L'évêque d'ailleurs n'au- 
rait pas accepté sa nomination : 

N'aultre eveschié il ne vaul prendre, 

Combien que une on lui donna 

Qui est es terres par delà : 

Mais ne l'accepta ne ne tint, 

Ne n'en rechut ne quart ne quint 3 . 

S'il occupa jamais son nouveau siège, il ne tarda pas à le rési- 
gner 4 . Il mourut peu après, le 22 janvier 1317 5 . 



1. Cf. Theiner, ibid. y p. 456 (Du registre de la collecte faite en Hongrie 
dans les bénéfices vacants : 1317) : « In civitate et diocesi Boxinensi, nichil 
« vacavit quod ascenderet ultra VI marchas.... quia illa civitas et diocesis 
« ejus sunt prope scismaticos et sunt quasi destructe. » 

2. Ibid. y p. 458. Lettre de Jean XXII au roi de Hongrie : « Inter cetera 
« quibus in Strigoniensi provincia décor ecclesie dehonestatus esse dinos- 
« citur, pudicicie lapsus graviter deploratur, dum ecclesiastici viri, eciain 
« sacerdotes, servituti carnis expositi et motum sequentes ipsius, concubi- 
« nas, ymmo foccarias tcnere publiée non verentur. » (10 juillet 1317). 

3. Voy. p. 234. 

4. Theiner, ibid., pp. 458-59. Le 3 juillet 1317, Jean XXII nomme, par pro- 
vision, Pierre évoque de Bosnie: «Olim siquidem bone memorie Guiczardo, 
« tune Bosnensi episcopo, regimen Bosniensis ecclesie, cui tune preerat, 
« in manibus nostris sponte et libère résignante, nos hujusmodi resigna- 
« tionc admissa... » Cf. Gams, Séries episcopor., pp. 368-09. 

5. Contin. de la Chron. de Guill. de Nangis (Hislor. de France, XX, 
617) : « Decesserunt etiam Guichardus, quoudam Trecensis episcopus, et 
« Johanncs, quondam cantor Aurelianensis, qui in episcopatu Trecensi suc- 

Mém. 01 doc. de VÉc. des Charles. ,â 






*) 









l*i 



226 



DERNIÈRES ANNÉES DE l'ÉVÊQUE 



Il n'est guère probable qu'après sa résignation Guichard soit 
resté en Bosnie, — s'il y alla jamais, — et qu'il y ait été enterré, 
comme le pensent les auteurs du Gallia christiana i . D'après 
une autre version plus vraisemblable, il fut enterré à Saint- 
Pierre, son ancienne église cathédrale, avec Jean cTAuxois, ce 
clerc du roi que le pape avait nommé pour lui succéder à Févê- 
ché de Troyes, et qui mourut en même temps que Guichard, sans 
avoir même occupé son siège 2 . 



« cesserat, ipso die consecrationis sue. » La mort de Jean cTAuxois est 
rapportée par le Gallia christ, (XII, 5t0) au 9 janvier 1317. Mais la mort de 
Guichard est rapportée au 22 janvier dans le nécrologe de l'église de 
Troyes (Camuzat, ouv. cit., fol. 196). Cf. Arch. dép. Aube, G. 2576 (liasse) : 
« 17 janvier : Ce jour 1313 mourut l'évesque Guichard... Il est au nombre 
« des bienfaiteurs; il donna pour son anniversaire les coutumes dePouilly... 
« Et les exécuteurs de son testament donnèrent encore 100 iïvres tour- 
ci nois... » (Lalore, Collect. des princip. obitu aires du diocèse de Troyes, 
p. 82). Cf. Bibl. de Troyes, ms. 2605 : 13 janvier (Lalore, ibid., p. 418). 
Voy. encore Lalore, ibid. (obit. de Saint-Pierre, p. 18) : Tévêque Guichard 
figure dans les « Recommandises qui se faisaient tous les dimanches à la 
« cathédrale de Troyes devant la chapelle Saint-Sauveur après la proces- 
« sion » (d'ap. un ms. du xiv e siècle de la Bibl. de Troyes.) 

1. XII, 509 : « terrae mandatus in ecclesia Bosniae. » 

2. Voy. p. 234 : « Tous deux a Saint-Pierre enfouis. » Il s'agit bien de 
la cathédrale de Troyes : c'est là en effet que fut enterré Jean d'Auxois, en 
face du grand autel (Gall. chr'ist., XII, 511). Les tombes existaient encore 
au siècle dernier : elles furent enlevées quand le chœur fut pavé en marbre 
(Courtalon, ouv. cit., I, pp. 363 et 368). 






CONCLUSION 



I 

LE PROCÈS DE GUICHARD ET i/oPINION 

Le procès de Guichard de Troyes n'avait pas seulement pré- 
occupé la cour, le roi et le souverain pontife : le retentissement 
en avait été profond jusque dans le peuple. Ce retour inouï de 
fortune, un riche évêque, l'ancien favori de deux reines, l'un 
des conseillers du roi, que Ton voyait aujourd'hui haï, chargé 
par tous; l'étrangeté du crime, l'éclat de l'arrestation, la 
dureté et l'injustice de la prison, cette accusation publique en 
assemblée devant la foule des clercs et du peuple, en plein Paris, 
tout ce scandale et ce mystère avaient ému l'opinion, curieuse 
de ces bruits, déjà excitée et mise en goût par d'autres scandales, 
et que passionnaient « ces grands et terribles procès, ces crimes 
affreux et étranges punis dignement par de grands supplices * . » 

Toutefois, du procès de Guichard, les contemporains ne con- 
nurent guère que le bruit. Il leur parut que l'évêque avait été la 
victime de certaines gens qui lui voulaient du mal [quidam mali- 
voli) 2 , et qui avaient machiné contre lui ces accusations mul- 
tiples et monstrueuses. 

Les faits sont simplement rapportés et répétés par une partie 
des chroniques. Le crime reproché à l'évêque était vaguement 
connu du populaire : on disait que l'évêque avait fait mourir la 

1. Michelet, Histoire de France, liv. V, ch. 5. 

2. Jean de Saint-Victor (Hislor. de France, XXI, 644). 



■**<"%r& 



228 LE PROCÈS DE GL'ICHAKD ET L'OPINION 

reine par des maléOces ou par le poison * . Ce qui frappait sur- 
tout le peuple, c'était la rigueur insolite avec laquelle on avait 
traité un prélat, en le mettant, à sa honte, sans égard pour son 
privilège, en prison séculière 2 ; c'était aussi l'énergie obstinée 
avec laquelle Guichard se défendait; et Ton attendait pour 
savoir quel serait le jugement du pape, à qui la cause allait être 
déférée en dernier lieu. Dans la chronique d'un bourgeois de 
Paris qui écrivait pendant l'enquête, on trouve un écho de ces 
rumeurs : 

[1305] En celé année, sanz doutance, 

Mourust la royne de France 
Et de Navarre, la très sage 
Jehanne, dont ce fu grant damage 
A touz, car tant com fu en vie, 
Ne fu France moult taillie, 
Mes fu le royaume 3 assez en pais 
Trop plus qu'il n'a esté après. 
De sa mort fu la renommée 
Qu'ele ot esté enpoysonnée. 
Ne sai s'il fu de cui séu ; 
Mais 1 moinne noir mescréu 
En fu : c'est l'evesque de Trois 
En Champaingne : si fu des roys 
Ccl evesque mal arrivé; 
De son temporel fu privé, 
Et grant temps en fu en prison. 
Je ne sai si ce fu raison ; 
Mes s'il a voit fet tel mette t 
Il devroit bien estre deffet ; 

1 # Contin. de Guill. de Nangis (Histor. de Fr. y XX, 598) : « [sortilegiis 
« aut veneno »; Contin. de Girard de Frachet (ibid., XXI, 31) : « maleficiis 
vcl veneno »; — cf. Ghron. de S. Denis (ibid., XX, 683). Plus original et 
mieux renseigné est Jean de S. Victor (ibid., XXI, 644 et 6ft2). 

2. Jean de S. Victor (ibid., XXI, 652) : « Quae (regina) dicebatur venefi- 
« ciis vel invocatîonc defuncta. Quicquid fueril, praedictus episcopus Tre- 
« ccnsis, nullius privilegii fretus vel fullus juvamine, turpiter est detentus 
« in carcerc, longoque tempore reservatus. » 

3. Il faudrait : le règne pour la mesure du vers. 



LE PROCÈS DE GUICHÀRD ET L'OPINION 229 

Car la royne fet Tavoit, 

Et de ses secrez il sa voit, 
Et estoit aussi son compère. 
Or ne say par quele manière 
Ce fu fait ; mes de grant ennuy 
Li a l'en fet, et contre luy 
Mainte chose a l'en proposé ; 
N'encor n'est il pas desposé 
De son office esperitel, 
Combien que de son temporel 
Ait damage eu grandement. 
Encor en pent le jugement 
De sa cause en la cort de Romme; 
Car Tevesque de Trois por homme 
Ne veut a son droit résiner; 
Ainçois veut oïr definer 
Sa cause par droite sentence. 
Or pri à Dieu qu'il l'en avance ; 
Car je tieng por fol cil qui cuide 
Et droit si a mestier dVide *. 

Un clerc de Troyes, qui écrivait trente ans après les faits 2 , nous 
a laissé, dans une version de « Renard le Contrefait M », l'impres- 
sion qui restait de ce scandale. Comme celle de Jean de Saint- 
Victor et du bourgeois de Paris, son opinion est favorable à 
Tévêque : l'histoire de Guichard était pour lui comme l'exemple 
d'une infortune imméritée, mais fermement et dignement suppor- 
tée : 



1. Chronique rimée attribuée à Geffroi de Paris, vers 2959-2998 (Histor. 
de Fr., XXII, \il). 

2. Le poème était achevé en 4343 (Paulin Paris, Mss. françois de la Bibl. 
du Roi, M, 173). 

3. Bibl. Nat., ms. franc. 370, fol. 59-00. Cette version est inédite ; une 
autre a été publiée par Prosper Tarbé, dans la Collect. des Poètes de Cham- 
pagne antérieurs au siècle de François I er , tome XIII, Reims, 1851, in-8° : Le 
Roman du Renard contrefait par le clerc de Troyes, pp. 90-93. Son ms., 
qu'il n'indique pas, offre des variantes que nous reproduisons lorsqu'elles 
ont un intérêt pour le sens. 



230 LE PROCÈS DE GUICHARD ET l'OPIMON 



Mais malheur est communaulx 

Aulx débonnaires et aulx faulx 4 : 

L'evesque de Troye le sceut bien, 

Que je a moult tressage tien 2 . 

Bonheur longtemps le mena , 

N' oncques tant ne pot ne pena 

Que tousjours tenir le peust, 

Combien que très grant sens eust 

Et qu'il y mesist moult de paines. 

Povre séculier fu, puis moisnes, 

Et puis de Saint Ayeul prieux, 

Dont pluseurs furent envieux ; 

Puis abbé de Monstier la Selle : 

La ne trouva il pas sa selle 8 . 

Bien le maintint comme sachant 4 : 

Qui ne m'en croit si le demandt. 

Puis n'orent milleur pastour 5 . fol. 59 v° 

L'abbiés 6 fis! clorre alentour 

De murs de pierres a cresteaulx, 

Les tours entour et les pommeaulx, 

Et la grant salle sur la porte. 

Alentour, dont mieulx se déporte, 

Y sont quatre grans tours quarrées, 

Bien assises et bien fondées 7 . 

Oncques n'y avoit eu cloison 

Qui eust pu tenir ung oison. 

Aucuns moisnes gré ne l'en seurent, 

Pour ce qu'aler jouer ne peurent 8 * 

La les mist il dessoux sa main ; 

4 . Tant aus debonnères com maus. 

2. Guichars, que ge a très saige tien. 

3. Celle. 

4. Mais la maintint très saigement. 

5. Ains n'orent nul meillor pastour. 

6. Vabaie. 

7. Ces détails manquent dans le ms. Tarbé. 

8. Le ms. Tarbé ajoute : 

En ville, nen près, n'en aunoi 
Ne porent puis faire donoi. 



LE PROCÈS DE GUICHARD ET i/OPINLON 231 

Grant peine y mist et soir et main *. 

Cil bon abbé fîst a son temps 

Très bien assis trois bons estamps, 

Pluseurs bons acquestz y acquist a , 

Et de plus grans proffis y fist 3 : 

Ne fu pas fol ne negligens 4 , 

Amer se fist a toutes gens. 

N'yert pas des moisnes qui or sont : 

Ghascua poeult sçavoir corne ilz font j 

Qui tiennent les grans priorés, 

Terres, rentes et richetés : ! 

Leur monstier chiet, leurz cloches vendent, 

En gloutonnie tout despendent, j 

Leurs maisons toutes se descoeuvrent, 

De nulle chose ne recoeuvrent 

Fors de garces et de voisins 

Et de ceulx qui ayment lopins. 

Bien a yeulx clos les nommeroye. j 

Cil abbé ne tint pas tel voye. j 

Puis fu evesque esleus, j 

Cil qui fu si sage sceus, 

Par le nom de lui qui courut 

Quant Tevesque Jehan morut ê 

De Nantoeul, Tan M. trois cens 5 , I 

Si com je truis par mon assens. 

Fu par chapitre esleu j 

Tant qu'evesque de Troye fu, ; 

Par Tacord du doien Denise 6 , j 

Qui ad ce faire paine a mise, 



i. D'eus fu sires et soir et main. 

2. Voy. plus haut, p. 9, l'acquisition du grand domaine de Verdey. 

3. Moût d'onors, de pourfiz i fist. 

4. Ce passage manque dans Tarbé, jusqu'à : Puis fu evesque esleus. 

5. Le poète ne se souvient pas bien : Jean de Nanteuil mourut le 3 août 
1298. — Ce passage manque dans Tarbé, qui porte seulement : 

Touz chapistres a Voctroi fu 
Que evesque fust; et il le fu. 

Il reprend au vers : Certes moult grand honneur lui vint. 

6. Denis de Chamguyon. 



232 LE PROCÈS DE GUICHARD ET l/OPIMON 

Pour ce qu'il est ses congnoissans 

Et qu'en Champaigne fu naissans. 

Certes moult grant honneur lui vint 

Quant [de] moisne evesque devint. 

Tousjôurs bonheur y lui courut * 

Jusques la royne morul, 

J henné de France couronnée 

Et qui fu de Champaigne née, 

Femme du roy Philipe le Bel. 

De sa mort ne fu pas revel 

Quant honneur deust Champaigne avoir 

Quant elle perdi ung tel hoir. 

Champegnoise et Champaigne ama. 

Maie semence cil sema 

Qui celle dame a la mort mist, 

Car pour vray, se elle vesquist, 

Bourguignons pour riens ne fesissent. 

En Champaigne riens ne tenissent, 

Ne point n'y oseroient acquerre 

Château, seignourie ne terre 2 

Jusqu'à ce jour qu'elle morut 
Bonheur sur cellui 3 courut : 
* Lui morte, ceulx qui le hairent 

De lui grande malichon dirent, 
Sur lui mirent moult d'acoisons, 
Murdres, bougueries, poisons, 

Qu'il n'avoit point esté filz d'home, f° 60 

Pluseurs dolleurs que je ne nomme. 
Qui plus controuver en pooit 
Cil plus volentiers en ooit 4 . 

i. Tout ce passage est encore supprimé dans Tarbé, jusqu'à : 

Sur lui mirent moult (Tacoisons. 

2. Ceci montre assez combien l'influence de la reine était restée grande 
on Champagne même après la réunion à la couronne. 

3. Le poète revient à Guichard. — Tarbé ajoute ici : 

Puis avint il quon anorta 
(Cil qui queroient son annui) 
Le roi de France encontre lui. 

4. Et plus voulen tiers l'en looit. 



k. 






■» *-. » 



234 LE PROCÈS DE GUICHARD ET i/oPINION 

Et tout le depost des tesmoingz, 
Plus l'ama K et l'en hay moins. 
Si fu il en fort prison mis, 
Mais toudis fu Dieu ses amis, 
N'oncquez son anel ne vault rendre, 
N'aultre eveschié il ne vaul prendre, 
Combien que une on lui donna 
Qui est es terres a par delà 3 : 
Mais ne Tacheta ne retint 4 , 
Ne n'en rechut ne quart ne quint. 
Mais le pappe qui poeult sur droit, 
Qui la foy ayme moult et croit, 
Pour obeyr à sa prière 
Donna ce qui a Guichart yere 
A ung sien clerc son eveschié. 
Or garde bien s'il fist pechié 8 : 
Jehan otnom, mais peu le tint, 
En son temps a Troyez ne vint, 
Jusques la mort sus lui courut 6 . 
Et Guichard en cel an morut : 
Tous deux a Saint Pierre enfouis 7 . 
Bien fu Guichart par eur 8 mis 
De bas en hault, de haulten bas. 
Tel heur ne me laisse pas 9 . 



1 . Consoil ot. 

2. En Grèce. 

3. L'évêché de Bosnie. 

4. Mes ne Paccepta ne ne tint. 

5. La variante de Tarbé semble plus juste : 

Mes li Papes, qui puet sus droit, 
Qui le Roy aime trop et croit. 
Pour lui servir, a sa prière 
Donna, ce qui a Guichart yère, 
A un sien clerc celle eveschié. 
De Troyes : dont il fist pechié. 

6. Jusques mort li aporta l'en. 

7. Andui a Saint Pierre sont mis. 

8. Eux. 

9. Tarbé ne publie pas cette conclusion. 



-Jj 



236 LE PROCÈS DE GUICHARD ET i/OPINION 

« face ni l'effet de ses prétentions, put renoncer à faire pro- 
« noncer une condamnation politique qui avait cessé de lui 
« paraître utile. » 

Boutiot, après Boissy d'Anglas, a affirmé que le procès de 
Guichard avait été le contre-coup de sa conduite dans la querelle 
de Philippe le Bel et de Boniface VIII, que « le roi n'avait pas 
« pardonné à l'évêque son ultramontanisme déclaré 1 . » 

Mais si Guichard fut au nombre des prélats qui se rendirent à 
Rome sur la convocation de Boniface VIII, si des agents du pape 
furent arrêtés à Troyes au moment le plus critique du différend, 
on n'en peut conclure que l'évêque fut « un adversaire avoué de 
la politique du roi » : on n'en a pas en tout cas de preuve directe, 
et d'ailleurs rien ne laisse soupçonner qu'il ait été poursuivi de 
ce chef. 

Le véritable et premier motif de son procès est plus intime. 
Avant l'arrestation des agents du pape à Troyes, avant que 
l'évêque même n'allât à Rome, — s'il y alla jamais, — contre 
lui déjà des haines étaient amassées, un procès accablant se trou- 
vait entamé, qui dura quatre ans et fut mal étouffé. Le grand 
procès de 1308 ne fut qu'une reprise, sur fond nouveau, des pre- 
mières accusations, et ceux qui soutinrent cette deuxième action 
avaient été, dans la première, les adversaires les plus acharnés de 
Guichard. Ce procès n'était que la suite, la complication de l'af- 
faire, d'abord toute personnelle, de Jean de Calais ; les haines n'en 
devaient être que plus vives, et l'on ne peut s'étonner qu'elles 
se soient transmises de la mère à la fille et au petit-fils. 

Que des griefs politiques se soient greffés sur cette intrigue de 
cour et soient venus, sourdement, aggraver l'accusation, rien de 
plus vraisemblable : l'évêque, persécuté par la cour, put être soup- 
çonné d'incliner naturellement du coté adverse. Mais la chose 
n'est rien moins que certaine. On supposerait plus aisément que 
Guichard eut contre lui, pour achever sa disgrâce, les rancunes 
et les jalousies de la cour, tous ceux, clercs ou seigneurs, qu'il 

1. Boutiot, Hist. de Troyes, II, 9-10, 17. 



LE PROCÈS DE GI 

avait aigris par son orgueil o 
peut-être est-ce là le secret df 
l'inimitié d'Enguerrand. 

Ce qui est certain, c'est que 
appareil formidable, la présent' 
dans les poursuites, de ces maît 
Dei, par l'intervention du roi 
autre chose qu'une simple allai] 
de la mort de la reine de F ranci 
l'accusation, Nogaret l'ait trai 
compliquée par des griefs de s 
cause privée au ton des grands 
du Temple. 



LE PROCÈS DE GU 
ET LES GRANDS PROCÈS DU 

L'intervention de Nogaret et 
mime, simultanée dans ces trot 
Templiers, de Boniface et de Gi 
la coïncidence des poursuites n 
qu'à la faveur de l'affaire du T 
complaisante du pape, on ava 
assoupis de Boniface et de Guit 
ensemble de front et d'un mêmi 

On ne peut s'étonner qu'ils ] 
comme la marque d'un même 
dans les détails et les péripéi 
l'intérêt de ces grands drames 
Certes elle est assez eu ri eu si 
l'histoire de ce petit moine than 



238 LE PROCÈS DE GUICHARD DE TROYES 

tire de son cloître pour l'élever à une haute prélature et le pous- 
ser jusqu'au Conseil du Roi; évêque aux allures laïques, aux 
mœurs relâchées et violentes, que sa cupidité perd en un jour, 
et qui, par un retour inattendu des choses, quand il a vaine- 
ment cherché, par la souplesse de l'intrigue, par les maléfices 
haineux de la magie, à ramener à lui la fortune, se voit après cinq 
ans d'une dure prison, condamné, pour finir sa vie, à s'exiler à 
l'autre bout du monde chrétien, dans une pauvre église de Bosnie. 
Mais l'intérêt n'est pas seulement dans le roman de cette 
histoire. Aussi bien le procès de Guichard n'est qu'un épisode de 
cette longue tragédie du commencement du xiv e siècle, et 
Tévêque de Troyes n'en fut ni la première ni la plus innocente 
victime. Où va l'esprit curieux de ces causes extraordinaires, ce 
qu'il cherche, l'histoire achevée, c'est à percer le mystère de 
toutes ces accusations, à saisir l'inspiration qui anime les pour- 
suites, à voir par quels procédés on les conduit. A ce titre 
encore, le procès de Guichard de Troyes méritait d'être mis au 
jour : il offre, pour une telle étude, un nouveau terme de com- 
paraison. 

Les accusations. 

Les accusations contre Guichard se rapprochent surtout de 
celles qui furent, au même moment, élevées contre Boniface VIII 
et contre les Templiers. On peut dire qu'à cette heure, l'esprit de 
Nogaret, excité et aiguisé par la besogne et par le péril, arrivait 
à la pleine maturité de ses moyens, à toute sa profondeur astu- 
cieuse, en même temps qu'à toute la délicatesse de son raffine- 
ment. Par l'habitude de l'action, il s'était composé, dans son 
génie pervers, des procédés violents et souples, qu'il maniait et 
variait avec aisance et selon les cas. Mais, toujours et partout, 
ayant à combattre l'Eglise, avec une ironique habileté il avait 
préparé, pour l'avoir tout prêt et l'avancer chaque fois, un grief, 
comme le coin avec lequel il ébranlait l'adversaire : l'hérésie. 
« Il eut l'idée audacieuse de retourner contre l'Eglise ses propres 



K7W ■ 



ET LES GRANDS PROCÈS DU RÈGNE DE PI 

armes... Ce lils d'Albigeois a immolé Bo 
Temple avec un fer sacré' ». C'est encore < 
tion d'hérésie qu'il essaya contre Guichard, i 
pour la renouveler, ses facultés ordinain 
d'invention, il alla, cette fois, plus loin qu 
Boniface et les Templiers, et l'accusation < 
chard était à la fois plus complexe et mit 
« crimes » relevés contre l'évèque constitui 
plus noire des hérésies, le satanisme. 

Pour les Templiers, les scènes d'initiati 
l'Ordre, ces grossières plaisanteries de corp 
portaient des formules de reniement et le 
croix, mal connues, mal interprétées, avaie 
prise à l'accusation d'hérésie ; de même cei 
sèment insinués et propagés, de l'adorati 
l'omission des saints mystères dans l'offic 
avait suffi à fonder un argument ' î . Pour 
se faisait presque d'elle-même : le pape éta 
que le contact des civilisations exotiques di 
vie molle et matérielle, l'éducation nourrie 
sans les délier de leur dévotion étroite, ni i 
sans dégager leur esprit des superstitions coi 
détachés de la foi pure, du respect religieu 
ment amenés, sur certains points, vers une 
de parole qui semblait profane et qu'o 
l'athéisme : et, — comme Frédéric II, - 
cachait point. « Il ne croyait pas à l'immor 
la vie éternelle, ni à l'Eucharistie ; il n'avai 
le corps du Seigneur, particulièrement au mo 
C'était un invocateur des démons 4 , un sacr 
les esprits et les sorcières 5 ... » 

i. Ch.-V. Langlois, Revue des Deux-Monde», la j; 

2. Ibid. 

3. Dupuy, Preuves du différend..., p. 329 (art. H 

4. Ibid., p. 240 fart. III). 

5. Ibid., p. 333 (art. X). Cf. pp. 331-332 (art. IX) : 



• S. 



-m «*■„ , 



240 LE PROCÈS DE GUICHARD DE TROYES 

Ainsi, la négation du Christ et de la vie éternelle, le culte et 
l'invocation du diable et des idoles, telles étaient les hérésies que 
Nogaret avait relevées contre le pape et Tordre du Temple, 
mélange un peu confus d'erreurs dogmatiques et de diabolisme. 

Contre Guichard, il ne semblait pas si aisé de dresser de pareils 
griefs. Si profanes, si violents d'allures, si débauchés même que 
fussent ces prélats mondains, de là à l'hérésie, il y avait loin, 
et, pour porter et soutenir pareille accusation, l'opinion n'était ni 
assez émue ni assez travaillée. 

Nogaret la reprit pourtant, du moins sous une de ses faces, et 
en la transformant presque complètement pour lui donner nou- 
velle prise. Guichard fut un démoniaque : c'est la formule propre 
de son hérésie. Il Tétait, et par sa naissance, et par la nature 
même de son crime. « Fils de neton », d'un incube, il avait 
toute sa vie invoqué le démon ; il s'était fait par contrat 
(( Thomme du diable » ; il avait commis enfin le plus diabolique 
des crimes, celui qui supposait les accointances les plus directes, 
qui impliquait le commerce le plus étroit et comme une foi 
mutuelle et mystérieuse entre Thomme et le diable : Tenvoû- 
tement. 

C'est Tidée maîtresse de l'accusation. Toutefois il ne semble 
pas que Nogaret Tait conçue d'abord d'une façon aussi 
précise et aussi complète : le processus même de l'accusation 
montre que la conception ne se forma que peu à peu dans son 
esprit. D'abord simple, le grief se compliqua dans l'imagination 
retorse du légiste, il prit une forme nouvelle, insidieuse, il se fit 
plus acéré et plus pénétrant. 

L'envoûtement fut le point de départ. Que l'accusateur eût 
inventé le crime de toutes pièces, ou, ce qui est plus probable, 

« un esprit et démon familier que lui avait donné une femme ; un autre, 
« plus puissant, qu'il tenait de M c Georges de Simbilico ; et M Boniface le 
« Lombard lui en avait donné un encore, des plus puissants, enfermé dans 
« un anneau, et qu'il appelait Boniface. 11 se servait du conseil de ce 
« démon en tout et partout. On l'entendait très souvent parler avec lui ; 
« et toujours, quand il l'invoquait pour en avoir un réponse, il faisait une 
« subfumigation. » 



ET LES GRANDS PROCÈS DU RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL 241 

qu'un bruit courant dans le pays, un essai de révoque, révélé 
par ceux qui avaient trempé dans ses pratiques, en eût suggéré 
l'idée, — c'était déjà un élément nouveau d'accusation, une 
variante aux procédés ordinaires, dont il devait tirer grand pro- 
fit. L'hérésie apparaissait ici concrète, avec des formes maté- 
rielles, exprimée en des pratiques étranges et de facile créance 
pour l'imagination populaire. Dans la première accusation , 
l'évêque fut donc présenté gravement comme « l'homme du 
diable », qui, pour en venir à sa fin exécrable, la mort de la 
reine, n'avait pas craint de consulter une sorcière, d'invoquer le 
démon et de lui faire hommage en lui engageant un de ses 
membres *, puis, ainsi lié avec Satan, d'achever son œuvre 
maligne en faisant mourir la reine de mort mystérieuse et 
rapide. 

Cependant le crime parut insuffisant en lui-même, et, sans 
doute, Nogaret ne négligeait pas sans regret cette accusation de 
reniement, qui, précisée et exprimée par un acte bien scanda- 
leux, avait le don de faire frémir dans leur foi naïve les âmes 
profondément pieuses de ces temps. Ce grief, le comble de 
l'hérésie, ne pouvait s'user. Après en avoir accablé Boniface et 
les Templiers, il voulut en charger Guichard, et, quel qu'en fût 
le fondement, dans l'ébauche d'une deuxième série d'accusations 
il essaya de l'introduire : « Il est bougres et mescreans en la 
« foy, quar quant il chantoit la messe, il tenoit le cors Notre 
« Seigneur en sa bouche sanz user et gitoit jus 2 ». 

Après ce crime horrible de cracher l'hostie, cette injure san- 
glante à la face divine qui liait doublement l'homme à l'Esprit 
mauvais, Guichard pouvait s'attendre à se voir déclarer, comme 
jadis Saisset, un « homme de mort 3 ». Mais l'accusation, après 
toutes les autres, était sans doute trop malaisée à retenir encore, 
ou trop délicate à prouver : elle ne fut pas introduite dans les 

1. Voy. les propositions du bailli de Sens, promoteur de l'accusation, et 
les articles des commissaires ecclésiastiques dans la deuxième série d'accu- 
sations. 

2. Voy., p. iOO, l'information secrète contre l'évêque. 

3. Dupuy, ibid.y p. 630. 

Mém, «t Dot. de VÉccU du Chartes. 16 



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-t 

i 




242 LE PROCÈS DE GL1GUARD DE TROYES 

griefs des commissaires ecclésiastiques ; le promoteur l'avait 
probablement de lui-même abandonnée. 

Il ne se découragea pas : et si l'enquête qui fut faite dans le 
pays au cours des poursuites ne lui fournit pas le moyen d'appuyer 
cette terrible accusation, elle lui donna l'occasion * d'en imagi- 
ner une autre, non moins diabolique, dont il pouvait espérer 
même effet, et qui allait à son gré compléter et aggraver le 
grief d'envoûtement. On sut qu'au temps où Guichard était né, 
un bruit, devenu légende à cette heure, avait couru, que la 
maison de son père était infestée du démon, et que Fenfant, 
dont la mère avait été jusque là stérile, était fils d'un incube ou 
d'un neton ; on disait même que l'évêque Nicolas était venu k 
Villemaur pour purifier la maison et en chasser l'esprit 2 . 

C'était assez. L'évêque était fils du diable : de par cette ori- 
gine, il n'avait été toute sa vie qu'un possédé, un satanique. 
Avec ce grief à la base, tout s'enchaînait, les accusations décou- 
laient logiquement, et les pires n'avaient rien d'étrange. On pou- 
vait sur ce fond nouveau reprendre tous les arguments déjà pro- 
duits contre Boniface, mais avancés isolément, sans cohésion, 
et par suite avec moins de force. Ici tout s'expliquait naturelle- 
ment; on comprenait maintenant à qui l'évêque devait sa 
richesse 3 , sa fortune continue, et sa vengeance : sans cesse il 
avait été en communication avec le diable. Il avait dans une 
fiole de verre un démon privé qu'il consultait ; une fois il s'était 
enfermé la nuit avec un cierge allumé pour invoquer le diable 4 ; 
on l'avait entendu seul dans sa chambre causer avec une voix 
rauque qui lui répondait : il disait : — « Qu'est cela? tu m'as 
« déçu », et la voix répondait ; — « Ne te tourmente pas, tu seras 



i. La charge n'apparaît pas en effet avant l'enquête faite à Troyes en 
décembre 1308 par Noffo Dei ; elle n'est introduite que dans la 2° série 
d'accusations. 

2. Voy. la 2° série d'accusations, art. I, et les dépositions relatives à cet 
article. 

3. Dépos., II, i. 

4. Ibid., III, 2, Lorin. 



**.:■ 'y* 



ET LES GRANDS PROCÈS DU RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL 213 

« en tel état qu'on parlera de toi plus que de tout autre prélat 
« du royaume de France * ! » 

L'accusation n'était plus commune : le procédé, languissant 
et usé par l'emploi, était habilement relevé et renouvelé ; 
comme une arme retrempée, il était sûr pour une nouvelle 
attaque. L'hérésie de Guichard allait avoir pour la condamner, 
plus encore que la réprobation froide des docteurs et la foi 
révoltée des croyants, — ce sentiment, escompté par l'accusa- 
tion et qui tenait les âmes crédules et troublées : l'horreur du 
démon et de ses « œuvres ténébreuses 2 » où l'évêque avait 
trempé. 

Derrière l'abomination de l'hérésie, après l'offense à la 
majesté divine, on pouvait faire passer tous les crimes. On pou- 
vait s'attendre à tout de ces « traîtres à Dieu et aux hommes, 
« plongés dans les profondeurs du mal 3 ». Boniface avait dit qu'il 
aimerait mieux être chien que Français 4 ; Guichard qu'il aime- 
rait mieux être juif que de céder à la reine 5 . L'un était un faux 
pape : il n'était pas entré à la papauté par la porte, mais « vicieu- 
sement », par un crime 6 ; c'était un crime qui avait fait l'autre 
prieur de Saint-Ayoul 7 . Boniface était homicide 8 ; Guichard, 
sans parler de la mort de la reine de France, avait empoisonné 
la reine de Navarre, fait tuer un curé, mourir de faim deux 
hommes, et un autre de désespoir. 

Ces prêtres, tenus à la chasteté et travaillés par l'inconti- 
nence, s'étaient rejetés sur des vices honteux, et avaient pré- 
tendu les justifier, en disant, comme les Templiers, que la 
femme était défendue. « Il fut et il était un horrible sodomite, 

1. Dépos., III, 2, Pierre de S. Nizicr. 

2. Voy. les propositions du bailli de Sens, p. 272. 

3. Dupuy, ouv. cit., p. 630. 

4. Ibid.ïp. 328 (art. II). 

5. Voy. p. 181. 

6. Dupuy, Preuves, p. 240 (art. I). 

7. Dépos., II, art. 2. 

8. Dupuy, Preuves, p. 2tl (art. VII) et p. H2. — Pour lc3 crimes attri- 
bués à Guichard, v. la 2° série d'accusations. 



* ' 



2i4 LE PROCÈS DE GL'ICIURD DE TROVES 

« et un incorrigible 1 , » dit Nogaret de Boniface; « il disait que la 
<( fornication n'était pas un péché, sicut nec fricationem 
« manuum' 2 . » Saisset prétendait aussi que la fornication n'était 
pas un péché chez les prêtres 3 . L'accusation fut essayée contre 
Guichard : on prétendit d'abord, comme pour Boniface, qui, tra- 
vaillé, disait-on, du vice de sodomie, gardait des femmes avec lui 4 , 
que Guichard, pour couvrir son crime, entretenait une concubine 5 . 
Mais le grief fut atténué dans sa brutalité, et réduit à une simple 
accusation d'incontinence et de concubinage 6 . 

Après la sodomie, la simonie. Boniface avait été traité de 
simoniaque manifeste et détestable, qui ne laissait rien d'invendu 7 , 
et, comme pape, il avait été qualifié de « source et fondement 
« de la simonie 8 ». Guichard n'avait pas failli à l'exemple : il 
avait vendu les charges, les bénéfices, les cures, il avait fait 
des moines et des clercs movennant finance 9 . 

Puis l'usure, déjà défendue aux laïques, crime encore plus 
grave chez les clercs : comme les Templiers, l'évêque s'enrichis- 
sait par tous les moyens 10 . Enfin, c'étaient la mauvaise foi dans 
les engagements 1! , les violences envers les personnes ecclé- 
siastiques 12 ; et, après une récapitulation véhémente de ces vices 
et de ces infamies ,3 , la conclusion s'imposait que l'amendement 

1. Dupuy, Preuves, p. 241 (art. VIII). 

2. Ibid.^p. 329 (art. V). 

3. Ibid., p. 628 : « fornicationem etiam in personis ad sacros ordines 
« promotis non esse peccatum ». 

4. Ibid. y p. 336 (art. XIV) : « sodomitico crimine laborat, tenens conçu- 
« binas sccum ». 

5. Voy. p. 97, art. S. 

6. Voy. p. 111, et p. 130, les dépositions. 

7. Dupuy, Preuves, p. 240 (art. IV). Cf. p. 57 (art. III), 13 mars 1302. 

8. Ibid , y p. 343 (art. XXIII) : « fons et fundamentum simonie ». 

9. Voy. plus haut, p. 112 (art. XI) et p. 113 (art. XXI). 

10. Voy. plus haut, p. 96, 113. Cf. Dupuy, Preuves, p. 241 (art. VI). 

11. Voy. plus haut, p. 97, art. 7 et 8, et 114 (art. XXVI). Cf. Dupuy, 
p. 432. 

12. Voy. p. 121 (art. VI). Cf. Dupuy, p. 336 (art. XV), et p. 432 : « erat 
« ccclesiarum et ecclesiasticarum personarum oppressor ». 

13. Voy. pp. 114 (art. XXVI), et 209 (art. X). Cf. Dupuy, p. 241 (art. IX). 



ET LES GRANDS PROCÈS DC RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL 215 

était impossible de ces hommes plongés dans l'abîme du mal : 
positus in mari magno et profundo malorum *. 

Il faut reconnaître que tous ces procédés étaient moins variés, 
moins souples et de moins d'effet que le premier, l'accusation 
d'hérésie. Les griefs étaient d'ailleurs plus communs, plus 
faciles à trouver et à prouver, et les frais d'imagination étaient 
ici moins utiles : c'est par là que les attaques contre le clergé du 
temps devaient forcément se ressembler. 



L'intervention séculière. 

L'intervention du roi dans ces procès s'expliquait aisément 
lorsqu'il s'agissait d'une offense à la majesté royale : dans ces 
cas de lèse-majesté, le roi ou ses officiers étaient les promoteurs 
naturels des poursuites, et c'étaient eux qui, de par le droit, 
se chargeaient de dresser l'acte d'accusation 2 . Ce fut le cas 
pour Bernard Saisset à qui l'on reprochait d'avoir conspiré pour 
détacher le Midi de la couronne et diffamé la personne du roi, 
— pour Guichard qu'on accusait d'avoir procuré la mort de la 
reine de France. 

Mais le roi se réclamait d'abord d'un autre droit pour agir 
contre ces clercs, et justifiait autrement son initiative. Dans les 
raisons de ses poursuites comme dans l'exposé des griefs, c'est 
la même ironie hypocrite où ses avocats cherchent comme 
une jouissance. On sait avec quelle insolence, gouailleuse et 
digne en même temps, Nogaret, ce légiste qui infligeait au pape 
la dernière humiliation, se posait contre le pape lui-même en 



i. L'expression s'applique à tous, à Saisset (Dupuy, p. 630), à Boniface 
(Dupuy, p. 241, art. IX), à Guichard (v. p. 61). C'est comme une expres- 
sion consacrée. 

2. Les officiers royaux étaient d'ailleurs chargés d'office de l'instruction 
et des poursuites dans le cas de diffamatio. L'action du procureur du roi 
prit dans les premières années du xiv e siècle un développement extraordi- 
naire, au détriment de l'action du juge. 



246 LE PROCÈS DE GU1CHARD DE TROYES 

défenseur de rÉglise : me murum volens opponere pro defen- 
sione Ecclesie ! ... * 

C'est pourtant de cet argument, d'une raillerie presque bouffonne 
dans une cause si tragique, qu'il fit le pivot des revendications 
royales contre les membres de l'Eglise qu'il accusait. Le roi de 
France, le roi catholique, fils aîné de l'Eglise, a charge de sa 
défense, il en doit compte à Dieu*. 

L'accusation d'hérésie, partout insinuée, offre le prétexte, et, 
dans les crimes les plus « humains », c'est comme ministre de 
Dieu que le roi intervient d'abord. Contre Saisset, il fait savoir à 
sa Sainteté qu'il est obligé de venger en cet évêque l'injure faite 
à Dieu en même temps qu'à lui, roi, et à tout son royaume 3 ; et 
bien qu'il ait dit que l'évêque est un traître au roi, un factieux, 
un conspirateur 4 , c'est comme traître à Dieu qu'il le poursuit et 
le voue à la mort, pour les erreurs qu'il a semées contre la foi, 
au blasphème de Dieu, du Souverain Pontife et de toute 
l'Église 5 . Ceux que lèse le crime de Guichard, c'est le roi, ce 
sont les enfants et les proches de la reine : pourtant le premier 
considérant n'est point cet intérêt particulier et tout personnel : 
« attendu que les crimes en question tournent contre la majesté 
« divine, contre celle du seigneur roi et surtout contre la foi catho- 
« lique, et estimant qu'ils seraient d'un grave et dangereux 
« exemple s'ils restaient impunis ; que le seigneur roi, à défaut de 
« l'Église, — ce qu'à Dieu ne plaise, — ne peut sur son honneur 
« s'empêcher de faire lui-même la justice qui lui est due pour con- 



1. Dupuy, Preuves, p. 237. 

2. Dupuy, Hist. de la condamn. des Templiers (éd. Gurtler, 1713), p. 12 : 
« Rex catholicus, non ut accusator, non ut denuntiator vel partialis promo- 
« tor hoc suscepit, sed ut Dei minister, pugil fidei catholicae, legis divinae 
« zelator ad defensionem ecclesise juxta traditiones SS. Patrum de qua 
« tenetur Deo reddere rationem. » 

3. Dupuy, Hist. du différend..., p. 656. 

4. Dupuy, ibid., p. 627 : « proditiones, conspirationes ac factioncs faci- 
« norosas contra dominum regcm. » 

5. Ibid., p. 628 i « multa alia erronea dictus episcopus seminavit contra 
<( fidem in blasphemiam Dei et surami Pontiûcis et totius ecclesise », 



T*Z.*Ji 



ET LES GRANDS PROCÈS DU RÈGNE DE PHILIPPE LE BEL 2i7 

« server l'honneur de l'Eglise, pour éviter pareil péril et pareil 
« scandale.... * » 

Ainsi, le roi prend la défense de l'Église, au besoin contre 
elle-même ; il est dans son rôle : quand un danger est à craindre 
pour l'Eglise, c'est aux séculiers d'y pourvoir si l'Église fait 
défaut 2 . C'est en vertu de cet axiome que Philippe a commencé, 
sans attendre l'assentiment du pape, l'enquête contre les Tem- 
pliers, et que Pierre Flotte requérait l'archevêque de Narbonne 
d'emprisonner Saisset, prétextant « le péril en la demeure » et lui 
signifiant que s'il n'agissait pas, le roi, à son défaut, se pourvoi- 
rait en cette affaire de remède opportun 3 . Qu'avait donc à craindre 
l'Église? il s'agissait de sauver son honneur; « il n'y a point 
« confusion pour elle à punir de tels prêtres : ce qui serait sa 
« confusion, ce qui serait son extermination et sa ruine, ce serait 
« de laisser de pareils crimes impunis et sans amendement 4 ! » 

Voilà la théorie, telle qu'on la retrouve dans les procès de 
l'époque contre les membres deTÉglise. Dans la pratique, il s'agit 
d'accaparer le procès, d'assurer la condamnation malgré et contre 
l'Église, qui est véritablement visée. La chose est plus délicate, 
car ici, la théorie radicale et brute, dans sa logique irréelle, se 
heurte au droit existant, à la procédure régulière, à des formes 
toutes faites, suivies dès longtemps, et que le roi lui-même ne 
saurait outrepasser sans scandale, sans mettre en péril ces droits 
invétérés de l'Église qu'il prétend défendre. A vrai dire, c'est là, 
dans la marche insidieuse de l'intervention, qu'est la difficulté 
pour les gens du roi plus encore que dans l'invention et la com- 
position des griefs : on voit ces légistes qui cherchent à tourner 
la loi, mêlant la force à leurs movens retors, se conformant à 
l'ordre judiciaire, mais pour le briser quand il gêne leur action. 

1. Voy. p. 57. 

2. Dupuy, ibid., p. 237 (à propos de Boniface VIII). Cf. Dupuy, Hisf. de 
la condamn. des Templiers, p. 103. 

3. Dupuy, Hist. du différend..., p. 656. 

4. Ihid., p. 266 (Défense de Nogaret) : « Non est ecclesiae confusio taies 
« sacerdotes pu ni ri, sed esset nedum ecclesiae confusio, sed exterminatio 
c et ruina, si talia non punlta, non correcta manerent. » 



2i8 LE PROCÈS DE GUICHARD DE TROYES 

Ils ont d'abord, pour favoriser leur audace, une voie de procé- 
dure extraordinaire, mais d'un emploi régulier dans ces sortes de 
causes : contre ces prêtres qu'ils disent entachés d'hérésie, ils 
retournent, non sans ironie, cette forme, ecclésiastique dans 
son origine, rapide, commode et qui se prête : l'inquisition *. Les 
mandements pontificaux, qui ordonnent l'enquête, prescrivent de 
la conduire summarie, de piano, sine strepitu et figura judicii*. 
« Une commission semblable autorisait le juge à omettre la plus 
grande partie des formes de la procédure ordinaire et à écarter 
tous les délais, ainsi que toutes les défenses et les preuves qu'il 
considérait comme inutiles 3 . Elle supprimait à peu près tout 
V ordre judiciaire 4 . Une simple audition de témoins assermentés et 
entendus secrètement, une publication plus ou moins complète 
de leurs témoignages constituaient toutes les formalités usitées 
en pareil cas. Tout y était facultatif pour le juge. Les deux carac- 
tères dominants de ces procès sont : le secret et l'arbitraire 5 . » 

Aussi tous les accusés protestent contre ces formes sommaires 
et violentes, qui ne leur laissent ni le temps ni les moyens de se 
défendre. Saisset se plaint qu'on ait mis la main sur ses biens 
temporels et spirituels, sur ses papiers, en sorte qu'il ne peut aller 
à Home; qu'on ait arrêté ses gens, qu'on les ait obligés à répondre 
sans conviction ni information, par la peur des tourments 6 ; les 
défenseurs du Temple, « que le procès fait contre Tordre a été 
soudain, violent, inique et injuste, nullam omnino justitiam, sed 
totam injuriant, violentiam gravissimam et erorem intolerabilem 
continens, quia nullo servato juris ordine vel rigore\ avec une 

1. L'inquisition n'avait d'ailleurs pas été instituée pour juger seulement 
les causes d'hérésie, mais aussi pour réprimer les excès des membres du 
haut clergé, à cause de l'insuffisance des voies légales. 

2. Cf. Scxte, De haeret., c. XX. « Simpliciter et de piano et absque advo- 
« catorum ac judiciorum strepitu et figura. » 

3. Innocent IV, Apparat., liv. V, tit. I, ch. XXXI. 

4. Sur la procédure inquisitoriale de droit commun, voy. Tanon, ouv. 
cit., pp. 287, 389. 

5. Tanon, ouv. cit., p. 327. — Le secret n'existait pas dans la procédure 
inquisitoriale du droit commun. 

6. Dupuy. Hist. du différend.., p. 651 et sqq. 



i 



fureur d'exterminatî 
on les a dépouillés t 
son, et, par toutes s 
contre eux-mêmes 
ces spoliations, ces 
ment enlevé le librt 
avoir de bon ' » ; ib 
pour déposer et po 
maître déclare qu'il 
quatre deniers pou 
une telle affaire, i 
répond qu'il doit sai 
cède simplement, dt 
Guichard proteste qi 
rielles, ni liberté d'i 
de ses revenus, em 
dépositions; les tém 
ront, par peur. La 
accusés doivent rei 
finalement les Temj 
Apôtres a » : leur v 
Pourtant, les mai 
doit être faite in fi 
de contradiction, to 
dure dont les juges 
plus ou moins de lnt 
les juges d'Église 01 
réduire l'effet de ce! 
leur action, dune vi 
se fait, avec l'habil 
ment V, d'une hard 

1. Dupuy, Ui»t. de h 

2. Dupuy, (*«/., p. 3 

3. Ibid., p. 17t. 

4. Tanon, ouo. cit., [ 



~*r> 



250 LE PROCÈS DE GUICHARD DE TROYES 

La comparaison des procès de Saisset, des Templiers et de Gui- 
chard est, sur ce point, particulièrement intéressante. 

Leur coup d'essai fut un coup d'audace inouïe, mais inhabile , 
et qui se brisa contre la rude vigueur de Boniface VIII. La vio- 
lence de leur action contre Saisset passa toute mesure. Après la 
formalité hypocrite d'une instruction préliminaire, — « faite pour 
« l'honneur de l'Église, neposset sequialiqua diffamatio episcopi! » , 
— sans attendre du pape un mandement d'arrêt contre l'évêque, 
ils voulurent eux-mêmes mettre la main sur lui. Mais, pour sai- 
sir ainsi le prélat au mépris de tout ordre judiciaire et de son 
privilège clérical, il fallait avoir derrière soi une force inaccoutu- 
tumée : pour couvrir cet abus du droit, on convoqua à Senlis 
une assemblée solennelle des grands du royaume, on leur fit 
décider que l'évêque, au défaut de son ordinaire, serait empri- 
sonné par le roi. L'archevêque de Narbonne, métropolitain de 
l'accusé, requis d'agir, n'osait et ne pouvait le faire sans Tordre 
du pape : il se déclara prêt à exercer son office avec le conseil de 
ses suffragants, mais demanda, dans une affaire aussi grave, à 
s'en référer au pontife. Cependant, Saisset, pour échapper aux 
gens du roi, voulait se remettre aux mains de l'archevêque. Ce 
n'était point le compte de Philippe, qui, brutalement, une nuit, fit 
saisir l'évêque dans son lit, — puis, payant d'audace, envoya au 
pape, non pour se justifier d'avoir violé les privilèges de 
l'Kglise, ni pour requérir une information régulière, mais pour 
demander que l'évêque fût privé de tout ordre et réclamer, sans 
autre forme, le supplice de « cet homme de mort. » 

Boniface n'abandonna pas Saisset : avec une hauteur tranquille, 
une froide énergie d'homme de loi, le vieil avocat * releva l'inso- 
lence de ces légistes séculiers, et, à leur face, point par point, 
redressa le droit de l'Eglise. Il ne pouvait dénier au roi l'infor- 
mation ; mais sa bulle réclamait d'abord que l'évêque fût mis 
hors de tout pouvoir et de toute garde séculière, et que le roi lui 



1. Avant d'être cardinal, Boniface avait été avocat et notaire apostolique 
(Muratori, XI, 1103.) 



ET LES «RANDS PROCÈS 1)1' RÈGNE DE PHIL 

donnât main levée de ses biens et des biens d 
fait, l'archevêque de Narbonne pourrait, au n 
l'Église romaine, prendre l'évêque sous sa g 
alors contre lui avec deux de ses suffragant 
inquisitoriale, summarie, de piano, sine alrep 
cii; mais le pape spécifiait que pleine et libi 
être réservée a Saisset ; il recommandait aux p 
avec prudence et d'examiner avec soin les té 
signifier quelle foi et quelle valeur on pouvail 
personnes et à leurs dépositions. L'informatio 
encore a l'archevêque qu'il appartiendrait de faii 
pour le jugement définitif, l'évêque de Pamiers 
Dès lors, la condamnation de Saisset échs 
pape avait simplement remis les choses en leu 
le droit de « clergie », opposant aux mesure 
laïques, à l'appareil illusoire déployé à Senl 



I. Dupuy, ifi«/. du différend..., pp. 621-62.— Nous d 
de la bulle de Boniface VIII au sujet de Bernard Saissi 
comparaison avec le mandement d'enquête contre Guic 

» Nos... scire volentes super Mis plenariam veritater 
trae per apostolica scripta mandamus quatenus, eode 
poteatate teu cualodia aeeulari plenarie tiberalo, et ai 
et ecrlesiae Appamiarum mobilibus et immobilibus 
manu dicti régi» et auorum promis mnota, tu, fraler a 
episcopum Appamiarum auctoritate nostra per te ac tu 
Ecclesiae romanac sub flda custodia diligenlcr truste 
autemvel duovestrum, si omnes ad id commode non 
super contentis in articulis prat'libatis... summarie, d' 
el figura judicii, plena tamen et libéra defensione dicti 
... studeatis inquirere dilïgentius veritatem, etiamsi sui 
praedictum Dernardum episcopum ad sedem apostolica 
prudenter recipere ac diligenter examinare curetia, d« 
bujusmodi personarum et testium fideliter in scripli 
praesentihus litteris sub vestris inclusas sigillis, ad p 
qunntocius transmissuri, ac aigni/icaluri nohis quae et g 
modi peraoni», tettihua el depoaUionibua adhibendt 
cape, praelibatum episcopum Appamiarum tune ad p 
sub fida custodia destinare procures.... (Dupuy, Prêt 
pp. 6S7-58). 



. -^ 



252 LE PROCÈS DE GUICHARD DE TROYES 

inviolés de l'Église : sa ferme intransigeance tint contre leurs 
revendications exaspérées ; le roi dut remettre l'évéque à son 
ordinaire, se désister de son action personnelle et laisser la jus- 
tice régulière suivre son cours *. 

Dans l'affaire des Templiers, les hommes du roi changèrent 
leur tactique : leur hardiesse s'était mêlée de prudence, de sou- 
plesse et de fourbe; cette fois, ils n'attaquèrent pas de front 
avec leur raideur première ; ilsjouèrent et tournèrent la papauté. 

Ils commencèrent pourtant par une illégalité. On apprit tout 
à coup que, sans mandat du pape, les gens du roi, par tout le 
royaume, arrêtaient, mettaient en prison séculière et livraient aux 
inquisiteurs les membres d'un ordre qui se réclamait du Saint- 
Siège et ne pouvait être jugé que par lui ; qu'en même temps les 
biens du Temple étaient saisis. Il fallait tenir en effet ceux que 
Ton voulait condamner. Pour atténuer la surprise et légitimer 
l'arbitraire, on eut recours encore à des mesures extraordinaires, 
on consulta les États, l'Université, on souleva l'opinion pro- 
fonde du populaire : le peuple fut convoqué au jardin du roi dans 
la Cité, on le prévint, on le prêcha sur le crime des Templiers. 
Le roi protestait d'ailleurs qu'il n'avait entendu blesser en 
aucune façon la liberté ecclésiastique en arrêtant les membres 
de l'ordre, il réservait seulement son droit (salvo tamen jure 
nostro). 

Ce n'était plus le même pape qui présidait aux intérêts de 
l'Église : le faible Clément V occupait la chaire de Boniface VIII. 
Mais, si dépendant qu'il fût du roi de France, l'atteinte était trop 
grave pour qu'il n'essayât pas, lui aussi, de garder et soutenir le 
droit des clercs. En manière de protestation contre la violence 
faite à l'ordre, il suspendit les pouvoirs des juges ordinaires, arche- 
vêques et évêques, ceux mêmes des inquisiteurs dominicains : il 
arrêtait toute procédure. 

1. Au concile de Senlis (octobre 1316), où fut traduit Pierre de Latilli, 
révoque de Châlons demanda et obtint, comme c'était son droit, qu'avant 
toute enquête on lui rendît ses biens confisqués. (Contin. de Nangis, 
Histor* de Fr., XX, 615.) 



ET LES GRANDS PBOi 

La révolte fut vite com 
vouloir restituer au poiiti 
même à Poitiers pour s'a! 
ber : humble d'apparence 
eût son cours, il menaçai! 
face. Le pape, résigné, coi 
ordinaires; mais le roi, p; 
un compromis qui arrang 
critc et cruelle qui sauvt 
droit, mais servait l'avidi 
■ discrétion. Les Templier 
en restituerait aussitôt la 
l'Eglise romaine ' ; l'Kgli 
le roi, le jugement des pc 
pontificale fonctionnait p 
propres à éclairer le conc 
les inquisiteurs et les évi 
au nom de la justice r 
envoyaient au bûcher les 
suivie jusqu'au bout dans 

Le procès de Guichard 
fut le moins enfreinte : l'a) 
des gros intérêts qu'il jo 
quait moins à suivre ici 1; 
liminaire fut ouverte — < 
« pour ne point ajouter iu 



t. Avec ce subterfuge, tou 
testaient contre leur mise ci 
pouvaient répondre graverai 
comme leurs biens étaient en 
p. 159.) 

2. Sur la façon dont futeon 
Le procès des Templiers [liée 

Nous n'insistons pas sur '. 
défense des Templiers fui il) 
lence et la cruauté de la proc 



254 LE PROCÈS DE GtlCHARD DE T ROY ES 

tées contre l'évéque et ne point le diffamer sans raison. » Après 
quoi, le roi fit une requête au pape pour demander l'arrestation 
de Guichard et l'information contre lui. L'évéque fut en effet 
arrêté par son métropolitain. Cette fois donc on se conformait au 
droit, mais c'était pour le transgresser aussitôt. Par un abus non 
motivé, Guichard était conduit au Louvre, en prison séculière, 
et la main mise sur ses biens par le bailli du roi. Le pape con- 
fiait au métropolitain et à deux suffragants le soin d'une infor- 
mation inquisitoriale en apparence impartiale : mais, sauf la for- 
mule in forma juris, le bref de Clément ne réservait à l'évéque 
aucune des garanties que Boniface avait spécifiées pour Saisset, 
et, laissant vagues, comme à dessein, une partie des points sur 
lesquels devaient porter les poursuites, permettait à l'accusation 
d'entasser les charges contre l'évéque. C'est la molle complai- 
sance d'un pape énervé au lieu de la fière et libre réplique d'un 
Boniface : la bulle d'enquête contre l'évéque de Troyes précède 
de quelques jours à peine la bulle d'accommodement entre Clé- 
ment et Philippe dans l'affaire du Temple ; toutes deux sont 
datées de Poitiers (6 et 12 août). 

L'enquête s'ouvrit cette fois encore, — comme pour Saisset, 
pour Boniface et les Templiers, — par une sorte d'appel à l'opi- 
nion : une réunion eut lieu dans le jardin du roi. Cet incident, 
d'une forme insolite , étrangère à la procédure, et que l'on 
cherchait à régulariser par l'habitude, doit être rapproché de la 
consultation de l'Université et de la convocation des Etats géné- 
raux, que Philippe IV inaugura dans le même temps* Un nouvel 
esprit se levait avec le siècle dans l'âpre violence de la lutte 
entre les deux pouvoirs laïque et religieux. Jamais les deux 
principes ne s'étaient si brutalement heurtés ni si franchement 
découverts, exprimant chacun radicalement toute l'étendue de 
leurs revendications. Contre une puissance telle que l'Eglise, 
forte de son principe et de ses droits consacrés, le roi de France 
avait besoin de resserrer et concentrer en lui tout ce qui repré- 
sentait la puissance séculière, de s'appuyer lui-même de la force 
d'un principe ; d'où cet appel à tout ce qui pouvait, en face de la 



J 



ET LES GRANDS PROCÈS DIT REGNE DE PHILIPPE LE BEL 

puissance et du droit ecclésiastique, relever et soutenir i 
ment la puissance laïque. Pour emprisonner et juger l'évt 
Pamiers contre le privilège des clercs, on convoque les 
du royaume et l'on cherche à s'autoriser de leur approbat: 
au concile convoqué contre lui par Boniface, Philippe oppt 
manifestation extraordinaire, comme un concile national 
bourgeois sont réunis aux nobles et aux évéques pour 
leur adhésion au roi de France; en même temps l'Univer: 
consultée, et L'on va jusqu'à provoquer dans la masse, p 
conférences publiques, un mouvement d'opinion. C'est en* 
consultant les États et l'Université, mais surtout en remi 
peuple, en l'agitant grossièrement par des factums, 
prêche, par des réunions, qu'on entame les procès du Tei 
de Guichard, comme pour couvrir et légitimer par les mu 
de la foule les formes rapides et les violences iniques de 
cédure. 

L'action partiale et abusive du pouvoir civil dans le pr< 
Guichard n'échappa pourtant point à l'opinion : on devi 
tous ces crimes accumulés, au traitement infligé à l'évêqui 
forme de l'enquête, les haines acharnées contre lui : 

Carie roi estoit sou contraire 
Jusqu'à la vie du corps traire. 

Le pouvoir ro val en effet n'intervint pas seulement par i 
cier faisant fonction de ministère public, promoteur de l'a 
tîon et instructeur de l'affaire : il y eut à côté une infon 
secrète et louche, conduite par des agents particuliers, 
semble avoir été autre chose que l'enquête ordinaire dite du 
L'enquête ecclésiastique elle-même paraît n'avoir été ni rég 
ni impartiale : on permit à l'évêque — comme aux Templi 
d'avoir des procureurs; mais Guichard put se plaindre 
admît sa diffamatio sans contrôle, qu'on ne lui donnât pc 
délai suffisant pour établir la lifts contestât/», qu'on 
laissât point la faculté de reconnaître et de récuser les 
gnages portés contre lui. 11 fut réduit pour sa défense à 1' 



;2*~t ï^'-- _,rïr ï3Ts 



256 LE PROCÈS DE GUICHARD DE TROYES 

ou à des protestations platoniques. Enfin la longueur même et la 
lenteur de l'enquête, les instantes réclamations du pape montrent 
que le roi faisait à dessein traîner l'affaire pour la retenir, et 
cherchait à mettre obstacle à la clôture pour ne point se dessaisir 
de son prisonnier. Il le remit enfin au pape; mais s'il abandonna 
les poursuites, ce fut moins sans doute à cause de l'innocence 
soi-disant reconnue de Guichard que parce qu'il n'avait plus 
rien à gagner au procès. L'affaire du Temple lui importait avant 
tout : pour contraindre le pape et la résoudre à son gré, il avait 
mis à profit tous les scandales, ceux de la papauté et ceux de 
l'épiscopat. Quand elle fut réglée, il laissa sans regret, avec 
celui de Bon if ace, tomber le procès de Guichard. 



PIÈCES JUSTIFICATIVE; 



[Avant le 5] mari 1285. 

Lettre par laquelle Jean, évoque de Meaux, reconnaît, a 

que le droit de présentation a la chapellenie de Bourg b 

tient à Guichard, abbé de Monticr-la-Ccllc, et à son couver 

Arcli. départ. Aube, " 11. 2 (Bourgbaudoin, n° 2). Orig. s< 

Inventaire général île Montier-la-Celle, I, fol. 19. Copi- 



5 mars 1285. 

Lettre par laquelle Jean, évoque de Meaux, confère à Et 
doi, son clerc, sur la présentation de Guichard, abbé < 
Celle, la chapellenie de Bourgbaudoin, vacante par la mt 
Coquart. 

Arch. départ. Aube, 7 II. 2 (Bourgbaudoin, n u 3). Orig. s 
Inv. génér. de Monlier-la-Celle, I, fol. 19. Copie. 



• I fiK. 6 l'Él. Jll Chirl 



i^^ffwr^yj^ 



258 PIÈCES JUSTIFICATIVES 



III 

Meaux, 22 octobre 1286. 

Lettre par laquelle Jean, éveque de Meaux, demande à Guichard, abbé 
de Montier-la-Cclle, de présenter Pierre de Saint-Loup de Naud à la 
chapellenie de Bourgbaudoin, conformément à l'arrangement fait entre 
révoque et l'abbé. 

Arch. départ. Aube, 7 H. 2 (Bourgbaudoin, n° 4). Orig. scellé. — 
Ibid.y Inv. génèr. de Montier-la-Celle 9 I, fol. 19. Copie. 



IV 



Vaudoi, 5 octobre 1289. 

Adam de Vaudoi, évéque de Meaux, demande a Guichard, abbé de Montier- 
la-Cellc, de présenter Milon « le Boiteux » à la chapellenie de Bourg- 
baudoin. 

Religioso et honesto viro, amico suo spcciali et karissimo G., per- 
missione divina abbati monasterii Celle Trecensis, A[dam], ejusdem 
miseratione Meldensis ecclesie minister humilis, salutem et cum 
dilectione sineera paratam ad ejus beneplacita voluntatem. De 
curialitate vestra plurimum confidentes, vobis preces porrigimus 
quantum possumus ampliores, quatinus, divine pietatis intuitu et 
precum nostrarum interventu, capellaniam de Burgo Balduini, que 
est de patronatu vestro, vacantem per libéra m resignationem Pétri, 
quondam dicte capellanie capellani, Miloni dicto Claudo, cui mores 
et scientia ac nobilitas generis sufîragantur, secundum quod nôbis 
Senonis vestri gratia obtulistis, si vobis placeat, conferre velitis, et 
dictuni M. ad dictam capellaniam per vestras litteras presentare, 
tantum super hoc facienles quod nos vobis teneamur firmius obligati, 
parati vobis suo temporc grata vicissitudine respondere. Bene et diu 
in Domino valeatis. Data Vodeii, die mercurii post festum beali 
Remigii, anno Domini M CC° octogesimo nono. 

Arch. départ. Aube, 7 II. 2 (Bourgbaudoin, n° 5). Orig. scellé. — 
Ibid. } Inv. génér. de Montier-U-Celle, I, fol. 19. Copie. 







PIÈCES JUSTIFICATIVES 



239 



Comptes de régale de l'évcché de Troyes (1298-99) d'après la Table 

de Robert Mignon. 

Trecœ 

Gompotus magistri Joannis Osane, decani Sancti-Stephani Tre- 
censis, Joannis Blouel de Crispayo et Pétri Morcl de Feritate Milonis. 

De dicto regali, a dominica ante Invenlionem Sancti Stephani 1298 
usque ad diem veneris ante Ascensionem Domini 1299, pro XLI 
hebdomadis et III diebus, redditus eu ri a? mercurii ante cathedra m 
Sancti Pétri 1299 ; debuerunt pro fine compoti pra?dicti, deductis 
solutionibus thesaurarii, et alibi per eos factis, LXIX lb. VI sol. Non 
est correctus quantum ad hoc ; et sunt quaxlam alia in dicto compoto 
signala recuperari. 

Bibl. Nat., ms. lat. 9069, p. 95. 



$ 



VI 



Troyes, 15 mai 1304, 

Amendement de Guichard , évoque de Troyes, 
envers la collégiale de Saint-Etienne. 

In Dei nomine amen. Noverint universi per presens publicum 
instrumentum quod, anno a nalivitate Domini millesimo trecentesimo 
quarto, secundum stilum ccclesie gallicane, indictione II", mense 
mayo, décima quinta die ejusdem mensis, videlicet die veneris an le 
festum Penthecosles, ponlificatus sanclissimi patris domini Benedicti 
pape XI anno primo, in presencia publici nolarii et testium subscripto- 
rum ad hoc specialiter vocatorum et rogalorum, personalitcr consti- 
tutis Trecis, in cappella domus episcopi, reverendo in Christo pâtre ac 
domino Guichardo, Dei gracia Trecensi episcopo, ex parte una, et 
venerabilibus virÎ9 decano et pluribus canonicis et beneficiatis ac 
chorialibus ecclesie Beali Stephani Treccnsis, ex altéra, et presentibus 



i 




260 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

pluribus aliis personis tamecclesiasticis quam eciam secularibus, necnon 
et présente ad hoc Jacobo de Amiïliaco, canonico dicte ecclesîe, procu- 
ratore decani et capituli ipsius ecclesie, dictus dominus episcopus 
quoddam instrumentum, manu mea infrascripti notarii confectum 
meoque [signo] solito signatum, legit altc et publiée, formam et datam 
continens que sequuntur * : 

Omnibus présentes litleras inspecturis Guichardus, misera tione 

divina Trecensis episcopus, salutem in Domino. Noverint universi 

quod cum inter nos, ex una parte, et venerabiles viros decanum et 

capitulum ecclesie Sancti Stephani Trecensis ex altéra, discordia ver- 

teretur super eo quod dicti venerabiles petebant a nobis Johannem de 

Galaisio, suum concanonicum et justiciabilem, sibi reddi et reslitui, 

nostro carcere detentum ad instanliam domine Blanche, quondam 

illustris regine Navarre, — asserentes quod, tam de antiqua et appro- 

bata consuetudine quam privilcgio sedis apostolicc speciali, canoni- 

corum et beneficiatorum suorum correptio et jurisditio omnimoda ad 

eos pertinet pleno jure, — nos autem in contrarium dicebamus quod 

ad nos de jure communi ipsorum correptio et jurisditio pertinebat, — 

tandem, cum super hoc inter nos fuisset diutius liligatum, délibéra- 

tione habita diligenti, habito etiam consilio cum peritis, de causa 

predicta plenius informati, sic volentes jus nostrum illesum servare ut 

tamcn in nullo jura alterius ofîendamus, ipsius Johannis et aliorum 

concanonicorum et beneficiatorum suorum correptionem et jurisditio- 

nem omnimodas quas habent ex privilegio, composi tione, confirma- 

tione, consuetudine et usu, ad decanum et capitulum predictos confî- 

temur et recognoscimus' pertinere; verum quia corpus ipsius Johannis 

ad prcsens restituere non valemus, — diu est videlicet a nostro carcere 

fugitivum, — quod ta m en si haberemus, dictis venerabilibus sine diffi- 

cultate aliqua redderemus, idcirco in signum restitutionis et jurisdi- 

tionis predicte plenius déclara te et pro bono pacis, presentem nostrum 

pileum, necnon et emcnde a nobis sibi f acte, présentes cyrothecas dictis 

venerabilibus tradidimus et tradimus, reddidimus ac reddi m us et 

restituimus ad memoriam futurorum, promittentes bona fide quod si 

futuris temporibus restituendi prcdictum Johannem nos habcre con- 

tingeret facultatem, ipsum restituemus venerabilibus supradictis. Et 

hec omnibus prcsentibus et futuris volumus esse nota. Et super hiis a 

te, Petro Marini, publico notario, dictis venerabilibus fieri et tradi 

volumus publicum instrumentum, et signum tuum cum subscriplione 

1. Arch. départ. Aube, 6 G. i5 (20* tiroir, n° 5). Copie. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 261 

presentibus litieris apponi rogamus, una cum jnostro sigillo, quod 
duximus presentibus apponendum in testimonium premissorum. 
Datum anno Domini millesimo trecentesimo quarto, die veneris ante 
festum Penthecostes *. 

Et contenta in dicto instrumenta recognovit et confessus est dictus 
dominus episcopus, in mei presencia et personarum supra et iiifrascrip- 
tarum, vera esse et ita sicut in dicto instrumento continetur. Et in 
signum restitutionis et jurisditionis, suum pileum, etin signum emende 
ab ipso dictis venerabilibus facte, quasdam cyrothecas dicto pro- 
curatori dictorum venerabilium, nom i ne procuratorio ipsorum et 
pro ipsis, decano, canonicis, beneficiatis et chorialibus quampluribus 
dicte ecclesie qui ad hoc vénérant presentibus et audientibus, tradidit, 
agnoscendo et notificando omnibus ibidem astantibus premissa 
omnia et singula in dicto instrumento comprehensa esse vera et acta 
et cognita ab ipso in forma supradicta. Et in testimonium predictorum 
sic actorum ut premittilur, dictus dominus episcopus incontinenti 
dictum instrumentum sigillo suo sigillavit. Présentes autem ad hoc 
fuerunt Jacobus de Baacon, archidiaconus Sezannie in ecclesia Tre- 
censi, domini Radulphus de Supia et Henricus de Noa, canonici Tre- 
censes, dominus Guillelmus de Golomberio, legum professor, frater 
Reginaidus, priormonasterii Celle, magistri Guido de Sancto Fidolo et 
Johannes de Montepessulano... 

Et ego Petrus Marini de Trecis, clericus, apostolica et impérial i 
auctoritate publicus notarius, premissis una cum aliis suprascriptis 
presens fui 2 ... 



VII 

Troyes, 5 août f 304. 

Amendement de Guichard, évêque de Troyes, envers son chapitre. 

Universis présentes litteras inspecturis G., miseratione divina Tre- 
censis episcopus, salutem in Domino. Notum facimus quod, cum inter 
nos ex parte una et venerabiles viros decanum et capitulum nostre 

1. Àrch. départ. Aube, G. 919. Copie du xv e siècle. 

2. Arch. départ. Aube, 6 G. 15 (20° tiroir, n° 5). Copie. 



-~ -•* ^ 



262 PIÈGES JUSTIFICATIVES 

Trecensis ecclesie ex altéra, super pluribus et diversis articulis 
infrascriptis controversia moveretur, tandem, veritate super predictis 
diligenter inquisita et comporta, de jure eorum plenius informati, 
communicato bonorum et jurisperitorum consilio, concordavimus cum 
eis in modum qui sequitur : 

Inprimis, consideratis privilegiis a nostris antecessoribus decano et 
capitulo nostre Trecensis ecclesie concessis, cum usu longevo inde 
subsecuto, fatemur ecclesiam de Barbona, curatum ipsius et domum 
presbyteralem loci ejusdem cum adjacentibus totaliter fore exemptos 
a jurisditione nostra ordtnaria, tam super pertinentibus ad curam 
quam aliis quibuscunque, hoc salvo quod idem curatus nostra et 
nostri officiai i s mandata tenctur exequi, ut alias extitit consuetum ; 
et, quia domum dicti curati de Barbon a contra ipsius voluntatem 
intravimus in ea pernoctando, equum ipsius curati per familiares 
nostros captum et usque nunc a nobis retentum, item saisi tionem 
bonorum dicti curati quam tune fecimus, hec decano et capitulo 
per nostri pilei tradi tionem emendavimus et ad eorum arbitrium 
parati sumus satisfacere de emenda, equum vel ejus valorem 
in manu dicti capituli restituere promittimus infra octo dies pré- 
cise ; verum de injuria dicto curato per nostros familiares illata, 
nobis mandantibus vel saltem ratum habentibus, ut dicitur, hoc 
negamus, sed exnunc volumus et expresse consentimus quod per 
duos viros ydoneos de piano veritas diligenter inquiratur, qua com- 
porta parati sumus et promittimus exnunc id in quo culpabiles 
poterimus reperiri emenda re dicto capitulo. — Item, attenta consue- 
tudine antiqua nostre Trecensis ecclesie, que est juri et ratio ni con- 
sona, fatemur quod cappcllania seu aliquod a Rare, statim quod per 
nos alicui conferlur in eadem ecclesia, eo in corporalem possessionem 
inducto, statim débet poni in choro. Item dicti cappellani, prout 
etiam ex testamentis plurium fundatorum jurisque peritorum didi- 
cimus, residentiam personalem per juramentum in eadem ecclesia 
tenentur facere cum continuo servitio chori et altaris, specialiter in 
matutinis, missis, vesperis et processionibus ; et ad hec facienda tene- 
mur eos per nos, vel nobis agentibus in remotis, per officialem seu 
vicarium nos tr uni, prout requisiti fuerint, et ad quod eos obligamus, 
précise compellerc, tam per saisi tionem fructuum suorum quam etiam 
per penas alias, dictosque fructus sic saisilos retinebimus, quousque 
suam contumatiam plenc purga vérin t et ofiicium ad quod tenentur 
libère duxerint exequendum, retenta nobis potestate dispensandi cum 
aliquibus, si dispensatio nobis competere possit de consuetudine vel 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 

de jure. Item quia prediclorum cappella no ru m quidam nec f 
choro positi nec ccclesie deserviunt, ut tcnenlur, scd v 
existant hue et illuc, promiltimus bona lïde quod usque ad 
ipso* ad ecclesiam redire ibique deservire précise compelh 
saisilionem suorum fructuum el ulterius quantum de jure p< 
— - Item violentiam quam quidam monachus, tenons nostre 
prioralum de Sancto Memorio, fecit in justifia et molend 
capituli, nostri acdicli prïoratus nomine, cl quem. poslquam p 
forefaclum ad notiliam noslram pervenil, in noslro servitio re 
et adhuc relinemus, liect dictam violentiam rata m nunquam I 
nec habemus, quia (amen nostro nomine et dicti prioratus Tact 
incontinenti locum resaisiri faciemus, salvo jure cujuslibct, e 
tulum jus suum velit prosequi, parali sumus, per nos vel eos 
dictam domum tenemus, causam defendere ut jus eril. — 
marreno quod * accepimus in fores ta d'Olhe 1 pro refectione 
norum de Sancto Memorio, malefecimus, el promillimus b 
valorem ipsius restituera ad estimationcm magistri Johannis Ë 
quindenam post estimationcm, ad convertendum in aliquos i 
prout nobis el capitulo videbîlur faciendum. — Item de ob 
quadraginla millium librarum luronensium et earum solutio 
fecimus in manu domine reginc ' absque consensu et conscien 
capituli, quia rêvera predicla non potuimus nec debuimus i 
modo quo fecimus, promiltimus bona lide ecclesiam nostra 
hoc servare * indempnem. — Item bona fide promiltimus quo 
viginli et undecim libras, pro valore et estimatione cujusdai 
auree in ecclesia nostra Trccensi amisse ob négligent! a m ni 
matriculariorum, solvemus dîcto capitulo infra octo dics in 
numerata, computato hoc quod archidiaconus Sezanic * ja 
pênes se. — Item domum presbyleralem de Songniaco disrupb 
facto noslro, promiltimus bona lide in slatum prîslinum red 

1. Camuzat : t marrenia quoi », d'ap. une mauvaise version de 
— h Marreno quod i se trouve également dans G. 2381 . Il s'agit d- 
construction ou merrain (Cf. Ducange, verbo materia\. 

2. G. 2601 et Camuzat portent : « Doche » ; — G. 3387 et I 
« d'Othe ». 

3. Il s'agit de l'accord avec la reine au sujet de l'affaire de 
Calais qui était donc réglé» a cette époque. 

4. D'ap. G. 3387 et G. 2581. — Cf. Camuiat, d'ap. G. 2601 t « s 

5. Alors Jacques de Bacon. 



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264 PIÈGES JUSTIFICATIVES 

reduci facere nostris propriis sumptibus et incipere infra instans 
festum Assumptionis Béate Marie Virginis, et deinceps continuare 
usque ad operis consummationera. — Item de jure nostre Trecensis 
ecclesie et consuetudine plenius informa ti, fatcmur quod quatuor 
matricularii nostri laici in ecclesia predicta, quilibet in sua septimana 
jacere débet, et omnes quatuor insimul in ann i versa ri isepiscoporum in 
quibus donaria extenduntur, et in festis duplicibus et annualibus, et 
nos bona fide promittimus quod cxnunc cos ad hoc compellemus, et, 
si négligentes in hoc fuerint, per privaiionem sui benelîcii vel alias 
puniemus. — Item de compositione et emenda quam capitulo Sancti 
Stephani Trecensis, eu m quo super juribus ecclesie nostre litigabamus, 
fecimus absque consensu nostri capituli, promittimus et pro certo 
quod per curiam romanam et alias procurabimus dictum negotium ad 
suum statum ita reduci, ut ex hoc non possit nostre ecclesie prejudi- 
cium generari in futurum, et, quantum in nobis est, revocamus. — 
Item super eo quod fructus ecclesiarum vacantium per nos vel 
ministros nostros percepimus, ut dicitur, conlra generalem consuetu- 
dinem diocesis ; item quod ad sumptus mortuorum ecclesias jam aliis 
colla tas fecimus deservire, talia faciendi jus non habuimus nec habe- 
mus, promittimus nos hec in posterum non facturos ; et, si compareant 
aliqui a quibus nos aliquid ob hanc causam recepimus vel nostri 
ministri receperint, veniant ad nos, et indubitanter absque dif fi eu Ita te 
aliqua restituemus eisdem. — Item quicquid capitulo, tam de anni- 
versariis denariorum panis et vini quam de rébus aliis, debemus, 
promittimus nos soluturos et in futurum diebus et horis statutis 
solvere. — Item placet nobis quod très franchi servientes capituli in 
suis ecclesiis parrochialibus ecclesiastica percipiant et libère percipere 
valeant sacramenta. — Item de jure decani et capituli plenius infor- 
mai super jurisditione quatuor canonicorum altaris Béate Marie in 
ecclesia Trecensi, ipsam jurisditionem dictorum canonicorum confi- 
temur ad dictos decanum et capitulum pleno jure pertinere. 

Et hec omnia et singula, prout superius sunt expressa, in presentia 
Stephani de Allemente, clerici, publici notarii, neenon et domini Guil- 
lermi de Golumberio, legum professons, magistri Bartholomei de Rana- 
valle, sigilliferi nostre Trecensis ecclesie, et Guillermi de Golumberio, 
presbyteri, cappcllani nostri, testium ad hec vocatorum, volumus, con- 
cessimus etpromisimus acetiam promittimus nos facturos et imperpe- 
tuum et inviolabiliter servaturos ac in futurum per nos vel per alium 
contra non venturos. In quorum omnium et singulorum testimonium 
et munimen, sigillum nostrum una cum signo et subscriptione dicti 



1 

l 



PIÈCES JUS! 

publici notarii presentibus lillcris 
concorda tu m in plono capilulo dit 
Domini millcsimo trecentesimo qi 
beali Laurentji ', 



Jacques de Baaçon, archidiacre i 
rans curialitates non modicas qua 
dominus Guichardus, Dci gratla 1 
diacono hactenusimpenderat et de ■ 
de quibus nullam ad hue rémunérai 
pensa lionem premissorum ac ctiam 
cujusdam somme pecunie in qua 
effîcaciler obligatus, » — donne à 
cens et rentes qu'il a achetés a 
écuver, et de demoiselle Marie, sa I 

L'acte est souscrit : « G. de Colu 
Arch. dépai 



I . Cette pièce a été publiée par Cair 

Tricastin. diœceiit, fol. 193 ; sigualêt 

chronol. des diplôme*. Vlii, 43. Elle n 

l'Aube : 

1" G. 25B1, n' XVII (toi. 10 v>), copi 

2° G. 2601, copie d'un vîdîmus de 1 

3" G. 3387, n° XVII, copie du xv= si 

Lalore, qui public la pièce (Carlui. 

donne faussement ce document comm 

Nous la donnons d'après G. 338', q 

l'original. 



r *Vt 



— t 



266 PIÈGES JUSTIFICATIVES 



IX 



18 juillet 13 04. 

Guichard, évêque de Troyes, donne au chapitre de la cathédrale, en les 
amortissant, les cens et rentes de Pouilly, à charge pour le chapitre de 
célébrer annuellement pour l'évêque une messe du Saint Esprit pendant 
sa vie, un anniversaire après sa mort 4 . 

Universis présentes literas inspecturis G., miseratione divina Tre- 
censis episcopus, salutem in Domino. Noveritis quod nos, volentes et 
affectantes anime nostre salubriter providere, donamus et concedimus, 
donatione irrevocabili facta inter vivos, viris venerabilibus et discre- 
tis decano et capitulo Trecensis ecclesie ac ipsi ecclesie, omnes el 
singulos census, redditus et provcntus in literis, sigillo nostre Trecen- 
sis curie sigillatis, presentibus hiis annexis contentos, et omnia alia 
et singula que exinde obvenire poterunt in futurum : que omnia 
vir venerabilis et discretus Jacobus de Baaçonno, nunc archidia- 
conus Sezannie in dicta Trecensi ecclesia, nobis dédit imperpetuum et 
concessit, que dictus archidiaconus emerat a Theobaldo de Foresta, 
armigero, et domicella Maria, ejus uxore, moventia de feodo episco- 
patus Trecensis immédiate, in villa, fin agio et territorio de Pouil- 
leyo, tenendos et percipiendos ex nunc imperpetuum ab ipsis vene- 
rabilibus, vel eorum mandato, annis singulis, secundum quod in pre- 
dictis literis hiis annexis plenius continetur. Quorum omnium valor 
distribuetur in missa de sancto Spiritu, quam dicti venerabiles, ex 
mera eorum liberalitate et gratia, pro nostri c orporiset anime salute, 
celebrari facere annis singulis, quamdiu vixerimus, promiserunt, et 
post decessum nostrum in die anniversarii nostri, extunc annis sin- 
gulis in dicta ecclesia faciendi, secundum quod in dicta Trecensi ecclesia 
distribui et fieri consuevit. Que omnia ipsis venerabilibus admortiza- 
mus ob causam predictam, intuitu pielatis, nichil juris in eisdem, 
dominii aut proprietatis nobis vel nostris succcssoribus retinentes. 
Promittentes bona fide nos contra predictas donationem, concessionem 
et admortizationcm non facere vel venire per nos vel per alium in futu- 
rum. In cujus rei testimonium presentibus literis sigillum nostrum 

1. Cette pièce a été publiée par l'abbé Lalore avec sa fantaisie habituelle; 
nous n'avons pas cru inutile de la donner à nouveau. 



! 

PIÈCES JUSTIFICATIVES 

duximus apponendum. Datum anno Domini mi 
quarto, die sabbati a nie festum beale Marie Magi 
Arch. départ. Aubo, G. 3173. Orig. scellé. — 
S*int-Pierre, p. 217 (n° 229). 



// mars iSOi. 

Guichard, évèque de Troyes, donne à l'abbaye de 1 
prieuré de S. Flavit de Villemaur, une rente de 
(24 à l'abbaye, 6 au prieuré] sur les terres de Surai 

le prieuré de célébrer annuellement une messe du 
de son vivant, un anniversaire pour ses parents et [ 

Universis présentes litières inspecturis Guic 
divina Trecensis epiacopus, salutem in Domino. I 
cum nos emissemus et comparavissemus a Robe 
defuncti domini Robcrti de Paisiaco, militis, doi 
uxore et Manasseto dicto Tartarin, ipsius Ro 
sexlarios bladi ad parvam mensuram, videlicet q 
menti, sex sexlarios sigali, decem sexlarios ordt 
avene, percipiendos perpetuo a nobis et causam 
annis singulis super terragiis ipsorum Roberti, J< 
que habent in villa de Sorancon, nos de diclis In 
damus cxnunc et concedimus ac perpetuo quitf 
conventui m on as ter ii Celle Trecensis viginli quat 
cet duos sextarios frumenti, quatuor sextarios i 
ordei et deeem sexlarios avene, in puram elenu 
ipsorum religiosorum, ob nostre el parentum n 
animarum. Alios vero sex sextarios, videlicet duo 
duos sextarios sigali et duos sextarios ordei, damu 
mus religiosis viris priori et monachis priorat 
Villamauri, predicto monasterio immédiate sub 
nostrorum anniversario cl nostro post ilccessui 
prioratu annuatim perpetuo faciendo, et una mis 
quolibet anno quandiu vitam duxerimus in lui m 
Domini millcsimo trecenlesimo, die sabbaLi po; 
mei. 



^î;^ 



268 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

S'ensuit le contract d'acquisition de la susdite rente en grain, du 
samedy devant le dimanche qu'on chante Laetare Jherusalem, de Tan 
douze cent quatre vingt dix-neuf, passé par devant Pierre d'Orléans, 
citoyen de Troyes, lieutenant de Henri de Bar, garde du scel de la pré- 
vosté de Troyes, soubs le scel de ladite prevosté... Cette vente ainsy 
faite pour le prix et somme de quatre vingt livres tournois petits, que 
lesdits vendeurs ont eues et receucs dud. evesque en bonne pecune 
nombrée... 

Arch. départ. Aube, 7 H. 1 {Invent, général de Montier-la~Celle) 9 
fol. 77 v°. Copie. 



XI 

Poitiers, 3 juin 1307. 

Clément V remet jusqu'à nouvel ordre la comparution de Guichard à la 
cour apostolique ordonnée par Benoît XI, au sujet des accusations portées 
contre l'évêque. 

Venerabili fratri G., episcopo Trecensi. Personam tuam, tue frater- 
nitatis exigentibus meritis, paterna bcnevolentia prosequentes, te ab 
hiis ex qui bus famé dispendium vel aliquid tibi possit prejudicii 
imminere libcnti animo preservamus. Ex tenore siquidem tue petitio- 
nis accepimus quod, licet olim felicis recordationis Benedicto pape XI, 
predecessori nostro, qucdam sinistra de te per nonnullos emulos tuos 
falsa fuerint insinuatione suggesta, quorum occasione diclus prede- 
ccssor per suas certi tenoris littcras te citari mandavit, ut certo ter- 
mino apostolico te conspectui personaliter prescntares, ejus benepla- 
citis et manda lis plenarie pariturus, idem tamen predecessor, prius- 
quam ad te hujusmodi citatio perveniret, debilum nature persol- 
vit. Verum quia nonnulli quandoque calumpnie maculis lucem veri- 
tatis obnubilant, nos qui de tuis actibus, cum nonnulli ex fratri bu s 
nostris sancte Romane ecclesic cardinalibus apud nos te ab hiis 
propter que citari, ut premittitur, mandabaris, duxerint excusandum, 
conscientiam habemus sinceram, super hoc tibi de specîali gratia 
indulgere volentes, tuis supplicationibus inclinati, presentium auctori- 
tate decernimus quod ad accedcndum occasione hujusmodi ad aposto- 
licam sedem nullatenus tenearis, donec super hujusmodi negocio aliud 



I 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 

duxerimus ordinandum, omnem negligentiam, conlumaciam soi 
dientiam, si quam forsilan non comparendo conlraxere, cadi 
auctoritale rémittentes. Nulli ergo clc.Datum Pîctavis, III noua 
an no secundo. 

Reg. Vatic, 54, fol. 20 v», n° 14ï 



Poitiers, 9 août 130$. 

Mandement d'enquête de Clément V contre Guichard, 

Clemens, episcopus, servus servorum l>ci', vencrabilibus t. 
archiepiacopo Senonensi et episcopo Aureliancns) et dilceto filii 
cleclo Aulisiodorcnsi, salulem et apostolicam benedictionem. 
ad audit uni apostolatus nostri perducto quod venerabilis fraie: 
Trecensis episcopus, ai dici venerabilismereatur, ad inconsull 
sus et ad execranda quelibet convertens danipnabililei' acti 
sorlilegiorum perversis operibus se immerscral ' lurpiter, in: 
salutis proprie delrimentum, el, eo illa ncquiter exercenle ac 
nienlibus ipais, clare inemorie Johanna, reginu Francic, dire 
sustinuerat passionem ; quodque idem episcopus Trecensis, ■ 
labeus in pejus, dileclo iilio nobilî viro Carulo, comiti Aude] 
dum haclenus ad partes Campanie accessisset, neenon el carii 
Christo Iilio nostro, régi Navarre illuslri, lune moranti in s 
conatus fuerat pestiféré potionis auslum (tic) facere propi 
nichilominus potionem ipsam nonnullis aliis de facto propîna 
dam ex eis miles et plures alii qui sumpserant hujusmodi p 
sève moi'lis occasum, quod referimus dolentes, subicranl 
multa commiaerat enormia et nephanda in divine majeslatis o 
exempli mati perniciem el scandalum plurimorum : nos, quia 
non poteramus, prout nec eliam debebamus, sub dissimulalio 
sire, tibi, fralcr archiepiscope, dédisse meminimus per alias 
litleras in mandalis, ul caule, absqtie cujusvis rumore lumultu 
tu m episcopum capercs et captum faceres sub fida cuslodia i 



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270 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

Verum in tend en tes super hiis scire certitudinem veritalis, discrétion! 
vestre per apostolica scripta mandamus quatinus super premissis et 
singulis premissorum et quibuscunque premissa tangentibus, auctori- 
tate nostra, summarie et de piano, sine strepitu et figura judicii, in 
forma tamen juris, contra dictum Trecensem episcopum diligentius 
inquirentcs, ea que super predictis inveneritis per inquisitionem 
hujusmodi fuie li ter in scriptis redacta nobis sub sigillis vestris inclusa 
studeatis per proprium nuncium quantocius destinare. Testes autem 
de quibus videritis expedire, ad perhibendum super predictis testimo- 
nium veritati per censuram ccclesiasticam, appellatione postposita, 
compellatis. Quod si non omnes hiis excquendis potueritis intéresse, 
duo vestrum ea nichilominus exequantur. Datum Pictavis, V idus 
augusti, pontificatus nostri anno tertio. 

Arch. Nat., J. 438, n° 3 bis (vidimus de 1308). — Baluze, Vite papar. 
Avenionens., II, 162. 



XIII 

Articles contre l'évêque de Troyes proposés par le bailli de Sens aux 

commissaires apostoliques. 

Aoûl-oclobre 13 OS. 

In nomine Domini nostri Jesu Christi, amen. — Coram vobis reve- 
rendis patribus, dominis archiepiscopo Senonensi, episcopo Aurélia- 
nensi, electo Altisiodorensi, promotor ad finem ut ad inquisitionem 
faciendam contra dominum Gui [chardum], episcopum Trecensem, juxta 
formam commissionis apostolice vobis facte, — non intendens ad 
cujusquam injuriam, set jus publicum exequi, — proponit Guillelmus 
de Angesto, ballivus Senonensis, de et in cujus ballivia dictus episco- 
pus Trecensis est, et in cujus ballivia infrascripta scelera perpetrata 
noscuntur, articulos qui sequntur : 

I. Primo quod dictus episcopus eau sa m odii contraxit contra recor- 
dationis inclite dominam Johannam, reginam Francie, domini nostri 
régis conjugem et consortem, tempore quo dicta domina regina vive- 
bal, ex eo quod ipsa domina regina, exequtrix tes ta menti domine 
reginc Navarre, matris sue, exegit juste ab ipso episcopo ea quibus 
episcopus tenebatur dicte domine regine Navarre, eo quod falso ac pro- 



N 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 271 

ditiose, corruptusque pecunia, deliberaverai Johannem de Calesio, 
qui quamplura bona maliciose subtraxerat dicte domine Navarre regine 
viroque suo quondam, quod totum ad ipsam dominam reginam 
Navarre pertinerc debebat post mortcm mariti sui predicti, et quem 
Johannem dictus episcopus in custodia receperat ad instanciam 
ipsius domine regine Navarre et ad securitatem debiti supradicti. 

II. Item proponit quod propter proditiosam et fraudulentam delibe- 
rationem dicti magistri Johannis, et propter enormitates alias, dictus 
episcopus inventus inhabilis expulsus fuit a consilio domini nostri 
régis, ex quo cciam majus odium contraxit contra dictam dominam 
reginam, quia ad ejus promotionem reperta fuerat ejus iniquitas 
propter quam fuit a consilio predicto expulsus. 

III. Item proponit quod dictus episcopus, ob predicta repulans se 
confusum, procurare nisus fuit pluries, cum pluribus et diversis colla- 
teralibus et familiaribus domini régis, ut posset iterum consiliariorum 
domini régis numéro agregari, quod non potuit impetrare. 

IV. Item proponit quod dictus episcopus, perpendens quod dicta 
domina regina Francie esset causa obstaculi honoris hujus dicti 
episcopi, nisus fuit pluries per média tores plures et diversos, ut ipsa 
reciperet ipsum episcopum in gracia sua et familiaritate solita ante 
dictas iniquitates détectas, et quod non potuit impetrare, eo quod 
dicta domina mente decipi verebatur ab ipso et ejus iniquitates abhor- 
rebat. 

V. Item proponit quod dictus episcopus, tune gravius et durius 
motus contra dictam dominam reginam Jo[hannam], concepit per 
modum quemeunque sibi causam mortis prestare, tum ex odio quod 
ad eam habebat, tum quia sibi videbatur quod esset obstaculum hono- 
ris ipsius episcopi. 

VI. Item proponit quod pluries et locis diversis dictus episcopus, 
non valens cordis iniquitatem prorsus eclare, dixit et se jactavit quod 
ipse omnino faceret quod ipse esset in gracia dicte domine regine 
Jo[hanne], aut ipse expediret se de ea. 

VII. Item proponit quod dictus episcopus, volens ad actum nepha- 
rium conceplum procedere, ut homo positus in profundo malorum, 
vocavit ad se secrète quand a m mulierem, que divinatrix dicebatur, 
habens socium quendam fralrem religiosum qui notieiam habere dice- 
batur artis demones invoCandi, fecitque demonem invocari, ipsumque 
demonem consuluit quomodo posset habere graciam dicte regine aut 
se expedire de ea quod morerelur(jf'c). Qui demonsibi consuluit quod 
ymaginem ceream fieri faceret et eam babtizari, imposito ymagini 






272 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

nominc proprio reginc, et postea pungeret aut pungi faceret ymaginem 
ipsam in capite et aliis partibus eorporis ymaginis, et statim regina 
infirmaretur ; quod si illud non sufficeret, faceret iteratis vicibus pungi 
dictam ymaginem et eandem totam consumi, et sic regina moreretur. 
Quod consilium dédit démon, homagio prius per dictum episcopum 
sibi facto. 

VIII. Item proponît quod nequam ille episcopus, consilium demo- 
nis amplectens, quesito locoaptoet 4 opéra tenebrosa, in habi tu berge ri i 
seu agricole transformatus, cum dicto fratre[et] duabus mulieribus de 
nocte venit ad heremitagium talis nemoris, et ibi ficri fecit quan- 
dam ymaginem ceream ad figuram mulieris, et eam ibidem babtizari 
fecit, imposito nominc Johanne, et fuerunt ibi patrini et matrine ut 
est in babtizandis pueris assuetum. 

IX. Item proponit quod dictus episcopus dictam ymaginem, sic 
babtizatam, pungi fecit cum acu vel graphio, in capite et aliis par- 
tibus eorporis ymaginis, et postea eam involvi et in loco certo in ipso 
heremitagio secrète poni. 

X. Item proponit quod dicta regina incepit graviter infirmari illo 
tempore vel salis cito postea. 

XI. Item proponit quod dicta domina regina languit graviter magno 
tempore de illa infirmitate, nec aliquis medicus causam infirmitatis 
bene noscere potuit nec aliquod adhibere remedium pro ipsa domina, 
licet plures et magni medici fecerint posse suum. 

XII. Item proponit quod dictus episcopus pluries et fréquenter 
misit nuntios suos, infirmitate predicla durante, ad sciendum statum 
infirmitatis dicte domine. 

XIII. Item proponit quod dictus episcopus pluries et fréquenter 
fecit yterari puncturam dicte ymaginis, dicta infirmitate regine 
durante. 

XIV. Item proponit quod finaliler, cum dictus episcopus videret 
quod dicta regina non moriebatur, licet magno tempore graviter lan- 
guisset, cum dictis personis cum quibus ad dictum heremitagium véné- 
rât venit yterum, de nocle et habitu transformato, ne cognosceretur, 
et ibi, recepta dicta ymagine juxla ignem, dicendo : « Quomodo, 
diabole, vivetne semper hec millier? » fregit membra eorporis yma- 
ginis illius et dilaceravit, et in terra cum pedibus ymaginem con- 
culcavit 3 , et in ignem projecit et combussit. 

1 . Il y a sans doute erreur : et mis pour : ad. 

2. Le texte porte : conculvavit. 



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PIÈCES JUSTIFICATIVES 

XV. Ilem proponit quod dicto tempore vel circa dicta re 
decessit. 

XVI. Item proponit quod diclus episcopus, malis hujusmodi 
contcntus, nichii se cgisse rcputans nisi lilios domlni régis et ■ 
domine regine defuncte et dominum Karolum, fralrcm régis, : 
Hier expediret sicul reginam expcdiverat de hoc mundo, euro c 
personis venit simili modo ad heremitagium supradiclum, cl ibi< 
projeclis loco illo scorpionibus, botarcllis, arnncis venenosis 
illis fecit fieri et componi venenum et in quadam pixide fecit re[ 

XVII. Item proponit quod diclus episcopus post intervallum 
poris mandavit pro fralrc Raginaldo, qui in dicto heremi 
habitabat, ut veniret cunv dicta pixide ad i m pot ion and um dom: 
K-, fratrem régis, qui lune ad partes Campaniedeclinarat. 

XVIII. Item proponit quod post dictum venenum confec 
dicto episcopo in habitu transformalo in dicto heremilagio exisl 
quidam miles venit ad dictum heremitagium, nomine 1 ..., qui f 
in servicio dicte domine regine Navarre ipsi episcopo co 
ri u s in dicto negocio deliberationis dicti magistri Johannis ; et 
se velle missam audire et postea cum prunis bibere. El cum dictus 
mita prima collecta haberet supra in quodam solario in quo era 
tus episcopus, episcopus hoc audiens recepit de dicto veneno et 
veneno pruna ipsa ; de quibus, sibi post missam portatis, su 
dictus miles, statim inlirmari cepit et infra quatuor dies decess 
sic venenum suum episcopus predictus probavit, licet prius in 
dam cane probasset, qui statim post gustum veneni decessit. 

XIX. Item proponit quod dictus heremita, perpendens malici: 
severitatem dicti episcopi, venire noluil lune ad dictum episco 
sed se excusavit; sed postea, aliis vicibus mandatus, venit ad eun 
quenler. Et coram gentibus eum dure increpabal, imponendo sibi 
ipse heremita benedictiones nubliales in heremo contulisset, eun 
perlineret ad eum, quod lamen nunquam leinplaverat diclus 
mita; et postea secumsolilarieel secrète in caméra longis [hjorisl 
batur et cum faciebat secum comedere, ut cum induceret ad mi 
rium sibi prebendum malorum operum predictorum, lieel dictus 
mita, caute timens de mortis periculo, diflugerct et ministerium i 
vitarct. 

XX. Item proponit quod diclus heremita, volens prorsus fui 
poleslate episcopi memorati, rcs suas paravit de heremo tran 

1. Il y a un blanc dans la pièce. Le chevalier s'appelait Jean Bou 

Van. « Doc. i. f&tal, du Oum. 



274 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

alibi ad salvandum ; quo denunciato ipsi episcopo, mandavit episcopus 
ipse pro eo, et sibi graves minas intulit in secreto, si se transferre 
alibi ampliusattemptaret. 

XXI. Item proponit quod dictus episcopus yterum mandavit pro 
heremita predicto ut pixidem sibi portaret prediclam, et ei mandavit 
quod se pararet ad veniendum ad locum ubi regem Navarre ac alios 
filios domini régis reperiret, et ei certum modum et formam dédit ut 
dictis domini régis filiis de dictis potionibus faceret ministrari, eidem 
heremite munera multa promitens. 

XXII. Item proponit quod dictus heremita, timoré mortis ad caute- 
lam mandatum suscipiens ore, non animo, ut ex postfacto ostendit, 
recédons ab eo fugit ad diocesim Senonensem, ubi confessus estcuidam 
sacerdoti qui sibi consuluit ne unquam reverteretur ad episcopum 

supradictum. 

XXIII. Item proponit quod dictus episcopus, audito quod dictus 
heremita Senonis fugerat, volens ejus personam habere et se expedire 
de eo, ne posset ejus predicta scelera revelare, requisivit officialem 
Senonensem ut eum remitteret dicto episcopo : quod dictus officialis, 
sicut vir consciencie, facere noluit, habens suspectum neguocium. 

XXIV. Item quod, post multos anfractus, dictus heremita, qui sem- 
per esse bone vite et sancte conversa tionis consuevit nec dictis scele- 
ribus ascenserat {sic), fugit ad ipsum ballivum et premissa sibi ape- 
ruit, eum requirens ut remedium adhiberet quod posset. 

XX V. Item proponit quod idem ballivus, — ut persona publica, non 
ut vellet, quod absit, partes judicis assumere, set ne temerarie contra 
dictum episcopum crederet nec frustra diffamaret eum, — se eum tes- 
tibus de premissis et premissorum circu[n]stanciis informavit ut ple- 
nius posset premissa domino régi referre. 

XXVI. Item proponit quod, eum plena informatione dominum regem 
adhiens, ex debito fidelitatis sui oflicii et ex caritate Dei et zelo fidei 
catolice', contra quam dicte ydolatrie perpetrale noscuntur, exposuit 

ipsi domino régi predicta. 

XXVII. Item proponit quod dictus dominus rex, dehberato consilio, 
— Vttendens premissa scelera vergere contra maiegstatem (sic) divi- 
nam et ipsius domini régis et contra fidem catolicam vehementer, 
resque esse gravis et periculosi exempli si sine pena manerent, videns 
grave periculum et scandalum imminens propter liberos et propinquos 
dicte regine, qui, nisi vindicla sumeretur per ecclesiam de predictis et 
fieret justicie complementum, justo dolore moti, non possent forsan 
obtinere tante sue injurie ultionem, nec eciam ipse dominus rex 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 



27S 



honeste posset obmitere quominus in ecclesie defectum, quod absit, 
debitum suum exsolveret in predictis* ad servandum honorem ecclesie 
et ad vitanda hec pericula ac scandala, — per sollempnes personas ac 
clamosam insimialionem predicta omnia exposuit Patri sanciissimo 
domino summo Poritifici. 

XXVIII. Item proponit [quod] prefatus dominus summus Ponti- 
fex, ad clamosam insinuationem predictam attendens diligenter pre- 
dicta scandala et pericula, capi mandavit dictum episcopum, et vobis 
dominis comisit ut discreto, de piano, s um marie sineque strepitu 
judiciario veritatem de premissis et ea modo quocumque tangentibus 
diligenter et celeriter inquiratis, inquestamque sibi remilatis, ut ipse 
possit oiïicii sui debitum exsolvere in predictis. 

Hos igitur articulos tradit vobis idem ballivus, protesta ns quod plu- 
res alios articulos pertinentes ad premissa adminiculumque prestantia 
(sic) vobis tradet, protestans insuper quod super premissis possit ad d ère, 
minucre vel mutare, prout veritati perquirende neguocii vident opor- 
tunum. 

Suplicat igitur vobis predictis dominis comissariis, reverendis patri- 
bus, ut, cum in mora esse posset multiplex periculum, sceleriter (sic) 
ad inquirendum procedatis, oflferens vobis testes aliquos, quos nunc 
habet paratos, et alios vobis salis cito similiter ministrabit. 

Arch. Nat., J. 438, n° 8'. Minute. 



XIV. 



Premiers articles contre Tévêque de Troyes relatifs aux accusations 

d'envoûtement et d'empoisonnement. j 

(Séance du 8 octobre 1308) 

Nos archiepiscopus Senonensis, episcopus Aurelianensis et electus 
Autissiodorensis, inquisitores cum illa clausula « quod si non omnes 

etc. » contra Trecensem episcopum deputati, attendentes que ad audi- 
tum domini nostri summi Pontificis de dicto Trecensi episcopo sunt 
perducta, videlicet : 

1° Quod idem episcopus sortilegiorum perversis operibus se immer- 
sit et illa exercere nequiter non expavit; — 2° item quod dictus epis- 
copus inclite memorie dominam Johannam, olim reginam Francie, 



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276 * PIÈCES JUSTIFICATIVES 

domini «estri régis conjugem et consortem, tempore quô vivebat capi- 
lali odio latenter extitit prosequtus, eo quod ad procurationem et pro- 
motionem dicte domine régi ne ex causa de ronsilio regio ejectus fuerat 
et expulsus ; — 3° item quod dictus episcopus pluries et locis diver- 
sis se jactavit quod, ex quo dicte domine regine graciam non pote rat 
obtinere, mortis passionem eidem procuraret; — 4° item quod idem 
episcopus ad execranda quelibet se convertens, sue malignitatis con- 
cèptum nepharium ad actum perducere cupiens, vocavit ad se secrète 
quandam mulierem maligno repletam spiritu, que divinatrix seu sorti- 
lega dicebatur, que consulta per ipsum quomodo posset se de dicta 
regina vindicare, consuluit quod faceret demonem invocari; — 5° item 
quod dictus episcopus in familiaritate seu amicicia secum habebat 
quendam fratrem religiosum Jacobitam, Johannem de Fayaco nomine, 
habentem noticiam artis demones invocandi ; — 6° item quod fecit 
demonem invocari et quod démon coram ipso comparuit, a quo prefa- 
tus episcopus quesivit quomodo posset habere graciam dicte domine 
regine vel saltem facere quod mortem breviter dicta domina pateretur; 
— 8° item quod démon, homagio prius ppe dictum episcopum sibi 
facto et uno de membris suis eidem promisso, respondit quod ymagi- 
nem fieri faceret ceream ad formam mulieris et baptizari, imposito 
nomine dicte domine regine ymagini prelibate, et postea, ad ignem 
ymagine aliquantulum calefacta, ipsam ymaginem pungeret aut 
pungi faceret in capite et aliis parlibus ipsius ymaginis, et regina inci- 
peret infirmari; — 8° item quod hoc faceret iteratis vicibus et demum 
totam per ignem eam consumi faceret, et sic regina illico expiraret; — 
9° item quod dictus episcopus, tanquam iniquitatis filius, demonis 
amplectens consilium, quesito loco apto, videlicet heremilagio Sancti 
Flaviti in nemoribus sue diocesis, ad dictum consilium effectui man- 
cipandum ivit cum dicto Jacobita de nocte ad dictum heremitagium, 
ubi, ipsis episcopo et Jacobita indutis super vestes suas rochetis de 
grossa tela, ac si essent boverii vel bergarii, dictus episcopus dictam 
ymaginem fieri fecit et omnia alia prout démon eidem 4 duxerat respon- 
dendum ; — 10° item quod dicta domina regina, illico post primam 
punctionem ymaginis vel satis cito post, incepit graviter infirmari, nec 
inveniri potuii medicus vel physicus qui sue infirmitatis causa m 
cognosceret et remedium adhiberet; — 11° item quod, post plures 
punctiones dicte ymagini factas de mandato dicli episcopi pluribus 
noctibus, tandem quadam nocte idem episcopus in dicto heremitagio 

1. Au n° 7 : etidem. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 277 

dictam ymaginem membratim fregit et pedibus conculcavit et dilace- 
ravit, et postconsumptionem dicte ymaginis dicta domina expiravit; — 
12° item quod dictus dominus episcopus, dum dicta domina regina 
infirmabatur, suos fréquenter misit nuncios secrète ad investigandum 
statum infîrmitatispredicte; — 13°item quod dictus episcopus, premis- 
sis non contentus, de malo labens in pejus, nichil reputans se egisse 
nisi illustrem regem dominum regem Navarre et dominum Carolum, 
fratrem domini régis Francie, vcneno extingueret, cum dicto religioso 
venit ad dictum heremitagium, et ibidem, de scorpionibus, boterellis 
et araneis venenosis vènenum fecit componi et in quadam pisside 
reservari; — 14° item quod, cum post compositionem dicti veneni dic- 
tus episcopus occulte in dicto heremitagio existeret, quidam miles, 
nomine Johannes Boursaudi, venit ad dictum heremitagium ; qui cum, 
mi s sa audita, vellet inibi bibere cum vino et prunis, dictusque episco- 
pus cum prunis collectis esset in quodam solario dicti loci, hocaudiens, 
volens probare venenum predictum, prunas unxit, de quibus dictus 
miles post comedens, cepit illico infirmari et post quatuor dies mortis 
periculum non evasit; — 15° item quod dictus episcopus antea in quo- 
dam cane dictum venenum probaverat, cui de dicto veneno dederat ad 
potandum, qui, potu recepto, mortuus cecidit et extinctus; — 
16° item quod prefato domino Carolo, dum ad partes Campanie accessis- 
set, neenon et domino régi Navarre illustri dictus episcopus conalus 
fuit pestiféré potionis haustum facere propinari, et nichilominus potio- 
nem ipsam de facto nonnullis aliis propinavit, qui sève mortis occa- 
sum passi sunt ob hujusmodi potionem ; — 17° item quod dictus epis- 
copus mandavit pro heremita predicti heremitagii ut pissidem predic- 
tam sibi porlarct, et certum modum et formam dédit, quibus dictis 
dominis régi Navarre et Carolo dictas potiones faceret ministrari, 
multa munera eidem promittendo; — 18° item quod dictus heremita, 
timens sibi mortis periculum imminere, ficto ore et non ex corde dic- 
tum mandatum suscepit et recessit ab eo, ac fugit ad diocesim Seno- 
nensem ; — 19° item quod dictus episcopus, audito quod prefatus here- 
mita Senonis fugerat, volens ipsum morti tradere ne posset ejus sec- 
lera revelare, requisivit officialem Senonensem ut eum sibi remitteret; 
— 20° item quod idem episcopus multa alia commisit enormia et 
nephanda, in divine majestatis ofFensam exemplique mali perniciem et 
scandalum plurimorum; — 21° item quod, dum de mandato domini 
pape caperetur, ipse episcopus dixit eum capientibus : — Bene video 
quod vos capitis me pro suspictione dicte regine mortis ; — 22° item 
quod premissa et singula premissorum esse vera competenterconfessus 



278 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

est dictus episcopus coram bonis; — 23° item quod est contra ipsum 
rumor, diffamatio manifesta necnon publica vox et fama et tanta infa- 
mia, quod non potest sine scandalo dissimulari vel sine periculo tole- 
rari super premissis et singulis premissorum. 

Arch. Nat., J. 438, n° 6. Cf. n°» 3 et 7. Copies. 



XV 

Raisons de droit proposées par Bernard de Pierrepont, 

procureur de Pévêque. 

(Séance du 13 février 1308) 

Ad illum finem quod processus per vos, reverendos patres ac domi- 
nos, archiepiscopum Senonensem, Aurelianensem et Autisiodorensem 
episcopos, inquisitores, ut dicitur, contra episcopum Trecensem a sede 
apostolica deputatos, non valeatet nullus sit ipso jure et nullius pro- 
nuntietuf existerc iirmitatis, vel saltem sit anullanduset totaliter revo- 
candus, et quod responsiones facte per ipsum episcopum Trecensem 
quibusdam articulis sibi a vobis traditis in nullo prejudicare valeant 
nec eciam debeant, nec examinatio tcstium a vobis super articulis pre- 
dictis facta valeat, immo nulla sit ipso jure vel saltem eidem episcopo 
Trecensi obesse non possit ; — dicit et proponit procurator episcopi 
predicti, nomine procuratorio ipsius episcopi et pro ipso, ratio nés que 
sequntur : 

Quod processus nullus sit, vel saltem anullandus, apparet mani- 
feste, quia certum est quod in causa inquisitionis hoc modo est pro- 
cedendum : quia inquisitores primo inquirere debent super fama illius 
contra quem est inquisitio facienda, et, ex quo presens est ille contra 
quem inquiritur, exponenda sibi sunt capitula super quibus inquisitio 
est facienda; quibus expositis et sibi facta copia de eisdem, dcmum est 
de fama illius inquirendum antequam super ipsiscriminibus inquiratur : 
et nisi sit diffama tu s super illis, non est ad inquisitioncm criminis des- 
cendendum ; nec procedit inquisitio nisi fama probata précédât, quo- 
niam in talibus non est precipitandus processus ; nec eciam fama que- 
libet sufficeret in hoc casu, cura non levis vel tacita infamia sufficiat, 
sed clamosa, talis que crimen quasi redderet manifestum, or tu m non 





PIÈGES JUSTIFICATIVES 279 

habens a malivolis seu maledicis, vilibus, famosis, inimicis, conspira- 
toribus seu notatis, sed benivolis et benedicis ac honestis ; plus cciam, 
ubi contra prelatum inquiritur, tanta débet infamia precedere ante- 
quam ad inquisitionem procedatur, quodamplius non possit sine scan- 
dalo tolerari ; preterea de fa m a prelati est primitus apud capitulum 
sue ecclesie inquirendumiqui, si ibi non reperiatur diflamatus, non est 
contra eum ad inquisitionem procedendum; quod si alio modo fiât, 
ordo judiciarius qui in taiibus est observandus non scrvatur. 

Cum igitur dictus episcopus Trecensis super contentis in articulis 
sibi datis a vobis non fuerit infamatus; et, si fuerit, quod absit, orta 4 
sit a maledicis et malivolis et inhonestis; et specialiter, si orta est, orta 
est a tempore captionis et detentionis cpiscopi supradicti, non manifes- 
tum faciens vel scandalum inducens, de ipsa fama non interrogatus a 
vobis, non confessus vel convictus, inquisitumque aliquid a capitulo 
non fuerit de eodem, nec alias légitime contra eum, eo modo quo 
fucrat, ut premittitur, faciendum, fuerit comprobata : apparet mani- 
feste processum habitum contra se in hoc casu nullum esse et fuisse, 
vel saltem a vobis anullandum et revocandum seu irritandum, — 
maxime cum dominus papa in suo rescripto non asserat ipsum episco- 
pum esse infamatum, sed ex mero officio sirhpliciter inquisitionem 
commisit faciendam : quia semper débet intelligi rescriptum secun- 
dum tenorem juris communis, et, in dubio, sic est rescriptum interpre- 
tandum; quin imo séries et ténor ipsius rcscripti expresse nonexposcit, 
ubi dicitur quod « de premissis et tangentibus ea</em» 2 ,sci!icet fama, 
que propriam naturam ipsius inquisitionis, et pcr verba sequentia ubi 
dicitur « informa (amen juris etc.,* », que forma est ut de fama primi- 
tus modo predicto ita inquiratur. 

Preterea dictus episcopus debuit habere dilationem ad respondendum 
articulis sibi traditis, quam a vobis habere non potuit; unde responsio 
facta super ipsis articulis nullius [est] firmitatis, nec litis conteslatio 
potest dici esse facta super ipsis rationibus que sequntur : quia hoc est 
de ordine judiciario, in causa inquisitionis, quod copia articulorum est 
facienda et deliberatio super hiis concedenda ; quod si omissum 
fuerit, ordo juris perverti tur ac non valet quod agi tu r. Preterea, in 
civilibus, ubi non est tantum periculum, litis conteslatio ex impro- 
viso et subito facta non valet ipso jure; immo ac si facta non fuisset 

\. S. e. fama. ou (li/famat io. 

2. Voy. le mandement du pape. 

3. Ibid. 



280 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

est habenda ; ergo multo fortius in criminibus, ubi m a jus est pericu- 
lum, subita responsio non nocebit nec litis contestationem faciet. Sed 
dictus episcopus neque deliberationem habere potuit, nec eciam peri- 
tiores consulere ; immo, ante responsionem ad articulos, fuit sibi peni- 
tus consilium denegatum, et compulsus fuit a vobis super ipsis ex 
improviso respondere, super quibus, ut dictum est, fama minime labo- 
rabat nec erat probata contra eum; et sic super articulis non tenebatur 
respondere, nec ipsa responsio sibi potest prejudicium generare, — 
maxime cum semper protestatus fuerit quod deliberationem et consi- 
lium habere volebat, et eciam invitus eisdem articulis respondebat, et 
quod hujusmodi responsio sibi in aliquo prejudicare non debebat, et 
quod processui predicto seu tali modo procedendi non debebat consen- 
tir tacite vel expresse, immo dissentiebat omnino. 

Prelerea productio seu depositio testium contra ipsum in hac causa 
productorum non valet, nec eorum dicta prejudicant episcopo supra- 
dicto : primo quia, ut dictum est, ordo judiciarius non est servatus, 
et inde quicquid secutum est nullius est fîrmitatis; secundo quia, lite 
non contestata, sunt examinati, ut dictum est, cum hujusmodi subita 
responsio litis contestationem non faciat, ut est dictum; et licet non 
sit in hujusmodi processibus litis contestatio proprie facienda per 
affirmationem et responsionem, — cum non sit ibi proprie verus actor 
id quod ponitur asserens et affirmans, — est tamen quasi litis contes- 
tatio, et esse débet, scilicet assertio famé, et responsio, cum delibera- 
tione facta a reo : quorum quodlibet defuit in hoc casu, et sic non 
potuit dici quasi litis contestatio fuisse facta, et per consequens 
receptio testium nullafuit ipso jure, quasi facta lite minime suffîcienter 
contestata. Preterea ipsi testes deposuerunt non jurali, quia super 
fama debuerunt jurare, et sic generaliter juraverunt : intelligen- 
dum fuit et intelligi debuit juramentum super hiis super quibus 
deponere debebant et tenebantur de jure ; sed hoc solum erat 
super fama, non super articulis criminalibus, super quibus testes 
produci non debebant, nec jurare super ipsis, nec eciam pars respon- 
dere quousque fama esset probata. Si igitur super criminibus hujus- 
modi non famosis deposuerunt dicti testes, super hoc non intelligeban- 
tur de jure jura ti, quia generalitas restringitur ad ordinem et modum 
juris ; ergo super ipsis deposuerunt non jurati, cum in juramento suo 
occulta sint, et debeant esse excepta , et sic super eis non dicuntur 
deponere vel jurare, nec intelligi possunt de jure, quin imo ex tali 
depositione non esset aliquis puniendus. Quare dicit procurator epis- 
copi predieti, quo supra nomine, quod a diclo processu debetur totali- 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 

ter dcsislere, ipsumquc anullare, scu tanquam nullui 
ob mi Itère. 

Prclerea, — et posilo sine prejudicio quod prem 
vel non obslarent, quod absit, et in cvcntum predicti 
adhuc tamen dicit diclus procurator dicti cpiscopi, nt 
Ho ipsîus et pro ipso, quod ad inquirendum super ali 
super expressis in rescripto apostolico et contenlis i 
copo traditis et spccilïcatis alias a vobis, procedere i 
aliis sibi de novo tradilis, virtulc illius clausulc (,'em 
cripto apostolico contente, videlicet : « et plara alia < 
mia el nephanda », procedere tenctur idem episcopu 
aliquatcnus responderc ralionibus inlrascriptis : qu 
siones sunt odiose et inquisiliones sunt cxlraordinai 
gende, maxime contra prelatos, contra quos facile 
dendum vel credcndum, ne concussis columpnîs ci 
quoniam propterexequtionem officii sui omnibus con 
sunt, sed odio habenlur a multis ; item quia non est i 
num papam voluissediclam inquisitionem in infinitui 
cssel, si virlute illius clausule gcncralis atiacrimina p 
super eis procedi, quiaeadem rationc isto modopropoi 
postea alia cumulari et usque in inlinitum procedi, c 
dum sentire et iniqum. Prclerea si dominus papa sen: 
procedi super atiis quam super expressis ibidem, ea 
sisset sicut alia et specilicassel ; que igitur expressa I 
lur esse ueglecla. L'ndc super isfis petit sibi penilus 
proleslando quod si respondeat dictis factis vel arlicu 
novo propositis, quod sibi non possel prejudicium gei 
lus rcspondeal cisdem. Prclerea, — et posito sine 
idem episeopus dictis novîs vel de novo traditis art: 
tencatur, quod absit, repetîtis protestalionibus predict 
dere non intendît, — dicit lamcn el proponit idem pr 
quo supra, quod eis stalim respondere non lenetur 
edi, el copia ipsorum iieri, el dics ad deliberandum si 
super hiis possîl cum suo consilio deliberare et di 
dere : quod petit sibi lieri in cvenlum prcdiclum cl s 
bus supradictis, alias non. Prelerca, — et posito sine 
protestalionibus predictis quod eisdcm articulis respe 
eciamdelibcralo, — tamen primitusessetde famacont 
articulis inquirendum; alias, — nisi idem episeopus 
super ipsîs diffama tus quod sine scandalo non posset 



'n.rz^^J:- 



282 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

faceret quasi manifestum, — non tenetur idem episcopus dictis arli- 
culis respondere, cum de oecultis nemo respondere teneatur ; nec 
super ipsis est ad inquisitionem, scd solum super famosis pro- 
cedendum : unde, cum idem episcopus non sil super hiis modo 
predicto diffamatus, nec eciam de fama sit a canonicis sue ecclesie 
inquisitum, nec tanta dicitur infamia cxorta contra eum que quasi 
notorium faciat vel facere possit, maxime cum a benevolis et benedi- 
cis, amicis, honestis, immo si orta est a maledicis et malivolis, conspira- 
toribus et inimicis, maxime a tempore captionis et dctentionis ipsius, 
contra eum super premissis procedendum vel eciam inquirendum, nec 
eisdem tenetur respondere, attentis ordine juris et stilo consueto in 
talibus, consuetudineque gencrali et tenore rescripti predicti. 

Petens idem procura tor, quo supra nomine, rationes predictas et 
earum quamlibet, secundum ordinem suum, et in eventum predictum, 
a vobis admitti, et super premissis sibi quo supra nomine justiciam fieri. 
Quod si contra feceritis, quodabsit, non consentio, quo supra nomine, 
nec consentit idem prcdictus episcopus, sed contradicimus et dissenti- 
mus in quantum possumus, et protestamur quod nullum sit ipso jure, 
tanquam juris ordine pcnitus pretermisso et tenore seu forma rescripti 
apostolici non servato, de appellando seu provocando rationibus et 
causis antedictis ; protestato exhabundanti, — quod si premissa non obs- 
tarentvel valerent, quod absit, in illo casu solum, et non alias, et in 
eventum prcdictum ubi receptio et examinatio testium examinatorum 
et examinandorum in hac parte non valeret, — de dicendo et propo- 
nendo tam in personas quam in dicta eorundem. 

Arch. Nat., J. 439, n° 7. Copie. 



XVI. 

Nouveaux articles contre l'évêque de Troyes. 
(Séance du 13 février 1309) 

Nos Aurelianensis et Autissiodorensis episcopi, inquisitores a 
domino nostro summo Pohtifice, una cum reverendo in Christo pâtre, 
domino Senonensi archiepiscopo, cum illa clausula « si non omnes duo 






I"W 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 283 

tamen vestrum, etc. » contra Trecensem cpiscopum depulati, atten- 
dentes quod, cum illis articulis quispccialiter suniexpressi in rcscripto 
nobis directo, et in articulis eidem cpiscopo editis specialius sunt 
deducti, « ad apostolatus ejusdem domini noslri summi Pontificis 
« audienciam perdactum, eundem episcopum Trecensem multa alia 
« commisisse enormia et nephanda in divine maj estât is offensant 
« exemplique mali perniciem et scandalum plurimorum h » ; atten- 
dentes eciam quod, licet dictus episcopus Trecensis, lecto sibi dicto 
rescripto et injuncto sibi a nobis ut responderet, responderit negando 
omnia et singula in dicto rescripto contenta esse vera, idem tamen 
episcopus, post prestitum juramentum coram nobis de articulis per 
generalem clausulam generaliter comprehensis, petiit declarationem sibi 
fieri antequam per idem juramentum suum responderet ; ideoque, ut 
certius possit et debeat respondere dictus episcopus, nos episcopi 
supradicti, dicto reverendo pâtre absente ac per suas patentes litteras 
excusato, dictos arliculos eidem declaravimus ut sequilur, super qui- 
bus necnon et de fama intendimus inquirerc et procedere una cum 
aliis articulis supradictis, ut tenemur secundum traditam nobis for- 
ma m, maxime cum, si contenta in articulis infrascriptis vera essent, 
magnum prestarent adminiculum super articulis nobis ab apostolica 
scde specialiter commissis. 

Primo videlicet, quod ab ipsa nativitate dicti episcopi exordium sumat 
presens negocium, quod constante matrimonio inter Agnetem, uxo- 
rem quondam Johannis Guichart, matrem dicti episcopi, et predic- 
lum Johannem Guichart, quoddam genus diaboli qui vocatur gal- 
lice « netum », in latino « incubus » et « suhcubus », secundum quod 
ipsum diversorum sexuum humanorum formam et operationes assumit, 
antequam dicta domicella conciperct die tu m episcopum, ita continuo 
nocte dieque infestabat invisibiliter dictam domicellam et omnes habi- 
tantes cum ea, quod nullus poterat in dicta domo durare, nec volebat 
nec audebat quisquam pedisseca, domicella vel quisvis alius servions 
dicte domicelle servire ; 

Item quod bone memorie Nicolaus, quondam istius nunc episcopi 
predecessor, ad supplicationcm dicte domicelle et ad famam publicam 
de infestatione predicta, ad expellendum dictum diabolum ad domum 
quam dicta domicella habitabat accessit; 



i. Ce sont les termes mêmes par lesquels le pape dans son rescrit réser- 
vait ces nouvelles charges sans les énoncer. 






284 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

Item quod, durante infestatione predicta, dicta domicella dictum 
episcopum concepit ; 

Item quod prefatus Johann es Guicharz, maritus dicte domicelle, 
audila nativilate dicti nunc episcopi, quantumcunque sciret bonita- 
tem, mundicîam et sanctam conversationem dicte domicelle, quandiu 
ipse vixit dictum nunc episcopum videre nolebat et abhominabatur 
(sic) et horrebat ; 

Item quod tune temporis a coetaneis suis filius netuni vocabatur, 
et pro tali ab omnibus communiter habebatur; et, postquam ipse fac- 
tus fuit monachus in monasterio Celle Trecensis, a commonachis suis 
hoc nomine fuit pluries appellatus ; et de boc est et fuit illis tempori- 
bus sermo communis, publica vox et fama, tam in loco sue originis 
quam in monasterio predicto, et pluries recognovit dictus episcopus 
quod a pueris et commonachis suis filius incubi, id est netuni, vocaba- 
tur, et talis a pluribus dicebatur. 

II. Item quod fama est communis et fuit rétro temporibus in monas- 
terio Celle Trecensis, quod predecessor suus in prioratu Sancti Aygul- 
phi Pruvinensis veneno obiit, hoc faciente et procurante dicto nunc 
episcopo, quod ipse obtinereposset prioratum predictum: et de hoc est 
publica vox et fama. 

III. Item quod semel, tempore quo factus fuitprior Sancti Aygulphi, 
dum ipse, solus cum quodam tune parvulo commonacho suo, exueret 
cucullam suam et cam daret dicto monacho recipiendam, infini ti 
demones decapucio dicte cuculle et de capillis ipsius prioris in favilla- 
rum specie exiverunt; quod cum dictus parvulus videret, usque ad 
demenciam perterritus, cepit al ta voce clamare : quod audiens idem 
prior, confortare satagens dictum parvulum, dixit ei : — Tace, tace : 
ne timeas, nec cuiquam unquam dixeris quod vidisti! Et statim ipse 
mandavit pro quondam tune commonacho suo in dicto prioratu, nunc 
thesaurario ipsius prioratus : et de hoc est publica vox et fama. 

IV. Item quod idem episcopus, eodem tempore, obligatus per literas 
Roberto dicto Tuebeuf in ducentis libris, suasit dicto Roberto quod 
sibi dictas litteras asportaret, quod fecit : quas cum idem tune prior 
tenuit, eas aut laceravit aut in ignem misit, comminans ipsi Roberto 
quod si ipse de hoc ultra loqueretur, quod ipse villaniter verberare- 
tur : et de hoc est publica vox et fama. 

V. Item quod, tempore prioratus sui usque ad paucos annos preteri- 
tos, Jacobam de Vignetis, pro vita mariti sui in adulterio palam et 
publiée et invereconde, et a morte mariti citra in stupro eam invere- 
conde verberavit, uteoncubinam : cujus Jacobe occasione nonnulli de 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 285 

Pruvino pcr familiares dicti tune prioris fuerunt verberati, nonnulli, 
ut dicitur, interfeeti, dicto priorc mandante, consentiente et ratum 
habente tam verbo quam facto : et de hoc est et fuit tune temporis 
publica vox et fama. 

VI. Item quod eodem tempore, dum idem episcopus et adhuc erat 
prior dicti prioratus, in suo servicio tenebat et diu tenuit quendam 
nepotem suuîh, qui vocabatur Bequarz, et quendam clericum, qui voca- 
batur Guiotus de Donnapetra ; qui duo predicto tempore duos homi- 
nes interfecerunt, quorum unus vocabatur cognomine Ghampi, et alius 
Farsi, sciente, non contradicente dicto nunc episcopo, cum contradi- 
cere posset, consentiente aut ratum habente tacite vel expresse, reti- 
nendo post dictos murtrarios in suo servicio, et eorum, sicut antea, 
utendo operis, vestesque [et]victualia ministrando eisdem : et de hoc 
est Pruvini et erat tune temporis publica vox et fama. 

VIII. Item quod seditio, que dudum facta fuit Pruvini, dum idem 
episcopus erat prior prioratus predicti, per quam et cujus occasione 
Guillermus dictus Panthecouste, tune major, et plures alii violenter 
obierunt, de ejus assensu, consilio et consciencia facla fuit : est de hoc 
publica vox et fama. 

VIII. Item quod, tempore illius seditionis, quamplurimi de villa 
Pruvinensi, de dicti tune prioris legalitatc plenam gerentes fiduciam, 
majorem et preciosiorem portionem bonorum suorum, pro fidelissimo 
et securissimo refugio, pênes ipsum nunc Trecensem episcopum depo- 
suerunt : que ipse, sedata et placata dicta seditione, sibi totalitcr red- 
dere recusavit, asserens dictam domum in qua dicta bona recondita 
fuerant a casu combustam, cum in veritate ipsemet unam de domibus 
suis in qua fingebat dicta bona extitisse, licet alibi essent, combuxisset 
seucomburi fecisset, et dicta bona periisse cum ea : et exinde sumpsit 
idem nunc episcopus, tune prior predictus, exordium et fundamentum 
diviciarum suarum : super quibus laborant publica vox et fama. 

IX. Item quod dictus Guiotus de Donnapetra, eodem tempore et 
eodem modo quibus supra predicitur, quendam alium hominem inter- 
fecit in porlicu Sancte Grucis Pruvinensis : et de hoc [est] publica vox 
et fama Pruvini, et erat tune temporis. 

X. Item quod eodem tempore quidam proseneta in nundinis Cam- 
panie, dictus Petingre, cum bonis suis multis alfugiit ad prioratum 
Sancti Aygulphi in franchisiam, demum ibidem stans, cum ipse cum 
adversariis suis pacem fecisset, bona sua a dicto priore tune, nunc 
Trecensi episcopo, multotiens repetiit, et cum ea nullo modo vellet 
reddere, exinde desperatione concepta, per ipsummet, aut dicto priore 



286 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

curante, dictus Petingre statim comperlus est prope quoddam altarc in 
ipsa ecclesia interfectus : et de hoc est publica vox et fama. 

XI. Item quod dictus nunc episcopus, factus abbas monaslerii 
Celle Trecensis, per symoniacam pravitatem nonnullos fecit et créa vit 
monachos in dicto monasterio : et de hoc est publica vox et fama. 

XII. Item quod eodem tempore, eu m ipse idem comperisset juxta 
domum suam quendam piscatorem cum quadam trubla, nudum tamen 
piscibus, imponens ei quod ipse furatus fuerat pisces suos, statim 
ipsum nonconvictum, non confessum, non condempnatum, fecit sus- 
pendi : et de hoc est publica vox et fama. 

XIII. Item quod idem nunc episcopus, tempore predicto, duos 
detentos in carcere suo pro levi causa, videlicet pro eo quod luserant 
ad taxillos, nolentcs aut non valentes eidem episcopo satisfacerc de 
tan ta summa quantam ab eis exi^ere volebat, alimenta et alia ad vite * 
necessaria cisdem ministrari prohibuit, et sic eos famé necari fecit, seu 
predicla fieri fecit et mandavit, aut ea nomine suo facta rata habuit : 
et de hoc est publica vox et fama. 

XIV. Item quod episcopus nunc, indignatus contra quendam cura- 
tum et ad iracondiam provocatus, adeo su uni odium et malam volunta- 
tem, tanquam de suo inimico capitali, detexit et indicavit suis familia- 
ribus scutiferis, quod unus ex illis, nepos cjusdem episcopi, videli- 
cet Pcrrinelus de Planca seu de Planchiis, dictum curatum, virum 
bone vite et conversationis honeste, vi armata vulneravit mulliplici- 
ter, ex quibus vulneribus infra paucos dies decessit, dicto episcopo hoc 
suadente et procurante, et ipsum homicidam post factum hujusmodi, 
ut suum familiarem, ut prius, retinente, scienterque ipsum contra 
quoscunque jusliciarios auxiliante, et homicidium hujusmodi, ejus 

contemplatione factum, notum habente : et de hoc est publica vox et 
fama. 

XV. Item quod idem nunc episcopus, factus abbas monaslerii Celle 
Trecensis predicte, et homo ligius et de consilio nobilis quondam 
domini Hemonis, quondam comitis Campanie, ratione dicti comitatus 
astrictus tune temporis, tam ex iidelitatc ratione homagii quam ex tan- 
quam consiliarii debito prestiti juramenti super conservatione fîdelicor- 
poris, honoris dicti comitis, bonorum et jurium dicti corn i ta tus, 
ipse contra suam fîdelitatcm faciens et perjurium commi tiens, que 
erant jura et bona heredilaria i psi us comilatus monasterio Celle Tre- 
censis appropriavit : et de hoc est publica vox et fama. 

i . .Sic pour vitarn. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 287 

XVI. Item quod dictus episcopus, factus episcopus et ante, usuras 
exercuit multis modis, tam in pecuniis mutuandis quam in bonis suis 
carius ad terminos vendendis ; et societatem habuit cum mercatoribus 
in nundinis Campanie et aliis in dictis nundinis pecuniam fenerare 
consuetis, et a longissimo tempore retroacto : et super hoc est difTama- 
tus, et pro usurario ab omnibus fere qui de ipso habent noticiam, nec- 
non pro homine vitio incontinencie laborantc, et fraudes et calliditates 
in suis faciis communiter adhibentc, et pro homine maie vite reputatur 
et habetur : et de hoc est publica vox et fama. 

XVII. Item quod dictus episcopus nonnullos noiarios publicos jura- 
tos necnon testes productos et juratos fecit et procuravit, per corrup- 
tiones et munera ac munerum promissiones, falsa instrumenta confi- 
cere et falsa testimonia perhibere in prejudicium et scandalum pluri- 
morum : et de hoc est vox et fama publica. 

XVIII. Item quod idem episcopus, postquam fuit factus episcopus, 
nonnullis suc diocesis imponens heresim, aliis autem sortilegium, eos 
tenuit carccri mancipatos, et cum ipse, plcna ac diligenti inquisitione 
précédente, debuisset eos vel totaliter absolvisse vel totaliter con- 
dempnasse, vel saltem pro modo suspictionis et personarum conditioni- 
bus purgalioncm indixisse, predicta crimina pecunia redemit: et de 
hoc est publica vox et fama. 

XIX. Item quod falsum argentum composuit, et ex eo vasa qucdam 
ac pecuniam fabricavit, asserens tune hoc facere de licencia régis: et 
de hoc est publica vox et fama. 

XX. Item quod idem episcopus Guiotum de Donnapetra, post homi- 
cidium perpetratum ab eo, ut supra dicitur, beneficiavit in Trecensi 
diocesi, quanquam sciret hoc et ignoranciam nullam super hoc preten- 
dere posset: et de hoc est publica vox et fama. 

XXI. Item quod dictus episcopus est symoniacus, tonsurans homi- 
nes, et maxime litteras totaliter ignorantes, pecunia mediante: et super 
hoc est publica vox et fama. 

XXII. Item quod idem episcopus machinatus fuit in mortem clarc 
memorie Branche], quondam regine Navarre, genitricis colende 
memorie domine Johanne, quondam regine Francie, et venena morti- 
fera hiisque similia eidem regine Navarre propinari fecit, ex quibus 
receptis ab ea infra paucos dies mortem subiit et incurrit fine : ut hec 
fièrent dictus episcopus opem dédit, consilium et favorem : et super 
hoc est fama et vox publica. 

Item quod et dictam reginam Navarre, dum vivebat, persequebatur 
odio capitali: et super hoc est publica vox et fama. 



»*i 



288 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

Item quod factis et verbis ostendit et declaravit dictus episcopus se 
desiderarc velle videre mortem dicte domine regine Navarre celeriler, 
eo quod post mortem ejus, in eu ri a m domini régis Francie melius 
quam in ejus vita posset facta sua promovere : et de hoc est publica 
vox et fama. 

Item quod nuncio qui sibi mortem, modum mortis crudelem et 
horam dicte domine regine Navarre celeriter et velociter nunciavit, 
precedens quos ad hoc exploratores habebat deputatos, fecii donana, 
et in presencia multorum fide dignorum publicavit dictam domina m 
mortuam esse, et non solummodo de hoc se gaudere, sed eciam glo- 
riari, ostendens et declarans factis et verbis, publiée asseruit de dicta 
domina regina et ejus morte, quod de diabolo se expediverat, que 
ipsum et totum mundum destruere volebât : et super hoc est publica 
vox et fama. 

XXIII. Item quod idem episcopus, dudum de consilio régis et regni 
Francie factus, et per suum sacramentum, ad conservationem corpo- 
rum et honoris régis, regine ac liberorum suorum, bonorum, jurium 
et honoris ipsius regni teneretur ast'rictus, ipse, tanquam in totum 
ingratus, demeritus ac eciam infidelis, cum omni ignominia a predicto 
régis servicio est expulsus. 

XXIV. Item quod ipsemet_ quendam, Johannem de Belna nomine, 
canonicum Sancti Stephani Trecensis, ad mandatum inclite recorda- 
tionis domine J[ohanne], quondam regine Francie, contra ipsum epis- 
copum ad Romanam curiam accedentem, hoc presciens, ipsum in iti- 
nere predicto preveniri curavit, ac violenta ac repentina morte necari, 
pecunia ôb hoc data ; quod cum ad ipsius noticiam pervenisset, ipse 
summum gaudium inde fecit : et super hoc vox et fama laborant. 

XXV. Item quod ipse diffamât us efct super violenta morte inclite 
recordationis domine Johanne, quondam regine Francie, et quod ipse, 
audita morte dicte domine regine, ex eo summum gaudium faciens 
dixit pluries : — Amodo fa'eîfal michi tedium heredes Francie sub- 
mergendo postea : si faciant, omnes morientur,sieut mater et filia ! 

XXVI. lbejn quod opinio est communis quod dictus episcopus, a 

tempore qùo fuit prior Sancti Aygulphi Pruvinensis, verberatores 

hominum et homicidas tenebat in» suo servicio, et tenuit, et eos fovitet 

aluit;etquodnemini sojvere voluil^quod debebat, omnem quem suppe- 

ditare potuit, suppeditavR et depredavit, illos qui voluntali sue totali- 

ter non obediebant dampnificavit, minas inferebat, quodque ipse 

extunc erat et fuit homo pessinie vite et conversalionis inhoneste : et 

super hoc fuit tune temporis et adhuc est hodie contra ipsum publica 

vox et fanaa. 

Arch. Nat., J. 438, n%6 (copie). Cf. n° 7 (autre copie). 






PIÈCES JUSTIFICATIVES 



289 



XVII. 

Derniers articles contre révoque de Troyes. 
(Séance du 18 février 1309.) 

I. Item quod idem episcopus, vivente ad hue clare memorie domina 
B[lancha], regina Navarre, dixit talia verba seu consimilia : — 
Domina mea fecit me de consilio régis removeri seu eici\ et dieit quod 
ipsa faciet michi amoveri baculum pastoralem : ego ero salis cito vin- 
dicalusde ipsa, si Deo placueril : non diu morabiiur, quod ego vindi- 
cabor de ea! comminando predicte regine, cui jam preparaverat insi- 
dias venenosas : que postmodum per oclo dies obiit impotionata per 
ipsum seu alîos de mandato ipsius episcopi : et de hoc est vox et 
fama. 

II. Item quod idem episcopus demonem per ipsum invocatum inter- 
rogavit quid sibi in futurum contingeret seu quid de ipso esset aut 
sibi in futurum obveniret : qui démon sic ad hoc ab eo invitatus res- 
pondit, ut creditur, parabolitis, quod de ipso episcopo adhuc plura 
dicerentur seu major sermo haberetur quam de aliquo prelato regni 
Franc ie : et de hoc est publica vox et fama. 

III. Item quod idem episcopus rectorem de Villa subtus Terram, 
sciens ipsum bigamum de facto, in plurium proditionem et deceptio- 
nem animarum, contra sanctorum statu ta canonum, in presbyterum 
ordinavit : et de hoc est publica vox et fama. 

IV. Item quod, cum idem episcopus Reginaldum de Roigniaco, 
clericum, diu in suo carcere detentum 4 fecisset, tandem ordinavit et 
convenit cum eodem quod si daret vel solveret sibi centum solidos, 
quod faceret ipsum a dicto carcere liberari : postea vero, facta sibi 
relatione per officialcm suum et quosdam alios quod dictus Reginaldus 
dictos centum solidos solvere non poterat, idem episcopus cum jura- 
mento asseruit quod dictus Reginaldus dictum carcerem non exiret, 
nisi prius dictos centum solidos persolvisset ; et quia dictam pecuniam 
solvere non potuit, in dicto carcere miserabiliter expiravft : et de hoc 
est publica vox et fama. 

V. Item quod idem episcopus electum in abbatem de Nigella con- 
firmare, ipsumque benedicere maliciose dislulit seu eciam recusavit, 
quousque idem tune electus, aut alius pro [eodem, dicto episcopo 



1. N° 7 : detinuisset. 

Mim. et doc. </« l'Écol* dtt Chartes. 









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290 PIÈCES JUSTIFICATIVES 

propter hoc certam promisit pecunie quanlitatem, qua promissa et 
postmodum soluta et recepta, ipsum in abbatem confirmavit, et symo- 
niace benedixit : et super hoc est pubîica vox et fama. 

VI. Item quod idem episcopus in plures personas ecclesiasticas 
m a n us injecit temere violentas, et postmodum sacros ordines conferre 
divinaque celcbrare publiée temere non expavit : et super hoc est 
publica vox et fama. 

VII. Item quod idem episcopus, fraudem et m al ici am quam fecerat 
in facto Johannis de Calesio satagens pailliare (sic), fecit fieri unum 
falsum instrumentum et in eo conscribi et falso apponi signum Johan- 
nis Leonis de Garenna ', auctoritate imperiali notarii publici : et 
super hoc est fama et vox publica. 

VIII. Item quod idem episcopus, simili modo, fecit quoddam aliud 
instrumentum falsum fabricari et falso apponi in eo seu conscribi 
signum Acursii Lonfredi 2 , imperiali auctoritate publici notarii : et 
super hoc est publica vox et fama. 

IX. Item quod mediis et viis, quin immo fallaciis omnibus quibus 
poteral, conans super predicto facto dolum suum obumbrare, fecit 
fieri duo alia falsa instrumenta, dirigenda ex parte dicti Johannis 
simulate et iicticie exccllentissimo régi Francie, et aliud bone memorie 
domine Johanne, quondam regine Francie, fallaces et simulatas excu- 
sationes super predicto maleficio continencia, et ad predicla instru- 
menta sic falso fabricanda quendam suum subditum non ta m dolo 
induxit quam minis et terroribus compulit : et super hoc est publica 
vox et fama. 

X. Item quod idem episcopus super premissis et singulis est apud 
bonas et graves personas, lam ecclesiasticas quam seculares, multipli- 
citer difTamatus in tota diocesi Trecensi et in loto regno Francie. 

Arch. Nat., J. 438, n° 6 (copie). Cf. n° 7 (autre copie). 

i. Voy. p. 104 : Guarlina. 
2. Voy. p. 166 : Laufredi. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 



Comptes de mainmise sur l'év.'-clié de Trêves (1308-1314) 
^d'après la Table de Robert Mignon. 

Gompoli tcmpnratitalis episcopaluuni ccrta de causa det 
in manu re^is. 

Trectc 

Compolus Guillelmi de Hangcslo junioris de bonis lempi 
episcopalus Trecensis de lempore domini Guicbardi ibidem in 
detenti, faclus a festo beati Lucie 1308 1 usque ad apparitionen 
1310, redditus curin? mense lebruarii 1317 ; et dcbenlur ilict» 
xi.ix I. vin d. I. Non est correctus. 

Alius compolus ejuadem G. de dielis bonis, a die oclavar 
phaniïu 1.110 usque ad Pascha 1.112; cl debenlur ei vi* xxii 
vi d, ob. Xec est correctus. Item compolus bladorum eorundt 

Alius compolus ejusdem cl de eodem, a die Pascha' 1313 i 
Pascba 1314, redditus curiar mense februario 1317, nec esl c 

Alius compolus ejusdem G. de eodem, ab anno înccplo a 
1313 et linilo ad cundem Pascha 1314, redditus curin' mense le 
nec est correctus. 

Alius rotulus solutionum faclarum per Joanncm Ploicbai 
Bonis quibus dcbebalur pro prwdicto episcopo. 

Bibl. N'ai., ms. lot. 9069, p. 10:i0 



XIX 



[ftn'i], 9 mil 1310. 

Guichard, evéque de Troyes, conféra à André Jobclin, clerc, 1 
Pel-et-Dcr, et, ne pouvant sceller les lettres de son sceau, les ( 
du sceau de l 'officiai de Paris. 

Guichardus, permissionc dîvina Trecensis episcopus, deca 

1. Le ms. porte par erreur: 1318. Le Gall. Christ. (XII, 309) fa 
régale de 1300 à 131t. 

2. Jean Ploicbautou Ploicbranchc, prôvftt de Paris en 1310-13 
tleFr., XXII). 



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292 PIÈCES JfSTlFICATIVES 

de Brena [salutcm] in Domino. Noveritis nos Andrée dicto Jobeiin, 
clerico, latori presencium, parochialem ecclesiam de Palo, nostre Tre- 
censis diocesis, [libcram], vacantem per mortem Garneri, quondam 
curati dicte parrochialis ecclesie, ad religiosi viri abbatis Monasterii 
Arremarensis, dicte nostre [diocesis^, prose n ta tionem pertinentem, 
cum omnibus juribus et pertinences ejusdem pietalis intuitu contulisse, 
et eundem Andream investisse, presentibus notariis infrascriptis, ad 
boc specialiter vocatis ; de premissis et tangentibus eadem vobis man- 
dantes quatinus dictum Andream in possessionem corporalem dicte 
parochialis ecclesie juriumque et pertinenciarum cjusdem, seu ejus 
procuratorem loco sui inducatis. Et quia nos ad presens litteras sub 
sigillo nostro concedendi facultatem non habemus, venerabilem virum 
et discretum ofiîcialem Parisiensem, per Galtherum de Monte Mira- 
bili et Bernardum de Petraponte, clericos, notarios juratos curie 
Parisiensis, requisivimus, ut sigillum curie Parisiensis predicle in 
testimonium et robur premissorum duceret presentibus apponendum. 
Nos vero officialis Parisiensis predictus, dicti reverendi patris requesle 
pro nostris viribus annucre volontés et eandem benigniter admittentcs, 
ad rcla tionem dictorum juratorum nostrorum et notariorum, ad pre- 
missa a nobis destinatorum specialiter, quibus in hiis et majoribus 
fidem plenariam adbibemus, présentes litteras sigilli Parisiensis curie 
munimine duximus roborandas in testimonium premissorum. Datum 
anno Domini millesimo trecentesimo nono, die jovis post dominicain 
qua cantatur Judica me. 

Arch. départ. Aube, G. 776. Vidimus de 1315. 



XX 

13 avril 1311. 

Lettre de Jean de Gray, notaire apostolique, greffier dans le procès de 
Guichard, au pape Clément V, pour expliquer l'absence de son sceau sur 
l'enquête envoyée au souverain pontife. 

Sanctissimo patri ac domino, domino Clementi, ... devotus suus 
et humilis Johannes, dictus de Grayaco, clericus, auctoritate sacro- 
sancte Romane ecclesie notarius publicus, cum humilima sui recom- 
mendatione devotissima pedum oscula beatorum. Pater sanctissime, 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 293 

decet celsitudinis vestre clemenciam non latere quocl ego, lanquam 
persona publica, per reverendos patres et dominos meos bone memorie 
Stephanum, Senonensem archiepiscopum, qui novissime expiravit, ac 
R., Aurelianensem, et P., Autissiodorensem episcopos, commissarios 
a vestra clemencia deputatos sub certa forma ad inquirendum contra 
reverendum patrem dominum G., Dei gracia Trecenscm episcopum, 
super nonnullis criminibus de ipso beatitudini vestre delalis, vocatus 
fui ab inicio totius sui processus quem ipsi feccrunl, tam ipsi prenomi- 
nati conjunctim, quam duo prenominali episcopi, — extunc simili modo 
vocato per eosdem et présente Adam de Monteleonis, clerico sacro- 
sancte Romane ecclesie publico notario, — qui ambo notarii publici, 
ut persone publiée extunc usque in finem présentes fuimus cum dictis 
tribus reverendis patribus, quamdiu dictus Senonensis archiepiscopus 
circa hoc vacavit presencialiter, et demum cum dictis dominis 
episcopis, ex quo dictus dominus archiepiscopus se propter egritudinem 
quam ipse patiebatur excusa vit, et procedendo ulterius in negocio 
memorato, ipsisquc reverendis patribus jubentibus, scripsimus ac 
demum grossari fecimus omnem processum coram ipsis factum et 
habitum, necnon et depositiones omnes et singulas testium ac eciam 
litterarum, instrumentorum, munimentorum et omnium scriptura- 
rum in modum probationis aut informationis in negocio inquisi- 
tionis hujusmodi productorum seu exhibitorum. Et extunc primo 
et continue fui presens cum dicto nolario in omni actu et processu 
ad negocium pertinente inquisitionis prcdicte, usque dum per 
dictos reverendos patres finis fuit impositus negocio supradicto, vide- 
licet usque ad collationem faciendam de grossa ad originalia inquestc 
supradicte. Inquestam autem hujusmodi signo meo non signavi con- 
sueto, eo quod collationi deea ultimo facte de grossa ad dicta originalia, 
que pênes dictum Adam, no tari uni publicum, dimiseram, presens non 
interfui, quoniam tempore illo quo prefati domini episcopi duxerunt 
eam claudendam et suis sigillatam sigillis beatitudinis vestre clemen- 
cie remittendam, absens eram sine fraude, culpa aut dolo meis a pro- 
vincia Senonensi, et presens in Romana curia, seu in itinere accedendi 
de Senonis ad Romanam curiam eram illo tempore quo prefati domini 
episcopi pro signando dictam inquestam, prius facta collatione de 
eadem, ad suam presenciam novissime me vocarunt... Anno Domini 
millesimo treceniesimo undecimo , indictione nona, mense aprilis, die 
martis post festum resurrectionis Domini, pontificatus vestre sancti- 
talis anno sexto. 

Arch. Nat., J. 438, n° 12. Orig. 



294 PIÈCES JUSTIFICATIVES 



XXI 



Avignon, 1 9 avril 1 3 i 3. 

Clément V mande à l'archevêque de Sens de rapporter la sentence 
d'excommunication lancée contre Guichard, évêque de Troyes. 

Venerabili fratri... archiepiscopo Senonensi. Ex parte venerabilis 
fratrisnostri Guichardi, episcopi Trecensis, suffraganei tui, fuit propo- 
situm cor a m nobis quod tu, non ignorans quod dictus episcopus de 
mandata nostro apud sedem apostolicam detinetur, eum ad tu uni 
provinciale concilium evocasti, ipsumque, pro eo quod ad hujusmodi 
concilium prout nec poterat non accessit, reputans contumacem cum 
non esset, in eum excommunicationis sententiam auctoritate propria 
promulgasti, de quo non modicum admiramur. Quare dictus episcopus 
nobis humiliter supplicavit ut providere sibi super hoc de oportuno 
remedio dignaremur. Nos itaque, ipsius episcopi supplicationibus 
inclinati, fraternitati tue mandamus quatenus, visis presentibus, dictam 
excommunicationis sententiam sine difficultate qualibet relaxare et 
quemeunque processum occasione hujusmodi per te vel per alium seu 
alios auctoritate tua contra dictum episcopum hujusmodi evocationis 
occasione habitum in irritum revocare procures. Sic ergo in hujusmodi 
executione mandati solerter te gerere studeas quod nulia dicto episcopo 
proinde supersit ulterius materia conquerendi nec nos oporteat 
scribere itéra to. Dat. Avinione, XIII kalendas maii, anno octavo. 

Reg. Vatican. 60, fol. 77, cap. 236. 



XXII 



Avignon, 20 novembre 1313. 

Guichard, évoque de Troyes, reconnaît au chapelain de l'autel Noire- 
Dame, en l'église de Verdey, le droit de percevoir annuellement seize 
sotiers de grain sur les moulins et dix sous tournois petits sur les cens 
de Tévêque à Verdey. 

Universis présentes litteras inspecturis, Guychardus, miseratione 
divina Trecensis episcopus, salutem in Domino. Notum facimus quod, 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 295 

cum, jam diu est, questio moveretur inter nos ralionc redcliluum et 
proventuum terre nostre de Verdeyo ex una parte, et dilectum filium 
Johannem de Campoguidonis, presbyterum, perpetuum capellanum 
al taris Béate Marie in ecclesia de Verdeyo, ratione dicte capellanie ex 
altéra, super eo videlicet quod dictus capellanus, nomine quo supra, 
dicebat et asserebat quod predecessores sui, capellani dicti altaris, 
qui ante ipsum fuerunt capellani altaris ejusdera, erant et fuerant 
in pacifîca possessione juris percipiendi et habendi quolibet anno, 
nomine dicti altaris, super molendinis de Verdeyo , sexdecim 
sextarios bladorum ad mensuram dicte ville de Verdeyo, medieta- 
tem frumenti et medietatem sigali, neenon super censibus dicte 
ville, debitis ad festum Nativitatis beati Johannis Baptiste annis 
singulis, decem solidos turonensium parvorum pro deserviendo cuidam 
lampadi ardenti ante dictum altare ; — tandem nos, qui jus cujusli- 
bet servare debemus, affectantes rei hujusmodi scire veritatem, super 
premissis inquiri fecimus diligenter, et per eamdem inquisitionem 
légitime factam reperimus et constitit nobis et constat quod dictus 
capellanus, nomine et ratione dicte capellanie, percipere débet et 
habere quolibet anno, super molendinis de Verdeyo, unum modium 
bladorum, medietatem frumenti et medietatem sigali, ad veterem 
mensuram dicte ville de Verdeyo, neenon super censibus dicte ville, 
debitis ad festum Nativitatis beati Johannis Baptiste annis singulis, 
decem solidos turonensium parvorum pro deserviendo cuidam lam- 
padi ardenti ante dictum altare : unde manda m us et firmiter injun- 
gimus omnibus et singulis qui terram nostram de Verdeyo, specialiter 
molendinos et census superius nominatos tenuerunt, tenent et tenebunt, 
et exinde fructus, exitus, redditus et proventus perceperunt, perci- 
piunt et percipient deinceps, ut ipsi dicto capellano suisque successo- 
ribus, nomine quo supra, de dictis bladorum et pecunie quantitatibus, 
prout superius est expressum, pro tempore preterito, presenti et 
futuro, singulis annis, deinceps in perpetuum satisfacianteompetenter, 
omni contradictione postposita et remota. Et quantum ad hoc dictos 
molendinos et census dicto capellano suisque successoribus, nomine 
et ratione dicte capellanie, tenore presentium obligamus. Quod ut 
firmum et stabile permancat in futurum, présentes litteras lieri fecimus 
et sigilli nostri munimine roborari. Datum apud Avinionem, XX' 1 die 
mensis novembris, anno Domini M trecentesimo tertiodecimo. 

Arch. départ. Aube, 7 H. 33. Verdey, n° 7 (vidimus de 1314). — Inv. 
de Montier-la-Celle, II, fol. 69 (mention); fol. 639 v° (analyse). 



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APPENDICE 



LISTE DES TÉMOINS PRODUITS CONTRE GUICHARD, 

ÉVÊQUE DE TROYES. 

Les noms des témoins interrogés dans l'enquête dirigée par Noflfo Dei 
a Troyes, en décembre 1308, sont précédés d'un astérisque. 

Adam Muaute, bourgeois de Troyes, marguillier à la cathédrale. 

Adam de Pitoyte (Pitoiete). 

Adam Villaume, de Villenauxe-la-Grande. 

Agnès la Basine (la Baisine, la Bassine), de Provins. 

M e Alain de Lamballe, clerc du roi, trésorier de l'église de Châlons. 

M e André Porcheron, chanoine d'Arras, etc., membre du Parlement. 

Angelo Bartholomei, lombard de Sienne, demeurant à Troyes. 
*Audimar Bonne Cours, de la C l ° de « l'Épine » de Florence. 

Baldnchius (Bauduchius) de Provincia, de Provins. 

M e Barthélémy de Banavalle, scelleur de Tofficialité de Troyes. 

Berdin de Sancy, [de Provins], 

Bernard de Clairvaux. 

Bernardin l'Allemand, cuisinier de Tévêque. 
*M e Bertaud, clerc, médecin à Troyes. 

Bianco Baldoyni, de Florence, demeurant à Trainel. 

M e Boniface de Cer donna (de Cardona), médecin lombard à Provins. 

Burgete la Haute-épaule, de Provins. 

Golet, fils de Beaupigne, de Pitoyte. 

Colet, fils de feu Adam de Pitoyte. 

Colet Blesus y de Provins. 

Colin Quarrez, de Barbonne, demeurant à Pont-sur-Seine. 






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298 



APPENDICE 



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Col i net de Sainl-Oulph, clerc. 
'Constant de Laubresse). 

Droin de Sens, bourgeois de Troyes. 

F n Durand de Folesio (de Froleyo*, de Tordre des Mineurs, confes- 
seur de la reine de France. 

Emeline la Chandelière. 

Enguerrand de Marigny, chancelier de France. 

Érard li Bo graz, de Troyes. 

Erard de Monilein [Moulaini) chanoine de Saint-Étîenne de Troyes, 
et chanoine de Notre-Dame à la cathédrale. 

F re Etienne, prieur de Saint-Ayoul de Provins. 

Etienne de Aula, chanoine de Saint-Etienne de Troves. 
* - 

Etienne li Aumuciers, de Sens, demeurant à Provins. 

Etienne li Bœuz, de Villemer. 

Etienne de Chablis, bourgeois de Troyes. 

Etienne d'Essonav. 

Etienne li Fautriers, de Troves. 

M e Eude de Toriaco 'Saint- Benoît-sur-SeineK chanoine de Troves. 

* Eudine la Cellière, de Troves. 

Evcn Philî, de Sainl-Nicaisc au diocèse de Quimper, notaire. 
Evrard Houcepin, [de Provins]. 
Eelisei, fils de Perrote de Pouy, l'accoucheuse. 
Félix, clerc du registre de la cour de lofficial de Troyes. 
Félix Maréchal, de Troves. 
Félix Mignot, de Provins, clerc. 

F re Félix de Villemaur, moine de Monticr-la-Celle, prieur de Payns, 
familier de Guichard. 

* François Bigoly, compagnon de la société Cavassole. 

* Garnier Deschamps, de Saint-André. 
Garnier Flaymer, de Charmoy. 
Gautier Brolez, de Provins, tavernier. 
Gautier le Charpentier, de Provins. 
Gautier Marete (Marotc), de Bar-sur-Aube. 

Gautier de la Porte, de Bar-sur-Aube, ancien prévôt de Troyes. 
Gentile de Ficeclo (ou Phisseclo), lombard demeurant à Nevers. 
Giacopo Aringi, lombard de la C ie des Pulci, demeurant à Paris. 
Gilet le Borgne, de Fontenay, demeurant à Provins. 

* Gilles Legras, bourgeois de Troyes. 
Gilon le Chapelier, de Provins. 
Girard, tavernier. 



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APPENDICE 299 

F r< * Girard de Belle Eglise, moine de Montier-la-Celle. 

Girard de Monceaux, chanoine régulier de Saint-Loup de Troyes. 

Girard de Vauchassis, clerc, fils d'un prévôt de Provins. 

Guérin de Coulommiers, [de Troyes]. 

Guérin l'Huilier, de Provins. 

Gui de Dampierrc, ancien clerc et familier de Guichard, curé de 

Dampierre et doyen d'Arcis. 
F re Gui Piole. 

Guido Accursii, lombard de Sienne, demeurant à Troyes. 
Guillaume Achigarz (Eschigarz), de Provins. 
Guillaume de Bolay, chanoine de Saint-Quiriace de Provins, ancien 

chapelain de la reine de Navarre. 

* Guillaume de Coulommiers, dit le Diablat, « professeur de lois », 

chanoine de Saint-Etienne et de Saint-Urbain, recteur de l'église 

de Broussy-le-Grand, chapelain de Guichard, son familier et Pun 

de ses procureurs pendant le procès. 
Guillaume de Coulommiers, doyen de chrétienté de Sézanne, ancien 

curé de Baroville et chapelain de Guichard. 
Guillaume d'Herbisse. 

Guillaume de Morteri, chevalier, bailli de Sézanne et de Beaufort. 
Guillaume Pastourel, curé de Crespy, près Brienne, ancien maître 

d'hôtel et familier de Guichard. 
Guillaume Pèlerin, chanoine de la cathédrale. 
Guillaume de Piaisians, chevalier. 

F re Guillaume de Potantin, moine de Saint-Sauveur de Vertus. 
Guillaume de Provins. 

F™ Guillaume de Rozoy, prieur de Monceaux-en-Bric. 
Guillaume de Super Arlus, [de Troyes], 
F ro Henri, abbé de Montier-la-Celle (v. Orri). 
Henri de Contlans, de Provins. 

* Henri Forrez (Fouré), de Ruvigny. 

* Henri de Laubressel. 

Henri de la Noue, doyen de la cathédrale. 

* Henri le Tri vas, de Ruvigny. 
Henri de Vitry, bourgeois de Troyes. 
Herbelet Boete (Boote, Broce), de Provins. 

* Herbelet Forrez, de Ruvigny. 

M e Herbert des Vaudes, clerc, avocat en l'officialité de Troyes. 
Hermand de Vertus, curé de Bergères, officiai de la cour de l'archi- 
diacre de Vertus. 



300 

* Hermari^art. femme de feu Gillaul Lenlier ? . ciiâieiaiB de Troyes. 
M' llu^ue de ftello. chanoine de la cathédrale. 

Ilu^ue Flamenl. 'de Troye? . 
M« ffu^ne MorM'I. prêtre. 

F'* If ulric. abbé de Monlier-Ia-Celle v. Orrï . 

Jacque ou Jacquet te de Yinets. veuve de Grottroy F Apothicaire, boa- 
cher de Provins, concubine de Guichard. 

* Jacquemin. compagnon de la Société Cavassole. 
Jacque?. doyen de chrétienté de Yïllemaur. 

* Jacque* d'Ami Mis. chanoine de Saint-Etienne de Troyes. 

Jacques de Bâçon. chanoine de la cathédrale, archidiacre d'Arcis, 

près de Sézanne, familier de Guichard. 
Jacques li Bochiers. de Provins. 
F" Jacques Boileau. moine de >fontier-!a-Celle. 
Jacques de Goncssc, de Provins. 
Jacque» Golicrs 'GuoJiers . 
Jacque» li Piaz, de Provins, clerc. 
Jacque* Pilaiz. de Sourdeuii. 
F rr J acquêts de Provins, prieur de Ponl-sur-Seine, ancien prieur de 

Villemaur. 
Jacque» Quarrez, de Barbonne. 
Jacquet Papclart. 
Jacquinet de Montaulain. 
F re Jean, prieur de Rumilly. 
F 1 * Jean, prieur de Saint-Pierrc-aux-Prés. 
Jean l'Apothicaire, de Provins'. 
Jean li Aumucicrs, de Troves. 

* 

V n Jean de Barbonne, moine de Montier-la-Celle. 
'Jean Bataille, maire de Montier-la-Celle. 
Jean Bertaud, [de Provins]. 
Jean Boussard, de Tranquault. 
Jean le Bouteiller, [de Provins]. 
Jean Cayphe. 

Jean Chair de Ribaut, de Troyes, sergent des foires de Champagne. 
Jean Châtelain, chanoine de la cathédrale. 
M* Jean le Chirurgien. 
Jean Confirmanz (?), de Provins. 
Jean de la Côte. 

\f e Jean Cuit- Pain, chanoine de Saint-Étienne de Troyes. 
Jean de Dijon, demeurant à Troyes. 



APPENDICE 301 

* Jean Dorin (Dori), chanoine de Saint-Etienne de Troyes. 
M e Jean d'Esternay, curé de Barbonne. 

Jean Faucille, ancien chapelain de Guichard, trésorier du prieuré de 
Saint-Avoul. 

Jean Fauconin, curé de Boulages. 

Jean Ferron, de Méry-sur-Seine. 

Jean li Forneraz (Fourncraz), de Pont-sur- Yonne, demeurant à Pro- 
vins. 

Jean Gale (Galez), de Provins. 

Jean Garnier l'aîné, de Troyes. 

Jean Garnier le jeune, de Troyes. 

Jean Genrail (de Genrel), de l'abbaye de Montier-la-Celle. 
*M e Jean de Gié, de Bar-sur-Aube, chirurgien. 

Jean Gonthier, de Troyes. 

Jean de Gouav, archidiacre d'Arcis. 

Jean de Grancev. 

Jean de Hancy, près Cambrai, écuyer de Jean de Calais. 

Jean Herbelot. 

Jean Hocepin. 

Jean Jaquaire (Jaquerez), de Provins. 

M e Jean de Langres ou d'Andilly, dit Dandin, procureur de l'évêque 
en cour de Rome. 

Jean Larmurier, notaire à Troyes. 

Jean Lcmoine, de Sézanne. 

F re Jean de lTsle, prieur des frères Prêcheurs de Troyes. 

Jean de Macev. 

* Jean le Magicien(?), maire de Saint- Parre-lez-Troyes. 

Jean Margot, de Florence, demeurant près de Saint-Denis-en-France. 

Jean de Montaulain, de Villemaur. 

Jean de Moirey, drapier à Troyes. 

Jean du Moustier, de Troyes, pelletier. 

Jean d'Orléans, chanoine de Paris, greffier dans l'enquête de 1303. 

* Jean d'Orléans, chanoine de Notre-Dame à la cathédrale, ancien cha- 

pelain et familier de Guichard, notaire en l'officialité de Troyes. 
Jean de Paleiz, nonce de l'évêque de Chartres. 

* Jean Patriarche, clerc, notaire à Troyes. 
Jean Pcnthecoste. 

Jean Picard, tavernier, demeurant à Provins. 

Jean Picard, tisserand. 

Jean des Puits, près Mont-Omer. 



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302 APPENDICE 

Jean Quarrez, de Barbonne, conseiller de l'abbaye de Nesle. 

Jean Hasi\ bourgeois de Troyes. 

Jean Raymond l'aîné, [de Provins]. 

Jean Raymond le jeune, de Provins. 

Jean de Romilly. 

Jean de Sainte-Syre, curé de Saint-Denis de Troyes. 

F rp Jean de Sameron, moine de Nesle-la-Reposte. 

Jean de Sanclo-Maneto, [de Troyes], 

Jean Spado ou des Saintes- Vertus. 

Jean Strabo, de Saint-Loup de Bufigny, clerc. 

M Jean de la Tannerie, chanoine de Saint-Quiriace de Provins, doyen 

de chrétienté de Nogent-sur-Seinc, ancien médecin de la reine de 

Navarre. 
Jean de Trainel, curé de la Chapelle-Godefroi, familier de Guichard. 
Jean du Tremblay, près le Paraclet, clerc. 
*M e Jean Trivalle (de Trivalle), sous-chantre de Saint-Etienne de 

Troves. 
Jean de Vauchassis. 
Jean de Viaspres, écuyer. 
Jean de Villebain. 

* Jean Villede, maire de Hcrs (Errey ?). 
Jeanne, veuve de Huguc de Romilly, chevalier. 
Jeanne l'Enflée. 

* Jeanne la Moissière (?), de Troyes. 
Jeanne la Poissonnière, [de Provins]. 

* Jeannot Charpentier, de Laubressel. 
*Jeannot, filsd'IIcrbclot, tavernier de Laubressel. 

* Jeannot Langlaut (?), de Ruvigny. 

Joye de Yillemaur, veuve de Thibaut de Paisy, écuyer. 
Jourdain le Forgeron. 

* Laurent le Pécheur, de Ruvigny. 

* Laurent Roussel, notaire à Troves. 

* Lorin de la Chambre, chambellan de Guichard, clerc. 
Louis Clément, de Provins, boucher. 

Manessier, curé de Corfélix, prèsSézanne, ancien chapelain et familier 

de Guichard. 
Marguerite, femme de Durand Lombart ou Lembart, de Provins. 
Marguerite la Bolée. 
Margueronne de Bellevilletle, dite La Matrausse, femme de corps de 

Sainte-Colombe de Sens, sorcière. 



APPENDICE 303 

Marie l'Apothicaire, veuve de Thomas l'Apothicaire, de Provins, 

nièce de Jacquette de Vinets. 
Marie la Bocenaye(Boucenaye), [de Provins]. 
Marie Loriandc, de Provins, maîtresse de Gui de Dampierre. 
Meingot (Mingot) Marasse ou Meresse, maire de Provins. 
Michel de Bercenay, bourgeois de Troyes. 
Michel de Saint-Oulph, curé de Saint-Ferréol de Saucete [La Saul- 

sotte]. 
M il on de Leschères, de Provins. 

Milon de Provins, sergent des foires de Champagne et de Brie. 
Milon de Vaudov, de Provins. 

Niccolo de San Miniato, écuyer lucquois demeurant à Reims. 
Nicolas, chapelain de la chapelle de Châteaufort. 

* Nicolas, prêtre, concierge et chapelain de l'hôtel du roi à Payns. 
Nicolas de Bois-Mathieu, chanoine de la cathédrale. 

Nicolas de Châteaufort, de Provins. 
Nicolas Clairin. 

Nicolas Faucillon, de Sainte-Svre. 
Nicolas des Fours, de Provins. 
Nicolas de Verdun, bourgeois de Troyes. 
Nicolas de Vernayo. 
Odéonne la Querrée, [de Provinsj. 
Odet de Sourdeuil (Sourdun), demeurant à Provins. 
Odin de Sancy, de Provins, drapier. 
F re Orri [Henri, Hulric), abbé de Montier-la-Celle. 
Paquerez (Pasquicrs), de Troyes, barbier. 
Perceval, chanoine de la cathédrale. 
Perrin, fils de feu Lecoq. 

Perrinet Ferron, fils de Jean Ferron, de Méry-sur-Seine. 
*Perrinaut, jurât de Laubressel. 

* Perrinaut de Ruvigny. 

Perrot, gendre de Paquerez, de Troyes. 

* Perrot Blanchart, de Ruvigny. 

* Perrot de la Chambre, de Fontenay-en-Bric, ancien chambellan de 

Gufchard. 

Perrot Munier, pelletier, de Provins. 

Perrote de Pouy, dite La Baille, veuve d'Arnoul le Charbonnier. 

F re Philippe, prieur de Rumilly-les-Vaudes, ancien moine de Montier- 
la-Celle. 

F re Pierre, abbé de Nesle-la-Rcposte. 



304 APPENDICE 

F re Pierre, prieur de Nesle-la-Reposte, ancien moine de Saint- Ayoul. 

F rc Pierre, prieur de Romilly, ancien moine de Montier-la-Celle. 

F re Pierre, moine de Saint-Léger près Laubressel. 

Pierre, curé de Vanlanz (Vanlay?). 

Pierre le Barbier. 

M* Pierre Barrière, de Périgueux, clerc. 

Pierre Belocier, chanoine de Notre-Dame à la cathédrale. 

Pierre de la Celle, archidiacre de Troves. 

Pierre le Cordelier, bourgeois de Troyes. 

Pierre (Perrin) Cornalle, de Montier-la-Gelle. 

Pierre de Dampierrc, bourgeois de Troyes. 

Pierre l'Enfant, de Monceaux-en-Brie, chevalier. 

Pierre de la Fontaine. 

Pierre Gastellier. 

Pierre Gaulez, de Villemaur. 

Pierre de Grancey, clerc, ancien servant de Termite de Saint-Flavit. 

Pierre Hamonis, [de Provins], 

* Pierre d'Herbisse, épicier à Troyes. 
Pierre Hocepin, de Provins. 
Pierre de Laon. 

* Pierre de Marqueil, chanoine de Saint-Etienne de Iroyes. 
Pierre de Mauroy, de Troyes, pelletier. 

Pierre de Molay, archidiacre de Sainte-Marguerite, familier de Gui- 

chard. 
Pierre de la Noue, bourgeois de Troyes. 
Pierre d'Orléans, bourgeois de Troyes, ancien lieutenant de Henri de 

Bar, garde du scel de la prévôté de Troyes. 
Pierre Poiole (Poniole, Poinole, etc.), sergent de la baillie de Melun. 
Pierre li Polailliers, de Provins. 
Pierre Rosier. 

Pierre de Rosov, de Provins. 
Pierre de Saint-Nizier, ancien notaire et familier de Guichard, curé 

de Vilie-sur-Terre. 
F 1 *" Pierre de Saint-Phal, prieur de Nesle au diocèse de Meaux, 

ancien moine de Saint-Avoul. 
Pierre le Tanneur, de Provins. 
Pierre la Vielle, de Provins. 

* M e Pierre de Villy, chanoine de Saint-Etienne de Troyes, ancien clerc 

des comptes de la reine. 
F ro Raoul, prévôt do Montier-la-Gelle. 



APPENDICE 305 

Raoul Fagus, chanoine de la cathédrale. 

Raoul Gendre, de Villemaur, clerc. 

Raoul de Suppe, professeur de lois, chanoine de la cathédrale. 

Raoulet le Barbier, de Troyes. 

Regnaud de la Fontaine, de Provins. 

Regnaud de Langres, prêtre, ermite de Saint-Plavit. 

Regnaud de Saint-Lyé, barbier de Guichard. 

Renier Jehan, chanoine de Saint-Quiriace de Provins. 

Richard Potier, de Troyes, clerc, procureur en Tofficialité de Troyes. 

Richard Leneveu, évêque de Béziers. 

Rico Jacobi, de Florence, frère de Ranieri Jacobi. 

F re Robert, prieur de Saint-Sépulcre. 

Robert le Barbier. 

Robert de Gaveis, chanoine de Saint-Loup de Troyes, prieur de 

Saint- Winebaud . 
F" 5 Robert de Sens, moine de Montier-la-Celle. 
Robin, portier de l'évêque. 

* Robin Didier, bourgeois de Troyes, ancien sergent. 

Simon l'Anglais, valet de la Tour de la reine de Navarre à Sézanne. 

Simon Barrauz, [de Provins]. 

Simon Festu, archidiacre de Vendôme, puis évêque de Meaux. 

Simon li Orianz, de Provins, frère de Marie Loriande. 

Thibaut, curé de Buxey ou Buxis. 

Thomas de Maraye-en-Othe, chanoine de Villemaur. 

Vallet, dit Challe, de Laubressel. 

* Valloz, dit Gogué, de Laubressel. 

*Ysabeau de Saint-Phal, abbesse de Notre-Dame-aux-Noiinains, de 
Troyes. 
Ysabelle la Bolée. 
Ysabelle la Chapelière, [de Provins]. 



A «. et doc. de l'Êc. des Chartes. *" 



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TABLE 



ÏSTBODUCTJON 

Les procès de sorcellerie à la fin du un" et au commencero 
siècle, p. r. — Sources cl bibliographie du procès de Guich 

PREMIÈRE PARTIE. LA CARRIÈRE DE GUICH ARD 

Chapitre I . Ava^t i.'bpiscopat 

I. Origine de Guichartl, p. 1-2. — Sa famille, p. I ; — L 

sa naissance, p. 2; — Guichard clerc, puis moine A 
Celle, p. 2. 

II. Guichard, prieur de Saint-Ayoul de Provins, p. 3-6. — '. 

de Guichard (dès 1273), p. 3 ; — Situation privilégiée ■ 
p. 3-4; — Administration conventuelle de Guichard, 
Son attitude pendant la révolte de 1280, p. 5-6; — S» 
avec la cour de Champagne, p. 6. 

III. Guichard, abbà de Montier-la-Cclle, p. 6-12. — Imr. 

l'abbaye, p. 6-7; — Élection de Guichard (1283-84), p. 7 
tion de la Champagne, p. 8; — Administration de 
constructions, acquisitions, privilèges, p. 9-10 ; — Rôle 
de l'abbé en Champagne : Guichard conseiller et favori 
douairière de Navarre, p. 10-11 ; — Ses relations avec 
France et son entrée a la Cour du Roi, p. tl-12. 

ChàI'ITIU! II, GlICHAHD, ÉYÊQCE DE TrOYES 

I. Sa nomination et sa situation en Champagne, p. 12-17. — I 

de Guichard par l'influence des deux reines (août 1298 
p. 12-15; — Situation considérable de l'évèque en C 
p. 15-17. 

II. Guichartl dans ton diocèse : dimftê» avec le cfargfi, p. 17-19 

de l'évèque à Troyes ; violation du privilège de l'abbaye 
Dame-aui-Nonnains (1299), p.17-18; — Difficultés a' 
pitre de la cathédrale : Gite pris de force à Barbonne cl 
(1300), p. 18 ; — Destruction par l'évêque du presbytère 
p. 18 ; — Usurpations a Saint-Mesmin, p. 18-19; — Abu: 
violences de Guichard dans son église, p. 19. 



308 TABLE 

III. Guichard à la Cour du Roi, p. 20-21 . — Rôle administratif de l'évêque; 
Guichardà Senlis dans l'affaire de Bernard Saisset, p. 20-21. 

Chapitre III. Affaire de Jean de Calais 21-44 

Malversations de Jean de Calais, trésorier de Champagne : son évasion 
de la prison épiscopale et sa fuite en Italie (1300), p. 21-22 ; — Accu- 
sation de complicité portée contre Guichard par Simon Festu, archi- 
diacre de Vendôme, et Noflb Dei de Florence, p. 22-24; — Disgrâce 
de Guichard : il est expulsé du conseil du Roi, p. 24-25. 

Enquête contre l'évêque à la cour archiépiscopale de Sens (1301), p. 25; 

— Mort subite de la reine douairière de Navarre (2 mai 1302), p. 25-26; 

— Aggravation successive de l'accusation : Guichard chargé de deux 
meurtres et de l'empoisonnement de la reine Blanche, p. 26-27 ; — 
Procès contre Cassiano Pétri, « épicier » lombard, accusé d'avoir fabri- 
qué le poison, p. 27-28 ; — Saisie des biens de l'évêque, p. 28-29. 

Efforts de Guichard pour rentrer en grâce, p. 29; — Intervention de 
l'évoque de Meaux et du cardinal Lemoine à la cour, p. 30 ; — Tenta- 
tive de récusation des témoins delà reine, p. 30-31 ; — Continuation du 
procès à Paris devant des auditeurs délégués par le roi, p. 31-32; — 
Échec de l'intrigue de l'évêque (1303), p. 32-33. 

Attitude de Guichard dans la querelle du roi et du pape ; arrestation à 
Troyes de l'archidiacre de Coutances, agent de Boniface VIII (1303), 
p. 34-35. 

Démarches de la reine et de Guichard en Italie (1302-1304), p. 36; — 
Citation de l'évêque à la cour romaine par Benoît XI (18 mai 1304), 
p. 36-37 ; — Mort de Jean de Calais (20 mai) et envoi de deux lettres 
au roi et à la reine de France pour disculper l'évêque, p. 37-39 ; — 
Apaisement des poursuites : compromis pécuniaire entre Guichard et 
la reine (été de 1304), p. 40. 

Rôle de Noffo Dei et de Jean de Calais dans cette affaire : leur compli- 
cité avec l'archidiacre de Vendôme ; intrigue nouée contre Guichard, 
p. 40-42; — Caractère de Jeanne de Navarre, p. 43-44. 

Chapitre IV. La trêve : Guichard dans son diocèse 45-53 

Règlement de tous les démêlés : avec le chapitre de Saint-Pierre (oct. 
1302), p. 45 ; — avec Notre-Dame-aux-Nonnains (mars 1303), p. 45 ; 

— avec le chapitre de Saint-Etienne de Troyes (mai 1304), p. 46 ; — 
avec le chapitre de Saint-Pierre (règlement général, août 1304), 
p. 46-47. 

Libéralités de Guichard envers son chapitre (1304), p. 47 ; — envers 
l'abbaye de Montier-la-Cclle et le prieuré de Saint-Flavit de Villemaur 
(1301), p. 47-48. 

Mort de la reine de France (2 avril 1305), p. 48; — Nouvelle tentative de 
réhabilitation faite par l'évêque : rétractation de Noffo Dei à Troyes 
(1306), p. 48-49 ; — Appréhensions de l'évêque, p. 49; — Portrait de 
Guichard, p. 50-52 ; — Dispense de comparaître accordée par Clé- 
ment V (1307), p. 52 ; — Arrestation de l'évêque (août 1308), p. 52-53. 



DEUXIÈME PARTIE. LE PROCÈS 55-220 

Chapitre I. I.a dénonciation et le mandement d'enquête.... 55-60 
Dénonciation do l'ermite de Saint- Fia vît, relative à l'envoûtement de la 
reine de France et à la tentative d'empoisonnement sur Charles de Valois 
et Louis le Hutin (février 1308), p. 55 ; — Enquête préliminaire du 
bailli de Sens et rapport au roi, p. 50. 
Affaire des Templiers : Clément V et le roi à Poitiers, p. 56-5" ; — 
Requête du roi au pape, p. 57; — Mandat d'arrêt lancé par Clément Vet 
commission d'enquête donnée à l'archevêque de Sens, aux. évoques 
d'Orléans et d'Auxerre (9 août), p. 57-59 ; — Emprisonnement de Gui- 
chard au Louvre et mise sous séquestre de ses biens, p. 60. 

[.'INSTRUCTION sécilièhe 60-65 



Propositions eu vingt-huit articles fournies aux commissaires ecclé- 
siastiques par Guillaume de Hangest, bailli de Sens, promoteur de 
l'accusation, p. 60-61 ; — Eiposé des motifs de haine de l'évêque contre 
la reine, p. 61 ; — Comment l'évêque invoqua le Démon, puis, sur son 
conseil, emoûta la reine, p. 61-62 ; — Comment il tenta d'empoisonner 
Charles, comte d'Anjou, frère du roi, Louis, le jeune roi de Navarre, 
L-l lit mourir un chevalier, p. 62-63; — Comment ses crimes furent 
dénoncés, p. 6:1-64. — Caractère de ces propositions, p. 64 ; — Réserve 
de nouveaux articles, p. 65. 

Chapitre III. Ouverture de lesqibte 65-71 

Réunion publique à Paris dans le jardin du roi (6 octobre 1308), p. 65 ; — 
Ouverture de l'enquête ecclésiastique (7 octobre), p. 66 ; — Commu- 
nication à l'évêque des premiers articles (griefs d'envoûtement et 
d'empoisonnement], p. 66-69 ; — Réponses de l'évêque, p. 69; — Intro- 
duction des premiers témoins, p. 70; — Protestations de l'évêque, 
p. 71. 
Chapitre IV. Les Dépositions {griefs d'envoûtement et d'empoison- 
nement) 72-114 

Premières relations de la sorcière de Bellevillette avec l'évêque de 
Troyes, p. 72-74; — Comment l'évêque invoqua le diable, p. 74-75; 
Choix de l'ermitage de Saint-Flavit, p. 75-76 ; — Envoûtement et mort 
de la reine de France, p. 76-81 ; — Nouvelles pratiques de l'évêque a 
l'ermitage et composition d'un venin, p. 81-82 ; — Tentative d'empoi- 
sonnement sur Charles, comte d'Anjou, p. 83 ; — Empoisonnement 
d'un chevalier, Jean Boursaud, par l'évêque, p. 84-86 ; — Défiances et 
craintes de l'ermite, p. 86-87 ; — Tentative d'empoisonnement sur 
Louis, roi de Navarre, p. 87-89; — Fuile de l'ermite, p. 89. 
Concordance des témoignages, p. 89-91 ; — Dépositions du valet de 
chambre de l'évêque et sa mise a la question, p. 91-94. 

Chapitre V. Poursuite de l'instruction séculière 94-104 

Préparation des nouveaux articles; leur communication à Nogaret, 



310 TABLE 

p. 94-95 ; — Nouveaux crimes reprochés à Tévêque : empoisonnement 
de la reine Blanche, meurtre du curé de Laubressel, usurpations, sodo- 
mie, faux, parjures, vols, p. 95-98; — Ses complices, p. 98-99. 

Enquête secrète de Noffo Dei à Troyes sur ces nouveaux griefs et 
d'autres de même nature (1 er décembre 1308), p. 99-101. 

Reprise des anciennes charges dressées au cours de l'affaire de Jean de 
Calais, p. 101-104. 

Chapitre VI. Reprise de l'enquête ecclésiastique 104-109 

Choix de trois procureurs par F évoque (27 décembre 1308), p. 104-105 ; 
— Reprise de la procédure (13 février 1309), p. 105-106. 

Raisons de droit proposées par le procureur de révoque : Demande 
d'annullation du procès pour irrégularité : 1° dans la diffamatio f 
p. 106 ; — 2° dans la lifis contestât io, p. 107 ; — 3° dans la production des 
témoins, p. 107; — Protestation contre la production de nouveaux 
articles, p. 107-108. 

Chapitre VII. Les nouveaux articles 109-125 

Production de vingt-six nouveaux articles, p. 109-115; — Accusations 
primitives abandonnées, accusations ajoutées, p. 115-117 ; — Ten- 
dance des accusations : l'évêquc, fils d'un ne ton ou d'un incube, est 
regardé comme un démoniaque, p. 116-119; — Réponses et protesta- 
tions de révêque, p. 119-120. 

Production des dix derniers articles, p. 120-121 ; — Réponses de Tévêque, 
p. 122. 

Interrogatoires des témoins à Paris, à Troyes et à Provins (21 février- 
2 mai 1309), p. 122-124; — Refus des commissaires ecclésiastiques de 
donner à l'évèque copie du procès-verbal, p. 124-125. 

Chapitre VIII. Les dépositions 125-212. 

Deuxième série : 

I. Que l'évcque a été engendré par un neton, p. 125. 
II. Qu'il empoisonna Buretel, prieur de Saint-Ayoul, p. 127. 

III. Des démons qui, sous forme de cendres, sortirent de son capu- 

chon et de ses cheveux, p. 128. 

IV. D'une reconnaissance de deux cents livres déchirée par lui, 

p. 129. 
V. De l'adultère de Jacquette des Vincts, sa concubine, p. 130. 
VI. De deux homicides commis par Gui de Dampierre et par 

Billecart, neveu de l'évèque, p. 133. 
VII. De la sédition, qui eut lieu à Provins, p. 134. 
VIII. Des biens qui furent déposés au prieuré par les gens de 
Provins et qui furent volés par le prieur, p. 134» 
IX. D'un autre homicide commis par Gui de Dampierre, p. 135. 
X. De la mort d'un courtier nommé Petingre, p. 136. 
XI. De la simonie qu'il commettait en faisant des moines quand il 
était abbé, p. 136. 



TABLE 

XII. D'un pécheur qu'il fit pendre sans jugement et sans 
p. 137. 

XIII. De deux hommes de Ruvigny que, pour une cause 
l'abbé fit mourir en prison, p. (37. 

XIV. Du prêtre de Laubressel, qui fut tué par le neveu de l'ai 
son ordre et avec son assentiment, p. 139. 

XV. Des biens et droits du comte de Champagne usurpés par 

p. Ht, 
XVI, Des usures qu'il Cïercail depuis qu'il avait été prieur, 
XVII. Des témoins qu'il a corrompus et des pièces qu'il a I 

(diverses tentatives de réhabilitation del'évêque dans 

de Jean de Calais), p. 146. 
XVIII. Comment, étant évèque, il chargeait menteusement d 

du crime d'hérésie ou de sorcellerie, et les emprisonn 

qu'a ce qu'ils se fussent rachetés, p. 174. 
XIX. De l'argent qu'il fabriquait par alchimie, étant évéque, 
XX. De Gui de Dampierre, p. 178. 

XXI. De la simonie qu'il commettait eu donnant la tonsure, p. 
XXII. De la mort de Madame la reine de Navarre, mère « 

Madame la reine do France, p. 180. 

XXIII. Comment il fut chassé du conseil du roi, p. 18». 

XXIV. De la mort de Jean de Bcaune, p. 189. 
r lui depuis longtemps a propo 

e de France, p. 192. 

homme vicieux, p. 196. 

uit de la mort de la reine de Navarre 
II. Que tr démon » dit « qu'on parlerait de lui plus que 
autre », p. 197. 

III. Qu'il h ordonné prêtre un bigame, p. 201, 

IV. Qu'il lil mourir en prison un clerc qui n'avait pu lui paj 

sous, p. 202. 
V. Qu'il eut de l'argent pour confirmer et pour consacrei 
de N.slc, p. 203. 
VI. Qu'il a porte les mains sur des personnes ecclésiastiques. 
VII. Qu'il fit faire un faux instrument sous le seing de Jeai 
p. 207. 
VIII. Qu'il lit faire un faux instrument sous le seing d'Accurse, 
XI. Des deux faux instruments adressés an roi et a la reine, 
X. Que l'évêque est diffamé sur tous les faits ci-dessus, p. 
Importance des dépositions, p. 209-2(0;— Situation sociale des li 
p. 210-211 : — Caractère et valeur des témoignages, p. 211-212. 
Chapjthe IX. Fin de l'enquête et dénouement du phocès. .. 2 
Difficulté de la défense, p. 213; — Derniers délais donnés à l'< 
p. 213'214; — Dernière comparution de Guichard et clôture < 
quête (10 décembre 1309], p. 214-215. 



XXV. 


Du 


bruit qui 






mort de In 


reine 


XXVI. 


Qu. 


fi l'évêque 


fui un 










I- 


Q U( 


; l'évêque 


seréj. 



• * -, . . •{ 



312 TABLE 

Situation de l'évêque pendant le procès : sa détention au Louvre, p. 215; 

— Il garde l'exercice de son office spirituel, p. 215-216. 
Suspension de la procédure, p. 216 ; — Réclamation du pape et réponse 

dilatoire des commissaires ecclésiastiques (1310), p. 216-217 ; — Remise 
de l'affaire à la détermination du concile de Vienne, p. 217 ; — Nouvelle 
réclamation du pape pour presser l'achèvement de l'enquête (février 
1311), p. 217; — Rédaction des pièces du procès (mars 1311) et envoi 
de la procédure au pape, p. 218; — Remise de l'évêque à l'archevêque 
de Sens, p. 218; — Concile de Vienne, p. 218-219; — Supplice et con- 
fession de Noffo Dei (1313), p. 219 ; — Délivrance de. Guichard, p. 219- 
220. 

TROISIÈME PARTIE. DERNIÈRES ANNÉES DE L'ÉVÊQUE . . . 221-226 

Séjour de Guichard à Avignon, p. 221-222 ; — Refus de l'évêque de résigner 
son évêché, p. 222; — Translation de Guichard à l'évêché de Diakovar 
en Bosnie, à la demande d'Enguerrand de Marigny (1314), p. 222-223; 

— Situation désolée de l'église de Bosnie, p. 224-225 ; — Guichard n'ac- 
cepte pas sa nomination, p. 225; — Sa mort (1317) et son inhumation 
à Troyes, p. 225-226. 

CONCLUSION 227-256 

I. Le procès de Guichard et Vopinion 227-237 

Retentissement du procès dans les chroniques : Jean de Saint- Vic- 
tor, p. 227 ; — Le bourgeois de Paris, p. 228-229; — Le clerc de 
Troyes (version de Renard Contrefait), p. 229-235 ; — Tradition 
sur Guichard dans l'église de Troyes : histoire manuscrite de 
Montier-la-Celle, des Guerrois, p. 235. 
Opinion de Boissy d'Anglas et de Boutiot sur la cause du procès, 
p. 235-236 ; — Véritable motif du procès, p. 236-237. 

II. Le procès de Guichard de Troyes et les grands procès du règne 

de Philippe le Bel 237-256 

Coïncidence du procès de Guichard avec les procès des Templiers 
et de Boniface VIII ; — Intervention simultanée de Nogaret, 
p. 237. 

Les accusations : Unité d'esprit et de méthode dans les accusa- 
sations, p. 238-239; — Le grief d'hérésie, p. 238-239 ; — For- 
mule propre de l'hérésie de Guichard : un démoniaque, p. 240 ; 
— Conception progressive de cette accusation, p. 240-243; — 
Griefs accessoires : homicide, sodomie, simonie, usure, etc., 
p. 243-245. 

L 'intervention séculière : Principe de cette intervention :1e roi, fils 
aîné de l'Eglise, est le défenseur de la foi, p. 245-247 ; — Diffi- 
cultés pratiques, p. 247 ; — Avantages de la procédure inquisito- 
riale, p. 248-249 ; — Action abusive, détournée ou violente, du 



pouvoir royal dans les procès de Saisset, p. 250, de 
p. 252, de Guichard, p. 253; — Appels a l'opinio 
Illégalités dans le procès de Guichard, p. 255 ; — . 
poursuites, p. 256. 

Pièces justificatives 

I-IV. Actes relatifs à la collation de la chapellenie de Bourç 

doin (1285-86| 

V. Comptes de régale de l'évèché de Troyes (1298-99) 

VI. Amendement de Guichard envers la collégiale de P 

Etienne de Troyes (1304) 

VII. Amendement de Guichard envers son chapitre (1304) 

Vlil. Donation à Guichard des cens et rentes de Pouilly (13C 

IX. Donation par Guichard au chapitre de la cathédrale 

cens et rentes de Pouilly (1304) 

X. Donation par Guichard à l'abbaye de Montîer-la-Cel 
au prieuré de Saint-Flavit de Villemaur d'une rei 

Surançon (1301) 

XI. Bulle de Clément V remettant la comparution de Guk 

en cour de Borne (1301) 

XII. MaDdcmentd'enqui'tedeCléiiieiitV contre Guichard (1 

XIII. Articles contre l'évèque de Troyes proposés par le I 

de Sens aux commissaires apostoliques 

XIV. Premiers articles contre l'évèque de Troves (8 oc 

1308) 

XV. Baisons de droit proposées par le procureur de l'év 

(13 février 1309) 

XVI. Nouveaux articles contre l'évèque de Troyes (13 fé 

1309) 

XVII. Derniers articles contre l'évèque de Troyes (18 fé 

1309) 

XVIII. Comptes de mainmise sur l'évèché de Troyes (1308-li 

XIX. Collation par Guichard de la cure de Pel-et-Der (1310 

XX. Lettre de Jean de Gray au pape Clément V (1311).... 

XXI. Mandcmenlde Clément V àl'archevèque de Sens (131 

XXII. Lettre de Guichard au sujet d'une rente à prendre su 

terre de Verdey (1313) 

Appendice. Liste des témoins produits contre Guichard, évéqu 
Troyes 



PLANCHES ET GRAVURES 



lard à Cassiano, « épicier •• florentin (1302?) 38 

de Calais à Philippe IV, roi de France (1304) 38 

iard, evèque de Troyes 50 

j même 83 

1 Festu, évêque de Meaux 102 

î même 104 

lie d'Artois, reine de Navarre 181 

•. la même 188 

e de Navarre, reine de France 192 

i la même 195 



AUDITIONS ET C( 



; 0, note 4, lire : Archives de l'A 
34, note 3, lire : II, 23, Giacopo i 
27, ligne 18, au lieu de : n'enpuif 
estre vengez. 

38, ligne 20, au lieu de : qar, lire 

39, ligne 23, au lien de : <iar, tire 
47, ligne 14, au lieu rie : marguill 

ISO, ligne 13, au lieu de .'amenez, 
1S3, ligne 17, au lieu de : Tairait, li 

165, note 1, ligne 7, au lieu de : po 

166, note, ligne 1, au lieu de : pcnî 
190, note 2, au lieu de : Amilly, t\ 
218, note 2, ligne 21, au lieu de :r, 



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